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 Sujet du message: Re: Forêt du Nord Kendran
MessagePosté: Mer 10 Déc 2014 21:07 
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Vous vous dirigez plein nord, volant au raz des arbres. Devant, le reste du groupe à déjà disparu. Il faut dire que Daer'on ne semble pas particulièrement pressé. Il rit à ton commentaire :

« Oui, cela fait du bien d'être loin du groupe. Ils... enfin, elles surtout, sont parfois d'un ennui... Quand à ta question, il n'est pas facile d'y répondre. Nous sommes des mercenaires, oui. Des bannis qui se cherchent une place. Certains prévoient déjà de partir, d'autres suivront toujours Shada'is et d'autres... ont d'abord une dette a régler... »

A son ton, il ne fait aucun doute qu'il se place dans la dernière catégorie. Mais il poursuit, te voyant toujours sur ton oiseau :

« Tu ne voles pas ? »

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 Sujet du message: Re: Forêt du Nord Kendran
MessagePosté: Mer 10 Déc 2014 21:43 
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Le soleil brille sur notre droite, m'indiquant que nous nous dirigeons vers le nord. La destination des aldrydes serait-elle dans les montagnes ? Plus loin encore ? Je fronce le nez à l'idée de me retrouver encore dans une grotte mais me contente d'un grondement intérieur. Laisser Lyïl me porter m'apaise grandement. Je suis sorti de mon état d'esprit par le petit rire du mâle, tandis que le groupe finit de disparaitre de ma vue. Tant mieux. Devoir conserver ces formes écœurantes dans les yeux me rend malade. Dae'ron répond à ma brève question, confirmant le bien-être de se trouver loin du groupe. J'ai du mal à contenir un rictus, surtout en l'entendant dire que ces femelles sont d'un ennui certain. Mes yeux sombres se tournent vers lui quand m'apprend qui ils sont. Des mercenaires et des bannis se cherchant une place.

( Et cela risque de continuer. Si au bout de quinze ans il n'y a rien à l'horizon, je ne vois pas ce qui peut changer la donne. )

D'après lui, ce vol est sur le point de se disperser entre celles voulant voler seules, celles qui suivent la femelle à lance dorée, et ceux qui, comme mon voisin semble le sous-entendre pour lui-même, ont une dette à régler. Je suppose qu'il doit faire référence à un épisode du style "libéré lors d'une parade nuptiale" par ce troupeau. Un peu ce que j'ai fait pour Hyjuud, mais ce n'est pas la gratitude qui l'a étouffé, celui-là. La voix du mâle s'élève une nouvelle fois, me demandant si je ne vole pas. Je lève les yeux au ciel et les abats sur sa forme, formulant une pique sarcastique.

"Non, je préfère nager. Cela ne se voit pas ?"

Pourquoi faut-il toujours que l'on me pose des questions idiotes ? Je reporte mon regard devant moi, et étend mon aile gauche. Je n'ai nul besoin de préciser les circonstances, mais dévoiler ce point ne me semble pas dangereux pour moi.

"Une aile brisée, il y a moins d'un mois. Je peux parfaitement voler, mais je préfère la ménager."

Il ne faudrait quand même pas qu'il me prenne en pitié pour ce détail. Je m'en suis remis après tout ! Je ramène mon aile puis reporte de nouveau mon attention sur mon voisin, intrigué par un détail.

"Donc des mercenaires... Quel genre de créature peut vouloir engager des aldrydes ?"

( Pour quoi faire ? Et surtout s'en tenir à cela... Combien de ces maudits humains croulant sous les yus et la poudre de visage ai-je vu envieux de cette laideronne d'humaine de m'avoir à son bras ? Nombreuses comme elles le sont, cela ne m'étonnerait pas que l'autre idiote en ai vendu une ou deux dans le dos des autres. C'est une femelle, après tout. )

Quel mode de vie désagréable. À la solde du premier payeur venu, à faire des travaux humiliants ou dangereux, et sans en récolter grand-chose au final. Non, très peu pour moi. Jamais je n'obéirai à quelqu'un qui me volerait ma liberté de cette façon. J'ai bien d'autres questions en tête, mais je me retiens de les poser. Chaque chose en son temps. Il ne faudrait pas qu'il croit avoir une emprise quelconque sur moi grâce à son savoir.

Tout de même, je suis intrigué par son comportement. Pour préférer ma compagnie à celle des siens, soit il est vraiment dégoûté des autres -ce qui n'aurait rien d'étonnant-, soit il apprécie de bonnes réparties. Ou il aime souffrir. J'ai déjà vu plus bizarre chez les humains, fait que je m'efforce d'évacuer de mon esprit.



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Dernière édition par Nessandro le Mer 10 Déc 2014 22:32, édité 1 fois.

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 Sujet du message: Re: Forêt du Nord Kendran
MessagePosté: Mer 10 Déc 2014 22:04 
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Il fait la grimace à ton commentaire :

« Désolé, je ne savais pas... »

A partir de cet instant, il semble s'efforcer de se retenir dans ses éternelles cabrioles, mais le succès reste limité. Il est visiblement très fier de son talent pour le vol !

« Qui voudrait nous engager ? Mais tout ceux qui veulent des espions discrets... ou des guerriers capables d'atteindre n'importe quelle cible ! Nous avons tués des humains, des garzoks... dernièrement, on a obtenu une récompense pour avoir tué un griffon qui s'attaquait au bétail ! Enfin, c'est surtout Shada'is qui l'a tué... s'il n'y avait eu que nous, on aurait été massacré... mais je pense que pour une fois, on l'a bien aidé ! »

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 Sujet du message: Re: Forêt du Nord Kendran
MessagePosté: Mer 10 Déc 2014 22:31 
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Je ne sais pas si je dois m'offusquer ou me féliciter que mon commentaire direct sur mon aile ait fait à ce point réagir Dae'ron. Non seulement il s'excuse, mais il s'efforce de diminuer ses acrobaties aériennes. Trop complaisant à mon goût. Je ne vais pas me vexer parce qu'il est en meilleure forme que moi. Et plus adroit. Il me faudra prendre le temps de développer ce talent, tout de même. Cela pourrait servir. Il enchaine heureusement en m'apprenant des identités d'employeurs. En résumé, un tas d'incapables, pas fichu d'espionner par eux-mêmes ou de se débarrasser d'un adversaire seul. Je ne parviens pas à retenir un haussement de sourcil étonné en apprenant que cette troupe a même abattu un griffon massacreur de bétail.

Je me fais muet un instant. Finalement, je suis encore passé plus près de la mort que je le pensais. Enfin, si cela est vrai et pas une simple vantardise, évidemment. Mes doigts bleutés viennent repousser une mèche blonde de mon visage sous le casque, tandis que j'imagine la scène. Intriguant tout de même, ce serait la femelle à la lance qui l'aurait mis à trépas, même si le reste de la troupe l'a épaulé. C'est une aldryde, donc une potentielle ennemie, et au sujet de laquelle me tenir informé ne serait pas un luxe. Étant ce qu'elle est, autant savoir à quoi m'en tenir si elle change d'obédience.

"Tu n'exagères pas un peu ? Comment une aldryde seule peut-elle renverser une situation ?"

J'ai bien envie d'ajouter un commentaire sur l'inutilité des créatures féminines en général, mais je me retiens de justesse. Je n'en pense pas moins. Tant qu'à faire dans l'hypocrisie, autant ne pas lésiner dessus.

"Tu n'as pourtant pas l'air plus gauche ni idiot qu'un de ces humains inutiles. Ou qu'elle."

L'idée de m'en prendre à un humain ou à un garzok me fait esquisser un rictus. Je me rappelle de la sensation d'abattre ces formes humaines dans ce vil conte. D'accord, c'était un duo d'araignées métamorphes, mais cela compte. Quand je pense que ces minables femelles ont du tomber à une vingtaine sur une ou deux cibles, je me sens une poussée d'orgueil. J'observe un peu mon voisin de trajet qui cherche à se retenir de voltiger encore une fois. Tant de considération inutile me rend amer.

Après tout, je ne lui ai rien demandé !

"Si tu veux voler, fais-le. Profite de tes ailes maintenant. On ne sait jamais..."

Je reporte mon attention devant moi. Oui, on ne sait jamais. La mienne a été brisée si vite que je n'aurais pas cru cela possible. J'imagine sans souci la morosité qui l'envahirait s'il finissait comme moi, bloqué dans un terrier le temps de se remettre. Mais cela ne se produira sans doute pas. Ce genre d'incidents n'arrive qu'à moi.



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Dernière édition par Nessandro le Mer 10 Déc 2014 23:11, édité 1 fois.

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 Sujet du message: Re: Forêt du Nord Kendran
MessagePosté: Mer 10 Déc 2014 22:45 
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Il te lance un clin d’œil :

« Peut-être auras-tu l'occasion de la voir combattre, et alors tu comprendras ! »

Reprenant ses acrobaties à ton commentaire, il ajoute en faisant tournoyer sa lance :

« Je sais me battre, c'est elle qui m'a appris ! Mais je ne lui arrive pas à la cheville. De toute façon, je ne veux pas devenir un guerrier, mais un protecteur ! Hélas, Kaat, le seul à maîtriser, un peu, la magie de la lumière, n'est pas très bavard et ne m'a pas appris grand chose. Mais si on parlait de toi ? Qu'est-ce que tu faisais dans un terrier de blaireau ? Tu chassais ? »

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 Sujet du message: Re: Forêt du Nord Kendran
MessagePosté: Mer 10 Déc 2014 23:11 
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Dae'ron me lance un clin d'oeil qui se veut sans doute complice, mais qui ne fait que m'irriter. Il est moins stupide qu'il en a l'air et il esquive ma question au sujet de l'autre idiote avec habileté. Selon lui, il me suffira de la voir se battre pour comprendre. Superbe... Devoir être témoin des mouvements d'une femelle... Pourvu que mes yeux parviennent à ne pas saigner. Sa réponse m'agace, mais je tente de me contrôler. Ma spirale auditive se tend dans sa direction quand il m'apprend savoir se défendre, mais n'arrive pas à la cheville de la tueuse. Visiblement, il ne compte pas s'aventurer trop loin dans la voie des armes, préférant celle de la protection.

Il m'apprend alors quelque chose d'intéressant. C'est un mâle du nom de Kaat qui est censé lui apprendre la magie de lumière. Peu bavard... Serait-ce celui qui a retiré ma marque tout à l'heure ? Un porteur de lumière... Il y a fort à parier que je ne vais pas m'entendre avec lui, si jamais nos chemins se croisent de nouveau. Il y a un moment, j'avais hésité à suivre cette voie lumineuse, mais les ténèbres me sont plus agréables. Elles me cachent, me protègent, et font à présent partie de moi. Et cela me va parfaitement.

Dae'ron change de sujet, demandant à parler de moi, et de ce que je faisais dans ce terrier de blaireaux en suggérant une chasse. Je fronce immédiatement les sourcils. Encore un qui veut faire ami-ami ? Qu'est-ce qu'il me réserve celui-là ? Se servir de moi pour s'exercer avec la magie lumineuse ? Est-ce encore un fou ou quelqu'un rendu instable par la solitude ?

J'étends mon aile gauche de toute sa longueur, prenant un ton empli d'amertume.

"Chasser ? Avec une aile en miette ?"

Mon nez laisse passer un souffle méprisant.

"C'est le terrier d'un imbécile. Tu as du le voir, perché sur ton buisson. Un grand lutin, bonnet vert et sale trogne."

Cela me coûte de l'admettre, mais c'est pourtant vrai que je lui dois le retour à son plein usage de mon membre de plumes. Cela dit, ce n'est pas ce genre de détails qui m'empêchera de revenir le tuer. Pas après ce qu'il m'a fait endurer.

"Plus de trois semaines coincé sous terre, avec cet illuminé pour seule compagnie. Sans compter Lyïl."

Je me mords violemment la lèvre inférieure quand je me rends compte avoir naturellement donné le nom de mon harney. C'est une erreur que je ne dois pas commettre ! Moins il en saura sur mon compte, moi j'aurais de risque de tisser un quelconque lien avec lui ! Ce n'est pas parce que c'est un congénère que je dois baisser ma garde ! Au contraire !

Mes yeux sombres tentent d'attraper ceux de mon interlocuteur.

"Alors prends garde à tes ailes."

Sur ce, je reporte mon attention sur les cimes des arbres et frotte doucement le cou de ma monture.



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 Sujet du message: Re: Forêt du Nord Kendran
MessagePosté: Sam 31 Jan 2015 16:24 
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Il faut bien une heure entre le moment où Lyïl pénètre dans la forêt et celui où je reconnais les alentours. Une pointe d'agacement s'ajoute à la colère sourde que je ressens quand je suis obligé de faire faire demi-tour à ma monture. Finalement, je parviens à retrouver la clairière dotée de cette souche pourrissante où j'ai laissé quelques plumes. Un bref regard sur le tronc contre lequel cette enflure de Célestin m'a douloureusement maintenu et je suis plus motivé encore à le retrouver. Descendant la légère pente, j'amène mon oiseau à l'entrée du terrier qui n'a pas changé d'une trace de griffe. Mes ailes me portent au sol, et je me détourne brièvement vers le buisson visible de ce point. Là où j'ai aperçu Dae'ron pour la première fois.

