(((HRP : Achat d'un billet Kendra Kir-Tahelta pour 185 yus.)))

Intervention gmique pour Aenaria

Ayant entendus les trois coups, voilà qu'un jeune homme charmand, souffrant d'un léger embonpoint arriva à la course et s'installe à son comptoir.

"Bonjour mademoiselle, désolée pour le délai " Il sortit son livret de billet et une plume qu'il trempa dans l'encre noire.

"C'est bien pour Tahelta ? .... Ça vous fera 185 yus ! "

Il ramassa les yus et souhaita bon voyage à Aenaria. Derrière elle, attendait une femme aux longs cheveux bruns qui chantonnait tout bas une petite chanson enfantine.

A peine débarqués de l'Aynore en provenance de Tulorim je hèle un employé d'Air-Gris passant par là:

"Bonjour, nous devons nous rendre à Bouhen, rapport à la demande d'aide des étrangers, pourriez-vous nous indiquer le Cynore que nous devons prendre?"

Le Sindel soupire en tendant le bras pour me désigner le véhicule en question, bien plus petit que le titan qui nous a amenés ici:

"C'est celui-là. Dépêchez-vous, il part dans quelques minutes et il vous faut quand même un billet."

Nous nous dirigeons donc vers le comptoir, je réitère ma demande et me vois offrir sourire de convenance, billet et souhait de bon voyage d'un même tenant. Je ne peux empêcher un léger sourire ironique de fleurir sur mes lèvres, mais je ne commente pas et nous nous dirigeons sans plus attendre vers le Cynore pour y embarquer avant qu'il ne décolle.

Tanaëth ne laissa pas le temps à Kay d'admirer le paysage - il n'était pas particulièrement beau, Hidirain restant dans ses critères la plus belle ville qui fut, mais il était nouveau ce qui le rendait extrêmement intéressant - et se dépêcha de descendre pour, ensuite, héler un employé de la compagnie Air Gris, lui demandant quel cynore ils devaient prendre pour se rendre à Bouhen. Kay s'était demandée quel était la différence entre un aynore et un cynore. Elle avait la réponse sous les yeux.

(Donc, en résumé, les aynores, ce sont les plus gros et c'est pour voyager entre deux continents et les cynores, ce sont les plus petits et c'est pour voyager sur un même continent ?)

Elle n'eût pas le temps de poser sa question à Tanaëth. Le maître d'armes venait d'apprendre qu'il leur fallait malgré tout un billet et avait agi en conséquence, repartant d'un bon pas pour rejoindre au plus vite le comptoir et, comme le cynore partait dans quelques minutes à peine, la machine proprement dite. Kay ne manqua pas, néanmoins, de noter que l'elfe gris qui s'était occupé de leur billet, avait la même indifférence que celle rencontrée à Tulorim.

(C'est un critère de recrutement chez eux ?)

Quelle tristesse, elle qui avait cru pouvoir trouver des gens de son peuple avec lesquels discuter, desquels apprendre une culture qu'il lui manquait ! Mais déjà, le cynore s'envolait, quittant Kendra Kâr pour Bouhen.

Ton histoire n'avait pas commencé sur cette plaine où l'air battait les flancs des dompteurs des cieux comme les fourmis qu'ils transportaient, dans cette prairie que son élection comme zone d'embarcation avait rendue grouillante de gens, de bagages, d'ordres lancés et d'ordres reçus, de départs et d'arrivées, de confuses et bruyantes conversations. Ton histoire avait commencé depuis plus longtemps. Depuis le jour de ta naissance dans cette ville désormais lointaine que seul un médaillon pendu à ton cou pouvait encore t'en faire mémoire. Mais c'était bien ici, dans les alentours de Kendra Kâr que ton Destin s'était mis en marche.

Tu regardais les êtres et les choses avec un fin sourire hautain, mais des yeux qui ne brillaient que de curiosité. Pour la première fois tu quittais (et ceci pour longtemps croyais-tu) ta famille, tes terres, ton pays. Ici, rien n'était plus comme tu l'avais toujours connu. De nouvelles habitudes, de nouvelles façon d'utiliser sa langue et ses mains, de nouveaux accoutrements s'entrechoquaient avec ta culture plusieurs fois centenaires. Tu promenais ton nez en l'air comme un chien l'aurait fait de sa truffe, humant les parfums de dix régions différentes, t'abreuvant des mille couleurs inédites, tentant, de tous tes sens, d'assouvir ta soif de connaissance de ce monde inconnu sous l’œil attentif de cette statue grandeur nature qui représentait quelqu'un que tu ne connaissais pas.

