PrécedemmentNouvelle rencontre :
Deux individus en armure de cuir, avec un capuchon de tissus verts, se tiennent devant un autre de taille bien plus réduite, drapé dans un tissu bleu électrique lui entourant la tête et tombant dans son dos, au-dessus d’une cotte de mailles lui protégeant le corps. Serais ce un nain ? Mon mentor m’en avait parlé lors d’un cours sur les différentes races qui peuplent notre monde, et ils étaient sans doute les seuls pour qui il avait un peu d’estime. Je n’en avais jamais vu avant mais la description qu’il m’en a faite correspond au physique de l’individu : petit, trapu, forte ossature, musclé et une barbe qui rendrait jaloux n'importe quel homme fier de sa virilité. Mais que ferait-il si loin de ses montagnes ? À côté de lui sa monture attend, aussi silencieuse et immobile que lui, chargée de deux sacs qui ont l’air bien remplis.
Je ne suis pas assez proche pour entendre ce qui se passe mais les deux hommes se tiennent devant le nain, l’air moqueur, alors que celui-ci reste stoïque, les bras croisés, fixant du regard un point au loin, entre les deux hommes, un marteau finement gravé repose à ses pieds, comme si l’avait lâché d’un coup. J’arrive finalement à hauteur de la scène, et m'apprêtant à passer mon chemin, l’un des hommes lève soudainement son bras en travers de ma trajectoire, et son compagnon me lance avec un rire moqueur.
« Eh beh dis donc, un deuxième voyageur, désolé mon gars mais pour passer par ici faut payer la taxe » Je tourne lentement ma tête vers lui pour planter mon regard dans ses petits yeux porcins. Il est légèrement plus grand que le nain, qui semble d’ailleurs être plutôt dans la haute moyenne des tailles naines, et rondelet, une fine barbe recouvre ses joues qui s’agitent dans un rire moqueur et idiot à chacune de ses phrases. Sa voix nasillarde et aiguë serait plus crédible dans un rôle de comédien que sur cette route à proférer des menaces dissimulées. Le deuxième, celui qui m’a arrêté, est plus grand et semble bien en forme, contrairement à l’autre son sourire satisfait qui révèle ses dents blanches est plus inquiétant. Je peux voir alors l’éclat de l'épée courte qu’il porte à sa ceinture, alors que son compagnon, tenant déjà ses dagues en main, les agite dans tous les sens en discutant. Je devine facilement qui est la tête et qui est les bras dans ce duo improbable.
« T’es un muet toi aussi ? Ça fait 10 minutes que c’nain bouge plus d’puis qu’on lui a dit qui fallait payer, tu sais on est patient, et y’en a d’autre qui prendront l’relais pour nous » Dit-il avant de pouffer
Je me décide à discuter, du moins autant que je le peux, ils entendront sans doute raison.
« Je n’ai rien » « Ah bah ça c’est bien bête, t’vois, on s’occupe de faire en sort’ que l’chemin soit vide de tout type de bestiole un peu dangereuse qui rôde dans l’coin, et si les voyageurs peuvent pas nous rémunérer pour not’ service qui va l’faire hein ? » Dit-il, fier de sa tirade, m’adressant un sourire mielleux.
Je ne réponds pas, mais la main de l’autre individu se pose sur mon torse et me repousse en arrière avant de croiser les bras, son regard me mettant au défi de réessayer d’avancer.
« Et bien j’t’en prie, libre à toi d’passer par la forêt, elle n’attend qu’ça ! » Continue-t-il en se grattant la barbe d’un air pensif
« Mais fais gaffe, ce s’rait dommage de tomber sur des bandits d’grands chemins en t’promenant, et j’crois qu’personne n’en entendrait jamais parler ! » Finit-il en explosant de rire, faisant même bouger les épaules de son compagnon.
Mon regard s’assombrit, ma main se serre autour de mon bâton, le sang commence à battre à mes tempes. Ne pas s’abandonner à la rage, c’est dans tous les préceptes de Gaïa et ce que j’ai appris de plus important, mais bizarrement en ce moment c’est un sentiment qui me revient de plus en plus. Autour de nous la nature s’est tu, comme si elle s’intéressait à ce spectacle qui se déroule sous ses yeux. En respirant fort pour me calmer, je remarque soudainement une sensation particulière. L’air semble crépiter autour de moi, et une chaleur étrange monte de là où se tient le nain, mais trop absorbé par leur scène de théâtre, les deux bandits ne s’en sont pas rendu compte.
