Je suivis donc ce Nathanael qui semblait en savoir long sur moi, sur ma famille et plus exactement sur mon père. Je n’avais pas la moindre idée de l’endroit ou nous allions, nous venions tout juste de dépasser les murs de la cité et nous étions maintenant en train d’arpenter un petit sentier. Mon guide était très silencieux, très mystérieux et surtout si nous devions en venir aux armes, il serait probablement plus puissant que moi, un mage d’eau c’était bien ma veine.
Sans m’en rendre compte, nos pas nous menèrent aux alentours d’un bâtiment circulaire avec une tour en son centre qui devait certainement être visible de loin. Je pris quelques secondes afin de graver cette image dans ma mémoire car quelque chose me disait que j’allais être amenée à y retourner régulièrement.
Nathanael s’arrêta remarquant que j’avais stoppé ma marche. Revenant à ma hauteur, il engloba le paysage de sa main libre.
- « Bienvenue au Nobelium Aenaria. »
- « Le Nobelium ? Qu’est-ce que c’est ? »
- « Encore une fois, tu ne poses pas la bonne question. Es-tu prête à en apprendre plus sur ton père et sur le pourquoi de sa mort ? »
- « Plus que jamais. »
- « Alors suis-moi. »
De nouveau, il ouvrit la marche et rapidement nous arrivâmes devant une grande porte de bois et de fer gardée par deux hommes équipés de hallebardes. Je vis Nathanael présenter sa main libre devant les dits gardes qui aussitôt firent une légère révérence ouvrirent la porte, nous laissant ainsi passer.
(Mais quel secret renferme ce lieu ?)
(Je ne sais pas, tu ferais bien de suivre ce Nathanael, il a l’air d’avoir le bras long…)
(…et d’en savoir plus qu’il ne le dit vraiment.)
Nous débouchâmes sur une vaste cour circulaire comme le bâtiment. J’étais sidérée par la beauté simpliste du lieu : de belles pierres de taille, des chemins pavés menant aux différentes pièces desservies par la cour et enfin au centre, une tour qui s’élevait vers le ciel et devant laquelle se trouvait deux épéistes en côte de mailles qui faisaient presque peur à voir.
- « Aenaria ! »
La voix de Nathanael venait de résonner dans ce lieu. Je le trouvai rapidement du regard sur ma droite, me faisant signe de la main de le rejoindre. Ne sachant trop à quoi m’attendre de sa part, je ralliai sa position au pas de course. Une fois à sa hauteur, il m’enjoignit de la tête à entrer dans la pièce que je reconnus sans peine comme étant une salle d’entraînement.
(Il veut me mettre à l’épreuve ?)
(Certainement, tu devrais être sur tes gardes, on ne sait jamais.)
Instinctivement, ma main droite se porta sur le pommeau de mon épée, prête à dégainer en cas de problème et de ma main gauche, je mobilisai mes fluides d’éclair. Je regardai attentivement autour de moi et trouvai tout ce dont un soldat avait besoin pour s’entraîner au combat. Toute cette histoire sentait mauvais, pourquoi avais-je accepté de venir ici ?!
Mon petit tour de la salle se termina par la porte d’entrée qui était maintenant fermée et devant laquelle se trouvait Nathanael ainsi qu’un orque extrêmement bien équipé qui faisait froid dans le dos et qui transpirait la force physique pure par tous les pores de sa peau. Ne sachant si c’était un ami ou non, je sortis ma lame de son fourreau prête à me battre.
- « Aenaria, tu ne crains rien ici. »
- « Je n’en suis pas si sure, la personne à tes côtés ne m’inspire pas confiance. »
- « Nathanael a raison Aenaria, je ne te veux aucun mal. »
Jamais encore un orque avait paru aussi calme et aussi posé dans ses propos, cette attitude était surprenante et quelque peu rassurante également. J’abaissai mon arme mais la gardai toutefois toujours en main.