Un autre voyageur - qui avait été à bord du même transport que toi sans doute - te bouscula en te frappant sèchement l'épaule au passage. Ta rêverie se brisa et tu lui lanças un regard noir. Ta main gauche tripota nerveusement la courte dague que tu portais à ton côté, dissimulée par les pans larges de ton pantalon. Par dessus s'agitait doucement ta tunique en laine rêche et brute. Une large bande de tissu que tu nouais comme une capuche autour de ta tête, les deux bouts reposant sur tes clavicules, et que tu avais abaissée à ton arrivée ici, pour mieux voir, complétait ta tenue. Étonnamment, tu marchais pieds nus. Rien de ce dont tu avais recouvert ta peau n'avait l'odeur de ta patrie. Les beaux vêtements immaculés de ton mariage, tu les avais tous vendus pour pouvoir te payer le voyage qui, du Naora, t'avais emmené jusqu'à Nirtim. Heureusement, c'étaient de belles étoffes où tout l'art des tisserands habiles de Kers s'était rassemblé. Tu avais réussi à payer ton voyage. Mais tu n'irais pas plus loin, tu le savais.

Tu fis rouler tes épaules en arrière pour décrisper tes muscles à cran et te mis en marche, droit sur la ville qui t'ouvrait, en même temps que ses portes, la promesse d'une autre vie. La magnifique épée - quoiqu'un peu rouillée - qui te traversait le dos par la diagonale, tressautait à chacun de tes pas, te rappelant constamment, comme une mélopée languissante, la raison de ta présence sur cet autre continent que le tien. Tu te souvins que tu avais failli l'abandonner aux mains de ce marchand peu scrupuleux, tant était profond ton désespoir. Tu avançais d'un pas fier et décidé, ton ventre grognant douloureusement. Où manger ? Où dormir ? Ces réponses, tu espérais les trouver à l'intérieur de la puissante ville kendrane...

<-- La grande rue

Adoptant toujours un rythme très rapide de marche, Sibelle sortit rapidement de la ville pour se rendre à la zone d’embarcation. Il s’agissait en fait d’une simple prairie ou Cynore et Anyore atterrissaient et décollaient tour à tour. Tout près du chemin, Sibelle put lire une pancarte de bois fixée sur un arbre affichant en lettres blanches le nom de la compagnie aérienne : Air gris. Et puis tout juste à côté, un petit kiosque où se tenaient deux employés. Sibelle prit la file et attendit son tour tout en fixant les appareils volants souhaitant secrètement de ne pas être victime de mal de l’air.

Lorsque son tour vint, un homme souffrant d’embonpoint d’un certain âge et vêtu richement tenta de la doubler. Les réflexes rapides et l’humeur changeante, Sibelle l’agrippa par l’épaule et lui dit d’une voix ferme, sans hausser le ton.

« Prenez la file et votre tour arrivera. »

Cela dit, elle se rendit au petit comptoir ou un jeune homme boutonneux, l’accueillit timidement :

« Je voudrais payer un passage pour Oranan, et j’aimerais partir le plus tôt possible. »

Entendant la requête de la rouquine, les yeux du jeune homme s’arrondirent, puis il se tourna rapidement vers un autre employé tout près d’un cynore sur le point de retirer la passerelle, et les bras en l’air lui fit signe d’attendre. Son collègue ayant fait un signe positif de la tête. Il se retourna vers Sibelle.

« C’est de justesse, mais vous pourrez embarquer immédiatement. Une minute de plus et vous auriez dû attendre le prochain. Cela fera 64 yus, voici votre billet. »

Sibelle paya la somme demandée, remercia froidement l’employa et courut jusqu’à ladite passerelle et s’engouffra dans l’appareil.

