<< AuparavantSable rouge
Je mis près de quatre jours à atteindre le désert, empruntant un petit sentier sablonneux qui voyait la végétation se réduire à mesure que j’avançais. Le chemin était escarpé mais rien d’infranchissable. Le vent amenait parfois de petits nuages de sable qui fouettaient mon visage sans grande force. La chaleur devenait de plus en plus forte, notamment en milieu de journée où j’avais l’impression que le soleil se focalisait uniquement sur moi et voulait me cuire dans mes habits. J’ignorai tout cela, je devais trouver la pyromancienne, je n’avais pas quitté mes amis et passé deux mois sur les routes pour rien ! Pas question de rebrousser chemin, j’allais la trouver et la convaincre.
Au détour du sentier, j’aperçus de grands pics d’une belle couleur orangée qui se dressaient vers le ciel. Le désert devait s’étendre après cette porte naturelle et je me dépêchai de l’atteindre. L’étendue désertique m’apparut alors, un enchaînement sans fin de dunes, de rochers et de sable. Je faillis douter, comment retrouver qui que ce soit là-dedans ? Non ! Je n’allais pas abandonner maintenant, elle n’avait pas pu aller bien loin, il suffisait de la rattraper. Je franchis la barrière naturelle menant au désert et pénétrai dans celui-ci, impatiente de trouver enfin la pyromancienne. J’avançai d’un bon pas sur le sable. La chaleur était écrasante mais je poursuivis mon chemin, ignorant la sueur qui ruisselait sur mon front et dans mon dos. Je n’allais pas abandonner face à un peu de chaleur. J’étais une pyromancienne, la chaleur était mon alliée. J’avançai ainsi le reste de la journée, scrutant le moindre mouvement, vigilante au moindre son, mais rien, pas la moindre trace de vie à perte de vue. Lorsque la nuit commença à s’installer, je trouvai un petit coin près d’un amas de rocher pour passer la nuit à l’abri du vent. La chaleur diminua rapidement et je profitai de la fraicheur relative pour me reposer, allongée sur mon couchage. Je finis par m’endormir ainsi, épuisée par la journée de marche.
Le lever de soleil me réveilla plus tôt que je ne l’avais imaginé. Après avoir mangé et bu, je me remis en route. Par où je venais déjà ? Je pus apercevoir les pics que j’avais franchis hier et pris donc la direction opposée, déterminée à trouver Lichia Vela. Je marchai, marchai encore, inlassablement, enfonçant mes pieds devenus lourds dans le sable qui menaçait de se dérober sous mes pieds à chaque pas que je faisais, jusqu’à m’écrouler de fatigue une fois la nuit tombée. Toujours aucune trace de cette pyromancienne ! Alors que je descendais une dune, quelque chose me fit trébucher et je m’étalai sur le sable. Je me relevai en grommelant et cherchai ce qui avait pu me faire tomber, tombant sur ce qui ressemblait à un os. Je déblayai rapidement le sable qui l’entourait pour découvrir un squelette portant des marques de coups et de griffes, dont le crâne avait été enfoncé. Il y avait un bouclier et une épée qui tombèrent presque en poussière lorsque je les pris, ainsi qu’une petite bourse contenant une dizaine de yus et plusieurs runes que je pris en m’excusant, il n’en aurait plus l’usage de toute façon. Ce fut à ce moment que je réalisai mon erreur. J’avais cru pouvoir m’en sortir dans ce désert mais la pyromancienne avait pu prendre n’importe quelle direction et je n’avais aucun moyen de savoir laquelle. Bon sang, j’allais vraiment devoir rentrer et attendre qu’elle revienne, mais je n’avais pas le temps pour ça, je voulais rejoindre les autres, pas passer ma vie dans cette ville pourrie et corrompue. Mais je ne connaissais pas le désert, je n’avais aucun moyen de la trouver, je ne voulais pas finir comme ce type, dévorée ou attaquée et laisser ainsi, les os blanchis par le soleil au beau milieu de nulle part. Je jurai, je n’avais pas envie d’attendre, j’étais si près du but et elle s’envolait dans ce fichu désert ! Cette nuit-là le froid fut plus intense que la veille et je peinai à trouver le sommeil dont j’avais besoin. Je n’avais pas de bois et donc rien pour me réchauffer. Je n’avais pas pensé que je grelotterai de froid dans un désert de sable, quelle ironie.
