Une courte hésitation fut visible dans les yeux tristes du loup. Mais il sembla que les paroles du vieux mage lui avaient redonné tout son courage, ou alors tout son espoir. Car très rapidement, il se releva, empoigna le vieux marteau qu'il avait pris comme arme de fortune et se jeta sur l'ennemi. L'Exilé n'eut même pas le temps de porter une nouvelle attaque auprès d'Hivann. Le loup avait déjà bondi sur lui pour lui asséner un coup de marteau magistral. Mais même dans ces tréfonds, avec ses membres fins et d'apparence fragile, le monstre réussissait encore à user de ses réflexes. Aussi, l'arme ne l'atteint pas à la tête comme l'escomptait le lupin, mais à l'épaule. Et malgré toute la puissance de cet assaut, il ne cilla pas. Au contraire, il eut le temps de planter la griffe de son index profondément dans l'épaule du pauvre Rawf, qui rugit de douleur et lâcha son arme.
Puis l'Exilé retira sa griffe aussi vite qu'il avait attaqué, mais sembla viser cette fois-ci la cage thoracique, à la recherche d'un point vital. Fort heureusement, il eut tout juste le temps d'effleurer la poitrine de la bête. Hivann s'était redressé, posant la main sur le mur de pierre qui l'avait protégé auparavant. Et mentalement, d'un coup, il lui ordonna de se briser en deux. Les deux grands blocs se mirent alors à tournoyer sur place, dans les airs, prenant petit à petit la forme de pics acérés, bien plus pointus et dangereux que les premiers qu'avait fabriqué le mage. Et avant même que le monstre ne puisse attaquer, les pics de pierre fusèrent droit lui, alors que Goont accompagnait leur trajectoire dans un mouvement de lancer. Le premier pic emporta l'avant-bras du monstre, éloignant ses griffes et sauvant la vie de Rawf qui se jeta en arrière, adoptant une posture animale. Le deuxième, lui, faucha littéralement ses jambes pour le faire tomber violemment sur la hanche. Un instant, Hivann ressentit un sentiment de victoire. Mais à peine l'Exilé était-il tombé qu'il se releva, ignorant complètement la douleur du choc.
"Bon sang, mais en quoi es-tu fait ?" jura l'ynorien, prenant à nouveau une posture de combat.
Goont n'avait pas abandonné pour autant, et il ne comptait pas se battre en retrait. Il frappa alors violemment le sol de ses pieds en adoptant une nouvelle position. Sa concentration fut alors toute particulière, comme si la terre n'était plus qu'une extension de lui-même, tant sa posture était brute, à l'image de la roche. Et d'un coup, il simula un coup de poing vers le haut. Au même moment, une colonne de pierre se créa encore une fois juste sur les jambes de l'ancien elfe. Inévitablement, il chuta en arrière, mais la violence du coup résida dans le moment où la frappe de golem vint le cueillir au bas du dos. Le choc fut si intense qu'il lui arracha un cri de douleur aigu et qu'il projeté dans les airs, pour atterrir sur la table du grand hall, parmi les membres thorkins à moitié dévorés. Encore une fois, le mage crut bien avoir vaincu son ennemi... Mais il avait encore tout faux.
"Oh oh oh ! C'était très douloureux ! ria encore fois l'Exilé, quittant la table pour se remettre sur ses pieds, comme si de rien n'était. Tu vas vraiment regretter ce que tu viens de faire, tu le sais ça ?"
Mais cette fois-ci, il sembla être pris d'une toute nouvelle vivacité. Hivann n'eut pas même le temps de se concentrer pour préparer son prochain sort que le faux redoutard avait bondi de la table pour entamer une course à la vitesse surnaturelle. Rawf tenta bien de l'attaquer d'un coup de griffe, mais le monstre évita aisément sa grande patte et planta ses griffes dans sa cuisse avant de lui asséner un violent coup de genou qui le mit à terre instantanément. Aussi rapidement qu'il avait écarté le lupin, il avait réussi à réduire la distance entre lui et le mage en quelques secondes, pour finir sa charge par une puissante attaque. L'ynorien craignit pour sa vie quand il vit les dix griffes de l'Exilé déployées, à seulement quelques centimètres de sa peau. Mais quand il encaissa les petites lames comparables à des aiguilles, si la douleur avait été insupportable, il restait toujours en vie. Et il se rappela bien vite de la promesse que lui avait fait l'ancien elfe.