« C’est ridicule, cette route ne vous appartient pas, laissez-moi passer » Dis-je d’une voix forte, faisant vibrer l’air autour de nous, mon physique et ma voix suffisent généralement à dissuader les plus audacieux.
Mais ces gens-là en ont vu d’autre, et c’est un nouvel éclat de rire qui accompagne ma déclaration, mais son compagnon, dégaine son épée et m’adresse un regard carnassier.
« Bon maintenant tu vas faire comme le gnome ici présent, pose ton bâton et tout va bien se passer » Cette fois-ci c’est le grand qui a parlé. Sa voix grave, sournoise et empli de cruauté témoigne bien mieux de la situation que celle de son compagnon, et colle parfaitement avec son image. Il est à peine plus petit que moi et semble bien plus taillé pour le combat que son compagnon, sa position montrant qu’il est prêt à agir à tout moment.
Soudainement, un son qui semble résonner du fond d’une caverne retentit à côté de moi. Le nain qui était resté discret jusqu’à maintenant, fidèle à son rôle d’individu borné et têtu, laisse tonner sa voix.
« Maintenant gamin ! »C’est alors que le crépitement qui se faisait sentir depuis un moment explose en un éclair bleuté qui part de sa main tendue pour frapper les branches de l’arbre qu’il fixait depuis le début, et au milieu du grésillement de l’air et du fracas des branches, j’entends un cri continu transpercer le vacarme soudain alors qu’une forme humaine semble tomber de là où elle était perchée, un cri interrompu uniquement par sa brusque rencontre avec le sol. Ce coup de tonnerre donne une nouvelle tournure à la situation. Avant même que les individus nous retenant puissent réagir, le nain tend sa main vers son marteau au sol, celui remontant d’un coup dans sa main, et n’ayant pas le temps d’armer son coup, frappe directement d’un revers le balourd hébété en face de lui. J’imagine que la graisse protège un peu des coups contondants, car bien qu’il émette un cri de douleur et se tienne instinctivement l’abdomen, lâchant ses armes de surprise, son poing droit s’envole directement pour frapper le nain en plein visage, qui semble encaisser le choc sans broncher.
Je ne verrai pas la suite de leur combat, car à peine ses deux évènements partis que l’individu en face de moi reprend ses esprits et se lance en avant pour tenter un coup d’estoc me visant directement. Je l’évite de peu en me décalant rapidement, ayant deviné son intention au positionnement de ses jambes, mes cours n’ayant pas été si inutiles, mais sa lame érafle quand même ma ceinture. Ne voulant pas le blesser, j’essaye de le repousser violemment avant qu'il ne puisse enchaîner avec un autre coup, mais celui-ci s’accroche à ma manche droite avec sa main droite et me tire en même temps avec lui, avant de profiter de l’élan pour m’envoyer son front en plein visage. Partant en arrière après le choc, sonné pendant quelques secondes, il me tire à nouveau vers lui et essaye cette fois-ci de me trancher le bras droit au niveau du coude, que je sauve en mettant mon bâton au point de rencontre entre la chair et le fer par réflexe, interrompant la chute de la lame. Pliant légèrement sous le choc, j’attrape à mon tour son bras qui me tient la manche et le tire violemment vers moi et lui met un coup de pied dans le tibia pour le faire tomber, mais dans sa chute, il tente un coup maladroit avec le tranchant de sa lame qui fait mouche, et m’entaille le haut du bras droit en déchirant ma soutane.
