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 Sujet du message: Re: Les plaines marécageuse autour d'Exech
MessagePosté: Sam 11 Mai 2013 18:02 
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« Je n'ai pas réussi à persuader le lutin. »

Thalo venait de se faire inviter chez les garzoks par Grip'Sec. Ces petits êtres connaissaient un tas de grands mots, une impressionnante répartie. Le guerrier haussa les épaules, ne chercha pas à tirer d'avantage de celui là puis replaça son sac sur son dos. Miurah semblait s'excuser de ne pas pouvoir en dire plus, cet elfe en avait déjà tant fait. Il parlait alors que le groupe atteignait la salle des énigmes, sang de dieux elle n'avait pas manqué au wiehl ! Thalo pouvait encore voir l'emplacement où il s'était assis à se torturer les méninges par un emplacement épargné par la poussière. Le Sindel qui continuait sa tirade, ajouta que ses connaissances étaient limitées aux siens ainsi qu'à tous les peuples humains, rien que ça. L'homme dissimula à peine son étonnement et son admiration. Si le shaakt n'était apparemment pas dans ses cordes, il put néanmoins traduire l'essentiel et il avait toute la confiance du guerrier. Il approuva avec joie sa proposition de rejoindre la sortie une bonne fois pour toute, le bon air frais les attendait ! Ils firent de très sommaires adieux aux deux lutins. La lumière du soleil leur indiquait qu'ils n'étaient plus très loin, Thalo allait prendre une bouffée comme il n'en avait jamais faite jusqu'à alors et... Le souffle coupé, il se souvint avec horreur de l'odeur. Les marais d'Exech ! Quelle liberté amère !

Ils décidèrent de faire une pause à l'extérieur, Rosa songea aux dernières paroles du sindel. Selon celui ci, le temple aurait jusqu'au douze mille années, cela pouvait remonter jusqu'à huit générations de shaakt. Il ajouta son hypothèse quant à la ville qu'ils recherchaient : il fallait trouver la seule ville qui serait à la fois dirigée par une société matriarcale et dont les structures seraient souterraines. La mage réfléchissait en se laissant tomber contre une colonne. Il fallait se rappeler les vieux livres, un privilège qu'elle avait eu dans son enfance sur l'histoire des siens. Peu à peu, les noms des cités shaakts lui revenaient, elle se souvint du puissant clan matriarcale de Gwadh. Cette ville résistait à l'influence d'Oaxaca, à l'est de Nosveris, placée dans région en proie à des vents maritimes violents, non loin des monts éternels. Elle demanda d'un ton calme au guide épuisé :

« Loin d'ici, il y a Gwadh. Est ce que la ville est assez ancienne, je n'ai pas retenu la date de sa fondation... Quoiqu'il en soit, c'est une matriarche aux grands pouvoirs qui dirige cet endroit, endroit qui se trouve sous terre. »

Le wiehl leva la tête puis montra son approbation. Il tomba lourdement mais avec grâce sur son postérieur pour imiter les deux autres. Cette sensation de retrouver un sol mou, il n'y avait rien de tel que de s’asseoir un peu dans l'herbe après un temple maudit. Plus disposé à parler, Thalo revint dans la conversation :

« Gwadh ? C'est déjà mieux. Cette ville montre que les elfes noirs ne sont pas forcément que des ennemis. La chose la plus surprenante c'est que cette ville reçoit de l'aide de Kendra, comme quoi, une menace commune sert toujours à rapprocher les peuples ! Nous partons donc pour Nosvéris ? »

« La théocratie est souvent prédominante chez les miens... Cette formule veut désigner une ville où les prêtresses ne parviennent pas à museler les castes nobles. Je pense ce que c'est cette cité. Comment pouvons-nous nous y rendre ? »

« Il y a bien évidemment la mer, avec une escale incontournable sur Nirtim par Kendra Kar. Ou alors, nous pouvons tenter un moyen de transport que je n'ai jamais osé : l'aynore. Tout dépend de votre sentiment sur le fait de quitter le sol et de finir dans les airs. »

Rosa voulut d'abord lui crier dessus que se sentir aspirer dans le vide, vers les astres dans une terrifiante coquille Sindel était sûrement la pire idée qu'elle n'avait jamais entendue mais se coupa nette en voyant Miurah. Son silence fut pris par le protecteur par une hésitation qui pouvait laisser envisager un oui, quelle horreur ! Il ajouta qu'on en trouvait à Tulorim, qu'il s'agissait d'une expérience à vivre pour n'importe quel aventurier. La shaakt ne voulait dans tous les cas ne pas retourner à Exech, ils décideraient donc là bas.

« C'est décidé, nous gagnons Tulorim. Et vous Miurah ? »

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 Sujet du message: Re: Les plaines marécageuse autour d'Exech
MessagePosté: Dim 12 Mai 2013 22:08 
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Miurah vous écouta discuter de la possibilité que cette mystérieuse cité soit Gwadh, une ville se situant à l'Ouest sur Nosvéris. Il approuva votre réflexion de la tête. Lorsque vint la question de savoir s'il suivrait, pour lui la réponse était toute trouvée.

- "Les amis, ce fut un véritable honneur que de partir à la recherche de cette relique avec vous mais pour ma propre sécurité, je préfère ne pas mettre les pieds à Gwadh. Les sindels ne sont pas les bienvenus là-bas. Vous aurez beaucoup plus de chance de survivre avec un homme en armure complète qu'avec moi. Je ne veux pas être la raison de votre mort. Je vous ai appris tout ce que je savais, je serais un frein pour vous."

Il se leva alors quittant la fraîcheur de l'ombre de cet arbre et s'étira de tout son long.

- "Cependant, si je peux me permettre, le mieux pour aller à Gwadh n'est peut être pas la mer mais la voix des airs. En bateau, il vous faudra au mieux selon mes calculs... 5, je retiens 2... 6 jours et au plus long 17 jours. En prenant un aynore depuis Tulorim, vous pourrez vous rendre à Lebher en l'espace de 6 petites heures. De là, il sera plus intéressant pour vous de prendre un navire, un jour au mieux ou 4 jours au pire. C'est mieux que de se balader sur les routes de Nosvéris surtout aux alentours de Pohélis."

Il se gratta de nouveau le menton.

- "Le mieux serait quand même de rentrer à Exech pour vous laver, profitez d'un bon repas, d'une bonne nuit de sommeil dans une auberge et d'ensuite prendre un cynore pour vous rendre à Tulorim. Mais ce n'est que mon avis. Pour ma part, je rentre à Exech. Si vous le souhaitez, vous pouvez me suivre ou voler de vos propres ailes."

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 Sujet du message: Re: Les plaines marécageuse autour d'Exech
MessagePosté: Mar 14 Mai 2013 01:56 
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L'heure venait aux adieux. Ils touchèrent Thalo, reconnaissant et heureux de cette rencontre avec Miurah. Quant à Rosa, elle resta perplexe au mot « amis ». Le guerrier approuva une fois encore le sindel quant à sa décision de les suivre ou non. En effet, Gwadh restait une place shaakt et quant à la question des elfes gris la méfiance pour la mage devait être une profonde haine raciale pour les autres. Si leur guide se voyait à présent comme un poids pour leur avenir, Thalo ne le laissait partir que pour lui éviter un lynchage en règle là bas. Il ne se sentait pas d'avantage confiant de se rendre là bas, les bons humains n'étaient-ils pas des humains esclaves ? Ah ! Mais qu'il pouvait être bête, sur le papier, le wiehl était bel et bien esclave. La sorcière gardait toujours son titre de propriété, un souvenir qui ne le gênait pas. Après tout, il vivait plutôt bien. Il fallait simplement espérer que la shaakt ne fût pas tenter par un esclavagiste de l'échanger contre un meilleur article accusant l'ancien et innocent serviteur d'être fatigué et usé.

