Les yeux bandés, les mains ornées de pointes acérées, le raton-laveur semble se rire de la petite frayeur causée à l’ynorien. Il farfouille entre les racines, réussissant à dénicher une bogue de châtaigne tardive. Alors qu’il s’échine à extirper le fruit modeste qu’elle contient, il semble prendre conscience de la présence de l’assassin dans l’arbre. Il s’égaie soudain, laissant tomber sa trouvaille dans la neige, et s’enfuit dans un éclair rayé entre les arbres de futaie.
Vohl regarde le spectacle, amusé. Son sourire disparaît instantanément lorsqu’une masse sombre apparaît, à peine visible dans ce crépuscule, quelques arbres plus loin. Le géant est clairement humanoïde, et ne décoche pas une plainte, pas un mot. Il s’affaire tout autour, semblant chercher quelque chose de précis. Il tire plusieurs jeunes arbres à lui, qu’il fait tenir ensembles, surement au moyen d’une corde ou ficelle quelconque, avant de recouvrir l’ensemble. L’installation ne lui a pris que quelques minutes, et Vohl comprend que le grand homme s’installe là pour la nuit. Voilà qui peut arranger ses affaires, car l’homme, a priori un habitué des voyages, aura sans doute quelques conseils – et quelques provisions – à partager.
Lorsque l’ynorien se décide à descendre de son perchoir, l’homme ressort assez brusquement de sa yourte instantanée et place une sorte de bûche entre lui et Vohl.
(Qu’est-ce ?)Il s’arrête avant d’avoir pu aller plus avant dans la descente de l’arbre. Le comportement étrange du géant l’interpelle. Bientôt, derrière la bûche, de ténues lueurs d’un petit feu sont visibles.
(Un pare-vent !)
Sa curiosité assouvie, le jeune homme attend tout de même que le voyageur rentre à nouveau dans sa tente avant de venir le saluer. Après tout, voir quelqu’un descendre d’un arbre à deux pas de son logement, fusse-t-il temporaire, n’est jamais propice à un premier contact. Le voleur n’a pas à attendre longtemps, puisque l’homme, attendant sans doute que le feu gagne en puissance retourne fouiller dans la tente. Vohl en profite pour descendre en douceur de son nid. Une fois qu’il a touché le sol, il s’avance vers la tente. Son entrée est située du côté opposé à la lisière : Vohl arrive dans le bord « aveugle » de la tente. Cela n’aurait pas eu une grande importance, si le voyageur ne s’était pas mis à s’exclamer. Cela n’aurait pas eu une grande importance non plus, si ces exclamations n’avaient pas été dans un dialecte inconnu de Vohl.
Lorsque ses derniers cours sur les frontières militaires lui reviendront en mémoire, le jeune homme se traitera de tous les noms. Mais pour l’heure, il se fige simplement. L’homme sort de la yourte. Au regard des tailles oraniennes, le voyageur est un géant.
L’homme cesse soudain tout bruit. Le crépitement des flammes, le souffle du vent dans les arbres, deviennent les seuls sons qui emplissent l’espace. Vohl ose à peine respirer, figé. L’idiome dans lequel le voyageur n’est définitivement pas commun. Ce n’est que lorsque le voyageur rajoute au tableau sonore une panoplie de reniflement qui aurait fait rougir un porc que Vohl cesse de douter. Le voyageur est un Garzok, ce peuple primitif dont les affrontements avec l’armée oranienne sont devenus un exercice presque quotidien.
Vohl se trouve en effet en bordure du territoire oranien et, même s’il est officiellement sous la domination de la république, les bois permettent encore les incursions garzokes. Le territoire dans lequel il se trouve est donc disputé de façon régulière par les Garzoks. Tout en suivant mentalement ce raisonnement, Vohl tempête intérieurement. Le pare-vent n’était rien de moins qu’un bouclier permettant d’ôter la vue des flammes aux guetteurs de la forteresse oranienne. La vitesse de construction du camp par le Garzok aurait dû lui mettre la puce à l’oreille.
Quoi qu’il en soit, le voyageur semble avoir terminé son examen olfactif et, par chance, n’a pas détecté l’assassin. Il s’éloigne d’un pas lourd, brisant les brindilles et faisant crisser la neige sous ses bottes. La délicatesse du géant semble le ranger plus dans la classe des guerriers que dans celle des éclaireurs. Il est possible qu’il s’agisse d’un membre rescapé d’une escarmouche avec l’armée oranienne. Après que les bruits de pas se soient perdus dans la forêt, Vohl décide de fouiller sommairement le camp.