--> Trajet aérien vers Oranan

Devant lui l'attendait les grandes étendues herbeuses de Kendra-Kâr et non loin une cité, une capitale où le roi officiait ainsi que toute sa cour qui comprenait dans le lot un Sindel du nom de Naémin, fils de la défunte reine et de feu le roi de Tahelta, mais plus important, un sombre destin l'attendait près d'un chêne millénaire à l'orée d'un petit bois. Prestement le mage quitta sa compagne Aewyn, celle-ci commençant à le coller d'un peu trop près comme si elle sentait que quelque chose n'allait pas. Avant même que la passerelle ne touche le sol, il sauta au sol et se dirigea d'un pas vif en direction de la mort qui l'attendait de pieds fermes. Alors qu'il atteignait la zone où l'attendait Naestys, il reçut un violent coup de pied derrière ses mollets et le mage chuta lourdement contre le sol. Recrachant la poussière qu'il avait avalé malencontreusement, il se redressa et fit face à Naestys qui le regardait férocement de ses yeux noirs tandis que le second Sindel masqué qui l'avait fait chuté attendait le châtiment du traître.

- Qu'on en finisse Naestys ! s'époumona Aeglos

L'interlocuteur grogna sa désapprobation, mais leva bien haut son épée avant de la diriger vers sa gorge pour lui accorder une mort lente. Le geste fut interrompu in extremis par Aewyn qui l'avait poursuivi, intrigué par son comportement, le plat de son épée contre le tranchant de celle de l'Ithilauster.

- Encore une fois Aeglos, tes actions auront pour conséquence la mort d'une innocente !

Avant même qu'il ait pu prononcer un son, le second Sindel l'attaqua et ce n'est qu'en roulant pour le faire tomber que le mage put survivre. Tous deux à terre, chacun cherchait à prendre son arme de prédilection. Alors que le Sindel se releva pour le frapper d'un coup vers le bas en horizontal, Aeglos se saisit de son bâton qui se refroidit lorsqu'il lança un sort. Des pics de glace percèrent l'armure de cuir qui protégeait peu efficacement son assaillant qui saignait abondamment mais n'était pas encore mort pour autant. Aeglos se releva prestement, profitant de la blessure mortelle de son adversaire pour le finir, créant de nouveaux pics de glace et les envoyant en direction de sa boîte crânienne.

Aeglos se retourna lorsqu'il entendit le cri d'une femme qui n'était autre qu'Aewyn qui s'effondra, la gorge tranchée, émettant encore quelques faibles sons avant que la lueur de son regard ne s'éteigne pour jamais. Aeglos chancela sous le poids de la culpabilité et du chagrin. Encore une fois, il n'avait pu sauver un membre de sa race. L'hébètement laissa la place à une sourde colère et il pointa son bâton en direction de Naestys, cependant celui-ci envoya son bâton au loin d'un coup d'épée et le mit à genou d'un coup de genou dans l'estomac. C'est alors qu'il la vit, telle une ombre à l'orée du bois, une autre Sindel.

Naestys leva son épée et s'apprêta à frapper mais l'ombre semblait s'être rapprochée de sa cible.

Alors que le prêtre de Sithi s'apprêtait à achever Aeglos, épée brandie, le mage vit soudain un éclat argenté au-dessus de la tête de son agresseur, suivit du sifflement d'une lame qui fend les airs. La main du prêtre, prolongée de son arme, chut au sol tandis qu'un flot de sang s'échappait de son moignon tranché net. Il hurla de douleur et voulut se retourner pour voir qui l'agressait ainsi, mais la lourde épée revint à la vitesse de la foudre et heurta brutalement la tempe de l’ecclésiastique du plat de la lame, l'assommant pour le compte. L'ennemi d'Aeglos s'effondra, permettant au mage de découvrir à qui il devait la vie.

La Sindel était grande, approchant les deux mètres, et d'une beauté peu courante malgré la dureté de ses traits et de son regard. L'arme qui avait balayé le prêtre de Sithi était une puissante épée à deux mains, la femme à la chevelure mi-longue d'un blanc de neige l'essuya posément sur les vêtements de l'Ithilauster avant de la rengainer dans le fourreau accroché dans son dos d'un geste fluide. Outre cette arme, elle portait deux autres épées à la ceinture, plus courtes, mais ne possédait aucune armure, simplement vêtue de cuir et de lin. Elle alla ensuite brièvement examiner la compagne du mage avant de faire enfin face à ce dernier, le jaugeant d'un regard froid et analytique:

"Elle est morte. Voudriez-vous m'expliquer pourquoi cette vermine d'Ithilauster vous a attaqué?"

Les deux mains de la guerrière s'étaient posées souplement sur ses deux armes de ceinture. Sans doute avait-elle entendu les paroles prononcées par le prêtre, ce qui l'avait décidée à intervenir en faveur du mage, mais il était clair qu'elle attendait maintenant une explication et son air glacial disait clairement qu'il serait préférable qu'elle soit bonne.

