Légendes
La légende de Moura, déesse de la mer et de la force
Les quelques bulles qui s’échappaient d’entre les lèvres du poisson turquoise aux rayures rosées flottaient dans l’eau profonde. Elles semblaient rire du chant produit par les plantes ravissantes. Le poisson, imperturbable, continuait à nager parmi les algues rouges, bleues, jaunes. Parmi les coraux aux reflets arc-en-ciel. Arc-en-ciel qu’aucune créature de la mer n’avait vu jusqu’alors. Femelle de naissance, le poisson alla pondre ses œufs qui un jour recevraient la semence qui leur permettrait de vivre, si les œufs ne se faisaient pas manger avant ce jour.
Quelque temps après, à l’éclosion des œufs, il n’en restait déjà que quatre. Trois femelles, un mâle. N’ayant pas à proprement parlé l’apparence de bébés poissons. Ils avaient plutôt un air d’humains en miniature. De la taille des têtards en fait, aux longues jambes et à la peau bleuté. Parfois, dans un rayon de soleil perçant discrètement l’eau, leurs yeux brillaient d’argent ou d’or et leurs cheveux paraissaient fins, et tellement rayonnants.
Plus tard, de ces enfants de poisson naîtraient les elfes maritimes, les elfes bleus. Puis un jour…
(Moura.)
(Ou suis-je ?)
(Moura, il est temps de t’éveiller.)
(Pourquoi ? Ou suis-je ? Que dois-je faire ?)
(Tuer, Défendre, Réduire…)
(Pourquoi ?)
(Moura. Tu dois…)Les elfes bleus minuscules partirent à la recherche de celle dont ils entendaient la voix. C’était l’instinct qui les menaient, à présent qu’ils formaient une véritable colonie de minuscules elfes. Et bientôt, ils trouvèrent le poisson recherché. Tranquille, il avançait, formant ses bulles dans un calme presque comateux.
(Moura !)Le poisson ne cilla pas. Ne se retourna pas. Mais les elfes maritimes s’approchèrent, l’entourèrent, firent résonner son nom à travers les parois de son esprit endormis.
(Moura ! Moura ! Moura !)
(Tuer, Défendre, Aider, Réduire…)Ainsi furent les premières « paroles » conscientes de Moura. Ses yeux aux reflets argentés se portèrent sur les elfes maritimes. Ses enfants.
(Es-tu réveillée, Moura ?)
(Je suis réveillée.)
(Moura ! Moura ! Moura !)
(Alors, Vis, Et fais vivre, et défends, et tue…)
(MOURA !)Et le cri dura, dura, dura peut-être une éternité dans le noir. Quand les yeux de Moura se rouvrirent, ses bras étaient écartés.
(Des bras ? !)Couchés sur un corps mi-femme mi-poisson, des elfes maritimes de taille normale dormaient. Heureux.
(Des bras, un corps !)Tout au long de son énumération, Moura avait plié un bras pour tâter son nouveau corps.
(Une... Berk !)Retirant vivement sa main de sa poitrine, elle pencha la tête pour regarder ces sortes de grosses bulles collées à son corps. Sa bouche s’ouvrit ronde, comme lorsque sa forme était celle d’un poisson… Et elle reprit sa découverte.
(Un cou ! Un menton ? Une bouche, un nez, des yeux ?)Plus loin, ce n’étaient pas des cheveux qui se tenaient sur sa tête. Au fond, ça l’arrangeait, car des poils grattants et venant cacher la vue. Ce n’était pas pratique.
Puis elle regarda ses enfants. Magnifiques, et si complets déjà avant qu’elle ne le soit.
(Mes enfants !)Et elle les serra dans ses bras, comme une mère devait le faire.
(Moura !)
(Je suis dans la mer !)
(Moura, tu es éveillée.)
(Il est l’heure. Je suis dans la mer. Je dois tuer, défendre, aider, réduire.)
(Tuer, défendre, aider, réduire…)
(Il est l’heure !)
(Moura ! Tu dois…)
(Je dois !)Et elle glissa, elle s’éleva, ayant pour but les terres, le ciel, le soleil. Une main tendue au-dessus d’elle, c’est ainsi qu’elle franchit la limite entre l’eau et le ciel.
(Mère Moura ! La mer souffre, ne pouvant repousser l’agression !)
(Je dois !)Et elle glissa, elle s’éleva, ayant pour but de tuer, de défendre, d’aider, de réduire…
Le bateau qui avait glissé sur les flots sans son accord fut coupé en deux par la sauvagerie des flots qu’elle déchaîna. Et alors qu’elle regardait, assise sur une vague, ses enfants des eaux tuer les marins hurlant de peur près des côtes d’Imiftil… On la vit…
Pour la première fois, la déesse de la mer et de la force fut regardée en face et reconnue de tous. Inspirant autant la peur que l’admiration. Mais Moura au fil de son apprentissage, appris à ne pas tuer n’importe qui, n’importe comment. Lorsque les marins et les bateaux passèrent sans l’agresser ou agresser son monde aquatique, alors elle les regarde passer sans rien faire. Si un navire est là pour détruire son monde et tuer ses enfants alors elle devient la plus terrible tempête en mer, et là, rien ou presque rien ne restera de son agresseur. Elle défend aussi les marins dont elle reçoit sans cesse de ferventes prières et qui la respectent réellement, même décidé à les aider au besoin.