"Tu ne crois pas que je vais te tuer aussi rapidement ?"
Goont avait craint pour sa vie. Mais cette menace ne le fit pas ciller. Au contraire, il y décela une certaine faiblesse et, surtout, une opportunité de gagner ce combat. Les griffes étaient encore bien plantées dans ses épaules et ses muscles pectoraux. Pendant un instant, il s'estima même bien chanceux d'avoir été gâté par la nature et de posséder une épaisse couche de graisse qui l'ait partiellement protégé. Mais plutôt que d'essayer d'extraire ces grosses lames qui le faisaient souffrir, il empoigna ses petits poignets du redoutard avec ses grosses mains. Et il reprit une position similaire à la précédente, préparant clairement un nouveau sort.
"Tu devrais, pourtant." dit-il dans un sourire.
Encore une fois, Hivann ne pouvait pas compter sur sa force. Il n'était qu'un vieil homme, même s'il était bien portant. Mais la roche allait l'aider, de manière bien plus insolite. Les pieds en parallèle, il avait déjà commencé à concentrer ses fluides pour contrer l'Exilé. Mais plutôt que d'attaquer, il eut une toute autre idée. Il envoya ses fluides de par la plante de ses pieds dans le sol, comme pour chacun de ses sorts précédents. Mais cette fois-ci, au lieu d'évacuer ses fluides à la surface pour faire agir la roche, il décida de recouvrir son corps de ceux-ci. Petit à petit, une épaisse couche de pierre vint immobiliser ses pieds, puis ses jambes, son ventre et pour finir, ses bras. Même sur son visage déformé, on pouvait voir un vent de panique à travers la bouche de l'Exilé, alors que ses petits bras étaient emprisonnés par la statue de pierre que devenait le vieux mage. Il eut tout juste le temps de le provoquer une dernière fois, avant que son propre visage ne soit ne soit figé.
"Dommage que tu ne puisses pas utiliser ton œil pour me voir. Il faut seulement que tu saches, avant de mourir, que j'ai rarement autant souri en condamnant quelqu'un."
Un hurlement plus strident, plus fou encore que précédemment résonna dans tout le hall. Le visage de Goont s'était figé dans un dernier sourire de victoire, laissant seulement le pauvre redoutard emprisonné dans son étreinte de roche. L'ombre intimidante du grand Rawf recouvrit alors celui qui l'avait torturé pendant toutes ces années. Un grognement se fit entendre, transformant presque le pauvre lupin qu'Hivann avait rencontré.
"Les aiguilles sont affreuses, rawf." fit-il sombrement.
Ses griffes agrippèrent alors le crâne du monstre.
"J'espère, rawf, que tu comprendras de quoi je parle."
Il y eut une petite attente durant laquelle l'Exilé n'eut rien dit. Et d'un coup, le grand liykor jeta ses crocs le crâne de son tortionnaire, englobant tout sa boîte crâne de par sa puissante mâchoire. Un cri aigu retentit pendant quelques secondes, mais dans un craquement sourd, le corps du monstre s'affaissa alors que de grandes gerbes de sang venaient inonder la gueule de Rawf. Dès qu'il terminé avec la tête, ne laissant plus qu'un crâne plus déformé qu'auparavant, il s'attaque aux mains toujours prisonnières de la statue de Goont. Il n'eut qu'à s'y atteler pendant quelques secondes avant que les longs bras fins de la créature ne cèdent sous la force de sa mâchoire et ne laissent tomber son corps inerte. Ce n'est qu'à ce moment là que la roche qui avait immobilisé le mage s'assouplit. Une épaisse couche de sable vint s'étaler à ses pieds, rougi par le sang qui l'avait éclaboussé. Mais étrangement, aucune tâche réelle sur lui, hormis là où les griffes l'avaient planté. Dans un mouvement douloureux, mais lui rappelant sa victoire, il arracha les mains du monstre encore plantées dans ses épaules. C'est alors qu'il eut une vision des plus troublante...
"Bon sang, il ne mourra donc jamais..."