Cruel sindel ! Il appuyait la maudite idée de Thalo de partir par les airs ! C'était définitivement perdu, le guerrier allait maintenant être persuadé d'avoir bien choisi. Le temps jouait contre elle, ces machines avaient des performances spectaculaires, elles pouvaient faire le trajet d'un continent à l'autre en quelques heures. Ce chevalier si hardi se mit à se réjouir pour un voyage aussi court, oh bien sur il y avait le prix mais qu'importe ! Il secoua le sac rempli de Yus pour anéantir les moindres espoirs de la shaakt, aucune excuse à trouver. Oh, misère ! La nuit tombait, il fallait donc retourner à Exech avant de partir pour Tulorim ! La mage se remémora alors les derniers instants dans la ville délabrée, ils avaient laissé Heartless et son navire. Peut-être penserait-elle à demander quelle destination avait pris le navire Laides-Les Maine ? Cette quête personnelle de retrouver l'ennemi juré devait occuper l'esprit du capitaine, il n'avait probablement du ni partir à sa recherche ni l'attendre. Cela dit, Rosa pensait encore à ce que pouvait procurer le soutien d'un vaisseau et de son équipage. Si Gwadh n'avait pas les réponses, elle penserait à retrouver encore cet humain insaisissable. Elle songea ensuite au chasseur qui la traquait, agent de la matriarche déchue. Il ne s'était pas manifesté durant toute l'exploration du temple, l'Illhar s'était contentée de l'observer ou d'écouter, la shaakt l'ignorait. En fait, elle ignorait même l'essence du chasseur. Personne ne l'avait vu outre sa maîtresse et ses victimes déchues, puissant mage ? Créature infernale ? Les seuls conseils qu'elle avait pu obtenir auprès des siens consistaient à fuir en mer et s'installer sur un autre continent. Désormais, elle savait que cela ne fonctionnait pas, il était apparu à Exech dans le coffre de la première relique.

« Nous allons vous suivre jusqu'à Exech, mieux vaut rester grouper avec toutes ces sangsues ! Peste soit de ce marais ! »

Les sangsues, elle oubliait les sangsues. Thalo savait ce que son rappel engendrait, il se mit à fuir la shaakt qui s'apprêtait à l'utiliser comme porteur et se mit à chanter de mauvais vers de voyageurs. Face au sindel, Rosa se contenta de répéter le nom de ces horribles parasites et se mit à poursuivre son traître de protecteur. Une heure après, la vue des remparts sema un mélange de soulagement et de dégoût dans son cœur. Les pieds sur un sol sec, l'elfe noire arrêta les deux autres :

« Je vous rappelle que nous avons quitté cette ville poursuivis par vos amis et la milice. Il est hors de question que nous nous attardions ici. »

« Certes... Avec les lutins et Thimoros, j'ai complètement oublié la folle course dans les ruelles d'Exech. Miurah... Savez-vous où nous pouvons prendre un cynore ? C'est sûrement en dehors des murs non ? »

« Occupe toi de cette terrible machine volante, je vais voir sur les quais. Je trouverai peut-être Heartless ou autre chose d'utile... »

« Vous voulez y aller seule ? »
Le ton du wiehl affichait un fort désaccord.

La Shaakt se justifia en plaçant la capuche de son manteau puis ajouta :

« Le visage couvert, les pieds nus et l'odeur des marais... Je pense ressembler à n'importe quel habitant de cette ville. Ce ne sera pas long. »

Sans adieu ou attente d'une réponse de Miurah, Rosa les laissa pour s'aventurer une dernière fois dans Exech la nauséabonde.

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Dernière édition par Rosa le Mar 13 Aoû 2013 20:20, édité 1 fois.

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 Sujet du message: Re: Les plaines marécageuse autour d'Exech
MessagePosté: Jeu 16 Mai 2013 09:04 
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Miurah était perplexe à l'idée que vous vous sépariez de votre protecteur en armure. Il se leva afin de vous suivre arrivant rapidement près des murs de la ville.

- "Vous connaissez la dangerosité de la ville, je ne sais pas si vous promener seule, même dans cette tenue, dans les rues d'Exech est très prudent. Vous semblez détenir un puissant pouvoir en vous mais je me sens mal à l'idée de vous laisser entrer seule dans la ville. Si vous voulez vraiment aller sur le port, je veux bien vous y accompagner et même vous offrir l'hospitalité pour la soirée. Vous pourrez vous reposer chez moi, c'est le moins que je puisse faire après que vous ayez accepté de me suivre dans ces marécages."

Vous étiez maintenant à la croisée des chemins, ceux menant aux portes de la ville et à la zone d'embarcation.

- "Le choix vous appartient."

Miurah avança doucement en direction des portes attendant de voir si vous le suiviez tous les deux ou pas.

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 Sujet du message: Re: Les plaines marécageuse autour d'Exech
MessagePosté: Lun 4 Nov 2013 20:15 
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(((Post précédent: Le port d'Exech)))

Réveil en sursaut. Pression insistante sur ma cuisse droite. Encore.

"Debout!"

"Je… Monsieur Herbert?"

"Lui-même. Debout j’ai dit, nous partons maintenant. Tiens, attrape."

Quelque chose rebondit sur ma poitrine. Bruit sec d’un objet qui chute par terre. Tâtonnement… Du pain! Même pas sec! Dans mes mains, dans ma bouche, saveur… Délectable…

"Merchi!"

"Pas de quoi. Aller, tu boufferas en marchant. Debout!"

Excitation!! Changement! Quitter Exech, nouvelles sensations, nouvelles émotions... Et... Espoir. Espoir! Car sur la route, grâce à la route... Peut-être... Le trouver. Le repos. La sécurité. L’équilibre, celui qui permet à la vie d’être toujours égale. Prédictible. Sans danger. Sans... sans TOI.

Me lever... et marcher. Traction sur mon avant-bras. Ni douce, di dure... Pas comme celle du Maître!

Après trois ans de survie dans ce trou perdu... Trois ans après ta mort, ma douce Ophelia... Trois ans depuis la noirceur infinie... Repartir, enfin. Car il doit y avoir un moyen, il faut qu’il y en ait un... Contre TOI... Je veux ma vie, la mienne, pour VRAI! Une vie... équilibrée. Vivante. Une vie sans survie.

Marcher. Marcher, suivre. La pierre sous mes pieds... Un pied devant l’autre. Suivre la traction. Les bruits de la ville s’atténuent... Les murmures s’estompent. Je ne suis jamais venu dans ce quartier.

"Halte-là! Qui êtes-vous et où allez-vous?"


Sursaut. Voix forte. Bruit d’une hampe qu’on cogne sur le sol.

"Bastien... C’est nous. Pour le Maître. Nous sortons nous promener, tout simplement."

Écho faible... Tintement. Quelques yus qui s’entrechoquent, mes oreilles me le confirment.

"Évidemment... Circulez!"

LIBRE!!! Sorti de cette ville! Enfin!

Marcher... Droit devant. La pierre sous mes pieds devient de la terre. Dure. Sèche. Craquelée. Il fait chaud... Mais un peu moins qu’à Exech. Moins... collant. Moins humide. Je respire!

"Foutue sécheresse... Au moins, on n'a pas à se farcir la boue, comme d'habitude. Mais quand même, c'est pas normal...


Sécheresse? Je ne savais pas... Il faut dire qu'à Exech, il faut simplement toujours chaud.

"Bon aller, préparez-le."

Surprise. Une présence à ma gauche, une autre à ma droite. On me soulève les bras...

"Euh... Hein??"

"C’est pour ton bien, pour ne pas qu’on te perde, tu comprends? Maintenant, ne bouge pas."


Froissement de mes vêtements au niveau de ma taille. Quelque chose, je sens quelque chose... Cliquetis métalliques. Une chaîne?!? Elle se resserre, m’entoure...

"Pourquoi?? Mais arrêtez!"

"Calme-toi. C’est pour te guider, rien d’autre. Aveugle comme tu es, il ne faudrait pas qu’on te perde dans le désert, hein? De toute façon, ne t’inquiète pas, j’ai la clef ici, sur moi... Hé hé hé."