- « J’aime ta prudence, tu dois être une excellente combattante. »
- « Je serais ravie de te montrer mes talents. »
- « Ton père n’a pas arrêté de vanter tes mérites au combat, voyons s’il avait raison. »
Les deux compères se regardèrent et d’un signe de tête m’attaquèrent à distance. L’orque me lança un couteau alors qu’un jet d’eau était propulsé dans ma direction. Les deux attaques allaient arriver sur moi en même temps, j’avais peu de temps pour réagir. De la main gauche, je dirigeai un éclair vers le jet d’eau et de la droite je me préparai à contrer le couteau. Je lançai mon éclair en premier contrant ainsi l’attaque de l’aquamancien et ensuite, je tapai dans le couteau de lancer afin de l’envoyer plus loin dans la salle.
- « Impressionnant. Tu as été capable de contrer deux petites attaques simultanées. »
- « Ton père ne tarissait pas d’éloges sur toi et je le comprends. »
- « Pourrait-on arrêter de tourner autour du pot s'il-vous-plaît, je commence à en avoir marre. Quelle est la raison de toute ceci ? Comment avez-vous connu mon père ? Quel était son rôle dans tout ceci ? Et pourquoi est-ce que vous pensez que mon père s’est fait assassiner ? »
- « Enfin tu poses les bonnes questions Aenaria. Nous allons tout t’expliquer, mais d’abord pourrais-tu ranger ton épée ? Tu ne crains rien avec nous. »
Je n’en étais pas si sure mais si je voulais en apprendre plus sur ma famille, je devais les écouter tous les deux. La décision m’appartiendra par la suite. Je rengainai donc mon épée, démobilisai mes fluides d’éclair et attendit les explications en croisant les bras sur mon torse. Nathanael et son ami avancèrent alors doucement vers moi pour discuter plus tranquillement.
- « Avant de commencer, tu pourrais te présenter peut être Kellan ? »
- « Comme vient de le dire Nathanael, je me nomme Kellan et je suis un soldat depuis maintenant près de 10 ans. »
- « Ravie de faire ta connaissance, maintenant que les présentations sont faites, j’exige de comprendre la raison de tout ce mystère. »
- « Commençons par le début, si tu veux. Nous nous trouvons ici au Nobelium, siège de la guilde Equilibrium. Nous prônons ici l’équilibre dans le monde, l’égalité entre les races et le développement de la puissance de chacun, qu’elle soit physique ou magique. »
- « Ton père nous a pour ainsi dire formé au sein de cette guilde. Il a été notre mentor à tous les deux dans le sens où c’est lui qui nous accueilli en ces lieux. Sache que c’était un elfe au cœur immense et à l’abnégation sans faille, il nous a sauvé la vie plus d’une fois à tous les deux. »
- « Nous sommes au sein de cette guilde, les deux personnages les plus importants, nous formons à nous deux le conseil des sages qui normalement comporte trois membres : une personne maniant exclusivement les fluides, une personne maniant exclusivement les armes et une troisième personne se trouvant au milieu, faisant la synthèse des deux en manipulant les fluides et les armes. »
- « Jusqu’à sa mort, ton père a occupé cette place de troisième membre. Il était exemplaire dans tout ce qu’il entreprenait même si la plupart du temps il était sur le Naora à s’occuper de ses affaires et de celles de la ville. Malgré son éloignement, il arrivait toujours à garder un contact direct avec nous. »
(Père avait une faera ?)
(Oui, et tes deux interlocuteurs en possèdent une également.)
(Comment tu sais pour mon père ?)
(Je t’expliquerais plus tard, écoute ce qu’ils ont à dire, c’est très intéressant.)