Il s'effondre lourdement alors que j’agrippe immédiatement ma blessure, tentant de vite concentrer le fluide de lumière pour réduire la taille de la plaie. Je m’apprête à prendre mon souffle pour lui faire entendre raison, mais mon adversaire ne s’attarde pas au sol, il se relève légèrement, face à moi, son sourire remplacé par une expression de froide concentration, et il se lance en avant. Il tente un nouveau coup d’estoc que j’évite encore une fois, mais ayant prévu mon mouvement, son poing accompagne son geste, et il me frappe durement à la tempe, réveillant ma migraine. Finissant dos à moi, il se retourne en tenant son épée à deux mains pour enchainer avec un autre coup, que j’arrive à stopper avec mon bâton à la perpendiculaire, mais le choc est bien plus violent que ce que j’avais prévu et ma garde se défausse, emporté par sa lame. Entrainé par son élan, il continue son mouvement circulaire en pivotant et en m’envoie son coude dans les côtes, heureusement amorti par ma ceinture en cuir, me faisant grimacer de douleur. Reculant sous l’impact, je suis de nouveau à la portée de son arme, mais alors que la colère le gagne, ses mouvements se font de plus en plus violents et irréfléchis. Me tenant toujours les côtés, il se jette sur moi pour me trancher en diagonale, mais j’arrive à reculer pour éviter sa lame et ne voulant pas lui laisser une autre occasion d’enchainer, je lui fauche les jambes avec mon bâton en le poussant, le laissant encore une fois roulé dans la terre. Ça ne lui plait pas du tout.
Le regard que je croise reflète toutes ses intentions meurtrières, et c’est avec un visage tordu par une haine indicible qu’il se jette sur moi cette fois, hurlant comme une bête. Il arrive au contact bien plus vite que ce que j’avais prévu, et si j’esquive de justesse sa lame, qui laisse une nouvelle déchirure dans ma tenue et à mon flanc droit, son épaule vient me frapper directement dans le ventre.
Il me ceinture en me soulève ainsi, se projetant contre l’arbre le plus proche contre lequel il me plaque violemment, un filet de sang coulant de mon bras traçant notre chemin sur le sol. Ma tête heurte le bois dur et je me retrouve encore à voir des étoiles pendant un instant, le souffle coupé, sentant le sang chaud couler de mes deux plaies. Il recule et affirme sa prise sur la garde de son arme avec ses deux mains alors que je tente de reprendre mes esprits, il arme son coup et avec un nouveau hurlement de bête, tente de me décapiter en visant la gorge. Gaïa veille sans doute sur moi, car je me décale encore juste à temps pour éviter son coup mortel. Son épée vient se planter avec un son sourd dans le bois, projetant des éclats d’écorces dans tous les sens, témoignant de la violence de l’impact, nous éraflant le visage. Voyant bien que je ne pourrais pas le raisonner, et sentant une rage froide monter en moi, je me décide à agir alors que j’ai l’initiative. Abruti par sa colère, il tente de retirer sa lame de l’arbre sans se préoccuper de moi. Sans réfléchir à la conséquence de mon acte, me laissant guider par mon instinct, je saisis mon bâton à deux mains et le frappe de toutes mes forces dans le dos avec l'extrémité en forme de soleil alors qu’il tente toujours de décrocher son épée. Un craquement hideux retenti le long du chemin, et son torse rencontre sa lame lorsqu'il s'écrase contre le tronc de l’arbre. Protégé du tranchant par son armure de cuir, son visage se fracasse quand même contre l'arbre et il tombe au sol en hurlant, cette fois-ci de douleur. Son cri humain me tire au bout de quelques secondes de la sourde fureur dans laquelle j'étais plongé, et réalisant mon acte je décide immédiatement de me porter à son secours. Mais alors que je m’agenouille à côté de lui pour calmer sa douleur, il m’agrippe d’une main à la gorge, et son visage me fait frémir. De son nez brisé coule un flot rouge ininterrompu, il bave et grogne, sa peau visible est parcouru du relief de ses veines gonflées, ses yeux injectés de sang et ses traits crispés laissant transparaître une rage animale qui ne sera calmée que lorsque le sang aura coulé à flot. Un tel état ne peut pas être normal pour un homme. C'est avec horreur que je le vois tirer une dague de son étui à sa ceinture alors que ma respiration devient aussi laborieuse que la sienne. Retenant sa main tenant la dague qui visait mon front, et agrippant par réflexe son bras qui m’étrangle, je tente de m'échapper de son emprise mais sa poigne est bien plus solide qu'au début de notre altercation.
Je perds du terrain et sa lame n’est plus qu'à quelque centimètre de mon visage lorsqu’une ombre trapue apparaît au-dessus de nous, et le visage bestial du bandit disparaît sous un marteau en fer qui met définitivement fin à sa vigueur surnaturelle ...