Ricanement des autres. Humiliation... Comme un poulet, me voila comme un poulet qu’on guide au marché! Moi qui... Moi qui pensais avoir enfin retrouvé cette liberté perdue... Jamais de chance. TU ne me laisses jamais vivre, hein!

Traction au niveau de mon ventre. C’est reparti...

J’écoute. Je marche. Quatre... cinq. Nous sommes cinq... je crois. Herbert, les deux qui m’ont tenu les bras... Et celui qui a enfilé ma chaîne. Écouter les bruits de pas... Oui, cinq. C’est certain. Je crois.

Je marche.

Encore.

"Au fait... C’est quoi un désert?"

"Quoi, tu n’en as jamais vu un? Oh, pardon... Tu n’es jamais allé dans un?"

"Ben non, puisque je demande..."

"Ah, et bien... Un désert, c’est comme une plage, tiens. Oui, comme une plage, sauf qu’il n’y a pas d’eau, pas de végétation ou presque et en général... Ben y’a pas grand chose, dans un désert! Du sable, de la roche et de la chaleur..."

"Une plage sans eau? Vous... N’importe quoi, oui!"

"Bon, tu verras bien toi-même, hé!"

Ton vexé. Son pas se fait plus pressant... Mon voisin s’éloigne. Une plage sans eau, vraiment?? C’est ridicule!

La marche se poursuit... Plaisir de bouger, de ne pas être accroupi, de ne pas attendre la "générosité" d’autrui... De faire quelque chose. Même enchaîné!

Le camp. Les autres s'affairent... Je m'asseois sur le sol et attends. Crépitement d’un feu, odeurs divines de grillages. Nourriture partagée, librement... De la viande, même! Des années que je n’ai pas mangé de viande grillée. Incroyable... Orgasme pour mes papilles. Moura que c’est bon!

Les autres discutent... Je n’écoute pas. Je suis en extase. Vivre, enfin! Même pour un moment limité... Me souvenir que la survie avait, que la survie A un but! La viande...

M’étendre. Je me recroqueville sur le sol sec. Le feu, l’air tellement plus pur qu’à Exech... Je vais bien dormir!

Dormir...

Dormir...

Dor... Murmure...:

"Herb, je voulais te parler... Je suis inquiet."

"Darius?"

"Oui... Il fait vraiment chaud, tu sais. Pas comme d’habitude..."

"Oui j’avais remarqué."

"Ça fait... au moins deux mois qu’aucune caravane n’est passée."

"C’est justement pour ça que le Maître nous envoi, le prix des épices..."

"J’en ai rien à battre du prix des épices, je te parle de chaleur!"

"SHHHHH, les autres dorment..."

"Pardon, je... C’est qu’avec cette vague de chaleur, je m’inquiète, car... ils seront nombreux. Et affamés."

"Je sais, mais c’est pour cela que tu nous accompagnes! Fais ton travail, je fais le mien et nous passerons."

"Pourvu que tu dises vrai..."

"Je dis vrai. Dors, maintenant... Il va falloir que tu sois en forme!"

Je me tourne sur moi-même... Me retourne... Ils seront nombreux... et affamés? J’ai soudainement moins envie de dormir... Survivre, pourvu que la survie ne soit pas compromise! Vivre, être libre, oui, mais... Sécurité. Rien ne vaut le risque de... de TE rencontrer, Phaitos...

(((Post suivant: L'entrée du désert)))

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Lerceval Talrion, Demi-elfe, Fanatique


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 Sujet du message: Re: Les plaines marécageuse autour d'Exech
MessagePosté: Sam 14 Déc 2013 20:38 
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Localisation: En route pour Exech
Maci marchait depuis plusieurs heures déjà, la fatigue se faisant ressentir de plus en plus ostensiblement. Ses pieds geignaient presque littéralement à chaque pas supplémentaire et il lui semblait qu’on avait permuté ses mollets pour deux rondins de bois particulièrement raide. Elle avait rodé ses mains à l’artisanat du bois et était devenu insensible aux échardes dans les doigts ou aux ampoules dans la paume de la main, mais elle n’avait jamais vraiment utilisé ses jambes pour quoi que ce soit de plus physique qu’une balade en forêt et elle découvrait à quel point la marche à pied pouvait devenir douloureuse.
Malheureusement pour elle, elle se trouvait actuellement en pleine zone marécageuse, sans un seul abri en vue. Un arbre lui aurait suffit comme cachette de fortune, mais même cela lui faisait défaut en ce moment, ce qu’elle trouvait ironique pour une ébéniste itinérante novice. Le seul point positif de cette situation, c’est que la douleur qu’elle ressentait lui permettait de tromper l’ennui qui la rongeait depuis un bon moment. Elle s’imaginait que cette histoire de marchande nomade serait des plus palpitantes alors que pour l’instant, arpenter les routes du pays en quête de clients friands d’arcs n’était somme toute pas plus distrayant qu’échapper aux lourdeurs incessantes des garçons de son village natal. Cela ne sentait même pas meilleur, ce qui aurait été une consolation en soi, puisqu’elle se trouvait actuellement en plein marécage.
Consciente de sa déception et du fait qu’elle avait sans doute placé la barre de ses attentes un peu haute, Maci refusait néanmoins, ou d’autant plus, de faire marche arrière. Elle avait prit sa décision, elle continuerait jusqu’à être à jamais dégouté de la marche plutôt que de changer d’avis. Son entêtement avait presque toujours été une source d’opportunités plus que d’échecs jusqu’à présent et elle n’était pas prête de changer ses habitudes. Elle en prenait le paysage à témoin, ces terres deviendraient sèches et arides avant qu’elle ne change d’avis quant à sa première destination, Exech.

En revanche, elle avait tout à fait conscience du fait que ses jambes ne tarderaient pas à la trahir et qu’il lui fallait donc trouver un abri au plus vite. Seulement, il n’y avait autour d’elle que marécages et arbustes à peine digne de cette appellation à perte de vue, offrant peu d’opportunité de répits. Elle s’embourbait fréquemment dans la gadoue humide qui rongeait peu à peu le confort sec de l’intérieur de ses bottes et gaspillait beaucoup d’énergie à se dépêtrer sans cesse des pièges visqueux que le sol formait autour d’elle. Pour chaque pas en avant qu’elle faisait, l’environnement lui arrachait le double ou le triple de l’énergie qu’il lui aurait fallu sur une route en bon état. Elle avait eu le choix, en quittant son village, entre suivre le seul chemin balisé qui reliait la petite bourgade aux routes principales de la région, mais qui était fréquemment arpenté et surveillé par des groupes de brigands et des troupes de truands, ou bien couper à travers les bois en priant pour ne pas dévier et avancer droit jusqu’à Exech. Elle avait opté pour la seconde solution, qu’elle jugeait beaucoup plus prudente au moins jusqu’à ce qu’elle sache décemment se servir de ses arcs, mais commençait à se demander s’il n’aurait pas mieux valu risquer tomber dans une embuscade que de tenter la traversée de ces marécages. A quoi bon éviter les brigands si c’était pour mourir de faim et d’épuisement au milieu d’une mer de boue sans fin ?