Alors que le mage attendait la mort, son cœur pris dans un étau de glace, son âme étreinte du chagrin d'assister à nouveau à la mort d'un membre de sa propre race, le couperet ne tomba pas et à la place, Naestys hurla de douleur, ravivant d'anciens souvenirs lorsqu'ils avaient combattu dans ce monde entièrement recouvert de glaces et de neiges. Son bras n'était qu'un moignon ensanglanté qui roulait sur le sol, couvrant la plaine herbeuse de son fluide carmin. Il ne vit qu'une grande épée fendre l'air pour venir frapper du plat de la lame la tempe de l'Ithilauster. Ses yeux se posèrent sur sa sauveuse, elle était plutôt grande, même pour une Sindel et malgré sa beauté, elle arborait un masque de froideur qui avait de quoi effrayer. Ses cheveux mi-longs immaculés essuya le fil de son épée avant de la rengainer et de lui faire face.

Son regard de glace et dépourvu d'émotions le paralysèrent un instant. Etait-elle une alliée ou une prêtresse de Sithi qui n'avait guère apprécier que Naestys cherche à se venger personnellement en oubliant le sens de sa mission ? Ce n'est que lorsqu'elle posa sa question après une remarque douloureuse sur l'état de sa défunte compagne qu'il songea qu'elle ne pouvait être avec les Ithilauster. Il se releva doucement mais ne fit aucun geste en direction de son bâton, elle n'était guère le genre de femme que l'on devait sous-estimer. Il posa un regard triste sur le corps d'Aewyn puis entreprit de commencer son récit d'un air las et mélancolique.

- J'imagine que la question est légitime au vu de la situation.

Il regarda sa sauveuse dans les yeux avant de continuer.

- Je suis un prêtre de Yuïa qui a étudié pendant des siècles auprès de l'ordre des Maenauster à Tahelta. Je servais avec zèle le roi et la reine, je les avais averti qu'en dépit des bonnes intentions des Ithilausters, leurs actions tendaient à mettre en péril les nôtres. Outre cela, il y a des siècles, mes pouvoirs grandissant ont inquiété mes confrères et consœurs et c'est à partir de ce moment qu'ils ont commencé à me traquer. Je n'ai appris que récemment la mort des Majestés lors d'une attaque des troupes d'Oaxaca.

Laissant un petit silence gênant s'installer, il douta un instant à lui dévoiler toute son histoire, puis finalement, il y consentit considérant que sa dernière phrase pouvait semer le doute dans l'esprit de la Sindel.

- Pendant des siècles, j'ai parcouru de nombreux mondes parallèles et y ait rencontré de nombreuses civilisations toutes différentes les unes des autres, ainsi cela ne fait qu'une bonne année que je ne suis de retour sur Yuimen. Les Ithilauster m'ont pourchassé dans tous ces mondes, ils ont massacré tous ceux qui m'avaient aidé. Aujourd'hui, l'histoire se répète, des innocents sont massacrés pour me forcer à me montrer. L'Ithilauster que vous avez assommé s'appelle Naestys, un ancien ami qui me voue à présent une haine sans nom, je vous remercie néanmoins de l'avoir laissé en vie.

- Les Ithilauster sont des enfants perdus et effrayés par l'abandon de notre Mère, tout du moins c'est ce qu'ils pensent. Certains peuvent encore être sauvés, je le pense sincèrement. J'avais offert ma vie pour éviter d'autres morts inutiles, mais là encore j'ai échoué dans ma tâche, puisse la Dame de Glace et Sithi me pardonner.

Il plissa les yeux un instant, son cœur troublé par tant de morts inutiles, tant de chagrins, avant de se reprendre devant la jeune Sindel.

- Puis-je m'enquérir du nom de ma sauveuse et de la raison pour laquelle vous m'avez sauvé, mis à part votre aversion certaine pour les Ithilauster ?

La Sindel écouta le récit d'Aeglos sans manifester la moindre émotion, seul le léger étrécissement de ses yeux indiquait qu'elle soupesait chaque mot de la réponse donnée. Lorsque le mage eut achevé son histoire en lui demandant son nom et la raison pour laquelle elle était intervenue, elle haussa les épaules et répondit:

"C'est une bien étrange histoire que vous me racontez là, messire, mais cela ne me regarde pas. Je me nomme Llyann N'har Thelwë. Je suis une Danseuse d'Opale, une guerrière de Sithi. Je protège mon peuple de ses ennemis, qu'ils viennent de l'extérieur ou de l'intérieur, raison pour laquelle je suis intervenue."