Il se glisse entre le feu et la tente, confirmant au passage que le pare-vent est en fait un large bouclier, constitué d’osier tressé renforcé de bambou. Un compromis idéal, favorisant les escarmouches et la guerre d’usure par sa légèreté, et permettant de disposer d’une relativement bonne protection, si tant est que l’adversaire ne dispose pas d’archers.
Le feu forme une pyramide basse, sans doute pour favoriser un départ rapide. Autour de la pyramide sont disposés quelques rondins de taille plus importante. Ceux-ci doivent sans doute être faits pour durer, et sont en train de sécher grâce au premier feu. Vohl rentre dans la tente. Un sac volumineux y est posé. L’odeur de viande crue le prend au nez. Les carcasses sont fraîches, sans aucun doute permis, tant l’odeur de sang frais est intense.
(Mais s’il a déjà de la viande…)Vohl se retourne alors qu’une forme sombre se dresse derrière lui. Le reflet des flammes dans la lame le pousse à se jeter en arrière. Le souffle du geste du Garzok lui fait ressentir une chose : la peur de mourir. Son sang semble se figer dans ses veines alors que la lame destinée à son crâne passe devant son visage, à moins de deux centimètres de son nez.
Alors que l’Ynorien se remet encore de sa surprise en tentant de reprendre ses appuis, son adversaire le charge dans un cri de guerre. Coincé au fond de la tente, Vohl n’a d’autre choix que de tenter de parer le colosse. Pathétique tentative, vu la masse que représente le bonhomme. Le coup de dague a au moins le bonheur de ne pas lui trancher de membres. Se fichant dans le tetsugai qu’il porte à l’avant-bras, la pointe de la lame s’enfonce en pénétrant profondément dans la chair avant que la simple force du coup ne le projette contre la tente. La violence est telle que le lien qui permettait aux arbres de former un dôme se rompt : la tente semble donc exploser, alors que Vohl suit toujours sa trajectoire, jusqu’à heurter le bouclier de roseau, le brisant et s’écrasant alors dans la neige.
La tête lui tourne et c’est avec peine qu’il se redresse et se remet en garde, ses longues griffes métalliques prêtes à réagir au prochain mouvement de l’ennemi. Ennemi qui semble lui aussi surpris de rencontrer aussi peu de résistance. Cela ne l’empêche pas de figer son regard sur Vohl, tandis que les flammes avalent la moitié brisée du bouclier de joncs pour se transformer en un brasier haut. Tandis que la neige fond autour du feu de camp incontrôlé, le Garzok entame une nouvelle charge, bien décidé à ne pas laisser le moindre avantage à l’oisillon ynorien. Tel un monstre dévoreur d’enfant, il hurle sa rage au monde et court droit sur Vohl, enchaînant les feintes afin de perturber sa garde. Bien que déjà déstabilisé, Vohl remarque du coin de l’œil que la pointe de la dague qu’utilisait son adversaire est restée fichée dans son bouclier, brisée sans doute par sa parade trop tardive. Son moral revient un tantinet. Il raffermi sa prise sur la garde, et à son tour, s’élance vers le géant vert. D’un bond, il comble la moitié de la distance qui le sépare de son adversaire. D’un autre, il se trouve dans le dos de ce dernier, qui se retourne, stupéfait, et lui décoche un coup de sa lame brisée.
Vohl se fend en avant, et si la lame ennemie le frôle, il n’en est rien pour le poing énorme qui suit l’arme. Le coup semble lui démettre l’épaule et l’aurait fait vaciller s’il n’avait pas déjà entamé une fente offensive. La garde du Garzok est grande ouverte, et les grandes tiges métalliques perforent son abdomen, avant de lacérer les organes internes, remontant jusqu’aux poumons, hachant au passage le cœur. L’énorme Garzok perd la vie instantanément, et dans un dernier hoquet ensanglanté, sa douleur disparaît. Son équilibre perdu, le cadavre s’effondre lentement. Les lames de Vohl, coincées par les côtes de la large poitrine, l’entraînent lui aussi dans la chute du corps. Le sang poisseux coule sur le visage et les habits de l’assassin tandis qu’il tente de se dégager du poids qui comprime ses poumons. Après avoir fait basculer le cadavre, Vohl reste un instant au sol, encore sonné du coup qui lui a été donné. Il se redresse avec peine, évitant précautionneusement de s’appuyer sur son épaule, qui le brule au moindre mouvement.
(Elle s’est démise.)Un badge sur la tenue de fourrure du mort attire son attention avant qu’il ne puisse partir à la recherche de bandages pour son bras blessé par la dague. Il l’arrache avant de le glisser dans son sac à dos, sans prendre la peine de l’essuyer.
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Lien du combat mené selon les règles de Yuimen : Vohl lvl 11 vs Maraudeur lvl 15