De réflexion pessimiste en réflexion pessimiste, Maci finit par réaliser que ses jambes l’avaient portée bien plus loin qu’elle ne l’avait espéré mais surtout que la nuit s’apprêtait à tomber sur les terres désolées qui lui tenaient actuellement compagnie. Ne sachant si elle devait s’affoler de n’avoir toujours pas trouvé d’abris ou se féliciter de ne pas encore s’être écroulée de fatigue dans une marre de sangsues, Maci s’accorda une brève pause au milieu d’une flaque de boue un peu moins mouillée que les autres. Après avoir repris son souffle et massé tant bien que mal ses mollets engourdis, Maci se remit en route. Elle savait que passer la nuit au milieu de ces marais n’était pas une option envisageable, le froid et l’humidité aurait vite eu raison du confort de sa couverture et de ses poumons. Ses pieds avaient beau la faire souffrir le martyr, marcher lui semblait la seule manière à peu près fiable de se réchauffer et dans tous les cas, cela lui semblait une meilleure idée que de s’arrêter au beau milieu de nulle part. Tout en avançant, elle jetait continuellement des coups d’œil sur ses alentours, guettant la moindre lueur à l’horizon qui pourrait lui indiquer la direction à suivre pour Exech. Sans carte ni boussole, elle ne pouvait se fier qu’à son instinct pour espérer avancer dans la bonne direction et en cet instant elle commençait à se méfier de son instinct. Tout en mâchonnant un bâtonnet de viande séchée, elle surveillait donc le paysage à la recherche, sinon d’Exech, d’un abri de fortune ou passer la nuit.

Il faut croire qu’il existe un dieu pour les vagabonds, car après une nouvelle heure de marche et alors que ses yeux peinaient à percer l’obscurité de plus en plus profonde qui s’abattait sur les marécages, elle aperçut ce qui lui semblait être une cabane délabrée au loin. Une demi-heure de marche tout au plus, et elle serait au sec. Enfin, plus au sec qu’actuellement en tout cas. Ce qu’une cabane abandonnée pouvait bien fiche au milieu de nul-part elle l’ignorait et c’était bien le cadet de ses soucis en cet instant. Retrouvant son courage, elle força l’allure malgré ses jambes et ses pieds endoloris, ne se laissant distraire ni par la douleur, ni par les flaques de boue dans lesquelles elle s’empêtrait régulièrement et se vautrait même parfois à l’insu de son plein gré. Après ce qui lui sembla durer une éternité, elle parvint enfin devant les ruines – et encor c’était un terme flatteur- de ce qui avait dû un jour être une cabane miteuse. Dans son état actuel en revanche, elle n’aurait su rêver d’un plus luxueux palace pour passer la nuit. Enfin, si sans doute, mais elle n’avait pas la force d’en faire l’effort.

Ladite cabane était plus qu’à moitié effondrée, la toiture complètement défoncée, les cloisons branlantes menaçaient de s’effondrer à tout instant et une horrible odeur de moisi se dégageait de toutes les parois qui tenaient encore debout, mais Maci n’hésita pas une seconde lorsqu’elle décida d’y passer la nuit. Elle entassa rapidement des morceaux de bois qui devaient auparavant constituer la toiture ou un mur de la cabane de manière à se fabriquer un lit de fortune sur lequel elle jeta sa couverture de manière à absorber l’humidité tout en pouvant s’enrouler dedans. La nuit s’annonçait fraiche, mais elle était bien trop épuisée pour tenter de faire du feu, ce qui aurait sans doute été peine perdue compte tenu de ce que la brindille sèche la plus proche devait se trouver à des kilomètres d’ici. Elle décida de mâchonner un dernier bout de viande séchée tout en commençant à tailler un arc, et elle s’installa donc le plus confortablement possible dans son nid improvisé.

Elle se réveilla le lendemain alors que le jour pointait à l’horizon, sans avoir conscience de s’être endormie la veille. Elle essuya son menton plein de bave et de viande séchée, jeta le reste du bâtonnet qui lui avait sans doute échappé des lèvres pendant son sommeil pour se loger dans sa tunique et commença à ranger ses affaires. Elle reprendrait la route dès que possible mais avant tout il lui fallait déterminer ou aller. Elle n’avait toujours pas Exech en vue, malgré la lueur de l’aube qui illuminait le paysage d’une douce lumière rosée, et il lui fallait compter sur le soleil et son sens de l’orientation pour prendre la bonne direction. Son village était au Sud-est d’Exech, la route qu’elle avait empruntée pour rejoindre ces marécages l’avait éloignée vers l’Ouest. De là, elle avait suivi, à condition de ne pas avoir déviée, ce qu’elle estimait fortement être la direction du Nord. Il lui fallait continuer à suivre la même direction pour parvenir à Exech, donc à gauche en se tenant face au soleil, ce dernier se levant à l’Est selon ses souvenirs. N’ayant pas de meilleur plan, elle fit de son mieux pour ignorer ses jambes endolories et se mit en marche.

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 Sujet du message: Re: Les plaines marécageuse autour d'Exech
MessagePosté: Dim 14 Juin 2015 19:05 
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(((Topic précédent: la taverne de la choppe renversée)))

Sitôt sorti de la ville, Ingvar observa les alentours, ne sachant quelle direction prendre.
Il répugnait a l'admettre, mais devant l'horizon qui s'offrait a lui, il ne savait pas ou il devait se rendre, ni même ce qu'il devait faire.

(Je pourrais me diriger vers Idirain mais je ne suis pas équipé pour traverser les montagnes... Il y aurait Tulorim, a l'Est... ça me parait encore être la meilleure option...)

Il résolut donc de partir en direction de Tulorim mais néanmoins, il était a pied et le voyage risquait de lui prendre du temps. Il fit un rapide calcul mental a partir de ses maigres connaissances géographiques d'Imiftil et du souvenir d'une carte qu'il avait aperçu a la taverne. Il en déduisit qu'il mettrait environ une semaine a atteindre son objectif, peut être moins si il courait pendant un certain temps, mais cette idée ne le motivait guère.
Il devrait également longer la cote, afin de rester sous le vent frais qui venait de la mer, car les Fenrissiens sont extrêmement sensibles aux températures trop hautes.
Ingvar observa la position du soleil pour s'orienter et partit vers l'est, marchant non loin de la Mer.
Il se demandait ce qu'il ferait une fois a Tulorim, lorsque le bruit du métal contre le métal attira son attention, l'arrachant brusquement a ses divagations.
Dégainant son épée, il se rua vers l'origine du bruit, ses pieds bottés fouettant a chaque foulée les touffes d'herbes mortes qui tapissaient la plaine.
Il atteint le sommet d'une petite butte et observa le combat qui se déroulait en contrebas. Un humain vêtu de loques et de pièces d'armure aussi éparses que rouillées échangeaient des coups d'épée avec un personnage dissimulé sous une longue cape de toile d'un gris de cendre.
Ce dernier était armé d'un sabre recourbé et son style de combat était bien plus raffiné que celui de son rustre adversaire, qui se contentait de frapper le plus fort possible.
Malgré la supériorité évidente de l'individu encapuchonné, celui ci montrait des signes de fatigue évidents et saignait déjà par une bonne dizaine de blessures.
autour des deux duellistes, plusieurs cadavres humains avaient étés criblés de flèches ou mortellement blessés par une lame.
Les deux combattants s'écartèrent pour reprendre son souffle, et Ingvar choisit cet instant pour dévaler la pente en hurlant, son épée pointée vers le Bandit.
Il entendit un sifflement derrière lui, et une flèche empennée de plumes blanches vint se ficher en plein cœur de l'humain, qui s'affala dans la poussière.

"EH vous! dit une voix chantante dans son dos. Levez donc vos mains bien haut ou vous finirez comme notre feu notre malchanceux ami!"

Ingvar s’exécuta, laissa son épée tomber au sol et leva les mains.

"Parfait, maintenant retournez vous, nous verrons bien a qui nous avons affaire."

l'intéressé se retourna et put distinguer celui qui avait parlé. Il s'agissait d'un individu de taille moyenne, dont le visage était lui aussi dissimulé sous une capeline couleur de cendre. Sans baisser son arc et sans lâcher la flèche encochée, il se dirigea vers son camarade et l'aida a se remettre d'aplomb.

"Bien. Je suis a votre écoute. Qui êtes vous et que venez vous faire en ces lieux?"

"Mon nom est Ingvar. Je suis en route pour Tulorim. J'ai entendu du bruit et j'ai tenté au mieux de porter assistance a votre ami."

Ce fut cette fois l'individu a l'épée qui demanda:

"Voila qui est noble de votre part guerrier. Mais peut on savoir ce que vous allez faire a Tulorim?"