- « J’imagine que tu viens de demander à ta faera si nos propos sur ton père étaient avérés ? A ta tête, je dirais que oui, et cette dernière à du te confirmer ce que nous venons de dire. C’est le meilleur moyen que nous ayons actuellement de pouvoir communiquer entre nous lorsque nous sommes en mission loin les uns des autres. Lorsque nous doutons, nous pouvons toujours compter sur les autres pour nous guider dans le droit chemin, avoir leurs avis. »
- « Donc pour en revenir à ton père, il faisait parti du conseil des sages d’Equilibrium. Il y a une chose importante que tu dois savoir au sujet de ce conseil : les places sont héréditaires mais doivent toujours garantir l’équilibre. Lorsque ton père est décédé, une place s’est trouvée vacante et donc nous avons cherché si dans sa descendance il y avait une personne capable de manier la magie et les armes, en l’occurrence, toi. »
- « Ton père a été tué par ton frère parce qu’il voulait prendre sa place au sein de ce conseil sauf qu’il ne savait pas qu’il devait manier des fluides en plus d’être une personne respectable. Son attirance pour toi était absolument infecte et totalement inconvenante. »
- « Vous saviez pour son comportement envers moi et vous n’avez rien fait ? »
- « Ton père a cru qu’il pourrait gérer la situation mais elle lui a échappé et a conduit à la mort de trois êtres qui t’étaient chers. Je suis désolé. »
- « Kellan a raison, reçoit toutes nos condoléances Aenaria pour ses tragiques pertes. »
- « Merci beaucoup, vous êtes des personnes riches de cœur. »
- « Tes propos nous honorent Aenaria, toi aussi tu es une personne au cœur pure. Voilà pourquoi nous aimerions que tu nous rejoignes et que tu sièges là où siégeait ton père et où a siégé son père avant lui. »
- « Nous disposons de nombreux alliés dans le monde et nous serons à même de t’aider à retrouver la trace de ton frère. »
(Que dois-je faire Crystallia ?)
(Que te dictes ton cœur ?)
(Que ces hommes sont peut être la pièce manquante dans le puzzle de ma chasse à l’homme. Néanmoins, je vais avoir de lourdes responsabilités.)
(A grand pouvoir, grande responsabilité.)
(Exactement, et cela m’effraie quelque peu.)
(Ne t’inquiète pas, je serais là derrière chacun de tes pas. Kellan et Nathanael t’ont également assuré leurs soutiens. De ce que leur faeras ont pu me dire, ce sont des personnes de confiance.)
- « Si je dis oui, j’imagine qu’il y a des conditions ? »
- « As-tu entendu parler de Brytha ? »
- « La déesse de la neutralité ? Oui, j’ai ressenti son arrivée sur Yuimen, pourquoi cette question ? »
- « Lorsque quelqu’un rentre au sein de notre guilde, il doit prendre connaissance de l’existence de cette déesse et choisir de l’honorer ou non. »
- « Pour ma part, je ne la vénérerais pas car je suis fidèle à ma déesse protectrice Sithi mais également à Gaïa. »
- « Bien, maintenant que ce petit problème de religion est réglé, nous allons passer à la suite. Si tu devais donner une couleur de cristal, tu donnerais laquelle ? »
- « Améthyste, mais pourquoi cette question ? »
- « Est-ce que tu as fait attention à mes mouvements lorsque nos sommes arrivés ici ? »
- « Si tu parles du moment où tu as montré ta main aux gardes à l’entrée du Nobelium, oui j’ai remarqué. »
Aussitôt Kellan et Nathanael levèrent leurs mains gauches vers moi. Je découvris à leur index une bague étrange sertie d’un fragment de cristal. C’était une sorte de serpent qui se mordait la queue et ses yeux étaient remplacés par des saphirs pour l’aquamancien et des émeraudes pour le soldat.
- « Voici l’Ouroboros, symbole de notre guilde. Le serpent qui se mord la queue, symbole d’équilibre et d’intégrité, de transformation et d’autosuffisance mais également d’intégration et d’équité. Chacun de nos membres est amené à porter une de ces bagues, c’est un signe qui permet de nous reconnaître lorsque nous sommes en mission pour la guilde. »
- « Nous allons t’en faire une avec le cristal que tu as demandé, elle est personnalisée pour tout le monde, tu ne verras jamais deux fois le même cristal sur une bague, c’est une manière de nous différencier. »
- « Merci mais j’imagine que tout cela à un prix, non ? »
- « Veux-tu faire parti de cette guilde ? Indépendamment du fait que nous détenons des informations pour t’aider à retrouver ton frère. »
Voici donc le choix qui s'offrait à moi, entrer dans cette guilde et prendre la continuité du travail de mon père ou renier cette tradition familiale et reprendre ma chasse à l'homme toute seule. Equilibrium semblait détenir des informations sur mon frère et avoir de grands moyens humain, mon choix était donc fait.