Décidé, je m'enfonce sous terre, repérant la deuxième galerie dont le battant vertical est relevé. Il est donc chez lui. La lueur bleutée qui se dégage de l'ouverture ne laisse place à aucun doute. C'est sans la moindre discrétion que j'entre, faisant claquer mes bottes sur ce sol recouvert de son tapis d'herbes tressées. Mon arrivée brutale fait sursauter ce crétin de lutin. Et toujours ce bonnet et cette tunique verte. À croire qu'il n'a que cette tenue ou qu'il la possède en des dizaines d'exemplaires... Assis à sa table, ce géant à face réjouie plus grand que mon oiseau pilonne encore des plantes puantes. Mauvais présage. Cela veut dire qu'il a encore blessé quelqu'un ?

"Ne ? Nessandro ? Nessandro !", s'exclame-t-il d'abord avec incrédulité puis joie.

Il se lève si abruptement de son tabouret que ce dernier en tombe. Mais lorsqu'il tend les bras vers moi, j'agrippe le poignard que je lui ai dérobé et le menace avec.

"Tu retiens vraiment rien. Bas. Les. Pattes.", siffle-je avec mépris.

Le lutin lève les mains, hautement surpris, avant de froncer le nez.

"Eh !", commence-t-il. "Mais il est à moi ce poignard !"

"Plus maintenant.", fais-je froidement. "Sauf si t'as les moyens de me rendre le sang que j'ai versé dessus.", insiste-je en désignant le coin de ma bouche.

Célestin affiche un air boudeur, pousse un soupir puis m'examine un peu. Ses yeux coloris boue sont vraiment semblables à ceux de Mathurin. Ils seraient donc vraiment frères ou n'est-ce qu'une coïncidence ? Mais là n'est pas la question.

"Et je n'ai pas de temps à perdre.", reprends-je avec une amertume certaine. "Où est l'aldryde ?"

"Hein ? Ben... Là ?", répond-il en me désignant, affichant un petit sourire amusé, comme si j'avais posé une devinette à la réponse évidente.

"Fais-toi plus crétin encore... Je te parle de l'autre aldryde, qui est venu te voir."

Là, le lutin penche un peu la tête avec un air interrogateur. Son nez se retrousse et il jette un regard vers le couloir menant aux très nombreuses chambres. Est-ce que Dae'ron est bien là ?

"Si tu appelles le fait de sortir moi-même cette personne ailée d'un buisson épineux, dans lequel son corps était pris comme entre des crocs de ratissas affamés, venir me voir..." sort-il d'une traite sans reprendre son souffle. "Alors oui, j'ai eu de la visite. Et cette personne est encore là. Regarde." m'encourage-t-il à faire alors que je perçois un mouvement à la limite de mon champ de vision.

Mon sang ne fait qu'un tour en pensant à ce qui aurait pu mettre le brun dans une situation pareille. Sauf que non seulement je me reprends très vite en avisant la silhouette qui se rapproche, mais en prime ma haine grimpe en flèche. Une main sur la figure, utilisant l'autre pour rester en appui contre la paroi, ce n'est absolument pas le visage familier qui apparait.

"Oh ?", s'étonne l'arrivante.

Un grondement m'échappe. Vaguement debout, la forme recouverte de bandages sur la pommette, les bras et les jambes d'une femelle aldryde fait irruption dans la pièce. Et ce n'est bien entendu par n'importe laquelle de ces laideronnes. Je me crispe en revoyant cette grande imbécile rencontrée au marché de Bouh-Chêne, le jour où j'ai laissé le protecteur derrière moi. La femelle en bleu, presque aussi haute que Lyïl et toujours un peu courbée en avant, semble me regarder. C'est du moins ce que je pense, mais à travers sa sale frange coloris feu crevant, dont la longueur est à la mesure de la longue couette pendant dans son dos, difficile de le certifier.

Même si quelque part je suis content que ce ne soit pas le protecteur qui soit couvert de pansements, je ne m'attendais certainement pas à voir cette dégénérée ! Et où sont les deux autres truies qui l'accompagnaient ? Et, plus inquiétant encore, où est donc passé le brun ?

"Explique-toi. Vite.", fais-je au lutin tandis que je pointe le croc en direction de la femelle.

"Ouhla, du calme. Tu es jaloux parce que je m'occupe d'un autre aldryde ?", s'amuse le fou, sourire qui se perd quand il avise mon expression. "C'est la vérité. Je l'ai trouvé presque au même endroit que toi. Tu sais ? Là où tu as mass..."

"Abrège.", le coupe-je avec une froideur de plus en plus meurtrière.

Je me fous de ce qu'il me raconte, mais il me faut une chose sur laquelle me concentrer. Ma piste s'arrête là. Je n'ai aucune idée de l'endroit où celui que je cherche se trouve s'il n'est pas arrivé jusque-ici. Un élan de dépit se fracasse contre mon torse, faisant ralentir mon souffle. C'est finalement la garce en loques bleues qui se fait entendre.

"Mes amies et moi... Avons été trahies. Les grandes-gens que nous pensions nos amis ont..."

"M'en fous.", l'interromps-je brutalement. "Je ne vais pas chialer pour les malheurs d'une femelle. Soit tu m'indiques quelque chose d'intéressant, soit tu la boucles. Faire pourrir vos trognes, ta cervelle moisie s'en souvient ?"

"Je vois que vous avez l'air de... Hum... Sympathiser ?", tente d'intervenir le lutin auquel je n'accorde aucune attention.

Mon regard doit être si meurtrier que si je le pose sur lui, il va avoir l'équivalent de trois jours de crise en une seule fois. Et je n'ai pas le temps pour cela. Comme je le pensais, l'immense femelle imbécile se mure dans un certain silence. Inutile jusqu'au bout. Quelle farce et quelle perte de temps ! Et puis, comme si quelque chose avait fini par se produire dans sa caboche masquée, l'idiote finit par se faire entendre de nouveau.

"Au marché... Tu étais avec un beau mâle.", commence-t-elle.

"D'intéressant et que je ne sais pas déjà, sombre abrutie !", grince-je, de plus en plus remonté par sa simple vue.

Elle déglutit puis ramène ses bras blessés contre sa poitrine trop ronde, se penchant encore comme pour se donner un air fragile. Ridicule.

"D... Il s'appelle Dae'ron !", éclate-t-elle, me faisant écarquiller un peu les yeux. Il n'y a que mon nom qui ait été prononcé là-bas. Comment peut-elle... "Il a des ennuis, comme les filles ! Mes pauvres chéries ! Aux mains de ces... De ces..."

Je n'ai aucune raison de lui faire confiance, et c'est pour cela que je continue de pointer le croc vers elle. Malgré notre magistrale différence de taille, je ne la redoute pas du tout, surtout quand elle se met à frissonner. Sauf que là, alors qu'elle devenait intéressante, elle se remet à ne plus articuler une parole. Pire, elle se penche encore et je peux entendre ses bandages presque grincer à son geste.

"Allons, allons. Ne te mets pas dans des états pareils, jolie Sol'Aïna. ", lance le lutin en contournant la table pour éviter de s'approcher de moi et se rendre auprès d'elle. "Viens t'asseoir. J'ai justement préparé une bonne infusion."

Frustré, je range la lame d'ivoire et croise les bras, poignardant la femelle du regard. Elle garde les yeux baissés, évitant de m'avoir dans son champ de vision. Ses sales paluches tremblent un peu lorsqu'elle agrippe un gobelet d'écorce et commence à en boire le contenu.

"J'attends !", la presse-je soudain en la devinant se détendre. La crispation que je décèle dans ses ailes à mon soudain éclat de voix ne fait que légèrement me satisfaire. Si je peux tirer la moindre chose d'utile de cette erreur vivante, autant le faire.

Mais vite.



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Dernière édition par Nessandro le Mer 4 Fév 2015 16:04, édité 2 fois.

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 Sujet du message: Re: Forêt du Nord Kendran
MessagePosté: Sam 31 Jan 2015 21:36 
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Tout en tenant nerveusement son gobelet, la femelle essaie de parler. Essaie, parce qu'elle bégaie bien une ou deux fois avant que le grand crétin assis à côté d'elle ne cherche à la rassurer. Elle tente de m'expliquer que son groupe plutôt hétéroclite avait pour but de dénicher pour le compte d'autres incapables probablement riches des objets, des animaux rares, des plantes ou même des personnes.

"Bref des mercenaires.", la coupe-je. "Viens-en au fait."

L'immonde géante avale une portion de sa boisson avant de continuer. Tout en se mordillant la lèvre, elle raconte leur reprise de contact avec les géants, non loin du lieu où j'ai d'ailleurs affronté et abattu des femelles de ma race. Elles n'ont as pu mener leur mission à bien. La cible repérée n'était pas là, d'où l'impatience de la rouge et sa volonté de ne pas repartir de Bouh-Chêne les mains vides. La tête du groupe leur pardonnait ce soi-disant échec, mais comptait alors se servir d'elles pour honorer leur contrat.

Et le seul brin de bon sens de ces andouilles ne leur a servi à rien. L'une des femelles ne voulait pas croire qu'elle avait été trahie, l'autre avait trop d'attirance pour le meneur, un elfe, et cette grande crétine a été prise au dépourvu.

"Par mes ailes !", siffle-je plus remonté encore. "En quoi ça concerne Dae'ron tes histoires ?"

"Parce qu'il était là ! ", m'informe-t-elle avec fougue. Une vive inspiration se fait entendre. "Il a essayé de nous aider, et cela s'est retourné contre lui. Il est parvenu à blesser mortellement le garzok et à frapper deux autres grandes gens, mais il s'est fait surprendre. Il n'a pas vu le filet lui tomber dessus.", se met à geindre la femelle.

Ma colère se change partiellement en frisson glacé. Un rictus se niche sur mes lèvres. Cela ressemble parfaitement à ce que le protecteur ferait. Aider des femelles dangereuses, parce que ces dernières étaient en sous-nombre ou attaquées par surprise. Je sens ma poitrine transie de froid et darde un sombre regard sur cette sotte. Je n'ai toutefois pas besoin de formuler ma pensée pour que l'idiote grimaçante poursuive, avec cette intonation féminine qui pourrait faire vomir mes tympans.

Elle se fout peut-être de moi, juste pour gagner du temps en vue de me surprendre avec une quelconque stratégie. Même si cela ressemble à ce que ferait le mâle à cause de sa volonté de faire le bien, rien ne me prouve que c'était vraiment lui. Je suis sorti de mes pensées quand elle tente ensuite de justifier son abandon de lutte. Selon elle, l'elfe dont elle se garde bien de donner trop de détails avait une telle emprise sur la folle manieuse de foudre qu'il aurait pu l'obliger à se tuer elle-même. Pour la protéger, elle a du rendre les armes et a été cueillie par le plat d'une épée. D'où un atterrissage brutal dans les épines où les mains géantes n'ont pas pu la récupérer.

J'en fronce les sourcils. Ce qu'elle me décrit ressemble à une sorte d'hypnose, mais à ce point ? Un type de magie ? Un peu comme celui que le lutin fou a utilisé pour manquer de peu me broyer l'esprit ?

"C'est tout ce dont je me rappelle bien... Après, il y a eu..."

"Et ça, tu te le gardes ! Bonne à rien ! J'aurais du vous réduire en tas de chair informe quand j'en ai eu l'occasion !", lâche-je avec une telle amertume que mes dents se dévoilent.

"Il allait bien !", se révolte soudain la gémissante. "Ils ont mis ton ami dans une petite cage, mais il se reprenait quand ils sont partis ! Je l'ai entendu, mais il ne faisait que parler de plumes en métal..."

Un affreux pressentiment me submerge.

"De métal... d'étain ?", lance-je, cherchant à la tester. Il n'y a aucune raison pour que...

"Non, un autre. De précieux... C'était... ", réfléchit-elle avant de réaliser quelque chose. "En or ? Non. En argent ! Voilà ce qu'il..."

"Son arme.", la coupe-je avec un ton glacial. "Elle a été récupérée ?"

Là, la femelle s'immobilise et je peux deviner sa sale caboche cogiter si fort que sa tignasse risque d'en flamber. Mais je n'en ai cure. Je veux qu'elle me réponde. Sauf qu'avant qu'elle n'articule une parole, Célestin s'est levé brutalement et s'est dirigé dans le couloir. Quand il en revient, c'est avec une longue forme dans les bras.

"J'ai trouvé ça par terre. Je l'ai nettoyé parce qu'une odeur de fer ne lui correspondait pas. Ce n'est pas une plume mais...", m'informe le lutin.

Je sens mes yeux s'arrondir et ma tête faire un mouvement négatif d'elle-même. Quand il ôte la protection en tissu entourant l'objet qu'il apporte, je ne peux qu'être confronté à l'évidence. Une arme d'un gris clair et brillant. Et je la reconnais au premier regard. C'est la javeline magique de Dae'ron, Plume d'Argent, celle qui revient dans la main de son propriétaire quand on la rappelle... Si rien ne bloque la ligne de vue. Ma main noircie par la corruption s'étend et en agrippe la hampe. Mes paumes marquées par la morsure du fer de cette lance se souviennent parfaitement d'elle. Alors cela signifie que cette femelle ne m'a pas menti. En tous cas, pas sur la présence du protecteur dans cette forêt.

Le mâle que je veux retrouver aurait donc été mis sous clé comme un vulgaire caillou précieux. Il est désarmé, seul puisque les incapables féminines ne valent rien, et qui sait dans quel état il se trouve ? Quels sont les projets des auteurs de ce rapt ? Des bribes violentes de souvenirs me reviennent. Des entraves. Des cages. Des géants sourds à mes paroles et moqueurs face à ma souffrance. Imaginer que Dae'ron soit peut-être déjà confronté à ce genre de tourment me fait grincer des dents. Rudement, je serre l'arme contre moi, ressentant colère, inquiétude et désir de meurtre envers ces impudentes formes de vie. La corruption s'amuse à mordre mon pectoral gauche quand la haine qui m'a maintenu en vie toutes ces années se réveille. Sauf qu'elle ne se manifeste pas pour mon bien, mais pour celui de ce mâle en péril.