"Je cherche un emploi pour payer un bateau pour quitter Imiftil. Rien de plus."

Les deux individus se regardèrent quelques instants, échangèrent quelques mots a voix basses. Ingvar quand a lui, ne pouvait quitter du regard la pointe de flèche acérée qui le visait.

"Dites moi, Guerrier, seriez vous intéressé par un emploi de garde du corps?"

Ingvar oppina du chef.

"Tout emploi est bon a prendre dans ma situation."

"Vous m'avez l'air d’être un homme digne de confiance et un bon combattant.
Alors faisons un marché, vous assurez notre sécurité jusqu’à Tulorim, et en échange nous vous paierons grassement. Marché conclu?"


"Très bien j'accepte. Marché conclu."

L'archer abaissa alors son arme et dans un seul mouvement, les deux protagonistes retirèrent leurs capuches. Ingvar eut un hoquet de surprise; les deux elfes gris qui se tenaient en face de lui avaient le même visage!
Ils se présentèrent sous les noms de Vandaêl (celui qui avait un sabre) et Merydios (l'archer.) Ils expliquèrent a Ingvar qu'ils étaient frères jumeaux et qu'ils se rendaient a Tulorim pour affaires commerciales. Bien qu'ils prétendaient lui faire confiance, ils firent savoir eu Fenrissien qu'a la moindre traîtrise, ils n'hésiteraient pas a lui loger une flèche entre les deux yeux.
Ils fouillèrent les cadavres, Ingvar trouva une outre de vin et quelques yus, mais rien de mirobolant...
Puis, le trio nouvellement formé pris la route de Tulorim.

((( suite dans le Topic: Melwasul, le village des pêcheurs.)))

_________________
Et dans mon esprit ravagé se mélange folie et peur.
Mais alors que je laisse libre cours a ma sauvagerie,
Je suis fier d'apposer mon sceau au milieu de la mosaïque du massacre...


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 Sujet du message: Re: Les plaines marécageuse autour d'Exech
MessagePosté: Jeu 25 Juin 2015 17:48 
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Forêt en limite de territoire Exech


Je suis dans mon monde. Ici, rien ne peut m’atteindre. Deux phrases qui se gravent dans mon âme tandis que je vois brûler la dépouille de mon père. Réduit en miettes par la rage de petits criminels, faibles de surcroit, et à l’encontre de tous les principes qu’il ma inculqués, son corps me hante. J’ai l’impression qu’il ne cessera jamais de le faire.

