(
Avant)
(13)
Un plongeon ! C'est une branche qu'est sortie. Un aut' plongeon ! Une pierre plate qui refait
plouf quand la peau-verte la balance, puis elle choppe encore ses orteils boueux. Et on r'commence sous l'bouillon humide. D'ailleurs elle commence à avoir la dalle... Ah ! Ayé ! C'te fois c'est une des feuilles d'métal noir. Enfin un truc qui la change un peu, parce que voir d'la flotte teinte terre où qu'elle mate, ça finit par lasser. H'reus'ment qu'entre deux plongées, elle peut voir c'que la gamine fait. D'abord elle parle sans parler. Après, elle trace des trucs dans l'air et fait la gueule un moment. Et ça dure jusqu'à ce que Aro' s'mette à voler à côté d'elle, lui cause et qu'la petiote s'acharne à sortir l'cadavre de son armure. Et encore après, quand la peau-verte tient fièrement la plaque au-dessus d'elle, la gosse est sur le cul, à mater la morte en ch'mise, assise, et qui r'garde ses mains.
Pose de plaque sur la berge avec l'autre, re-plongeon.
...
Bloup. Bulle d'air....
Bloup. Bulle sortie d'un aut' côté."
Bloooup ?!", beugle la peau-verte en f'sant buller la flotte, quand elle pige c'qu'elle vient d'mater.
Zu'Gash émerge de la mare et fixe de ses yeux rouges
porte-bouclier qui bouge comme un gus qui s'réveille un lendemain de beuverie. Alors là, c'pas croyable. Elle était vivante alors ? Ou pas ? Aroroa était quand même déjà en train d'baver à l'idée d'lui bouffer les yeux, nan ? Mais là, même la corbac est sur le fion. La garzoke s'extirpe de sa baignoire et s'approche d'la nana.
"
Bah tiens, j'aurais juré qu't'étais clamsée, toi.", lâche-t-elle en se curant le pif.
"
Silence, créature !", siffle la morte bien vivante, lui jetant un regard mauvais de la tête aux pieds. "
... Et par les Dieux, couvre-toi !"
Ben merde alors. Qu'est-ce qu'ils ont tous ces humains à vouloir qu'elle se couvre ? C'est quand même la deuxième à lui sortir c'genre d'conn'ries.
"
Eh, d'abord les morts ça n'cause pas, surtout pour s'permettre d'râler. Vu qu'ce sont eux les plus nombreux, on entendrait qu'eux. T'imagine le bordel ?"
"
Rah !", confirme le piaf noir en venant se percher sur l'épaule de la plongeuse, glissant à deux reprises et manquant de choir d'son perchoir.
"
Oais ! Tout pareil !"
"
J'ai dit silence !", affirme la morte en choppant mollement puis brandissant son épée toute dégueulassée. "
Quand une Rhendlar de Bouhen parle, on l'écoute !"
"
Une quoi ? Ça s'mange ?"
"
Assez, toutes les deux !", commence la gosse. "
C'est suffisamment... difficile à expliquer. Un peu de calme, je vous prie ?"
La peau-verte croise les bras et campe sur ses gambettes, curieuse de ce que Maya va débiter comme conneries. Parce que là, expliquer comment elle a réussi à rapatrier une morte d'chez leur Grand Patron sans s'faire taper sur les doigts par lui, c't'assez intriguant. Donc la petite se lance dans des trucs compliqués de rituels sombres, d'un
camp d'tation ou un truc comme ça. Bref, que des choses que la garzoke arrête de suivre au bout d'une poignée d'secondes. Mais en gros...
"
Je voulais juste te parler... Une dernière fois."
Et ça y est, les grandes eaux ! La nana en armure semble encore plus pâle d'comprendre qu'elle a vraiment claqué. Elles causent un peu, sans s'dire vraiment des trucs intéressants. Juste comment la gosse, qui aurait du être en partance pour la Sori... Roti... Soté... Un truc pour sœurs a fini dans les Bois Sombres avec une peau-verte. Quand son nom est mentionné, la créature à poil fléchit le bras en dévoilant ses crocs fièrement. Sauf que personne ne fait gaffe à elle. Enfin, après du bavardage sans rien dire d'plus, Maya câline sa sœur puis l'allonge au sol, en chialant. Elle baragouine un truc et hop ! D'vant les yeux rouges, y'a plus d'
porte-bouclier, juste son haut d'armure, sa jolie épée et l'bouclier des Rendhlar de Bouhen.
La gosse se lève, s'essuie les yeux et fait une drôle de tronche. C'pas d'voir la peau-verte sans rien sur l'dos d'après elle, c'est une aut' sensation. La petite se tourne vers la caillasse tueuse.