La main droite, celle que Goont avait "crevée" lors de sa première fuite, était bien morte, inerte. Mais la main gauche, elle, si elle ne bougeait plus du tout, comportait tout de même cet œil étrange en son creux. Un œil bleu, d'une belle couleur, mais étrangement vif. Car il était toujours en vie. Sa paupière battait, son iris bougeait et il semblait presque chercher à comprendre ce qu'il se passait. Il ne cessait de tourner en rond, comme à la recherche d'un repère. Il regarda alors le vieux Rawf qui semblait perdre son regard sur le corps de son tortionnaire. Il se tenait droit, il avait même l'air plus fort que lorsqu'il l'avait rencontré. Il avait accompli sa vengeance alors même qu'il n'imaginait pas encore sortir de cet endroit. Goont se demanda s'il n'était pas plus juste de donner cette main encore trop "vive" pour accomplir sa revanche jusqu'au bout. Mais son égoïsme le reprit d'un coup. La main de l'Exilé témoignait d'une étude physique et magique importante. S'il se penchait dessus, s'il avait l'occasion de comprendre de quelle manière l'Exilé avait-il fait pour garder la source de son pouvoir encore en "vie", même après sa mort physique, peut-être saurait-il l'exploiter.
Discrètement alors, dans le dos de son compagnon, il ouvrit son paquetage et y rangea la main. Profitant de l'état d'inertie de Rawf, il se dirigea aussi vers la fameuse table de banquet pour y récupérer l'élément thorkin qu'il lui manquait : le percuteur du Fusil de Mertar. Tout venait de se terminer là. Il n'y avait plus d'Exilé et il avait probablement tout ce qu'il fallait pour reconstruire le fusil. Une aventure qui s'était traduite par davantage d'horreurs que de découvertes. Ils allaient devoir partir.
"Partons, Rawf."
Mais celui-ci ne bougea pas. Il resta sur place un long moment. Le vieux mage insista une seconde fois, mais le loup n'eut qu'une chose à répondre.
"Les autres nains sont encore ici, en vie."
Goont se figea. Il comprit d'un coup que si la main qu'il portait dans son sac était encore "vivante", alors tous ces nains prisonniers resteraient ici, dans un état second. En partant, ils risquaient tous de mourir par abandon. Mais s'il détruisait l’œil, peut-être seraient-ils davantage capables de remonter. Un loup honnête comme Rawf n'aurait pas hésité. Mais Hivann était à la recherche de son propre pouvoir depuis beaucoup trop longtemps pour sacrifier une telle découverte. Il pensa alors à un compromis. Mais pour tout dire, il n'y croyait pas lui-même.
"En remontant, on arrivera à Mertar. On préviendra les gardes et ils iront chercher les victimes. Tout ira bien."
Le vieux mage regarda encore Rawf. Il aurait juré qu'il ne le croyait pas, en voyant ses yeux accusateurs. Mais au lieu de protester davantage, il s'avança dans l'ombre. Il s'arrêta seulement devant la grande porte du hall. A travers celle-ci, Hivann pouvait entendre les faibles remous de l'eau qui avait submergé la vieille Mertar. C'était bel et bien la sortie.
"Je ne veux plus rester ici, rawf. J'ai besoin de partir."
Il ne faisait rien. Comme s'il attendait seulement que son compagnon lui ouvre la porte. Ce qu'Hivann fit, après une petite hésitation. La porte grinça gravement alors que devant eux se découvrait une large étendue d'eau. Seule la lueur lointaine du haut du puits se reflétait dans ces abysses. Rawf resta figé. Pendant un moment, Goont crut le revoir au moment où il l'avait fait sortir de sa cage. Car il n'avait osé sortir que la truffe. Dès qu'il eut passé la porte, il traversa l'entrée d'un coup et tournoya sur lui-même, comme s'il n'y croyait pas. Puis il alla mettre ses pattes dans l'eau qui lui arrivait aux genoux. Il ouvrait la gueule de surprise, en regardant seule lumière du puits qui était visible d'ici.
"Allons-y." conclut le mage.
Et ils marchèrent enfin vers la sortie.
Ils étaient libres.
---------------------- Tentative d'apprentissage de sort évolutif de combat : Pétrification : Vous vous transformez en statue extrêmement dure pendant [lvl/4] tours, arrondis à l'inférieur. Initiative=0, end+10/lvl. Vous n'êtes pas sensibles aux 1PV réglementaire si end>mag/for. Au début du dernier tour d'effet, vous ne pouvez relancer le sort sans mourir d'asphyxie.
_________________ Multi de Ziresh et Jôs.
Ser Hivann Goont, Archer-Mage niveau 10.
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