***

Je les ai pourchassés. Et quelques années plus tard, me voici de retour sur les lieux de mon enfance. Ceux qui y ont mis fin ont payé le prix du sang, et remboursé les années perdues par les larmes libératrices et les exclamations de surprise et d’effroi. J’ai vu bien des choses en parcourant le monde, de la plus belle œuvre jusqu’aux êtres les plus méprisables. La faiblesse qui cherche à voiler la roue impitoyable des lois naturelles est une stupidité qui se répand à une vitesse phénoménale. De partout, en tendant plus ou moins l’oreille selon les lieux, on entend parler d’égalité, de valeur similaires des individus. Ridicule. Je suis forte. D’autre sont faibles. Je les écraserai, et nul ne se permettrai de dire le contraire.
Ici, sur le seuil de mon enfance, une seule chose reste. L’expérience. Les débris branlants de la charpente de la vieille cabane en ruine sont envahis par les herbes folles et les arbres qui commencent à croitre sur le sol couvert de feuilles mortes et d’humus. Il n’y a plus rien ici pour moi. J’ai déjà pris ce qu’il me fallait lorsque j’ai commencé la traque, et j’ai laissé le matériel en question dans les cadavres froidissant de mes cibles. Seules me restent l’épée et la dague.
Je fais le tour du site. Analyse brièvement la structure pourrissante et les lignes de faiblesses qui parcourent l’ensemble de la bâtisse. Décoche un coup de pied mesuré à l’endroit précis que me dictent mes pensées. Le tout vacille sans choir, mais cela ne signifie rien : on a veillé à m’apprendre qu’un gabarit de plus de deux mètres et d’une masse de 110 kilos joue de façon importante sur la conception du principe de « petit coup de main » ou de coup de pied mesuré. Patient, je me pose à côté du lieu de ma jeunesse, sans quitter des yeux la ruine encore debout qui me fait face. Des petits craquements se font entendre à mon ouïe plus fine que la plupart des êtres vivants intelligents sur cette terre. D’abord espacés, les fins bruits s’accélèrent, tel un cœur palpitant à l’approche d’une catastrophe imminente. La catastrophe ne se fait pas plus attendre et les murs branlants de la maison s’écroulent, soulevant un épais nuage de poussière, de feuilles mortes et d’aiguilles desséchées. La dernière amarre à cette terre vient d’être larguée. Je suis sans attache. Libre, même si je n’ai jamais été autre chose. L’officialisation de la chose gonfle mon cœur d’un sentiment de puissance, de la conviction que je peux faire tout ce que je souhaite, pourvu que je me reste fidèle.
Je reste sans bouger, cependant. Un nouveau bruit a attiré mon attention. Un cliquetis. Dans l’obscurité, mes yeux profitent de la lumière de la lune, ronde et blanche comme le globe oculaire d’un aveugle. Comme tous les félins, je dispose d’un œil spécial, qui me permet d’amplifier pour ma vue la lumière insuffisante sous le couvert végétal. Mes pupilles doivent à cet instant précis ressembler à deux charbons incandescents d’un or sombre. Je distingue avec clarté deux hommes approchant. Vêtus comme n’importe quel mortel humain, ce ne sont pas des gardes de la cité. Ils ont pénétré sur un territoire cruel en toute connaissance de cause. Grâce leur en soit rendue : j’avais envie de laisser s’exprimer la puissance retenue dans mes muscles depuis près de deux mois. Je plante mes griffes dans l’arbre qui me servait alors de dossier. Il s’agit d’un chêne gigantesque, sur lequel je suis monté un nombre incalculable de fois étant plus jeune. Le bois dur semble me propulser vers sa cime à une vitesse folle. Je n’y vois que la force de mes muscles et la résistance particulière de cet ancêtre. Un arbre fort. Les humains, en bas, sont faibles. Je passe au-dessus de leur tête dans un bruissement de feuilles. Le monde retient son souffle. Je n’ai pas l’habitude de chercher à prévenir les proies que je me choisis. Cela n’a que peu d’intérêt, à part un gaspillage de temps lorsqu’il faut leur courir après. Mais je décide de faire une exception. Pour eux. Par ce que nous sommes un jour particulier, et que je réfléchissais. Parce qu’ils m’ont dérangé. Parce que le vent souffle et que la lune luit. Parce que le ciel est noir et que les étoiles sont en feu. Qu’importe la raison. Ils sont faibles. Je ne peux que les aider à s’améliorer.
Les voilà qui regardent en l’air, quelque peu inquiets. Faibles. Une chose inconnue s’offre à eux, ils sont perdus, cherchant du soutien là où leur intellect limité ne peut leur en donner. Faibles. Pris au dépourvus, ils avaient prévu de donner la mort, et craignent de la recevoir. Ridicules êtres prétentieux. Bientôt deux larves de moins arpenteront le monde. Je parcours la branche dans l’autre sens, faisant encore bruire le feuillage et tomber les aiguilles de pins. Les exclamations des deux créatures traduisent leur incompréhension, leur méfiance et leur stupidité. Mais sous peu, l’un aura une idée qu’il pensera brillante. Car c’est toujours ainsi que sont choisis les leaders dans le monde de la faiblesse. Le premier qui parle semble s’entourer d’une aura. Tout ce que je vois, moi, d’ici, c’est une aura de mort qui plane au-dessus de lui. Une mort noire et pleine de souffrance.
Ils ont finalement opté pour la course. Prévisible. Si prévisible et pourtant, tellement décevant. Aucune originalité, rien qui ne les distingue des autres créatures, qui ont tant de limites sur leurs ressources. Ne pas profiter de ce qu’ils auraient pu faire est une insulte, tout comme il serait insultant de ne pas les arrêter dans leur bêtise. Comment un être sur deux pattes peut-il se prétendre supérieur, uniquement parce qu’il dispose d’outils que les autres n’ont pas. Le métal. La bonne blague que ceci, vraiment. Se croient-ils forts car ils sont encombrés d’objets qui les présentent comme dangereux, alors qu’ils ne font que les alourdir ? Moi, je suis libre. Moi, j’ai assez de force pour m’envoler seul, sans prendre appui sur des outils. Moi, je peux donc revendiquer le droit de les utiliser, car ils ne me sont pas indispensables. Je saisis la lame qui est dans mon dos pendant mon envol. J’atterri en souplesse sur le matelas épais de la forêt. La course ne dure que quelques minutes avant que je ne les talonne. Je n’ai pourtant couru que sur deux pattes. Ils m’entendent et me voient, maintenant. La peur écarquille leurs yeux et dilate leur iris, fait flageoler leurs membres et accélère leur respiration.
Tremblez, proies. Je vous veux du mal. Pour mon bien.
Ils arrêtent leur ridicule tricot de jambes. Ils sont face à mon buste. Je les domine, comme une pie-grièche domine l’insecte empalé sur un pic devant lui. Comme un loup domine l’agneau couché à terre devant lui, les côtes faisant ressortir le rouge de son sang. Ils sont déjà morts, ils le savent. Et cela manque de saveur. Il manque ici quelque chose, et je ne sais pas encore quoi. Mais je le découvrirai. Plus tard. Pour l’instant, leurs mines défaites me dégouttent trop pour que je tarde à ma besogne.
Je me rue sur le plus petit des deux, le suiveur. Comme je m’y attendais, il tente de fuir en me voyant le fixer. Quelle stupidité sans nom. Pourquoi retenter ce qui n’a aucune chance de marcher ? L’autre tente de me porter un coup quand je passe à côté de lui, saisissant son collègue par la gorge et lui ouvrant le ventre dans le même temps d’un coup de griffe. La tentative est déviée par une parade de mon bras armé. Non seulement l’attaque est faible, mais en plus elle est maladroite. Je n’y dépense pas plus d’énergie que cela. J’entraine son compagnon puant dans les arbustes qui nous cachent à sa vue. Le gout du sang de l’homme ruisselle dans ma gorge pendant que je lui offre son dernier voyage, plaisir intense gâché par la saveur amère et la crasse de la peau de ce dernier. De ma patte arrière gauche, je m’appuie de tout mon poids sur son genou droit, qui rompt dans un craquement odieux. L’angle de la jambe est désormais beaucoup plus intéressant. Un peu trop large, peut-être. Plus 70° que 60°. Je la bouge donc pour la remettre selon l’angle voulu. De nouveaux craquements se font entendre, et avec chacun d’entre eux, un hurlement de douleur et de peur. Les sanglots prennent le relai lorsque j’arrête de repousser les limites de la géométrie. Pleurs, supplications, prières trop tardives d’un homme à l’agonie se convertissant dans ses derniers instants. Je le laisse là. Je reviens à toute vitesse sur mes pas, guidé par l’odeur du second homme qui empeste au moins autant que le premier pouilleux. Il a meilleure mine, et est plus costaud que l’agonisant. Commence à accélérer, utilisant la force de mes quatre pattes pour me propulser à une vitesse proprement grisante. Il est dans mon champ de vision, et ma course a fait assez de bruit pour qu’il m’entende approcher, même s’il courrait lui aussi pour s’éloigner des hurlements de souffrance de son ami. Il se retourne, et dégaine son arme une nouvelle fois. Je redeviens un bipède juste avant de le percuter, et son coup, destiné à ma nuque lorsque je n’atteignais que son torse au garrot, ne rencontre que le vide lorsque je mesure presque deux fois sa taille. Ma griffe part à la volée, de toutes mes forces. Il vacille et s’écroule, la langue pendant comme une larve rosée sur sa trachée apparente.
Il a déjà sombré dans l’inconscience lorsque la partie manquante de son anatomie s’écrase dans la litière quelques mètres plus loin. Il ne se réveillera probablement pas avant de mourir. Alors autant en profiter maintenant. Je m’agenouille à côté du cadavre, pour m’apercevoir qu’il est en réalité déjà mort, la nuque dévissée. Cela achève de me désappointer : il n’y a vraiment rien à attendre d’eux ! Sauf ce liquide épais, salé et ferreux, qui s’écoulent de leurs plaies : je m’attèle donc à profiter de ce dernier cadeau. Le museau si proche de sa lèvre restante que l’on pourrait croire que je l’embrasse avec tendresse, je lape la plaie goutant à la vie qui s’échappe de son corps. Une fois que le flot s’est tari, je me redresse. J’abandonne le reste aux charognards, je ne suis pas un nécrophage. Une autre portion de fluide m’attend, un peu plus loin dans la forêt.
Je prends mon temps pour me rendre auprès du deuxième personnage : qu’il ait décidé de s’enfuir ou qu’il ait décidé de rester, il ne doit pas gambader fièrement dans une forêt, de nuit, avec une rotule réduite en miette. Je pense que la seule douleur le laisse cloué au sol. Lorsque j’arrive, la créature a su mourir avec toute la déchéance qui a caractérisé son vivant. Epinglé à l’arbre par sa propre lame, les mains encore crispées sur le manche de l’arme, je vois son regard achever de s’éteindre dans un râle :

« Gramm, pardonne ton petit Modak de t’avoir été si inutile… »

Cette phrase est la dernière qui sortira de ces lèvres, et son sang continue de couler de la plaie tandis que je me rue vers lui. Je n’ai plus grand-chose à boire, et d’après la quantité qui a teint ses braies, je n’en aurai pas plus en découpant un autre membre. Je le laisse donc, lui aussi, et je m’enfonce de nouveau dans la forêt, non sans avoir écrasé le second genou de l’homme dans un geste de rage et lui avoir prélevé la dague avec laquelle il s’est ôté la vie. J’ai encore soif. Mais je dois me reposer, pour ne pas amoindrir mes facultés. Je prélève quelques baies et plantes comestibles sur le chemin pour revenir au chêne majestueux. Je m’endors sereinement sur une branche en hauteur, assez épaisse à la base pour supporter mon poids. Pour la première fois depuis deux ans, un autre corps que celui de mon père m’apparaît en rêve.