Elle désigna du menton le cadavre de la compagne d'Aeglos, le contemplant en fronçant les sourcils:

"Votre "ami" Naestys a clamé qu'elle était innocente, et pourtant il a laissé son comparse l'assassiner. Je devrais prendre sa vie pour cela, mais le premier commandement de notre Mère est de ne pas tuer un Sindel."

Son regard couleur d'acier revint se poser sur Aeglos:

"Cela dit, vous êtes bien naïf si vous pensez encore, malgré ce que vous dites avoir vécu, que les intentions du clergé de Sithi sont bonnes. Sans doute certains prêtres sont-ils sincères, mais nombreux sont ceux qui bafouent allègrement la Voie de notre Mère et n'agissent que pour satisfaire leurs désirs de gloire et de pouvoir. Ils n'élèvent pas notre peuple comme le veut Sithi, sieur, ils l'écrasent sous un joug pesant et impitoyable. Mais cela va changer, comme autrefois sur Eden un contre-pouvoir s'élève, qui n'a pas oublié les enseignements de l'Astre Nocturne. Vous devriez penser à vous y joindre si vous êtes traqué par les Ithilausters et soucieux de l'avenir des Sindeldi."

Lyann s'était assombrie en évoquant le clergé, mais il n'y avait nulle haine dans son regard, seulement une profonde et inflexible colère doublée d'une assurance sans faille. Elle s'enquit encore:

"Vous ne m'avez pas dit votre nom, sieur...?"

Pendant son récit, Aeglos surveilla les réactions de la Sindel mais celle-ci gardait un masque d'indifférence même si elle finit par convenir que c'était une bien étrange histoire et elle était bien en-deçà de la réalité. Le mage écouta Llyann N'Har Thelwë lui raconter son histoire, elle lui avoua qu'elle était une guerrière de Sithi et une Danseuse d'Opale. Cette affirmation le laissait quelque peu perplexe, il n'avait jamais entendu parler d'un tel ordre de toute sa vie et pourtant, il en avait vécu des choses incroyables et appris de nombreux mystères. Il l'écouta sans l'interrompre une seule fois, elle avait éveillé sa curiosité et il aurait été des plus inconvenants de ne point la laisser terminer ses explications. Elle fronça soudainement les sourcils lorsqu'elle désigna le cadavre de la Sindel morte pour sauver un être qu'elle ne connaissait que depuis deux jours, cette dernière avait été héroïque dans tous les sens du terme, si tous les Sindeldi avaient eu le même comportement, les massacres auraient sans doute diminué drastiquement. Malheureusement le monde est ce qu'il est, la gentillesse et la compassion finissent par porter préjudice à leurs instigateurs et seule la survie aussi déplaisante qu'elle soit permettait de continuer à vivre, cela, Aeglos l'avait appris à ses dépends. Une part de lui espérait néanmoins un retour à l'élévation de son peuple comme dans les temps ancestraux sur Eden. Elle lui confia qu'elle devrait prendre la vie de Naestys pour avoir tué une innocente, mais qu'elle était liée au premier commandement de Sithi qui était de ne point tuer de Sindeldi. Ce système de commandement lui apprenait au moins une chose: l'ordre dont elle faisait partie était structuré.

Lorsqu'elle affirma que c'était bien naïf de penser pouvoir changer la nature des Ithilauster, chose apparemment qu'elle connaissait plutôt bien au vu de son expression faciale et qu'un contre-pouvoir s'élevait à nouveau contre eux comme cela avait été le cas sur Eden, Aeglos la regarda étrangement cherchant à percer les mystères entourant cette femme. Ce n'est qu'à ce moment là qu'il décida de lui répondre.

- Nombreux sont les vivants méritant la mort et les morts, la vie. Qui sommes-nous pour les juger ? déclara-t-il d'une voix douce. Suis-je naïf ? Je ne le pense pas. Je me suis efforcé à apprendre durant plusieurs siècles les raisons de la haine des Ithilausters. Certains prêtres et certaines prêtresses de Sithi n'agissent en effet que pour satisfaire leur bas instincts, leur désir de puissance mais tous ne sont pas aliénés. Les recrues sont formés pour ne ressentir que la haine envers ceux ne pensant pas comme leurs instructeurs, certains ont rejoint les idéaux des Ithilausters par défaut pour ne point finir comme leurs parents appartenant à la caste inférieure. Notre société est profondément injuste, lutter uniquement contre toutes les actions des Ithilausters ne servirait pas notre peuple.