J'ai changé. Mais pas tant que cela.

"Où sont-ils allés ?", questionne-je avec une lenteur glaciale. "Où... Vont-ils ?", répète-je quand la bleutée demeure silencieuse.

"Tu comptes le retrouver ?", demande timidement la geignarde.

"T'en as encore beaucoup des femelleries de ce style ?", rétorque-je, amer.

"Si tu... Dans ce cas... Je viens avec toi !", déclare subitement la parasite sous bandages.

"Suicidaire, la bleue ?"

"Eh là, Nessandro. Du calme.", tente d'intervenir le lutin en affichant un sourire amusé. "Et franchement, ma belle, tu n'es pas en état de voyager."

"Je ne paie pas de mine, je sais, mais... Mais je ne peux pas les laisser faire ! En plus, je sais à peu près par où ils partaient."

"Alors crache le morceau, idiote !", siffle-je une nouvelle fois.

"Non ! Si je te le dis, tu vas partir aider ton ami et pas les miennes. J'ai besoin de ton aide, et mes connaissances te sont nécessaires.", affirme-t-elle en relevant la tête.

"De la contrainte ? Vraiment ?", me moque-je amèrement en haussant un sourcil.

"Non ! Non, pas du tout !", tente-t-elle en agitant les mains jusqu'à ce qu'un spasme douloureux se réveille. "Enfin... Si... En fait... Mais c'est parce que Dae'ron..."

"Cesse d'utiliser son nom. Tu n'en es pas digne, femelle...", persiffle-je si violemment et froidement qu'elle a un mouvement de recul.

"Il comptait sur toi !", s'écrie la bleue, chose qui me fait hausser un sourcil dubitatif. "Il aurait aimé que tu sois à ses côtés ! Mais tu n'étais pas là alors qu'il avait besoin de toi !"

Elle cherche à me faire culpabiliser cette idiote ou elle parle de sa propre lâcheté, là ? Manque de chance, je suis persuadé qu'il ne s'agit là encore que d'un stratagème. Tout ce qu'il me faut, c'est une direction ou des noms. Et si elle m'oblige à user de force pour la faire parler, je ne vois pas pourquoi j'hésiterais. Cela ressemble à quoi une aile de femelle à laquelle on a arraché douloureusement jusqu'à la dernière plume ?

"Aide-moi. Pour mes chéries. Pour ton ami. Et parce que je sais bien d'autres choses.", poursuit-elle sur une intonation soudainement confiante. Elle semble plus posée, différente, exactement comme lorsqu'elle a blâmé ses consœurs à Bouh-Chêne. "Y compris sur ce qui a abouti à ce matin-là, il y a plus de treize ans.", continue-t-elle en levant cette fois-ci son regard, pour le braquer dans le mien. "Et ne me mens pas en prétendant que cela ne t'intéresse pas."

Un sourire en coin s'affiche sur sa sale trogne. Là, même moi j'aurais pu ressentir un frisson d'angoisse, si je n'étais pas déjà dévoré de haine.

"Lyuündil."

Immédiatement, mon regard se braque en direction de Célestin. Sauf que ce dernier a déjà relevé les mains et secoué la tête, manifestant son innocence dans le savoir de cette aldryde. Mes ailes s'étendent et je braque soudainement la javeline vers la chose à poitrine rebondie, visant sa sale gorge. Ma haine est si intense qu'elle n'est plus que froideur presque indifférente. D'où connait-elle mon nom aldryde ? Un mot que j'ai maudit et renié depuis plus d'une décennie ?

Je la hais encore davantage, mais cela fait beaucoup trop de détails précis pour n'être qu'une coïncidence. Sa caboche contient des choses qui pourraient effectivement m'intéresser. Mon orgueil en prend un coup, mais il me faut admettre qu'elle a raison. Savoir ce qui a abouti à mon enlèvement au pied de la colonie pourrait avoir une certaine valeur. S'il y a vraiment une raison. Cependant, ces informations ne pèseront pas lourd face à l'opportunité de me débarrasser d'une femelle un peu moins ignare que les autres à mon sujet. Chose qui me contrarie grandement.

"Soit. Tu viendras. Mais provoque-moi le moindre inconfort...", menace-je avant d'érafler le côté du cou de la chose féminine, regardant avec dégoût le filet sanguin qui en résulte et surtout sa grimace peinée. Bien que m'ayant causé une douleur morale atroce, la vision de la couleur de vie du faux Dae'ron était bien plus belle à contempler. "Et tu maudiras le jour où tu es sortie de ton cocon, femelle."

"Sol'Aïna.", tente-t-elle de corriger, en s'écartant lentement de l'arme.

"Aucun intérêt, créature."

"Y'a comme de l'orage dans l'air, non ?", toussote le lutin dont j'avais occulté l'existence. "Et le départ c'est pour quand ?"

"Maintenant.", décide-je en tournant les talons.

"Hein ? Mais tu viens à peine... Et ses bagages ? Et des provisions ? Et... Eh !", entends-je ce crétin dire alors que ses bottes à bout recourbé cognent le tabouret.

Mais je n'en ai cure. La seule chose que je refuse est que cette pimbêche aux sautes d'humeurs remarquables effleure le plumage de Lyïl. Elle veut venir ? Qu'elle se débrouille ! Je n'ai pas de temps à perdre en futilités ! Pas question qu'elle pense avoir un ascendant quelconque sur moi !

J'avise la javeline que j'accole brièvement contre mon casque, songeant au protecteur.

( Peste soit des liens mettant à mal ma liberté ! Tout aurait été si simple si je ne t'avais pas connu. Mais c'est trop tard... Je ne vais pas t'abandonner Dae'ron. Pas dans cette situation... Foi de Nessandro ! )




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Hors du terrier, je siffle les deux notes destinées à Lyïl. Se trouvant non loin, ce dernier bondit en légers sauts aidés de ses ailes pour venir à moi. Je partage alors quelques baies avec lui, le préparant au départ prochain. Ma haine gronde toujours en moi, mais je fais des efforts pour l'intérioriser. Ceux qui ont capturé Dae'ron ont bien au moins une journée voire deux d'avance sur moi. Et eux s'éloignent encore pendant que je suis là à attendre que l'autre abrutie ait fini de se préparer. Si je ne reste pas maître de moi, je risque fort de tuer la géante en bleu et de perdre ainsi toutes mes pistes quant à la destination. Je demeure quand même méfiant. Si la javeline est un indice indéniable sur la présence du brun dans les environs, rien ne m'assure que la femelle ne me tend pas un piège quelconque.

Ce ne serait pas la première fois qu'un esprit femelle fait quelque chose de tordu. Comme d'essayer de se racheter auprès de quelqu'un en vendant une autre existence. C'est bien pour cela que je ne lui fais aucune confiance et que j'en resterai au terme de femelle envers elle. Et hors de question de lui prêter mon lit suspendu ou la moindre goutte d'eau de mes rations.

Ma tête casquée se tourne vers l'entrée du terrier quand des voix en émergent. Je ne m'y intéresse même pas assez pour tenter de déchiffrer ce que ces deux grands couillons racontent. Tout ce que je constate c'est que le lutin a refilé l'une de ses tuniques immondes à la femelle, ainsi qu'un bagage. Probablement ses propres rations. Quand la crétine aperçoit mon harney, sa bouche s'ouvre et elle lève la main comme pour le caresser, mais je la coupe aussitôt par un sifflement dangereux.

"Attention à tes doigts ma belle. Cela pourrait faire mal. Et je ne parle pas de l'oiseau.", s'amuse le lutin étrangement jovial.

"Lyu...", commence la bleutée maintenant verdâtre.

"Nessandro.", corrige cordialement le porteur de bonnet.

"Qu'elle n'essaie même pas. M'appeler aldryde est déjà trop d'honneur pour elle.", lance-je avec hostilité.

"Ouh ! Je tremble !", s'amuse Célestin en mimant un être transi de froid. "Recommence !"

Face à mon silence, il hausse les épaules et agrippe quelque chose dans sa tunique. Je distingue alors entre ses doigts ce même genre de sifflet bizarre que le vieux croulant de Bouh-Chêne vendait. Celui qui faisait des sons différents à chaque essai. Sauf que ce coup-ci, les deux fois sont un même bruit, proche d'un grondement mêlé au son de quelqu'un qui se mouche. Immonde. Quelques instants après, une tête de blaireau émerge de l'antre, répondant visiblement à l'appel. La créature apparemment adulte semble bailler et se dirige mollement vers Célestin.

De son côté, la crétine en lutine est si surprise par l'apparition qu'elle en vient presque à se planquer derrière moi.

"Et ça prétend vouloir sauver des vies...", me moque-je sans la moindre retenue.

Dae'ron était une exception. Jamais je ne me départirai de ma méchanceté envers les autres, et surtout les femelles. Si elle pouvait se faire bouffer en chemin, cela m'arrangerait. Pas besoin de gaspiller mes fléchettes ou ma magie sur elle. Mais pas avant d'avoir acquis les informations dont j'ai besoin, hélas.

Célestin s'amuse franchement de la réaction féminine et caresse la bête. J'assiste alors au spectacle le plus ridicule qui soit. Pour éviter que je la distance trop, puisque cette mégère est encore convalescente, il lui faut monter sur le dos de cette créature. Et entre cette dernière qui se couche par terre en attendant et l'incapable femelle qui tremble quand un éternuement se produit, je sens que la route va être longue. Quand enfin elle se décide à chevaucher la bête, cette dernière la regarde longuement avant qu'un simple pas en avant désarçonne sa cavalière. Ridicule. Et même pas amusant. En gros, encore une source d'irritation !

Déployant mes ailes, je fais sursauter ce trio terrestre en bondissant sur mon harney. Un regard sévère sur eux puis je m'en détourne.

"Quelle perte de temps. Donne-moi les informations et j'irai aussi aider tes... Camarades.", fais-je avec un agacement visible. Bluff, bien entendu. Je n'ai aucune intention de tenir parole.

Il faut croire que cela suffit car la cavalière improvisée parvient enfin à trouver une posture stable. Elle agrippe une touffe de poils sous chaque main, plus raide qu'un piquet.

"Respire. Tu ne risques rien. Elle y est habituée.", sourit le lutin alors que je lève les yeux et pousse un souffle. Forcément, sur toutes les créatures du terrier, il a encore fallu que ce soit une reproductrice. J'en ai par-dessus les ailes, vraiment.

"Je crois que ça va aller... Je suis prête. On peut partir."

"Juste une chose.", confie le lutin. "Elle est bien gentille, mais elle ne sortira pas de la forêt. Où que vous alliez, même si elle t'apprécie, elle ne fera pas un pas de plus."

"Compris. Je la vois mal en montagne, de toute façon."

Immobile, je m'oblige à ne pas réagir à ses propos. Elle vient de donner un indice sur notre cap. Sauf que la forêt est bardée de montagnes. Cela reste trop vague, et je ne peux pas faire autre chose que patienter, le temps qu'elle cesse de choir du dos animal. Quand c'est enfin le cas, j'incite mon oiseau à déployer ses ailes. Mes yeux sombres tombent sur la sale trogne du fou, et en particulier son regard un peu triste. De la détresse, hein ? Attends voir. Mes plans ont changé, mais ce n'est que partie remise.

Rudement, je plonge la main dans mon bagage et en extirpe le médaillon. Visant juste, je le jette sans ménagement droit dans le pif lutin. N'ayant pas vu venir le coup, Célestin recule, tenant un nez qui se met à saigner d'une main et l'objet de l'autre.

"Pas drôle comme farce.", gémit-il nasalement.

Silencieux, je le scrute alors qu'il tente de déchiffrer mon visage, blasé évidemment. Enfin, il se rend compte qu'il tient le bijou et l'observe. Tout un panel d'expressions plus affreuses les unes que les autres passent sur sa sale trogne alors que je frotte ma main contre mon pagne. J'ai l'impression d'avoir été souillé par tout ce sentimentalisme de porteurs de bonnets. Et au final, quand il écarte les pans du souvenir, des larmes arrivent. Encore. Et le pire est que ses yeux embués se font interrogateurs.

"Où ?", bafouille-t-il.

"Bouh-Chêne."

"Comment ?"

"Devine."

"Pourquoi ?"

"Continue à poser des questions avec un seul mot, et je te le fais bouffer ce truc...", menace-je, horripilé par son attitude. "Mais si tu veux jouer à ça... Beau-Laid. Ombrechêne. Mathurin. Tableau. Pleurnicheur."

J'avise alors la femelle que je devine me scruter à travers sa frange.

"Assez perdu de temps. Passe devant au lieu de gober les mouches, crapaud."

Celle-ci se vexe, adresse un regard au lutin, mais Célestin est tellement recouvert de larmes et de morve que son sourire en apparait encore plus immonde. Au moins, je sais que je tiens un point à exploiter contre lui quand je reviendrai m'occuper de son cas. S'il ne s'est pas liquéfié entretemps à force de chialer. Ou qu'il finit par desserrer ses mains collantes du bibelot de sa génitrice.

"Dépêche-toi !", siffle-je sur la femelle, surprenant tant le blaireau qui la porte que ce dernier démarre en trombe.

Lyïl prend son envol docilement et suit le quadrupède à deux bons mètres de distance verticale. Je ne me retourne même pas vers le terrier, mes pensées focalisées sur le trajet à venir. Ces derniers temps, je passe mes journées à voyager sans rien faire de bien productif. Toutefois, je dois admettre que découvrir d'autres horizons n'est pas exactement désagréable.