"
Julianna ?"
Et là, d'un seul coup... Le silence... Rien. Que pouic... Enfin, juste le temps d'cligner des yeux, parce que pile après, la Juju s'tient devant elles, l'air aussi con que d't'aleur. La gamine fait d'grands yeux d'souris, prononce un mot qui fait disparaitre la morte, puis un autre qui la fait revenir. Une fois, deux fois, trois fois. Elle va finir par avoir la gerbe à voyager autant, c'te clamsée. Et entre chaque fois, elle choppe un bout d'ses affaires, comme si c'était parce qu'elles étaient là qu'elle rev'nait à chaque fois. Même avec son casque cabossé sur la caboche, tout son matos part et réapparait avec elle.
"
Que... Que m'as-tu fait, Maya ?"
"
Je... Je ne comprends pas. Le rituel sert à lier une âme le temps qu'elle s'apaise, pas à... Cela !", panique la gosse.
Sur l'épaule de la garzoke, le Corbeau de Phaïtos claque du bec et le frotte avant d'émettre un croassement lugubre. Ou alors elle a juste roté.
"
Ju-li-a-nna... Âme for-te... Trop ! Trop ! Mau-di-te ! Dam-née ! Dam-née !"
"
J'ai rien pigé, Aro'."
"
Âme li-ée ! Coin-cée ! Ma-ya la con-trô-ler !"
Silence, le temps qu'tout l'monde pige. Ou presque, parce que la peau-verte n'en a rien à secouer. Enfin, jusqu'au moment où, après un cri super fort ruinant toute discrétion,
porte-bouclier lève son épée pour frapper la gosse. Ça va saigner ! Ça va faire mal ! Ça va... Ben oui, ça va toujours pour la gosse, qui n'a fait que lever les mains en protection. Là, Zu'Gash doit s'frotter les yeux. Elle a l'impression qu'ses mirettes lui jouent des tours parce que la gosse a l'air d'avoir des sortes de fils entre les mains et Julianna. Mais ça n'dure qu'un essuyage de paupières. Pourtant, la morte reste coincée dans sa posture de frappe sans parvenir à le faire, genre paralysée dans c'te position. Et c'pas faute de grogner puis de hurler comme une banshee qu'a vu un rongeur boulotter ses jupons. Elle s'débat sans parvenir à bouger même un rien. Quand elle pige que ce ne s'ra jamais possible, ses yeux vitreux ont l'air d'briller un peu. Eh, ça peut chialer un mort ?
N'empêche, si Zu'Gash résume...
"
En gros Maya, t'as choppé ta frangine sur l'chemin d'chez Phaïtos, tu l'as assise dans son cadavre le temps d'causer et t'as paumé la carte pour l'y renvoyer un fois l'coup d'gnôle pris ?"
Silence. Regards ronds. Bah quoi ? Elle a dit une connerie ?
"
C'est... Etrange... Mais c'est exactement cela, Zu'Gash.", dit la petite d'une voix faiblarde. "
Je... Il faut rentrer. Dame Merilian saura quoi faire."
"
P't'être. Eh ! Mais la renvoie pas de suite !", s'exclame la peau-verte. "
Les morts ça n'respire pas, hein ? Ben on va faire d'la plongée ensemble !"
Regard effaré d'la morte et d'la p'tite, même grimace de retrousser l'pif. Là, c'est vrai qu'elles ont la même tronche. Bon, ben tant pis, Zuzu fera mumuse toute seule, na !
Après quelques plongées d'plus, une seule autre feuille noire est sortie d'la flotte. C'pas toute la cargaison, ça. Défi raté, fait chier. Zu'Gash se rhabille, trouvant bizarre c'te sensation d'tunique trempée sous son armure d'cuir. Un truc qu'elle se jure après tout ça, c'est qu'c'est bien l'dernier bain d'l'année qu'elle prend !
L'soir s'ram'nant, et parce que les aut' gars du camp peuvent se pointer aussi, les deux Messagères, la corbac et la morte se mettent en route pour rentrer à Endor. Dans leurs pas, le prisonnier en tunique les suit sans dire un mot, avec un r'gard aussi vide que celui d'Juju.
Partir intercepter une livraison d'olath et revenir avec juste un bout d'la cargaison, une sœur morte causant comme une riche et un prisonnier consentant, c'pas exactement c'que l'Patron shaakt attend. La peau-verte sourit comme une conne.
Avec du pot, ça le foutra assez en rogne pour qu'il l'envoie directement chez Phaïtos avec sa grosse épée ! Ou en l'empalant avec toutes les lances d'la salle d'arme ! Ou pire encore ! Oh, par Phaïtos...
Ça va être génial !
(
Après)