Je rebroussai donc chemin le lendemain. J’avais été stupide, emportée par mon impatience de vouloir progresser vite et négligeant toute prudence. J’allais devoir me calmer. Je ne compris pas moi-même pourquoi j’avais agi aussi impétueusement, sans aucun recul, sans prendre le temps de réfléchir, ne pensant qu’à avancer sans tenir compte du danger et des avertissements, explicits ou non, qui avaient parsemé mon chemin jusqu’au désert. Je soupirai, quelques gouttes de sueur venant s’envoler devant ma bouche. Ça m’apprendra tiens, la prochaine fois je serai moins stupide et je réfléchirai avant d’agir. Je marchai donc pendant un, puis deux, puis trois jours, sans rien voir d’autres que du sable, encore et toujours ce fichu sable. Où étaient les pics ? J’aurais déjà dû les apercevoir normalement, je n’avais pas marché pendant plus de deux jours à l’aller pourtant. Je me serai trompée ? Non j’avais bien fait attention au soleil, j’aurai dû avoir retrouvée la sortie déjà ! Ce fichu désert m’empêchai sans doute de bien me concentrer, j’avais parfois du mal à penser clairement lorsque le soleil était trop haut, je devais être fatiguée voilà tout. Je devais continuer.
Perdue ! J’étais complètement perdue. Cela faisait cinq jours que j’avais fait demi-tour, j’aurai déjà dû être sortie de ce maudit désert mais pas moyen de savoir si j’allais vraiment dans la bonne direction. Pourtant je suivais le soleil, j’aurais dû… deux soleils ? Je frottai mes yeux et l’un des deux disparut, l’autre se trouvant dans mon dos.
- Mais qu’est-ce que … ? On était le matin ? L’après-midi ? Je n’étais plus sûre de rien. La seule chose que je pouvais affirmer avec certitude était le peu d’eau qui me restait et que me soif n’était jamais vraiment étanchée. Je m’arrêtais à l’ombre d’un rocher qui me protégea un peu de la lumière et de la chaleur qui me torturait depuis plus d’une semaine, et je bus un peu d’eau avant d’étendre mes jambes. J’étais épuisée, je devais rapidement trouver une solution. Je devais garder le cap vers l’est, je sortirai forcément de ce désert, et il me suffirait de prendre au nord pour rejoindre Exech si je m’en étais vraiment trop éloigné.
- Courage ma fille, tu es plus forte que ça, bouge-toi !Je me levai après quelques minutes et mis le cap à l’est, avançant d’un pas ferme. Plusieurs heures ainsi me rassurèrent, j’allais bien vers l’est car le soleil descendait dans mon dos. J’y arriverai !
C’est alors que j’aperçus quelque chose qui se déplaçait sur ma droite. Au début simple forme floue que j’attribuai au dégagement de chaleur et à la fatigue, la forme se fit de plus en plus précise et se rapprochait. Difficile de dire si j’allais la croiser ou non, mais j’avais besoin d’aide, n’importe qui ferait l’affaire… enfin presque n’importe qui. Après deux heures et alors que le ciel se parait de couleurs rougeoyantes, je pus enfin voir ce que cette forme était : une caravane. Une colonne de chevaux et dromadaires avançait d’un pas assuré, guidés par quelques cavaliers qui semblaient scruter les environs. Je descendis une dune en glissant à moitié sur le sable pour me diriger vers eux. Avec un peu de chance ils pourraient me dire si j’étais dans la bonne direction et je pourrai leur acheter un peu d’eau. Un des cavaliers finis par m’apercevoir et cinq d’entre eux s’approchèrent de moi au trot. Je m’essuyai le front et enlevai ma capuche, le soleil n’allait pas me taper sur le crâne à cette heure et je ne voulais pas qu’ils se méfient de moi, je n’avais vraiment pas besoin de ça. Les cinq cavaliers arrivèrent à ma hauteur et l’un d’eux cria quelque chose, les faisant s’arrêter. Deux d’entre eux descendirent de leurs montures et vinrent vers moi. Ils portaient des habits qui avaient l’air bien plus adaptés au désert que ma robe et avait chacun un arc et une épée courbe. Leurs visages étaient cachés par leurs habits, je ne voyais que leurs yeux et ils n’avaient rien d’amicaux. Le plus grand des deux parla.
- Que fais-tu ici Shaakt ?!Il y avait des façons plus polies de s’adresser à des inconnus mais soit, j’avais besoin d’aide, pas de créer un conflit donc je ne dis rien.
- Bonjour, je suis complètement perdue, je souhaite me rendre à Exech, est-ce que… ?L'homme tira son épée tandis que les autres bandaient leurs arcs et me visaient. Je me figeai immédiatement et levai les mains. C’était quoi cette histoire ? Je savais que les Shakkts n’étaient pas toujours appréciés mais de là à me mettre en joue à vue sans raison, c’était exagéré. Le plus grand, l’épée en main, me toisa de nouveau.
- Comment nous as-tu trouvé ?- Trouvé ? Je suis tombée sur vous par hasard, c’est tout, je …Le deuxième, l’arc tendu m’interrompit en s'adressant à son compagnon.
- Ismad, nous ne pouvons croire ces paroles, peut-être que d’autres ne sont pas loin.D' autres ? Quels autres ?
- Je suis toute seule, je voudrais juste…- Tais-toi chienne ! Toi et tes semblables n’êtes que des ordures. Dépose tes armes au sol, vite.Lentement, très lentement, je posai mon sac, ma dague et mon orbe au sol, veillant bien à ne pas faire de gestes brusques. Tout cela m’angoissai, pourquoi étaient-ils aussi énervés contre moi ? Le dénommé Ismad s’approcha et pris ma dague, l’examinant avant de cracher ses paroles sur un ton méprisant et chargé de haine.