Par contre, cela ne s'applique que quand je n'ai pas à garder l’œil ouvert sur les dangers possibles, parce que cette imbécile ne parvient ni à contrôler sa monture ni à se faire silencieuse. Si je n'avais pas besoin d'elle, je lui aurais déjà planté la javeline à de multiples reprises dans la figure ou au moins les poumons, juste pour la faire taire. Mais une fois assez éloignés de cet endroit, rien ne m'empêchera de l'interroger de façon plus directe voire musclée. Qu'importe qu'elle fasse un tiers de ma taille en plus, j'ai mené au trépas bien plus grand. Je ne me suis abstenu d'y aller par la force que parce que cela aurait déclenché la folie du lutin. Seule avec moi, les chances de survie de cette monstruosité vivante s'amenuisent d'instant en instant.

( Encore obligé de voyager en groupe. Et avec une femelle dans mon champ de vision... Franchement quelle plaie ! )



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 Sujet du message: Re: Forêt du Nord Kendran
MessagePosté: Dim 3 Jan 2016 19:04 
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J'ouvris les yeux et il ne me fallut que quelques secondes pour m’accommoder à l'obscurité constante qui régnait dans mon habitat exigu. Me redressant avec peine sur ma couche humide et puante, je parcourus avec indifférence la petite pièce sombre du regard. J'y étais habituée depuis longtemps désormais, et ni le plancher vermoulu et moisi, ni les murs recouverts d'une couche de chaux qui partait en lambeaux ne provoquaient en moi le moindre sentiment. En me levant, j'attrapai le vieux bandeau de tissu qui traînait à même le sol pour l'attacher autour de ma mâchoire : cette précaution indispensable servait tout simplement à l'empêcher de se décrocher sans cesse, depuis qu'il me l'avait fracturée d'un coup de bâton. Puis, je me traînai jusqu'au baquet adossé au mur pour me passer de l'eau sur le visage.
Une fois ces rapides formalités accomplies, je me laissai glisser contre un mur et passai mes bras autour de mes genoux. Je n'avais plus qu'à attendre, à l'attendre lui. Je l'entendais, marmonnant dans sa barbe, frôler les murs dans la pièce voisine, et le filet de lumière qui passait sous la porte, seule source de lumière dans ma geôle, m'indiquait clairement sa présence. Restée impassible jusqu'ici, murée dans une indifférence construite peu à peu par le temps, la pensée du vieillard manipulant ses fluides, crachant des paroles incompréhensibles dans un flot ininterrompu, ses longs doigts osseux et crochus manipulant ses instruments de torture... Un frisson me parcourut l'échine.

Il viendrait aujourd'hui, j'en étais sûre. Voilà près d'une semaine que je l'entendais jubiler, je sentais qu'il touchait à son but, et je savais ce que cela signifiait pour moi. De la souffrance, encore, avec ses foutues potions, qu'il me forçait à avaler, un poignard sur la gorge et ses affreux ongles pinçant mon nez, me forçant à déglutir. Ensuite, tandis que comme la plupart du temps je m'effondrerai sur le sol, me tordant de douleur en proie à d'horribles convulsions, il prendrait son petit carnet et il me regarderait agoniser encore une fois sur le sol crasseux de son laboratoire, prenant de temps en temps une note, stoïque.

Je passai machinalement la main dans mes cheveux, cherchai une position confortable et commençai à gratter la chaux effritée qui recouvre le mur. Voilà un moment déjà que je ne cherchais plus à fuir : mon geôlier était peut-être vieux, mais sa vivacité et sa force brutale m'avaient renvoyée au fond de ma cellule plus d'une fois au début de ma captivité. Vendue par des marchands Shaakts à ce vieux magicien fou alors que je n'étais qu'une enfant, voilà bien longtemps que je lui servais de cobaye, et j'avais subi à plusieurs reprises ses accès de violence terrible. Mes doigts effleurèrent à travers le bandeau la large cicatrice qui remplaçait mon oreille gauche, et je me recroquevillai encore plus contre le mur : ce vieil homme me terrifiait au plus haut point.

Je sursautai violemment en entendant des cris de l'autre côté de la porte. Cet événement soudain éveilla en moi une peur panique. C'était sûr, d'un moment à l'autre il allait venir, il viendrait me chercher encore une fois pour... Mon cœur se mit à battre dans mes tempes, mes doigts se crispèrent sur la toile rude qui me servait de vêtement et je lâchai un petit sanglot, enfouissant ma tête dans mes jambes. Les cris s'étaient transformés en hurlements, mais je n'en avais cure, et ils ne firent qu'augmenter mon désespoir. Je m'attendais à voir la porte s'ouvrir, et la silhouette haïe se découper dans l'ouverture d'un moment à l'autre.

La porte s'ouvrit bien, mais pas de la manière dont je le pensais. Le souffle d'une gigantesque explosion arracha gonds et verrou et le battant de la porte, en feu, vint s'écraser sur le mur juste à côté de ma tête. Dans la pièce se déversa un torrent de flammes.

Me mettant à hurler moi aussi, je bondis sur mes pieds et cherchai du regard une quelconque issue. Il n'y en avait pas. Le brasier commençait à me lécher les pieds et terrorisée à l'idée de mourir brûlée, je me jetai à corps perdu à travers les flammes, protégeant tant bien que mal mon visage de mes bras. Dans un coin du laboratoire, je crus distinguer une forme humaine recroquevillée, mais je ne songeais qu'à me sortir de cet enfer. M'élançant vers ce qui m'apparut comme la porte d'entrée, je l'enfonçai d'un grand coup d'épaule et me retrouvai à l'air libre.

Je m'effondrai sur le sol en gémissant, les mains plaquées sur le visage. Je n'y voyais plus rien, mes yeux brûlés par le soleil me faisaient horriblement souffrir et tout autour de moi n'était que lumière blanche aveuglante. Je sentis des larmes couler sur mes joues et tout mon corps s'agita de sanglots incontrôlables. Soudain j'entendis le bruit sec d'une corde qui se détend et quelque chose me frôla la tempe pour s'enfoncer dans le sol juste à côté de mon oreille : on me tirait dessus. S'en était trop pour mon pauvre esprit malmené et je me recroquevillai tel un limaçon, en hurlant de plus belle. J'ouvrais grand mes yeux, mais je ne distinguais qu'un brouillard blanc, et alors que j'entendais quelqu'un bander son arc à nouveau, une voix de femme s'éleva.

«Arrêtez ! Allez plutôt chercher de l'eau, vite ! Cette petite est en flammes ! »

Quasiment aussitôt, j'entendis des gens s'approcher et des trombes d'eau se déversèrent sur moi. Je toussai et crachotai, mais cela n'en finissait plus, et j'étais à deux doigts de me noyer quand je pus enfin reprendre ma respiration. Je sentis une main m'attraper le visage pour le redresser, et la même voix s'adressa à moi.

«Jeune fille, tu m'entends? Tout va bien, nous allons nous occuper de toi, tu verras. Harvik, apporte une couverture, s'il te plaît ! Elle tremble comme une feuille... »

Je sombrai dans l’inconscience.

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Dernière édition par Effraie le Dim 3 Jan 2016 19:09, édité 1 fois.

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 Sujet du message: Re: Forêt du Nord Kendran
MessagePosté: Dim 3 Jan 2016 19:08 
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Quand je repris conscience, j’étais adossée à un support solide et enveloppée dans une épaisse couverture. Bien que toujours plongée dans un brouillard blanc, je commençais à distinguer des formes mouvantes tout autour de moi. Prise d’un sursaut de panique, perdue dans un univers inconnu, je tentai de me lever mais retombai aussitôt à genoux, une douleur lancinante me traversant le dos, que je tentai d’atteindre de ma main libre, l’autre agrippant le tissu pour le maintenir sur ma poitrine.

Ce n’est que quand mes doigts effleurèrent ma peau m’arrachant un frisson de douleur que je me rendis compte que j’étais nue sous la couverture. Ne sachant pas qui m’entourait, je la rabattis vivement sur moi, puis tentai de reconnaître mon environnement, palpant les objets alentours. Le sol me semblait étonnement peu familier, mou, élastique, et je mis presque une minute à comprendre de quoi il s’agissait, mais quand j’en pris conscience…

Une immense bouffée d’émotion monta dans ma gorge et une fois de plus me submergea : Les événements récents me revenant en mémoire, je me mis à pleurer de soulagement, et, faisant fi des élancements de mon dos, je me penchai jusqu’à ce que mon front touche terre, et agrippai de toutes mes forces l’herbe, la terre, arrachant des mottes, la creusant compulsivement pour en sentir le contact si longtemps oublié.

Toute à ma redécouverte de la nature, mais encore aveuglée par le soleil, je sursautai, tant de surprise que de douleur, quand une main se posa sur mon dos. J’entendis plusieurs personnes se rapprocher en murmurant, et je reculai précipitamment, affolée par la présence de plusieurs adversaires potentiels et la perspective de me retrouver encerclée, quand la voix de la femme que j’avais entendue avant de l’évanouir se fit entendre juste à ma droite, me laissant penser que c’était sa main que je sentais sur mon épaule.

« Laissez-lui un peu d’air, bande de rustres ! La pauvre petite est traumatisée ! »


Elle s’adressa à moi d’un ton maternel qui me rassura.

« Comment te sens-tu ? Tu as mal quelque part ? »

Sans un mot, je touchai mon dos, sans lâcher la touffe d’herbe que je tenais étroitement enserrée entre mes doigts, de peur qu’on me l’arrache et que l’on me jette à nouveau dans ce cachot froid et sombre.

« Ne t’inquiète pas pour tes brûlures, mon chou, je m’en suis occupée : elles sont superficielles… Tu as un nom ? Comment tu t’appelles ? »

J’acquiesçai et ouvris la bouche pour répondre, mais à mon grand effarement il me fallut plusieurs secondes pour me rappeler comment je me prénommais. Mais même alors, de ma gorge ne sortit qu’un grognement guttural.

« Rgraaagh… »

Je m’affolai, toussant et crachant : je n’arrivais plus à parler ! Après tant d’années passées, enfermée dans un mutisme forcé, je n’étais plus capable de dire quoi que ce soit ! Soudain, on me plaça quelque chose entre les mains, et je reconnus au toucher un bol en bois qui contenait un liquide chaud.

« C’est du lait chaud », affirma la femme. « Bois-le, ça t’assouplira la gorge. »

Si n’importe qui d’autre m’avait proposé un quelconque breuvage, je l’aurai refusé, traumatisée par ma captivité et ce que m’on m’avait fait subir. Mais cette femme me mettait en confiance et, humant le contenu du bol, je n’y détectai en effet que l’odeur du lait. Portant le récipient à mes lèvres, je sentis le liquide descendre dans ma gorge avec un bonheur non dissimulé : je n’avais rien avalé d’aussi bon depuis mon enlèvement par les esclavagistes Shaakts. J’avalai tout d’un trait, et acquiesçai vigoureusement quand une voix d’homme légèrement moqueuse me demanda si j’en voulais encore.
Après ce deuxième bol de lait chaud, je me sentis revigorée et fis une nouvelle tentative pour prendre la parole.
J’avalai ma salive, me raclant la gorge.

« Eff…raie… »

Ma voix se brisa dans ma gorge.

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 Sujet du message: Re: Forêt du Nord Kendran
MessagePosté: Dim 3 Jan 2016 20:00 
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Commença alors ma convalescence, et une redécouverte du monde qui me plongeait dans la plus grande béatitude. Mes yeux s’habituèrent peu à peu à la lumière naturelle, et je passai de longues heures à simplement contempler le monde qui m’entourait. La femme qui s’était occupée de moi se prénommait Héléna et c’était la doyenne du groupe de marchands humains qui m’avaient recueillis. Marchands ambulants, ils parcouraient le pays de ville en ville pour vendre le fruit de leur artisanat, récipients en bois, habits, poterie, qu’ils fabriquaient tous à la main.

Ce fut ainsi que j’appris que la cabane délabrée où j’avais vécu faisait l’objet de légendes et de contes plus effrayants les uns que les autres. Supposément abandonnée, on lui attribuait la hantise d’esprits maléfiques, des portes vers le monde des morts et bien d’autres choses encore. Voyant la fumée, les marchands sur la route de Kendra Kâr avaient été attirés jusqu’ici, et Héléna me confia que c’était leur tout nouveau chef, son fils, qui, à la mort de son mari, avait pris la tête de la caravane, qui m’avait tiré dessus, me prenant pour un mauvais esprit avec ma chevelure enflammée.

A ses mots, je passai machinalement sa main dans mes cheveux désormais raccourcis aux pointes roussies, lorgnant du côté des arbres où je savais se trouver les ruines de mon ancienne prison. Je n’avais pas voulu y retourner : je n’y avais aucun effet personnel, et ma seule consolation fut de savoir que mon tortionnaire avait perdu la vie dans l’incendie.

La caravane s’était installée dans une clairière voisine et les hommes avaient œuvré toute la nuit à jeter des baquets d’eau et de terre sur le foyer pour empêcher les flammes de s’étendre à la forêt. Je restais émerveillée devant les petites roulottes colorées qui abritaient mes hôtes, et devant les énormes chevaux qui les tiraient. Tout était si confortable et simple ! Héléna me donna d’anciens habits de son fils, qui était parti avec la plupart des hommes vendre la marchandise à la ville.