- Naestys est la preuve que certains membres ne poursuivent pas les idéaux de notre Mère, mais cela n'a rien à voir avec les Ithilausters, il était déjà plein de haine et de jalousie à mon égard avant son entrée en fonction. Ce que je veux dire c'est qu'attaquer un symbole ne sert à rien si nous ne modifions pas en profondeur notre société. La peur aussi est un moteur puissant des prêtres de Sithi, certains instructeurs ont peur de l'abandon de notre Mère, certaines recrues ont peur que leur famille subisse les foudres des Ithilausters s'ils n'obéissent pas. Vos paroles sont sages cependant et je suis curieux de cet ordre que vous parlez et des connaissances que vous semblez avoir sur Eden, notre monde malheureusement détruit.

Une question de la Sindel le désarçonna et il s'excusa platement en se relevant et en ramassant son bâton. Il posa une main sur son cœur et s'inclina devant la Sindel.

- Je m'appelle Aeglos. Evidemment ce n'est pas mon véritable prénom et nom puisque l'usage est d'abandonner son premier prénom et son nom lorsque l'on est choisi par un Maenauster mais c'est l'unique nom que je porte à présent. Puisque vous défendez les enseignements de notre Protectrice, je dois vous signaler que l'un de mes contacts à Tahelta m'a apporté de biens étranges nouvelles concernant les étrangers près des Bouhen. Les Ithilausters semblent intrigués par leur présence, c'est pourquoi j'étais avec Aewyn pour m'y rendre et y faire mon enquête.

Tout en parlant, il chemina à travers les morts et blessés. Laissant un instant son bâton au sol, il arracha un bout de la manche de Naestys pour nouer fermement le morceau de tissus au niveau de son moignon lui évitant de perdre plus de sang. Il passa ensuite au prêtre de Sithi au crâne percé de pics de glace et ferma ses yeux avec respect.

- Que notre Mère t'accorde son pardon pour avoir dévié de la voie.

Il passa enfin à Aewyn et souleva légèrement sa tête de sa main, lui fermant les yeux avant de poser un fin baiser sur ses paupières closes.

- Que Sithi t'accompagne, je n'oublierai jamais ce que tu as fait pour moi et je continuerai ta mission.

Il la déposa avec douceur et posa sa lance et son épée près de son corps avant de se tourner vers la Danseuse d'Opale.

- Nous devrions y aller, je crains que nous n'ayons le temps de les enterrer avec le cérémonial adéquat.

Lyann écouta les réponses d'Aeglos sans prononcer un mot ni manifester la moindre émotion susceptible d'indiquer le cours de ses pensées. Elle inclina le visage avec simplicité lorsque le mage lui révéla son nom, puis haussa un sourcil inquisiteur lorsqu'il évoqua les événements de Bouhen, mais elle ne répondit rien. Elle observa avec un égal silence le Sindel bander le moignon du prêtre et prononcer une brève oraison funèbre pour sa compagne tombée puis, quand le mage lui suggéra de quitter les lieux avant d'être inquiétés, elle indiqua d'un signe qu'elle était prête à partir. Au moment de se mettre en route, elle murmura juste assez haut pour que le Sindel l'entende, les yeux rivés sur les morts:

"Puisse notre Mère vous accueillir près d'elle, et pardonner vos erreurs, Enfants de Sithi."

Sans plus s'attarder elle rejoignit Aeglos et, tandis qu'ils s'éloignaient du lieu du combat, elle se décida enfin à reprendre la parole:

"Vous avez entièrement raison de dire que s'opposer aveuglément au Clergé ne suffirait pas à changer les choses au sein de notre peuple et ne le servirait certainement pas. Mon ordre ne combat pas les Ithilausters, il lutte pour montrer une voie différente aux Sindeldi, ce qui est très différent. Nous pensons que dénigrer un système et s'y opposer n'a de sens que si l'on propose une meilleure alternative et que l'on démontre sa pertinence par l'exemple, en la suivant. Mais peut-être faut-il que je vous parle des origines des Danseurs d'Opale pour que vous compreniez notre rôle, notre raison d'être."