- A qui as-tu volé ça ?- Volé ? C’est un cadeau d’amis, je n’ai rien volé. J’y tiens alors j’aimerais bien la récupérer.Il me jeta un regard haineux mais ne répliqua pas. Il fouilla mon sac mais ne trouva a priori rien qui ne l’intéressa. Il s’avança vers moi et me tendit la dague que je pris délicatement, soulagée. Il s’approcha de moi et me murmura quelques mots à l’oreille.
- Tes semblables ont tué mon frère et emmené ma sœur, ma femme et ma fille. Que vengeance soit faite.Je ne réagis pas immédiatement mais lorsqu’il leva son arme je reculai, mais trop tard, il abattit sa lame et je pus seulement mettra ma dague entre elle et mon visage. Il me désarma facilement, un sourire de satisfaction sur le visage, avant de me transpercer avec son arme à gauche de mon nombril. J’ hoquetai sous la douleur et sentis nettement lorsqu’il retira la lame. Mes jambes ne parvinrent plus à me soutenir et je m’effondrai, cherchant désespérément quelque chose à agripper. J’avais mal, si mal, mais je ne pouvais pas crier. Je sentais mon sang se répandre sous moi et posa ma main dans le vain espoir d’arrêter le saignement. J’entendis les autres ricaner et repartir, l’un d’eux me souhaitant une « morte lente et douloureuse ». J’haletais et me retournai sur le dos. Mauvaise idée, c’était pire et je me mis sur le côté, la blessure vers le haut. Je crachai un peu de sang. J’avais mal, putain tellement mal. J’essayai tant bien que mal de comprimer ma robe sur la blessure mais je sentais mes forces me lâcher peu à peu. Je voulus me secouer, ramper, n’importe quoi mais tout ce que je réussis à faire fut d’augmenter la douleur. Pas ici, pas comme ça, je refusais, pas question. Je me forçai à ramper pour atteindre mon sac. Je sortis une gourde que je jetais de rage avant de tomber sur mes vêtements de rechange. Je pris le haut et le comprimai sur ma plaie en gémissant. J’eus beau tout faire pour me secouer, mes forces m’abandonnèrent et je sombrai.
Je passais ainsi un temps indéfini à sursauter, consciente que je m’endormais. Je devais rester éveillée, à tout prix. Le soleil finit par se lever de nouveau. L’est ! Je devais y aller. Mes jambes refusaient de répondre, tout comme mes bras. Je ne pus que bouger la tête pour regarder mon ventre, le tissu était devenu rouge, tout comme le sable qui se trouvait en dessous de moi. Jolie couleur ce rouge, j’aimerais bien avoir une robe de cette couleur. Un joli rouge éclatant, c’est toujours joli le rouge.
(Yliria ! Bon sang je te laisse deux minutes et tu trouves le moyen de te blesser ! Merde ! Tu m’entends ?)Une voix. Elle est drôle, elle a l’air de crier, peut-être que c’est une fée ? Naaaaan pas une fée, ça n’existe pas. Qui alors ? Un lutin ? C’est mignon les lutins, tout petit.
(Bon sang tu délires ? Réponds-moi !)Quelque chose... dans ma tête... ?
(YLIRIA !!)Je sursautai et je regrettai ce sursaut. J’avais bizarrement froid malgré le soleil, c’était l’hiver ?
(YLIRIA !!)Je repris mes esprits et gémis de douleur. J’étais encore là, bon sang je n’arrivais même pas à penser correctement, j’étais censée… J’allais mourir ? Ici ? Seule ? Au milieu de nulle part ? Sans raison ? Sans savoir pourquoi ? Oubliée de tous ?
- Non… Non ! Pas comme ça, pas ici.Des larmes… J’avais beau être assoiffée, j’arrivais encore à pleurer... N’importe qui… N’importe quoi, je voulais juste sortir d’ici, revoir les autres, revoir Vyrl. Je remuai faiblement mon bras qui était resté près de mon sac. Mon masque tombe sur le sol. Ce joli masque. Meno… Peut-être… Non…
(Je vais te sauver, tiens le coup !)Ma voix ne fut plus qu’un murmure, j’avais la bouche si sèche, combien de temps étais-je restée ainsi ? Trop longtemps. Je fixai le masque. Il pouvait m'aider... je voulais qu'il m'aide, peu importe le prix à payer !
- Meno… Dieu des flammes… je ferai n’importe quoi… tout… aide moi… pitié…Je sentais mes yeux se fermer tout seul, je luttai, bon sang je devais lutter, ne pas m’endormir ! Froid…
- Meno… pitié…Froid…
- Vyrl…(Yliria !!)Je n’avais plus froid, je ne sentais plus rien, n’entendais et ne voyais plus rien.