« Ils y resteront une bonne semaine », m’avait expliqué la vieille femme. « On ne pourrait pas faire tenir toutes les roulottes sur la place ! »

Le soir, au coin du feu, je racontai mon histoire aux voyageurs, de ma voix toujours éraillée. Un jeune homme me posa une question qui me troubla profondément.

" Et… ça faisait combien de temps que t’étais enfermée là ?
- Je… balbutiai-je. Je ne sais pas vraiment, ça faisait très longtemps… J’ai été enlevée lors des raids des esclavagistes Shaakts à Kendra… Vous devez en avoir entendu parler, il y a eu beaucoup de victimes… d’après ce que j’ai vu… "

Mais le marchand et ses compagnons remuèrent la tête en signe d’ignorance, lorsque Héléna prit la parole. Elle se pencha vers moi et me prit la main d’un air soucieux. Sans savoir pourquoi, je ressentis une pointe d’inquiétude.

« Aucun d’eux ne peut s’en rappeler, Effraie, me dit-elle d’une voix douce. Ils n’étaient même pas nés…
- Non ! m’écriai-je, soudain plongée dans un bain glacé. Ce n’est pas possible, ça ne peut pas faire si longtemps ! Je suis restée ici, quoi, cinq ou six ans, pas plus ! Vous avez tous plus de dix ans, non ! leur dis-je avec hargne. Ça ne fait pas si longtemps…
- Regarde-toi ma chérie… Tu as grandi, tu es une adulte maintenant, ces changements ne se sont pas opérés en quelques années seulement : tu nous as dit n’être qu’une enfant au moment de ton enlèvement, et c’est tout à fait possible, en tant que semi-elfe, que tout ce temps se soit écoulé… »

Faire de telles simagrées juste pour ça... Ils avaient juste à me le dire... sans faire d'histoires... Je commençais à m'énerver...
Je me redressai et essuyai mes yeux d’un revers de la main et, maîtrisant mes émotions, pris une grande inspiration. Je ne voulais plus être faible. Qu’est-ce qu’ils avaient, ces humains, à me regarder comme ça ? Pourquoi me prenaient-ils de haut ? Le souvenir de toutes ces tortures… de cette souffrance… avais-je réellement enduré tout ça pour être aussi faible aujourd’hui ?

« Combien. De. Temps. Lâchai-je, sentant la colère monter.
- Ma chérie, ça te ferait du mal… commença Héléna.
- Je n’ai pas besoin de vos condoléances, crachai-je en repoussant la main de la vieille femme. J’ai traversé bien pire que vous, j’ai bien plus souffert. Je ne suis pas fragile, d’accord ?! »

Je me levai, en proie à de violents afflux d’émotion, et fis quelques pas en direction des arbres, passant hargneusement la main dans ma chevelure, le souffle court. Derrière moi, je savais que tous retenaient leur respiration et me suivaient attentivement des yeux. Je sentais leur regard sur mon dos. Frottant mes mains, je piétinai sur place et plaquai un faux sourire sur mon visage.
Je me retournai brusquement, les faisant sursauter.

« Alors ? Ma grimace forcée devait me faire ressembler à une folle. Héléna, je suis peut-être plus jeune que vous mais j'ai...
- Tu n’es pas plus jeune que moi, tu sais. Malgré ma saute d’humeur, la doyenne me regardait avec l’expression d’un guérisseur sur le point d’annoncer le verdict fatal. Si tu avais effectivement 35 ans lors de ta capture, et que cette dernière est bien survenue quand je le pense – et ce doit être le cas, il n’y a eu qu’une seule vague de raids Shaakts – alors nous avons exactement le même âge… »

La vieille femme fit une pause. Je la regardai sans comprendre, détaillant son visage ridé, ses mains tachées crispées sur le pommeau de la canne qui lui était indispensable pour marcher, et ses yeux injectés de sang, ses cheveux gris… Je la vis prendre une profonde respiration, et j’attendis son verdict.

(Ne le dis pas…) pensai-je. (C’est bon, je ne veux plus savoir…)
Mais je me tus, conservant un visage impassible.

« Effraie, chuchota-t-elle, tu as 70 ans maintenant. Voilà 35 ans que tu étais enfermée. »

Je détournai simplement la tête, pour que personne ne puisse se vanter d’avoir déjà vu l’expression d’un innocent à qui on vient d’annoncer qu’il a passé la moitié de sa vie en prison.

Ce soir-là, je m’enfonçai profondément dans la forêt, seule, pour lâcher ma haine et ma souffrance. Quand je m’éloignai du camp, pour n’y revenir qu’au petit matin, personne n’essaya de me suivre, et je leur en fus gré. Je savais ma réaction à leur égard démesurée, envers des gens qui m’avaient sauvé la vie lors de cet incendie, sûrement provoqué par l’explosion de quelques produits toxiques que mon maître… prenait tant de plaisir à m’injecter dans le corps…

Je me levai d’un bond, envoyant valser une pierre d’un violent coup de pied avec un cri sauvage. Attrapant un bâton, je commençai à frapper violemment tout ce qui m’entourait avec une haine non dissimulée.

(Pourquoi, pourquoi, pourquoi, pourquoi, POURQUOI !)

« POURQUOI !!!, hurlai-je. POURQUOI ? POURQUOI VOUS FAITES CA ? BANDE DE LACHES ! BANDE DE TRAITRES ! ALLEZ BRULER EN ENFER ! »

Je ponctuai chacun de mes mots d’un violent coup asséné sur un tronc, une pierre, une branche, jusqu’à ce que le bois pourri de mon bâton ne vole en éclats, répandant une pluie de copeaux sur l’herbe.
Essoufflée et en sueur, je m’appuyai contre un arbre et me laissai glisser sur le sol avec une grimace provoquée par le frottement de l’écorce sur ma chair encore à vif. Je soupirai et contemplai en silence le paysage. Malgré toute la haine et la violence dont j’avais fait preuve, tout semblait inchangé. Sous la lumière de la pleine lune, toute la nature, enveloppée d’un halo lumineux, semblait en paix. Un petit air frais me passa sur le visage et j’entendis le bruissement des feuilles au-dessus de ma tête.

(Le monde n’a-t-il donc rien à faire de nos actions ? Peut-on seulement l’ébranler ?) M’interrogeai-je.
(Ou tout est-il immuable et prédéfini ? Le destin des peuples est-il toujours de s’entretuer, et celui des êtres de raison de faire souffrir les plus faibles qu’eux ?)

Ma colère me revint, et je la sentis me tordre les entrailles. Toujours adossée à l’arbre, les bras autour des genoux, je hurlai à la lune.

« Ô Gaïa, déesse Bienveillante, répond-moi ! Ne peut-on donc rien y faire ? »

Je passai le reste de la nuit contre cet arbre, et au moment où le soleil se leva, et que je me redressais douloureusement, les membres engourdis par l’immobilité, ma décision était prise. Moi qui la veille encore m’inquiétait de savoir ce que j’allais faire à présent, je prenais maintenant la décision de vivre, du mieux que je pouvais, tout en éliminant les êtres qui, sur ce monde, avaient choisi, inconsciemment ou non, de se mettre en travers de mon chemin.

Oui, je promettais d’apporter un peu plus de justice sur ce monde.

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Et si tu regardes longtemps l'abîme, l'abîme regardera en toi. ~

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 Sujet du message: Re: Forêt du Nord Kendran
MessagePosté: Lun 21 Mar 2016 01:12 
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Au campement, l'activité normale avait repris son cours, mais quand je sortis du couvert des bois, tout les regards convergèrent vers moi. Les ignorant, je m'avançai rapidement vers Héléna, qui, pensive, se reposait au coin du feu.
Je m'inclinai devant elle :

« Je m'excuse, dis-je, de mes paroles irréfléchies. Je vous suis éternellement reconnaissante de ce que vous avez fait pour moi, mais j'ai encore une requête à vous faire. »

La vieille femme parut surprise mais son expression s'adoucit aussitôt et, un léger sourire sur les lèvres, elle m'enjoignit à continuer.
Je dégainai le poignard qu'elle m'avait offert, et relevant la tête, le tendis devant moi.

« Apprenez-moi à me battre, pour que je n'aie plus à dépendre de personne pour ma propre sécurité, et que, comme vous, je puisse aider ceux qui en ont besoin. »

Un groupe de curieux entourait l'espace central de la clairière qui délimitait la piste de combat sur laquelle j'étais censée m'entraîner. L'homme qui devait m'apprendre les bases du combat s'appelait Juno, et il était aussi sec que maigre, son crâne recouvert de filaments blancs éparses laissant penser qu'il n'était plus de la première jeunesse. Pourtant, son regard était celui d'un combattant, vif, acéré, mobile, je le voyais passer rapidement d'un point à l'autre du décor, fixant tour à tour les spectateurs, le sol, les arbres, analysant d'un coup d’œil le terrain puis revenant sur moi.

«Je ne suis peut-être pas le meilleur combattant qui existe, avait-il marmonné quand Héléna lui avait demandé d'accéder à ma requête, mais je serai tout de même capable d'apprendre à une gamine à donner des coups de couteau. »

Je devais avouer que le vieil homme m'intimidais, et j'eus peur qu'il ne me demande de l'attaquer sur le champ, ne me sentant pas trop en confiance en voyant les nombreuses cicatrices qui révélaient le nombre de combats qu'il avait menés, mais surtout remportés : ceux qui les lui avaient infligées ne semblaient pas enclins à lui laisser la vie sauve dans le cas contraire.
Heureusement il ne dégaina même pas son arme et, s'approchant de moi d'un air soucieux, se mit à me tourner autour en m'examinant sous toutes les coutures.

« T'es pas bien grasse, grommela-t-il. Ça c'est pas un problème, le hic c'est que t'es pas bien musclée non plus. Faudra renforcer tout ça avec des exercices appropriés, mais ça se fera pas en un jour. Pour l'instant voyons comment tu te débrouilles avec cette arme. Vas-y, sort là de son fourreau et donne un coup dans le vide. »

Je m'exécutai docilement mais avant même que je n'aie eu le temps d'abaisser mon bras, mon professeur improvisé m'arrêta.

« NON ! Beugla-t-il avec une telle violence que je manquai de lâcher mon arme. Tu la tiens mal, tu te tiens mal, tu vas te faire mal ! »

Déroutée, je le laissai m'arracher le poignard des mains et attraper fermement mon poignet pour le replacer sur le manche.

« Là, tu met ton pouce, là... plus souple le poignet... les doigts sur le côté.. NON ! Sur le côté j'ai dit, c'est pas compliqué ! Voilà, maintenant bouge ton poignet... Comme ça t'as plus de liberté de mouvement mais tu tiens l'arme plus fermement. C'est une arme courte, ça ! Tu dois aller au corps à corps de ton ennemi si tu veux lui faire tâter de ta lame, t'es pas planquée à trois kilomètres avec des fléchettes de merde ou avec ces saletés de lames tellement lourdes que tu ne peux faire que des moulinets avec, tiens ! Ça c'est du combat, gamine ! Tu dois être rapide, réactive ! T'imagine pas qu'avec une arme pareille tu peux t'embarrasser d'un bouclier ou d'une armure de plaques : le moindre coup te sera fatal... ESQUIVE ! »


A ces mots, il détendit sa main à une vitesse surprenant et malgré mon mouvement de recul je reçus un coup plutôt violent au menton. Alors que je me frottais la partie endolorie, mon mentor me regarda d'un air sévère.

« Si j'avais eu une arme dans les mains, même une minuscule arme, tu serais morte, gamine, grogne-t-il. Et ne me rétorque pas que tu n'étais pas sur tes gardes sous prétexte que je suis ton allié, me menace le vieillard en approchant son visage du mien. Tu dois tout le temps être sur tes gardes... N'importe qui est susceptible de te trahir. A tout moment. »

J'acquiesçai, la gorge nouée. L'apprentissage allait s'avérer difficile, et j'étais bien consciente qu'il me faudrait du temps pour atteindre un niveau satisfaisant, mais je me sentais prête.

« ALLEZ ! Aboya alors Juno en frappant des mains. En position ! Tiens-toi droite, plie légèrement tes genoux... tu dois pouvoir bouger rapidement, avancer et reculer le plus vite possible pour frapper sans te prendre de coup ! Allez, donne un coup devant toi... Tu bondis et tu frappes horizontalement sans baisser ta garde ! »

Je me jetai en avant et fendis l'air de la pointe de mon arme. Cette fois mon professeur ne m'interrompit pas. Il acquiesça lentement, concentré.

« C'est mieux, mais c'est encore faible et hésitant. Tu dois fendre horizontalement car les côtes des bipèdes sont transversales, ce qui permet de passer entre et d'atteindre les organes vitaux. Si tu ne cherches pas à tuer ou si tu te bats contre un animal, frappes verticalement, compris ? »

J'opinai du chef, et sans perdre de temps, le vieil homme me proposa de commencer les choses sérieuses.

« Je ne peux pas t'apprendre à te battre en te faisant donner des coups en l'air, dit-il en se saisissant d'un long bâton qu'il brandit devant lui. Je serai ton adversaire. Ne t'inquiète pas, ajouta-t-il en voyant mon air incrédule, je ne te blesserai pas. »

Je restai sur le terrain jusqu'au soir, me prenant moult coups de bâtons et mordant la poussière à plusieurs reprises. Pourtant, bien qu'éreintée, c'est satisfaite que je sortis de mon premier entraînement. Mais bien que j'aie appris quelques techniques d'attaque et de parade, mes coups manquaient encore cruellement de puissance et j'avais du mal a appliquer les conseils théoriques de mon professeur. Les gestes à effectuer, les postures à adopter, j'arrivais à les reproduire au calme, mais en situation de combat, j'avais tendance à faire de grands gestes désordonnés avec mon arme. Pourtant Juno me rassura sur ce point : pour une première leçon, je ne m'étais pas trop mal débrouillée et de plus mon côté elfique me donnait de bons réflexes, point particulièrement important dans le combat avec lame courte. J'allai cependant me coucher avec soulagement, sous l’œil bienveillant d'Héléna.