- « Mon père a servi parmi vous, tout comme mon grand-père, c’est une tradition familiale et je me dois de la respecter. Je serais donc plus que ravie de faire partie de vos rangs et de devenir un sage d’Equilibrium. »
Aussitôt Kellan avança vers moi, paume droite tendue vers moi pour une chaleureuse poignée de mains. Il posa ensuite sa main gauche sur mon épaule droite.
- « Bienvenue parmi nous Aenaria. »
- « Puisses-tu trouver la paix intérieure. »
- « Merci à tous les deux. »
Je lâchai la main de Kellan qui aussitôt reprit un air un peu plus sérieux.
- « Maintenant que tu es des nôtres, que dirais-tu d’accomplir pour nous ta première mission ? »
- « Tu veux déjà la mettre au travail, elle revient tout juste d’une périlleuse mission. »
- « Oh, les garçons, on se calme, je ne suis pas une faible femme, je peux lacer mes bottes toute seule. Donc quelle est la mission ? »
- « J’adore cette esprit ! »
- « Dans ce cas, voici ta première mission. As-tu déjà entendu parler de la faculté de Magie de Kendra Kâr ? »
- « Je ne savais même pas que les humains possédaient de telles structures d’enseignement. »
- « Il se trouve que la faculté de magie de la ville a été laissé à l’abandon pour une obscure raison. Je me suis déjà rendu sur place pour faire un état des lieux mais j’aimerais que tu ailles y faire un tour et que tu regardes avec ton œil de soldat et de magicienne, si le lieu pourrait présenter un quelconque intérêt pour notre guilde. »
- « Un quelconque intérêt ? Vous pensez à quoi en particulier ? En faire un lieu d’apprentissage pour Equilibrium ? »
- « C’est notre idée première effectivement. »
- « Si tel est le cas, l’équilibre n’est pas maintenu. Il faudra créer une académie pour que nos membres puissent s’entraîner au maniement des armes. »
- « Tu résonnes en véritable sage de l’équilibre. Effectivement, il est prévu de créer une académie mais peut être pas sur ce continent. Je pensais plutôt à Tulorim par exemple. Le Nosvéris est trop dangereux pour y envoyer des apprentis et le Naora est … »
- « …Le Naora est plutôt le jardin privé des elfes, je sais Kellan. Bon alors, je vais m’atteler à la tache immédiatement. »
- « Profites-en pour apprendre tes nouvelles acquisitions. »
- « Mais comment … ? »
- « Je t’ai suivi depuis ton retour à Kendra Kâr pour être sure de te rencontrer. »
- « Ne recommence plus jamais cela Nathanael, ou tu risques de tâter de mon épée. »
- « J’ai hâte de voir ça ! »
- « Kellan… »
Je levai les yeux au ciel de dépit en voyant l’orgueil masculin dans son plus simple appareil.
- « Si vous voulez bien m’excuser, pendant que vous vous chamaillez, il semblerait que j’ai une mission à accomplir mais j’aurais une dernière requête : Ehemdim. »
- « Nous sommes au courant de son état de santé, nous veillerons du mieux que nous pourrons sur lui lorsque tu ne seras pas en ville. »
- « Je peux envoyer un de nos serviteurs si tu le souhaites, histoire de te rassurer. »
- « J’accomplis ma mission à bien et j’irais le voir, merci de la proposition mais j’ai quelqu’un avec moi qui peut s’en charger à votre place. Ce serait gâcher les ressources de la guilde que d’envoyer un serviteur. »
- « Alors va Aenaria, bonne chance. »
- « Si elle est comme son père, elle n’en aura pas besoin. »
Je fis un signe de tête et pris finalement congé de mes hôtes et nouveaux collègues. J’étais maintenant un sage d’Equilibrium, cela faisait beaucoup en une journée mais je n’avais apparemment pas le temps de m’apitoyer sur mon sort car j’avais une première mission à accomplir afin de montrer mon allégeance.