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 Sujet du message: Re: Les plaines marécageuse autour d'Exech
MessagePosté: Sam 27 Juin 2015 10:58 
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RP VIOLENT
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Le corps d’un loup. Un loup blanc, immaculé. Dans un rayon d’or du soleil couchant, sur une pointe rocheuse, surplombant le vide. La forêt est à ses pieds, et il regarde au loin l’astre du jour qui célèbre une nouvelle aube. Même de dos, ses muscles épais et son pelage le rendent attirant. Je sens l’harmonie qui émane de cet être : un accord simple, mais parfait. Tandis que je m’approche pas à pas de cet être fantastique, les feuilles des arbres éclosent, laissant mille parfums saturer l’atmosphère, et la lumière donne l’impression que la forêt prend feu à mon passage. Lorsque je suis derrière lui, je ressens une envie surnaturelle de le toucher, de le faire mien. De participer, ne serait-ce que par ce biais, à son histoire. A la merveilleuse destinée que tout en lui appelle. Je tends ma main, et ma fourrure noire, mes griffes noires se tendent vers lui, avec douceur et gentillesse. C’est la première fois que j’ai envie d’éprouver cela. D’être agréable à quelqu’un.
Sa tête pivote vers moi dans un mouvement vif et gracieux. Ses yeux sont réduits à l’état de minuscules prunelles d’un rouge violacé, au milieu d’un œil noir de nuit. L’intensité de son regard me perfore le crâne, décortique mon cerveau et viole mes pensées. D’un geste fluide, il saisit mon bras tendu vers lui avec calme et sérénité. Me projette dans le vide, un grand sourire aux lèvres.
Je tombe. Paniquée, je gesticule en tous sens. L’à-pic s’éloigne de moi à une vitesse exceptionnelle. En dessous de ce dernier, cloués sur la paroi rocheuse verticale, je vois des dizaines, des centaines d’hommes, de femmes et d’enfants. Des cris s’échappent de toutes les bouches. Des cris de douleur. Des cris d’effroi et de lamentation. Certains ont les membres arrachés, leurs moignons reposant à même le sol, les arrêtes aigües de la roche sciant leur peau à vif. Les rigoles de sang le long de la paroi, séchées puis réalimentées, donnent l’impression que la pierre est parcourue de veines écarlates. Les hurlements sont superbes. Comment a-t-il obtenu une telle réaction ? La réponse m’apparaît tandis que je capte des échanges de regards entre certaines victimes : elles se connaissent. Les liens qu’ils ont établis les réduisent à souffrir pour eux-mêmes, mais aussi pour les autres. Alors que je réalise cela, je m’éloigne encore du pic rocheux ou se dresse encore le loup immaculé, au visage que le rictus de joie anticipée rend parfaitement odieux. Son mépris pour les cris se lit jusque dans la tension de ses muscles, même à une telle distance. Et tandis que je chute, je comprends ce sentiment : c’est celui qui m’a poussé à m’engager dans la même voie que lui. La satisfaction de permettre aux autres d’accepter leur médiocrité. Mon corps heurte la surface sous moi dans un bruit mou et spongieux. Je me relève sans peine : aucun mal. Je suis sur une montagne de cadavres sanguinolents à putréfiés, déjà entamés par les corbeaux et les vautours. Les morts semblent être ceux qui se sont laissés choir de leurs clous plantés dans la montagne. Je comprends inconsciemment que le charnier joue un rôle dans l’aide apportée aux cloués, même si je ne sais pas encore lequel. Toute cette souffrance, toute cette chair me fait frémir de jalousie. Je veux pouvoir faire la même chose… je sais qu’un jour viendra, ou je pourrai le faire. En attendant, je relève la tête vers le loup blanc et me contente de regarder son sourire heureux, quoi que narquois. Il me regarde aussi, et articule lentement :

« Deviens forte. Entraines-toi, puis rejoins-moi. »

Le monde disparait, entrainant son sang, sa forêt et son loup. Pas son odeur. Elle empli encore mes narines tandis que je me relève sous la lumière du soleil, déjà haut dans le ciel. D’où peut-elle venir ? Je regarde au bas de la branche sur laquelle je me suis assoupie la veille. Un cerf mort, à moitié dévoré, est au pied de l’arbre. Cela fait longtemps déjà que son sang s’est tari et que son cœur a cessé de battre. Ses côtes apparentes ne sont plus luisantes comme celles qu’un cadavre frais arborent, et plus aucune mouche ne tourne autour des intestins épargnés par le chasseur : la ponte a déjà eu lieu, et les larves ignobles de ces ramasse-miettes se repaissent déjà de la chair défraichie. Je descends de l’arbre d’un bond. Je suis en forme, ce matin. Heureuse, même. Je sens que cette journée sera une bonne journée pour tout le monde. Mais surtout pour moi ! J’attrape le cerf par la nuque et la croupe, et soulève la carcasse d’un seul mouvement. Je ploie presque sous le poids de l’animal : j’ai beau être une force de la nature, on trouve toujours de quoi admettre ses limites. Je déplace péniblement le cadavre, contente néanmoins de sentir jouer sous ma fourrure les muscles dont je suis bardée. Après avoir parcouru une centaine de mètre, je laisse de nouveau la bestiole rejoindre les feuilles mortes. J’ai beau avoir appris à supporter voire même apprécier la compagnie des morts, je préfère quand il s’agit des miens ! Un rictus soulève l’une de mes babine sur une canine noire comme un puit sans fond.
Je consacre la journée à un entrainement physique d’une rigueur qui me laisse épuisée, au bord d’un cours d’eau providentiel. Le cours d’eau serpente lentement dans la forêt, décrivant tours et détours dans des circonvolutions hypnotisantes. Je sais ce que me baigner ici me rapportera. Tous les animaux ici le savent aussi. Sauf un, semble-t-il. Imprudente, la jeune femme baissée vers le cours d’eau semble observer son reflet. Profitant qu’elle ne m’ait pas vue, je mets à profit ma fourrure noire pour disparaître derrière un tronc épais. J’observe l’humaine qui reste là, sans bouger, face à l’onde pure bien qu’infestée de lamproies et sangsues elles-mêmes particulièrement malsaines au niveau du bilan sanguin. La jeune femme se laisse choir dans le courant. Je retiens un hoquet de surprise. Est-elle complètement inconsciente, ou seulement folle à lier ?
Mon sursaut attire l’attention de la créature. Elle relève la tête, dévoilant des yeux d’un blanc laiteux et des pupilles d’un bleu délavé derrière des cheveux noirs comme des plumes de corbeaux. L’aveugle regarde droit dans ma direction, avant de demander d’une voix hésitante et emplie de peur:

« Qui…qui est là ? »

Ces simples mots semblent lui couter une montagne d’effort. La faiblesse de cette créature est pire que le celle des simples mortels : elle doit se reposer sur le peu de force qu’ont les autres pour survivre. C’est un être haïssable : telle une des sangsues qui l’attendent, elle ne peut survivre que le temps que d’autres la nourrissent. D’un bond je franchis le cours d’eau, et atterri en souplesse sur la berge moussue en continuant ma brève course vers le parasite. Je suis bientôt derrière l’aveugle, et son cou disparait dans ma main. Elle ne bouge pas, ne crie pas, n’émet aucun son.

« Je suis ta mort, et celle de tes semblables. Et bien plus : je suis la loi de la vie. »

Elle tente d’acquiescer, mais ma main l’empêche le moindre mouvement cervical. Curieusement, je sens une certaine décontraction chez elle. M'avoir entendue l'a rassurée. Par quel prodige, je l'ignore encore, mais c'est intéressant. Sa voix n’est qu’un souffle lorsqu’elle reprend la parole.

« Pourquoi n’es-tu pas venue plus tôt ? Je t’appelle de mes vœux depuis le jour de ma naissance. »

Aucune trace de quelque émotion que ce soit dans cette phrase, si ce n’est de la résignation. Mon effet est raté. Tant pis. Gardant le silence, je passe à la phase suivante. Les deux hommes d’hier soir sont morts trop vite, par négligence et manque d’application. Je ne commettrai plus cette erreur. D’une griffe, je touche la nuque de la jeune femme, la plantant très légèrement dans la peau. Elle tressaille, mais ne geint ni ne pleure. Ça viendra. Il me faut être patiente. Pas une seule goutte de sang ne perle alors que ma griffe entame sa descente, traçant un long sillon translucide dans la peau du l’humaine tandis que son vêtement – un simple sac de toile coloré de noir, et tâché de toutes sortes de choses – se déchire. Je la laisse choir brutalement, et elle s’effondre sans pousser un cri. Elle frissonne, maintenant nue, vêtue seulement de ses bottes usées et bien trop grandes pour elle, à genoux dans la boue glaciale qui compose le bord du ruisseau. Quelle faiblesse que de souffrir du froid : cette race est vraiment pitoyable. Son dos est couvert de cicatrices. Je regarde chacune d’entre elle. C’est fascinant. Des coups de fouet, et entailles de dagues ou d’épées, des brûlures. Le dos de cette femme est à lui tout seul une leçon de torture. Apparemment, elle a payé le fait de survivre aux crochets des autres. Je contemple cette œuvre. Certaines blessures ont été sauvagement infligées, dans un élan de rage de son généreux logeur. D’autres, plus fines, ont été dispensées lors de séances plus calmes, dans toute la science de l’art que je me dois d’apprendre.