Pendant la semaine qui suivit, je suivis un entraînement plus qu'intensif. Mes courbatures de la veille n'avaient pas le temps de s'estomper que mon mentor me tirait du lit pour des exercices matinaux destinés à assouplir et renforcer mon corps rendu raide par trois décennies de captivité. Le soir, nous nous rassemblions autour du feu et mes hôtes racontaient d'étranges et envoûtantes légendes sur ce monde dont j'ignorais tout. Ils me faisaient rêver par des récits de batailles épiques, des descriptions de paysages magnifiques et des mythes mettant en scène des dieux aussi puissants que bienveillants.

J'aurais souhaité que cette routine dure pour toujours. Ici je retrouvais le cercle familial que j'avais perdu tant de temps auparavant, et je me sentais enfin sereine. Mais le matin du septième jour, alors que je m'entraînais avec Juno, j'entendis un cri de rage.

« VOUS.. VOUS... VOUS FOU-FOUTEZ DE MOI ? QU'EST-CE QUE CETTE SALOPERIE FAIT ENCORE ICI ? »

Je me retournai nerveusement, sur la défensive, pour me retrouver face à face avec un colosse, un homme assurément, mais quel homme ! Il devait faire plus de deux mètres, le teint basané, une face peu avenante à la mâchoire proéminente et quelques cheveux gras éparses retombant sur un front inexistant. Je me figeai, arpentant frénétiquement les alentours du regard. Derrière lui se tenaient une dizaine d'autres hommes, largement moins bien bâtis. Tous portaient des sacs de toile vides sur les épaules et l'un d'entre eux tirait une petite charrette à bras replie de marchandises diverses. Je compris. Les marchands partis à la ville. Le fils d'Héléna. Moi, en flammes, et la flèche frôlant mon épaule.

Héléna s'élança vers son fils, lui murmurant des paroles que je ne pus saisir. Mais l'homme l'écarta d'un geste et s'avança vers moi. Malgré sa carrure impressionnante, quelque chose n'allait pas. Il se traînait d'une démarche hésitante et semblait sur le point de s'effondrer à tout moment. Se plantant devant moi, il approcha son visage du mien et je grimaçai. Cet homme empestait ! Une odeur forte et enivrante que je n'avais jamais sentie auparavant me prit la gorge. Sans préavis, il m'empoigna le bras si fort que je poussai un cri de surprise et de douleur, et me beugla dessus avec force postillons.

« A- ALORS, DÉMON ? T-TU-TU CROIS QUE TU P-PEUX T'INSTALLER CHEZ MOI... DANS MON CAMP, P-P-PENDANT QUE J'CHUIS P-PAS LA... ET ME DEP-POUILLER ? SALETÉ ! CRÈVE ! »

Agrippant mon col, il me souleva de terre et me jeta trois mètres plus loin. Je m'écrasai dans la poussière et rampai à reculons pour échapper au colosse qui, muni d'un gourdin planté de clous, s'avançait vers moi, tout aussi titubant et menaçant. Je saisis mon poignard dans un geste de défense, mais il se rua vers moi en m’assénant un coup de son arme barbare. Je n'eus même pas le temps de bouger tant j'étais pétrifiée par la peur, mais mon adversaire rata sa cible et je vis la massue s'abattre à quelques centimètres seulement de ma jambe droite. A bout de nerfs, je me mis à pousser des hurlements hystériques, mais nul ne semblait disposé à m'aider. Même Héléna, a l'abri dans le cercle de spectateurs qui s'était formé autour de nous, ne faisait que me lancer des regards désolés. Les colères de mon ennemi devaient être aussi fréquentes que dévastatrices, et aucun de mes hôtes ne semblait vouloir s'y frotter.

Mais le colosse revenait à la charge, bien décidé à en découdre. Traînant ses énormes pieds avec difficulté, il me hurlait insultes sur insultes.

«JE VAIS TE REDUIRE EN B-BOUILLIE ! ET QUAND TU NE SERAS P-PLUS QU-QU'UNE PLAIE VIVANTE, JE TE JETTERAI D-DE MES P-PROPRES MAINS DANS UN CACHOT HUMIDE ET P-PUANT ! TU NE REVERRAS P-PLUS JA-JAMAIS LA LUMIERE DU JOUR ! »

Un frisson me parcourut le corps. Cachot. Captive... Enfermée, prisonnière... Une voix rugit en moi, la rage me tordit les entrailles et un cri de révolte me secoua toute entière. Je perdais le contrôle... de moi-même...

« Hi hi hi... ricanai-je nerveusement. Comme ça... rraagh... tu veux... me jeter dans un... hi hi hi... un cachot... COMME C'EST AMUSANT ! »

Je me relevai, agitée de soubresauts compulsifs. Les voix dans ma tête... Les cris... La souffrance...
Passai mes doigts dans ma chevelure. Vit sa main se tendre vers moi. Bondit.

« Plus jamais ! Plus jamais tu comprends ? Jamais, jamais, jamais, jamais ! »


Je hurlais. Mes coups de couteau se perdaient dans le vide. Le colosse, surpris, esquissa un mouvement de recul, mais je ne faisais pas le poids. Il se jeta sur moi et asséna de grands coups de gourdin avec de nombreux cris de rage. Frénétique, je bondissais de droite à gauche, ne sachant plus ce que je faisais, la haine au corps. Soudain, une douleur aiguë me vrilla la hanche. Un des violents coups de mon adversaire venait de m'atteindre, et un voile noir me couvrit les yeux un instant. Je tombai à terre et tandis que je cherchais à reprendre ma respiration, il m'attrapa au collet et me leva à hauteur d'yeux. Mon poignard tomba sur le sol. J'allais retourner dans ma prison. Mon tortionnaire allait encore me faire souffrir. Pour toujours. Non... non...

Je balançai un coup de pied aussi fort que je le pus dans l'estomac du colosse. Contre toute attente, il se plia en deux et, me lâchant, s'affaissa à quatre pattes dans l'herbe. Fut pris de soubresauts. Vomit. Voyant mon ennemi, crachant de longs flots de bile jaune, à terre, je ne réfléchis pas. Saisissant mon arme, je me jetai sur lui. Le cercle des marchands se brisa et tous se ruèrent vers moi.

Je frappais, et je frappais, et je frappais... ma lame s'enfonçait dans un corps élastique, déchiquetait la chair tendre... un liquide chaud et poisseux me couvrait la main. Des gens agrippaient à bras le corps, me tiraient en arrière... ils voulaient me capturer ! Me vendre, à un fou ! Encore ! La souffrance... La douleur...

« Vous ne m'aurez pas ! », beuglais-je, assénant à l'aveugle des coups de couteau. Je ne différenciais même pas ce dans quoi ma lame s'enfonçait. Des corps fuyaient devant moi, je cherchais les points vitaux, je voyais des yeux, des gorges tendres, des côtes exposées... Voyant finalement une ouverture parmi le flot de mes assaillants, je m'y jetai éperdument, trébuchante et hébétée. Courant sur le chemin qui menait à la sortie de la forêt, je me retournai pour vérifier que je n'étais pas poursuivie. Je croisai le regard emplit de larmes d'Héléna, qui pleurait le cadavre sanglant de son fils baignant dans ses entrailles.

Je hurlai.

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 Sujet du message: Re: Forêt du Nord Kendran
MessagePosté: Dim 26 Fév 2017 23:04 
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Les bois s'étendaient menaçants sous le Soleil couchant et imperturbable. Helboldt était descendu du cheval et l'avait laissé là, s'attendant à ce que celui-ci revienne jusqu'aux portes de lui-même – mais non, il profitait de l'absence de maître pour brouter quelques unes des herbes présentes. Le professeur était certain d'avoir vu Ferdinand pénétrer dans la forêt par là, mais il ne reconnaissait rien : ni traces entre les vertes fougères, ni léger bout de tissu arraché après un passage dans des ronces qui pourrait le guider. Il fronçait les sourcils à mesure qu'il s'avançait dans la forêt, un pas après l'autre, sentant quelques gouttes de sueur couler sur sa tempe. Plus il attendait, plus Ferdinand s'éloignait, mais plus il se précipitait, plus il risquait de se tromper – un hululement sinistre le fit sursauter.

- Ferdinand ! cria-t-il.

Seul le silence de la nuit lui répondit. Il pesta à mi-voix et s'aventura plus profondément dans la forêt, écartant du bras les plantes qui entravaient le passage.

- Ferdinaaand ! répéta-t-il en hurlant. Je n'ai pas volé un cheval pour rien, quand même ! marmonna-t-il en continuant de s'enfoncer.

Mais les arbres bloquaient la vision dans toutes les directions. Il était ardu de marcher sans chuter sur le tapis des lichens et des plantes basses. (Il n'a pas pu courir... C'est un enfant... Il n'a pas pu aller bien loin...) Il s'agissait plus d'un espoir fou que de véritables raisonnements. Le gamin courrait et montait aux arbres dans le jardin de ses parents, il était absurde de supposer qu'il ne pourrait pas faire de même ici !

Pris de doutes, Helboldt chercha la bouille maline de l'enfant entre les branchages alentours, mais il n'y avait rien. Il avança encore.

- Ferdinand, viens ici ! ordonna-t-il impérieusement.

Il crut entendre un pouffement retenu non loin et se tourna rapidement, plissant les yeux pour distinguer quelque chose. La luminosité baissait. Sans prendre le temps de vérifier, il se rapprocha de l'endroit supposé du rire révélateur.

- Ferdinand... gronda-t-il.

L'enfant dut sentir l'approche du précepteur et surgit de derrière un imposant tronc pour se mettre à courir entre les bois. (Mais comment fait-il pour aller aussi vite ?) se plaignait intérieurement Helboldt en essayant tant bien que mal de suivre la cadence.

- Ferdinand, ça suffit ! La... La plaisanterie... a assez duré !

Mais il s'essoufflait à crier ainsi dans le vent, frais et nocturne, tandis que l'enfant prenait de la distance, se retournant néanmoins pour rétorquer, par pure provocation :

- M'en fous ! J'vais vivre tout seul dans la forêt, moi !

Et il repartait de plus belle. Ils coururent encore dans le brouillard de la nuit qui s'épaississait mais il arriva le moment fatidique où Helboldt ne tenait plus. Il s'effondra au sol, haletant, Ferdinand disparaissant aussitôt dans l'obscurité à présent maîtresse des lieux.

- Ferdinand... Ferdinand...

Il enrageait – soudain on entendit un cri, un bruit de chute, plus rien. Il n'y avait plus que le vent qui soufflait entre les feuilles, les petits cris des animaux nocturnes, le souffle rauque d'Helboldt tandis que l'air froid embrasait ses poumons à chaque respiration. Mais les sons étouffés de la course de l'enfant s'étaient tus. Il se releva et crut distinguer un gémissement et quelques frottements.

Avançant lentement, chacun de ses pas testant le sol devant lui, il guettait un autre son. Mais seuls quelques pleurs ténus lui parvinrent. Enfin, il sentit le sol descendre brusquement devant lui et demanda, presque inquiet :

- Ferdinand ? J'arrive.

Car c'était bien lui qu'on entendait quelques mètres plus bas, au fin fond de la fosse trop peu éclairée par la Lune pour qu'on distingue le corps de l'enfant. Helboldt s'accroupit, s'avança : puis il se laissa glisser sur le tapis de feuilles mortes jusqu'en bas, un léger crissement accompagnant sa descente contrôlée. Sitôt arrivé au fond, sitôt il sentit contre son pied un corps qui s'écarta un peu. Il se baissa à nouveau, le saisit entre ses bras pour le remettre sur ses pieds et demanda :

- Mon garçon, tout va bien ?

Le gamin essaya bien de se débattre un peu, mais c'était peine perdue et, sans prévenir, il se mit à pleurer – pardon, à hurler. Ses cris se répercutaient loin dans la forêt et, si cela avait peut-être un effet dissuasif sur certains petits animaux, leur position pouvait maintenant être localisée avec précision pour tout prédateur nocturne.

- Ça suffit, il faut rentrer. Chut, s'il te plaît, chuuut...

Mais le garçon continuait à pleurer à chaudes larmes. Soudain, un hurlement lugubre lui répondit au loin et il s'arrêta net.

- Qu'est-ce que - qu'est-ce que - qu'est-ce que c'était que ça ? finit-il par balbutier, commençant soudain à s'agripper nerveusement aux frusques du professeur.
- C'est un loup, ça, répliqua Helboldt du tac-au-tac, donc tu ferais mieux de retenir tes cris si tu ne veux pas qu'il nous trouve.

En vérité, le loup n'avait maintenant sans doute plus besoin de cris pour les pister, sachant qu'ils étaient là, et seule l'obscurité cachait l'anxiété croissante du professeur. D'ailleurs, un second hurlement fendit la quiétude nocturne, clairement plus proche.

- Ou plutôt sa meute, précisa Helboldt. Tu peux te lever ?
- Ou-oui...
- Monte là-haut. Je te rejoindrai ensuite. Attention ? Oh-hisse !

Ils avaient chuchoté ces dernières paroles et, dans un calme certain, Ferdinand atteint le sommet de la butte.

- J'arrive.