La Sindel marqua une brève pause, réfléchissant sans doute à la meilleure manière d'évoquer cela, puis elle poursuivit:

"L'Opale fut fondée sur Eden à la demande de Sithi, quelques trois millénaires avant l'exode. Son fondateur, Ethërnem Ithil, était un général Sindel réputé et d'une loyauté inébranlable, mais il refusa d'obéir au clergé qui lui avait ordonné de massacrer les civils d'un peuple qu'il venait de vaincre. Cela mena les Sindeldi au bord de la guerre civile car ses troupes le suivirent comme un seul elfe dans cette décision. Le clergé envoya une puissante armée pour anéantir le rebelle, mais Ethërnem refusa de se battre contre les siens et défia le champion des prêtres, qui était aussi général de la garde royale, en combat singulier, selon une antique tradition. Il le vainquit, mais il ne prit pas sa vie et son adversaire, impressionné par cet acte, se rangea à ses côtés, tout comme la majeure partie de l'armée du clergé.

Les souverains de l'époque, soumis au pouvoir tout-puissant du Clergé, virent là une occasion de contrebalancer l'influence des prêtres et firent de l'Opale l'égale de l'église de Sithi, allant jusqu'à nommer Ethërnem Ithil à la tête des armées Sindel. Cet équilibre dura trois millénaires, les Danseurs d'Opale formèrent la structure de l'armée et luttèrent de toutes leurs forces contre l'usage abusif des fluides tel que voulu par le Clergé, qui espérait retrouver un pouvoir absolu grâce à cette puissance en apparence inépuisable. Malheureusement, en cela l'Ordre échoua, et l'équilibre fondamental d'Eden fut brisé, menaçant la survie même de notre race. Les Danseurs se sacrifièrent jusqu'au dernier pour donner aux Sindeldi le temps de fuir, et c'est ainsi qu'une part de notre peuple réussit à rejoindre Yuimen.

Le Clergé profita alors de l'anéantissement quasi total de l'Ordre pour retrouver son influence absolue, il décréta les Danseurs d'Opale hérétiques et se livra à une impitoyable inquisition. Il traqua et massacra tous les partisans de l'Opale qui lui tombèrent sous la main durant des millénaires, mais il ne parvint jamais à l'éradiquer car ses racines et sa foi étaient puissantes. Les survivants de l'Ordre quittèrent le Naora dès que ce fut possible, ils se réfugièrent dans le plus grand secret sur les autres continents et entretinrent leurs croyances en des lieux isolés, attendant sans plus vraiment y croire que vienne le temps où ils pourraient se révéler au grand jour et reprendre leur place parmi les Sindeldi."

L'Elfe grise eut un sourire étrangement doux et pensif lorsqu'elle ajouta:

"Et ce temps, messire Aeglos, est venu. Voilà un peu plus d'un an, un descendant direct d'Ethërnem Ithil est arrivé dans l'une de nos forteresses. C'est un puissant combattant, mais le plus extraordinaire est qu'il possède les souvenirs de son ancêtre. Pour les Sindeldi de Yuimen Sithi n'est plus qu'une légende de plus en plus floue mais pour lui, messire, c'est une réalité tangible. Il se souvient d'elle, de ses paroles, de ce qu'elle souhaite pour ses Enfants, si précisément que c'en est...perturbant. C'est lui qui nous dirige aujourd'hui et, croyez-moi si vous le voulez, je le pense capable de ramener notre peuple sur la Voie de Sithi."

Sa confiance semblait absolue, il n'y avait pas la moindre incertitude dans son regard, pas le plus petit doute. Après quelques instants de silence, elle reprit:

"Nous sommes au courant de ce qui se trame du côté de Bouhen, notre guide s'y est rendu et je pourrais vous en dire beaucoup sur les raisons qui poussent les Ithilausters à s'y intéresser de très près. Malheureusement nous ne sommes pas encore assez nombreux pour intervenir à la fois sur Yuimen et sur le monde qui s'est dévoilé là-bas, nous avons dû faire un choix..."

Une incapacité que Lyann semblait regretter, son visage trahissait sa préoccupation à ce propos, se pouvait-il qu'il y ait un lien direct avec le peuple Sindel pour qu'elle manifeste si ouvertement son trouble? Cela pouvait sembler probable mais elle ne semblait pas décidée à en révéler davantage pour l'instant, si Aeglos désirait en savoir plus il lui faudrait creuser adroitement la question...