Mais seule reine des eaux, elle peux agir aussi bien sur les mers, qui les rivières, ruisseaux, ou lac…
Ne la mettez pas en colère ou la vie vous perdrez…
Avant le désert de l'Est...
Ceci est la version de la légende de la naissance du désert bleu tel que les sages de la famille Kel Attamara la raconte."Le Désert Bleu... Territoire ancestral de notre grande famille, les Kel Attamara... De biens sombres histoires se déroulèrent en ces terres, il y a de cela bien des siècles... La rumeur des ancêtres veut que ces lieux fussent autrefois une terre dont la beauté n'avait d'égale que sa fertilité... Vierge de toute trace de civilisation, véritable paradis terrestre où la faune et la flore étaient éclatantes en diversité et en abondance... Tout ceci n'aurait eu nul lieu à changer si les dieux, dont la cupidité n'eût d'égal que la bêtise, s'étaient abstenus de remettre en cause l'équilibre des éléments... On dit que ce fut Moura qui, ayant, contre tout les principes divins établis, amené une grande colonie de créature dont elle fut la génitrice : les elfes bleus. Elle intervint dans leur société comme jamais il ne le fût permis par le panthéon ; elle usa de ses pouvoirs divins pour leur donner myriades de privilèges... Faveurs des marais et des crus, gibier aquatique à profusion, fontaines d'eaux magiques aux milles vertus... Peu de temps fallut donc à ses êtres privilégiés pour créer une cité grandiose à l'architecture unique et où les eaux de Moura étaient omniprésentes... A l'embouchure du delta d'un antique fleuve maintenant tari, les rues étaient autant de canaux où elfes, hippocampes et poissons d'eaux douces vivaient en parfaite harmonie dans un milieu aussi bien terrestre qu’aquatique et dont les eaux étaient toujours magnifiquement pures et cristallines, les bateaux pouvaient circuler d'un côté à l'autre de la ville dans une parfaite aisance et surtout, il n'y avait en son sein nul citoyen qui ne jurait d'une loyauté et allégeance infinie à la grande déesse de l’hydros... Les temples de celle-ci abondaient, et le moindre mètre ne manquait d'afficher une statue ou une icône en son honneur... A un point tel que les autres dieux n'avaient, quant à eux, jamais eu la moindre emprise sur ce peuple nouveau en plein âge d'or... Yuimen El Etarni fut enragé de voir un tel peuple à la renommée et la puissance grandissante se proclamer n'appartenir qu'à Moura, allant même jusqu'à la considérer comme la seule déesse véritable... Il menaça la déesse de devoir céder sa cité aux autres croyances, mais celle-ci ne l'entendit pas de cette manière. Yuimen décida alors d'altérer les pouvoirs de la déesse en soumettant le royaume elfique à des chaleurs de plus en plus fortes. L'effet fut immédiat : les canaux se tarissaient, les créatures marines peinaient à vivre sous des eaux aux températures aussi élevés et les elfes bleus se retrouvaient à maudire la déesse. Mais El Etarni n'en avait pas fini : aussi il ligua les peuples humains vivant à proximité, eux aussi atteints par ce brusque changement de climat, à combattre l'engeance elfique fautive de cette action divine. Kel Attamara, général des légions humaines, commanda l'attaque de la ville de Moura. La bataille fut rude, mais les humains finirent triomphants, les rares elfes bleus survivants ayant fui par la mer vers des contrées lointaines. Sur cette victoire, Moura s'avoua vaincu et se soumis à Yuimen. Le dieu aurait très bien pu décider de faire retrouver à ses terres sa splendeur d'antan, mais il en fut autrement. Il décida, au nom de cette victoire et à titre de rappel aux éventuels autres dieux qui comme Moura auraient la vanité de vouloir détenir l'exclusivité des croyances, de teinter ses terres en bleu. Les peuples humains, dirigés par Kel Attamara, ayant subi de nombreux dommages et ne voyant jamais le climat reprendre sa douceur de jadis, durent ainsi apprendre à vivre en harmonie dans ce champ de bataille divin, à nos jours encore beaucoup hanté des restes de l'ancienne cité elfique et des traces magiques de Moura et de Yuimen en personne...", racontait un vieil homme du désert aux quelques jeunes adultes qui l'entouraient, assis en rond et mangeant de la viande séchée autour d'un feu de camp de fortune éclairant sans mal le crépuscule désertique...
L'histoire en elle-même est légèrement différente. Yuimen brisa bien la cité des elfes de Moura, et déchaîna une guerre contre elle, et elle seule. Les elfes bleus, prudents devant la fureur de Yuimen avait fuit vers Nirtim et les fonds sous-marins. Ce fût Zewen qui obligea la trêve entre les deux Dieux, car cette guerre s'étendait bien au-delà du désert de l'Est de l'Imiftil.
Le désert quant à lui est devenu désert parce que la Déesse de l'eau refusa de l'hydrater, prouvant par là même que Yuimen avait tort et qu'il ne pouvait sans elle, faire une belle forêt à cet endroit-là.
Cependant, elle laissa de nombreuses caches d'eau pour que tout ceux qui vivraient dans ce désert puissent se souvenir qu'elle est force, mais aussi miséricorde...