Quelques instants plus tard, ils se retrouvèrent tous deux en haut, perdus en plein milieu de la Forêt du Nord Kendran. Le petit garçon, étrangement, vint de lui-même chercher la main du précepteur pour la serrer fort.

- Comment... Comment on fait pour rentrer ?
- Eh bien, il ne reste plus qu'à faire un peu de géographie.

Un silence de mort lui répondit.

- C'est... c'est une plaisanterie, c'est ça ? demanda Ferdinand avec un petit rire nerveux.
- Absolument pas. Quelles sont les caractéristiques de la Forêt du Nord Kendran ?

Ce disant, le professeur commença à s'aventurer dans une direction, tirant doucement l'enfant vers lui, l'autre main palpant les ténèbres devant lui pour s'assurer de ne rencontrer aucun tronc trop brutalement. Bien que maître parfait de ses émotions, il ne savait réellement ce qu'il devait faire : rentrer était une excellente solution, mais que feraient-ils s'ils rencontraient l'une des bêtes qui les traquaient ? En tout cas, en faisant mine de tout garder sous contrôle et en mobilisant la partie rationnelle de l'esprit de Ferdinand, ça servirait à les calmer tous deux...

- Euh... Euh... C'est une forêt de feuillus ? Il y a des loups ?
- Mouais. Tout ceci nous importe peu pour le moment – attention, il y a des orties juste là. Réfléchis, Ferdinand, que pourrait-on utiliser pour se repérer au sein de cette forêt sans aucun repère visuel ?
- Les étoiles ? Je suis sûr que vous savez vous repérer avec les étoiles ! s'exclama l'enfant plein d'espoir.

Helboldt soupira.

- En effet. Mais j'aurais beaucoup de mal à monter aux arbres.
- Moi, je peux le faire ! Je vous dirai ce que je vois et on rentrera à Kendra Kâr...
- Il y a pourtant bien plus simple, répondit le professeur en retenant Ferdinand. Si tu montes à l'un de ces arbres, tu verras Kendra Kâr approximativement dans la direction que nous suivons grâce aux lumières de la ville, mais peut-être que non... Il est difficile de prévoir ce que tu verrais, tout dépend de la hauteur à laquelle nous sommes et de la hauteur de l'arbre : mais je refuse que tu te risques à grimper si je ne peux empêcher une chute, affirma-t-il. J'imagine que, dans le pire des cas, nous ressortirons environ moins d'une dizaine de kilomètres trop à l'Est ou à l'Ouest. Mais si tu regardes le sol...
- Mais oui ! La pente !

Aussitôt, le garçon plaqua de lui-même sa main sur sa bouche, s'attendant à un nouveau hurlement non loin.

- C'est exact, continua le professeur. La pente file vers la mer, c'est bien normal, donc vers la ville elle-même. D'ailleurs... Nous devrions même aller un peu vers l'Ouest, pour être sûrs.
- Pourquoi ça ? Nous ne risquerions pas alors de nous retrouver trop loin, justement ?
- Tu oublies que nous sommes partis dans la portion de forêt à l'Est de la route principale reliant Kendra Kâr aux Duchés. Si nous tombons dessus, il nous suffira de la suivre.

Ferdinand dut acquiescer de la tête dans l'obscurité et ils continuèrent leur marche. De temps à autres, il serrait davantage la main de son guide – à cause d'un hululement, du passage rapide d'un rongeur non loin ou simplement d'un coup de vent dans les branches des arbres. Ils alternaient zones d'ombre sous des feuillages denses et éclaircies à la lumière lunaire quand soudain, une clarté plus grande les surprit. Une clairière de quelques mètres. Ferdinand se laissa tomber au sol.

- Je suis épuisé... tenta-t-il de se justifier.
- Ça ne fait rien, prenons une pause. Nous devons nous rapprocher de la mi-nuit, quand bien même nous arrivions à Kendra Kâr maintenant, les portes n'ouvriraient pas avant six bonnes heures d'attente, expliqua-t-il en s'accroupissant à côté.
- Mais... Si je leur dis que je suis le fils du Baron ?
- Ça ne changera rien, crois-moi, objecta durement Helboldt. Tu t'es enfui, tout de même, peu de chances qu'un privilège tel que celui-ci te soit accordé.

Ferdinand grommela avant de rajouter :

- Pourquoi j'ai l'impression d'avoir plus marché qu'à l'aller ?

Helboldt claqua de la langue et rétorqua :

- Je ne peux pas être sûr avec exactitude de la direction à suivre. Il y a toujours une imprécision : la pente n'est pas si régulière que ça. Quant à ce que j'en vois là, fit-il en désignant la voûte céleste, nous avons pris la bonne direction, à peu près. Tiens, au fait, t'es-tu fait mal tout à l'heure ?
- Ça va, je crois. J'ai eu un peu mal aux fesses...
- Des bleus, sans doute. Si tu as pu marcher jusqu'ici, en tout cas, tu ne t'es rien cassé, mais on vérifiera ça à Kendra Kâr.

Ils restèrent quelques instants là à se reposer lorsque Helboldt se leva.

- Allez. Il est temps de repartir. Plus tôt nous serons proches de Kendra Kâr, mieux ce sera.
- J'ai pas enviiiie...

Mais il suivit tout de même. Ils se reprirent la main ainsi que la marche dans l'obscurité.

- J'ai une question, commença Ferdinand. Combien ça fait, du coup, la longueur de l'autre jour ?
- La diagonale du carré ? Je suis surpris que tu demandes ça en une telle occasion.

Et en vérité, il était étonné. Ce gamin était incroyable à un point...

- Oui, bah dites-le maintenant, répliqua-t-il agacé.
- Ça dépend. Je te le dirai lorsque nous serons rentrés, seulement si tu ne vas pas dire au Baron des bêtises et que tu lui dis bien fort que tu t'es enfui seul.
- Pas de problème, affirma le gamin.
- Ah, oui, et il faudra que tu le convainques que j'ai volé un cheval pour ton bien.

Ils passaient justement dans un rayon de pleine lune et Ferdinand écarquilla les yeux en le fixant soudainement.

- Volé un cheval ? répéta-t-il sans y croire.
- Tu cours vite, éluda le professeur. Mais je suis certain que ton père a les contacts suffisants auprès de la Garde pour étouffer l'affaire.
- Je ne sais pas si je le ferai, du coup... vous êtes un criminel, maintenant.

Helboldt s'arrêta et fixa l'enfant, une colère sourde montant en lui sans que, dans les circonstances présentes, il ne parvienne à l'en empêcher – n'était-il pas perdu en plein milieu d'une forêt avec des loups à leurs trousses ?!

- Bon, ça suffit Ferdinand. Tu t'es bien amusé à t'enfuir comme ça, moi pas. Je suis venu te chercher au fond de cette fichue forêt pour quoi ? Tu crois que je suis payé pour faire ça, moi ? Tu crois que j'ai le choix ?

Le ton s'était levé soudainement, mais cela avait rendu la figure du garçon dédaigneuse. Le contrôle de l'adulte revenait enfin.

- Pardon, Ferdinand. Allons-y.

Mais cette fois-ci, c'était l'enfant qui n'avançait plus.

- Je suis fatigué. J'ai pas envie de continuer avec vous ! On n'entend plus les loups, de toute façon, ils sont loin. J'ai cru un moment que vous étiez sympa, mais je me suis bien trompé dites donc !

Il tourna agilement son poignet et se libéra de l'emprise du professeur pour s'asseoir directement sur place, les bras croisés. Helboldt leva les yeux au ciel, soupira, s'exaspéra à haute voix du manque de réflexion de l'enfant – mais rien n'y fit. Ce dernier restait impassible, cloué au sol, refusant à tout prix de bouger davantage son noble popotin.

Le professeur se tut et attendit un peu, sans bouger, simplement à fixer le gamin turbulent. Il crut que cette guerre froide durerait la nuit, avant de remarquer que l'enfant s'était soudainement mis à trembler.

- Ferdi... ?

Tournant le regard dans la direction que fixait le petit garçon, Helboldt s'arrêta net. De l'obscurité émergeait, grondant, un énorme loup à la crinière noire et épaisse. Ses pattes puissantes morcelaient la terre sous ses pieds à chacun de ses pas lents, tandis que ses yeux rouges luisaient et que ses dents aiguisées et éclatantes prophétisaient une mort certaine à quiconque se laisserait attraper par celles-ci. Ferdinand, doucement, s'était levé et avait attrapé de nouveau la main d'Helboldt, la serrant anxieusement. Ils reculaient aussi imperceptiblement que possible face au loup, mais celui-ci avançait de même, son grondement sourd s'amplifiant à chaque instant. Il était là : agressif et majestueux, terrible et mortel danger.

- Mon garçon... souffla Helboldt. Je vais essayer de le retenir. Tu vas reculer et monter à l'arbre juste derrière, et tu ne vas pas en bouger, compris ?

Il n'attendit pas de réponse et arrêta de reculer, le regard impassible face au loup. Les deux adversaires se jaugèrent quelques instants, et comme il apparut que l'un était bien plus costaud que l'autre, il attaqua brusquement. Les mâchoires du loup fondirent sur le bras du professeur qui se mit à incanter, doucement, quelques paroles arcaniques qui firent trembler – très succinctement – la terre alentours.

Les fluides d'Helboldt s'échappèrent de son corps, investirent la Terre et vinrent entourer le loup en un instant. Les yeux fermés, il suffit d'un petit mouvement de la base du poignet pour que le sol, transformé en boue, vienne entourer les pattes de la bête, écraser ses poils, figer ses muscles et l'emprisonner entièrement dans un étau de boue aussi résistant qu'une prison de métal.

Helboldt sourit, se retourna et fonça jusqu'à l'arbre. Commençant à grimper aux branches, non sans difficultés, il entendait déjà le grognement du loup qui reprenait derrière alors que son sort se craquelait. Ce n'était pas grand-chose, un simple tour de passe-passe appris auprès de ses lointains cousins Hinïons, eux-mêmes experts dans l'art de manier toutes les formes de magie, mais c'était bien utile dans ce genre de circonstances.

Soudain, son pied dérapa sur l'écorce et ses mains faillirent lâcher : de plus petites vinrent le rattraper. Ferdinand se tenait là, aussi agile entre ces branches qu'un de ces macaques qu'on voit dans les zoos des cirques ambulants ou dans les livres d'images pour les enfants. Le professeur lança un regard en arrière, donna un coup de pied sur le museau du prédateur autant pour le repousser que pour s'aider lui-même à se hisser et, avant que le loup ne puisse lui répondre par une morsure, il fut en haut, bien agrippé aux branches épaisses au-dessus du tronc.

Soupir.

- Vous allez bien ?

Il adressa un regard fugace au gamin, cette fois inquiet pour lui. En bas, le loup grogna plus fort et se mit à hurler.

- Il ne va pas monter ? demanda encore l'enfant.
- Les loups ne montent pas aux arbres, expliqua le professeur. Lorsque le jour se lèvera, il partira, de peur que des hommes viennent le traquer par ici. Il est déjà étonnant qu'il se soit aventuré si proche de la ville...

En toute rigueur, c'est sans doute parce qu'il avait entendu le cri d'un enfant à travers la nuit qu'il avait osé. Un instant, on n'entendit plus que le chant du vent et les murmures de la nuit, l'expression comme le souffle d'Helboldt s'apaisant doucement.

- J'ai... un peu peur, continua Ferdinand.

Le professeur s'arrêta à temps pour ne pas soupirer d'exaspération et, lorsqu'il tourna la tête vers le petit garçon, il constata que celui-ci ne regardait pas le loup qui continuait à leur tourner autour en-dessous mais le ciel étoilé. Levant à son tour les yeux vers les espaces entre les feuillages, Helboldt ne put que les écarquiller.

Des volutes de lumière parcouraient l'éther, verts, roses, orangés, dévoilant les couleurs divines aux simples mortels qu'ils étaient. Elles dansaient entre les étoiles, de longs rubans bariolés qui narguaient les vils êtres terrestres et rampants. Mais loin d'être impressionné par ce phénomène qu'on aurait raisonnablement pu qualifier d'étrange, Helboldt plissa les yeux et se mordilla le pouce en continuant de les observer. Pouvait-ce être... ?

- Nous ne craignons rien de cela, affirma-t-il à l'attention de son protégé. Es-tu capable de monter pour que nous les observions mieux ? Les branchages gênent légèrement...

L'enfant, quoique circonspect, hocha de la tête et se mit à grimper jusqu'à un point d'observation où les feuilles bloqueraient peu leur vision, aidant Helboldt à suivre ses pas en lui indiquant les prises. Le chêne sur lequel ils étaient montés était robuste et inébranlable, laissant par chance de larges branches sur lesquelles monter sans risque qu'elles cassent. Malgré une avancée lente et difficile à cause des difficultés qu'avaient le professeur, ils finirent par arriver à leur but.

D'en haut, le spectacle était encore plus magnifique. Les enroulements brillants chassaient l'obscurité de la nuit et éclairaient la forêt et toute la surface de Yuimen d'un éclat mystérieux, le professeur se prenant à sourire devant la scène féerique.

- On dirait les aurores boréales présentes uniquement sur le Nosvéris, si j'en crois les récits des quelques voyageurs qui en sont revenus et que j'ai entendus, ou lus, expliqua-t-il. Dans cette région, c'est tout à fait exceptionnel.

Il prit une pause pour continuer à les contempler, mais Ferdinand le pria d'une petite pression sur son bras à poursuivre.

- On dit par là-bas que ce sont les manifestations des Dieux. Lorsque ceux-ci font la fête, qu'ils chantent et qu'ils dansent, leurs fluides élémentaires se retrouvent éjectés sur la surface de Yuimen et forment ces longues traînées colorées.
- C'est vrai ?
- Oh, je n'en sais rien. Peut-être que c'est tout autre chose... Mais parfois, il suffit de les contempler pour s'en satisfaire, n'est-ce pas ?

Le garçon hocha de la tête sans les quitter du regard. À vrai dire, Helboldt ne croyait guère à ces explications. Il ne pouvait expliquer concrètement l'apparition de ces phénomènes – qu'il pouvait apercevoir pour la première fois de sa vie – mais il se doutait, ou espérait tout du moins, qu'un mécanisme indépendant des volontés divines était en place.

- Peut-être qu'avec ces lumières je peux voir si Kendra Kâr est pas loin.
- Tu peux... Ou tu peux continuer à les observer. Veille simplement à ne pas tomber.

Les yeux fatigués du professeur ne pouvaient se détacher de la vision enchanteresse qu'offraient ces aurores boréales au plus profond de la nuit. Mais Ferdinand affirma, après avoir jeté un regard vers le bas :

- Le loup est parti.

(C'était tout aussi bien comme ça,) songea Helboldt en se calant entre deux branches pour éviter de tomber, sachant qu'il ne se remuait que peu pendant son sommeil – encore un héritage des Hinïons qui se contentaient, eux, de méditer pour recouvrer leurs forces. La nuit était bien entamée, et si l'adrénaline l'avait tenu éveillé jusqu'ici ainsi que l'enfant, le contre-coup commençait à arriver. Et quoi de mieux que de se laisser tomber dans les songes les plus merveilleux, maintenant que les manifestations des Dieux mêmes venaient frapper de leur splendeur ses yeux d'humain, lui qui était condamné à disparaître dans les méandres de l'éternité, tandis qu'eux veilleraient toujours à la continuation de leurs disputes célestes et à la préservation de leurs intérêts divins ?

Sur cette pensée cynique, il s'endormit, après en avoir pris plein les mirettes.



Après

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Dernière édition par Humbert Helboldt le Dim 26 Fév 2017 23:18, édité 1 fois.

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 Sujet du message: Re: Forêt du Nord Kendran
MessagePosté: Dim 26 Fév 2017 23:18 
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- Euh... Monsieur Helboldt ?

L'intéressé grogna un moment et, le dos endolori après cette nuit passée contre de l'écorce, se remua un peu avant de tenter de se rendormir.

- Monsieur Helboldt !

Cette fois, il ouvrit ses yeux et regarda autour de lui quelques instants. La vue des branches, le vent qui se baladait entre celles-ci, il se rappela où il était. D'en bas venait la voix, un petit être l'appelait. Ferdinand était descendu.

Les souvenirs remontaient doucement jusqu'à l'esprit d'Helboldt alors que celui-ci s'extirpait de sa torpeur. Le Soleil devait déjà s'être levé depuis une ou deux heures au vu de sa position et il ne fallait plus perdre de temps. Il descendit prudemment de l'arbre en s'agrippant au branches qui se présentaient, essayant tant bien que mal de se souvenir du chemin qu'il avait emprunté à la suite de Ferdinand la veille, puis s'étira un moment alors que l'enfant, impatient, attendait.

- Bon, commença le professeur en regardant autour de lui. Sais-tu où nous sommes, mon garçon ?
- Évidemment que non, répliqua Ferdinand avec une moue boudeuse, comme s'il croyait entendre là-dedans un reproche. Nous sommes perdus mais vous allez me ramener chez moi, maintenant.
- Bien sûr, continua Helboldt en soupirant. Mais tu te souviens du moyen que je t'ai donné hier pour te repérer, n'est-ce pas ? Maintenant qu'on y voit plus clair, continuons un peu notre géographie.

Il écarta du pieds les feuilles mortes tombées au sol et s'accroupit pour saisir un bâton, puis, faisant signe à son élève de se rapprocher, il commença à tracer sur la terre meuble un croquis de la région alentours.

- Nous nous trouvons dans la forêt du Nord Kendran, vois-tu, mais il est probable que nous soyons encore proches de la capitale. Lorsque je t'ai suivi hier, tu as pénétré dans la partie la plus australe de la forêt. Celle-ci est d'ailleurs subdivisée en plusieurs parties, plus ou moins grosses, artificiellement créées par le Royaume lorsqu'il déboisa des terres afin d'y élever des fermes et des champs. En sachant tout cela, j'attends de toi une méthode pour que nous nous sortions d'ici, plus précise que suivre la pente : voilà pour les travaux pratiques.

Posant son bâton au sol, il se releva lentement et croisa les bras en fixant sévèrement Ferdinand qui réfléchissait en observant la carte minuscule et grossière ; mais intérieurement, il ne pouvait s'empêcher d'être légèrement attendri par l'attitude de l'enfant qui cherchait : il se grattait la lèvre inférieure, les yeux grands ouverts, tendant quelquefois le doigt vers un point du dessin avant de regarder un moment autour de lui.

- Euh... commença-t-il, peu assuré. Nous pourrions nous diriger par rapport aux étoiles que vous avez observées cette nuit ? hasarda-t-il. Je suis certain que vous avez déterminé la direction du Sud grâce à ça, non ?

Un instant de flottement : Helboldt se tourna vers le Soleil, et son élève suivit son regard avant de réprimer un hoquet de surprise.

- Ah, mais oui ! Le Soleil se lève à l'Ouest, donc...
- Le Soleil se lève à l'Est, en fait, intervint le professeur.
- Oui, bon, ma langue a fourché, protesta-t-il en rougissant faiblement, mais il nous suffit d'aller vers le Sud donc... par là... Il indiquait la bonne direction. ...et nous sortirons nécessairement de la forêt. Il nous suffira alors de chercher du regard Kendra Kâr, qui devrait être visible, ou dans le pire des cas de demander à l'un des gueux sur notre passage.

Helboldt opina de la tête. C'était bien ça – même s'il n'avait pas pensé à la dernière partie. Le bon professeur qu'il était n'avait donné presque que des informations inutiles juste avant : mais comme Ferdinand avait eu à réfléchir dessus, pensant sans doute qu'il valait mieux ne rien omettre de ce qui lui avait été révélé, il retiendrait tout cela d'autant mieux.

- Très bien. Il te faudra donc simplement apprendre où se lève le Soleil, et ç'aurait été parfait.
- Mais je le sais ! protesta l'enfant.
- Allons-y.

Alors qu'il prenait la tête, un sourire émergea sur le visage du professeur. Malgré toutes ses réticences, il semblait bien que Ferdinand savait apprendre des choses, user de sa raison et, éventuellement, écouter le précepteur qu'on lui avait assigné. Il marcha un moment avant de se rendre compte que le petit garçon ne le suivait pas. Se retournant rapidement, il le vit revenir vers lui, un sourire radieux aux lèvres et la main pleine de petites baies rouges : les yeux d'Helboldt s'écarquillèrent lorsqu'il reconnut le fruit en question.

- Regardez, j'ai trouvé ça, quand j'avais faim !

Et il tendait sa main et ces concentrés de poison vers son protecteur tout en amenant l'une de ces petites boules rouges comme le sang à sa bouche.

- Attends ! Non, surtout pas !

Le professeur se jeta sur lui, le plaquant au sol : mais c'était déjà trop tard et il avait avalé le cascavel, les autres tombés au sol sans avoir atteint sa bouche. Ils s'immobilisèrent un moment, Ferdinand regardant sans comprendre les yeux oscillant entre un brun humain et un doré elfique, cette dernière couleur bien plus éclatante lorsqu'ils étaient proches à ce point.

- Vous êtes... un Elfe ? demanda alors l'enfant. Mais vous avez de la barbe...
- Ça suffit, arrête de parler !

Outre le fait qu'Helboldt n'avait guère envie de parler de ses origines à moitié reconnues – malgré tout l'égard qu'on portait aux Elfes blancs de Cuilnen, ou Hinïons, il savait fort bien qu'un professeur humain était toujours mieux vu qu'un Elfe par les Hommes, et encore plus qu'un être à la frontière entre les deux. La “pureté du sang” valait aussi bien à Kendra Kâr qu'à Cuilnen...

Mais il n'y avait pas de temps à perdre et la conversation ne pouvait se détourner ainsi alors que Ferdinand était dans un tel danger. Helboldt ne connaissait que trop les ravages de cette petite baie – il y eut une période de l'histoire des puissants qui se révéla très mouvementée avant qu'on ne découvre un antidote – et il saisit le garçon avant de lui taper violemment le dos et de lui contracter l'estomac.

- Aïe !

(Tant pis pour la douleur !) fulminait le professeur.

- Il faut que tu vomisses, Ferdinand !

Alors, lui donnant un grand coup de pied dans les côtes, l'intéressé s'échappa de l'étreinte du professeur et s'allongea sur le côté en se tenant le ventre.

- Vous me faites mal !
- Malheureux... répondit Helboldt dans un hoquet de douleur. Les baies que tu as avalées sont toxiques, bon sang !

Il souffla un coup et regarda autour de lui. Ferdinand ne se laisserait pas faire, même après ça : il était déjà en train de se traîner lentement hors de la portée du professeur. Soudain, le regard d'Helboldt se figea sur un arbrisseau au feuillage caractéristique. Il se releva en réprimant la douleur qui irradiait de son flanc – (Il a frappé fort, le bougre !) - et fouilla entre les feuilles à trois folioles et aux nervures bleuâtres. Enfin il trouva quelques fruits, des petites graines semblables à des glands s'il n'y avait cette couleur légèrement mauve qui les trahissait : il en rassembla six en les cueillant doucement, sans abîmer l'arbuste et s'avança vers Ferdinand.

Le teint de l'enfant était déjà plus pâle et il ne put reculer suffisamment rapidement pour échapper au tortionnaire qui lui servait de docteur. Celui-ci, glissant deux des graines dans sa poche, approcha les autres de la bouche de Ferdinand.

- Prends-les, croque-les, puis avale, indiqua-t-il.

Puis il attendit, observant le teint de son protégé. Celui-ci se fit un peu plus blanc, avant de virer rapidement vers un vert kaki et un haut-le-cœur le surprit avant qu'il ne vomisse pour de bon : au milieu de la bile éjectée – il n'avait pas mangé depuis la veille –, on reconnaissait sans mal le coloris rouge du fruit broyé.

(Tout dans la douceur,) songea le professeur sans oser un sourire : car il était évident qu'un peu de la toxine était déjà dans le sang de l'enfant, ou restée à l'intérieur de ses entrailles. Il s'avança, le saisit et le mit sur son dos. Ferdinand était déjà trop faible pour se débattre, apparemment : non seulement à cause des premiers effets de la baie, mais également suite à la faim, la soif, et du fait qu'il s'agissait d'un enfant, tout simplement.

(Même s'il a vomi,) songeait Helboldt en commençant à avancer vers le Sud, (il doit rester encore une quantité suffisante de toxine pour que ce soit dangereux pour sa vie, vu son poids. Je dois avoir, disons, un peu plus de ving-quatre heures devant moi... mais dans quarante-huit heures, si un antidote n'est pas administré, ça deviendra risqué... Avec lui sur les épaules, dans trois heures, je devrais être à l'entrée de Kendra Kâr...)

Et il continuait de réfléchir à l'urgence du moment en avançant d'un pas sûr et régulier entre les bois denses et sombres – tout comme ses propres pensées.

(Pourvu que je ne perde pas mon poste.)


***


Après une petite heure de marche, la forêt s'arrêta brusquement et Helboldt déboucha sur un champ de blé. La route n'était pas loin, et les hautes murailles de Kendra Kâr était tout à fait visibles. Faisant fi de la fatigue qui commençait à se faire sentir, particulièrement avec la masse de Ferdinand en plus sur les épaules, le professeur continua sa route vers la ville.

Bien vite toutefois, quelques cavaliers l'abordèrent, arborant les insignes de la baronnie. Il tenta bien de s'expliquer : mais on avait naturellement cru qu'il avait enlevé l'enfant pour réclamer une rançon lorsqu'on avait constaté sa disparition. Il fut fait prisonnier, assommé, ramené à la ville blanche - celle bénie par Gaïa, Déesse de la justice la plus pure -, alors que le petit Ferdinand, considéré comme la réelle victime de cet odieux rapt – son teint bien pâle ne montrait-il pas les stigmates de sa captivité ? - était dûment ramené chez lui.

Mais, comme selon l'usage, le Baron avait préféré faire justice lui-même sur ce qui l'arrangeait. À quoi bon laisser un hors-la-loi entre les mains de la couronne qui ne comprend pas toute la douleur qu'il a eu à subir alors que son cher enfant était introuvable ? Leur punition n'allait-elle pas être trop légère ? D'un point de vue légal, le vol de cheval et l'usurpation d'identité à l'entrée de la ville, la veille, avait été étouffé en suivant le bon vouloir du Baron lui-même : aussi l'inconnu n'était-il plus qu'un ennemi de ce dernier, et non du Royaume.

Et c'est ainsi que le professeur émérite fut jeté dans une cave du manoir de la maison, attendant que sa peine arrive : et c'était sans doute une fort juste peine, puisqu'un véritable noble ne se trompe jamais, comme on l'enseigne aux valeureux paysans de nos campagnes.

Il allait donc croupir là pendant quelques heures, quelques jours peut-être afin de méditer sur sa faute extrême : mais non, le Baron avait décidé d'écourter son répit et pénétra quelques minutes après son arrivée au manoir, le regardant s'éveiller après qu'un soldat à sa solde lui eut jeté à la figure un seau d'eau froide.



Après

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Humbert Helboldt


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