« Redresses-toi. Ta vie arrive à son terme. Sois en digne. »
« Oui… Désolée...»

Péniblement, elle réussit à se dresser. Elle oscille encore, tremblante. Mais c’est du froid qu’elle tremble, pas de voir sa mort approcher. Je le sens. Elle n’accorde plus aucune valeur à la vie. C’est intéressant. Je n’ai jamais réussi, même au plus fort de ma rage, à obtenir un résultat aussi excellent. J’ai décidément beaucoup à apprendre. Et l’apprentissage passe par la pratique. Mes griffes se tendent, mes muscles tressautent d’anticipation. Je tente de les contrôler, mais c’est peine perdue : j’ai envie de lui arracher les membres sans prendre le temps de savourer les bruits que je vais entendre, sans me donner la peine de rendre l’ambiance la plus agréable possible. Je dois me contrôler, si je veux réussir à m’améliorer. Finalement, je me décide. Juste un coup pour savourer le bonheur à venir. Ensuite, je serai plus raffinée, promis.
J’étends mon bras vers l’arrière, accumulant de la force. Mes yeux parcourent le corps qui me fait face : ou vais-je frapper, pour satisfaire mes envies ? Sa silhouette, de face, est dans un état encore plus déplorable que son dos. D’une maigreur extrême, les côtes saillantes sont zébrées de cicatrices, certaines encore fraiches, localisées principalement autour de sa poitrine lacérée. Les balafres se concentrent autour des zones les plus sensibles. Les seins de la jeune femme ont probablement vu plus de lames qu’un guerrier pendant une campagne. L’abdomen ne s’en sort guère mieux, décoré d’une multitude de pointes blanches. On lui a planté des aiguilles dans les intestins. Oh, les cris délicieux qu’elle a dû pousser, à cet instant ! Malgré sa maigreur atrocement laide, cette femme est une véritable merveille : garder en soi tant de douleur, tant de traces d’un passé digne de la plus grande faiblesse, c’est formidable ! Je ne peux gâcher l’occasion qui m’est offerte. Mon bras retombe, mon envie disparue. Je ne suis plus dévorée par la soif des cris et du sang. Je veux apprendre. Je veux connaître le secret qui se cache derrière la plus fine de ces marques exquises. En même temps que mon bras retombe, les yeux de l’aveugle se révulsent et elle tombe à genoux, vomissant de la bile sur le tapis de sphaigne en fleurs, avant de s’évanouir dans la sécrétion. Je crains qu’elle ne soit morte, mais je me rassure vite : son cœur bat toujours, et les veines de son cou marquent une pulsation forte. Si elle n’avait pas été aveugle à la naissance, elle aurait probablement été d’une vigueur formidable. Les yeux défectueux en ont fait une faible de la pire espèce. Mais j’ai besoin d’elle. J’ai besoin qu’elle m’apprenne ce qu’elle sait. Je la mets sur mon épaule, et l’emporte auprès de l’arbre dans les branches duquel je me suis assoupi cette nuit. Vu sa maigreur, elle n’a pas du manger depuis des semaines, ou être mal nourrie pendant des années. Je dois lui trouver quelque chose à manger. Une rage m’emporte. Même dans cet état, elle se repose sur les capacités des autres pour survivre ! L’envie de la démembrer revient au galop. Je n’oublie toutefois pas ma résolution, et mon objectif. Je la hisse sur la branche épaisse, et après m’être assurée que ce parasite ne se romprait pas le cou pendant son sommeil, je descends pour aller trouver de quoi étancher sa soif. Et la mienne.

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 Sujet du message: Re: Les plaines marécageuse autour d'Exech
MessagePosté: Mar 4 Aoû 2015 20:27 
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Les sous-bois sont dominés par de vieux arbres, au feuillage étendu, mais peu dense…la lumière du jour passe au travers au gré du vent qui fait se mouvoir le végétal. Les taches de lumière ne se voient presque pas sur mon pelage. Noir mat. Ou que je sois, je serai à l’ombre. L’ombre protectrice de l’ombre sauvage et forte. Sous mes pattes, à chacun de mes pas, je sens le tapis de feuilles crisser, les brindilles se rompre sous mon poids. Les petits rongeurs s’enfuient en sentant les vibrations qui émanent de chaque choc de mes talons sur la terre. Mes muscles se tendent, se relâchent, se contractent avant de se relaxer. Je sens leur puissance, les capacités qu’ils me donnent. Une force exceptionnelle. Une vitesse bien au-delà de ce que peuvent atteindre les autres races bipèdes. Je suis le prédateur. Le régulateur. Et une vie doit être prise pour en sauver une autre, bien plus utile à mes objectifs.
Je sais ce que je cherche. La clairière, où un éleveur laisse paître ses bêtes la journée. Il est plus qu’urgent que le parasite que je me suis choisi se restaure en viande et en protéines, ou elle va me claquer entre les pattes avant d’avoir pu m’orienter sur la moindre piste. Au bout d’une longue période de course, qui me laisse la satisfaction d’avoir fait jouer avec habileté toute l’harmonie de mon corps et d’en avoir éprouvé une nouvelle fois les capacités, je débouche sur une sorte de parc, cerclé de pieux de bois enfoncés dans le sol, reliés les uns aux autres pour éviter le passage du bétail. Afin de diminuer les risques d’attaque par des bêtes sauvages, les ovins sont parqués dans un espace réduit, favorisant l’effet groupe à la force individuelle. Contre la plupart des prédateurs, intelligents, cela ne sert évidement à rien d’autre qu’à les pousser à la fainéantise.
Je ne suis pas de ceux-là. Je continue ma course au-delà des animaux sans saveur offerts par leur maître sur un plateau d’argent. Mes muscles puissants bondissent par-dessus la barrière, et la souplesse de mon corps lui permet de se mouvoir sans problème au travers du troupeau qui s’égaye en ma présence, paniqué. Je fends l’onde blanche pour atteindre l’autre côté de la clôture. Le bruit a alerté l’homme, probablement : j’entends le raclement de la chaise sur le sol caillouteux de la chaumière. J’attends, devant la porte, prêt à expliquer la raison de tout ce remue-ménage. L’homme d’une quarantaine d’année est frappé de stupeur lorsqu’il ouvre sa porte, nez à nez avec un loup bipède portant les armes et mesurant plus de deux mètres de haut. Le panorama d’en bas doit être à couper le souffle, car les mots semblent obstruer la gorge du petit berger. Serviable, je ne vois pas là l’intérêt d’engager une conversation. C’est dans un craquement de vertèbres que l’étonnement apeuré de l’homme s’éteint. Pas une goutte de sang n’a été gaspillée. C’est du travail d’artiste. Je hisse le poids de l’homme sur mon épaule gauche, et reprends la route d’un pas plus tranquille que lors de l’aller : je ne suis pas pressé par le temps, et quand bien même je le voudrais, courir avec un tel poids supplémentaire sur une distance moyenne m’épuiserai fortement. Au passage, j’ouvre l’enceinte qui retient les moutons : cela me permet de récupérer un jeune agneau, arraché de sous sa mère qui bêle de toutes ses forces.
Lui épargnant une vie sans espoir de croissance, je tranche la tête de la bête, me régalant du sang qui orne petit à petit les boucles blanches de la toison, générant de magnifiques formes aléatoires. Les ruisseaux pourpres coulent le long des os frais, mis à nus par les griffes noires. La cervelle ne reste pas protégée longtemps par la boite crânienne, défoncée au coup de poing suivant, faisant voler des éclats blancs accompagnés de chair tout autour. La bouillie ne m’intéresse pas. Il était mort, alors pourquoi se priver du plaisir de contempler quelque chose de beau. Même chez un animal aussi stupide, le cerveau est une zone couverte de circonvolutions, de tours et de détours inextricables. S’il est beau, c’est néanmoins un spectacle dont je me lasse rapidement pour reprendre le cours de ma route, abandonnant le cadavre de l’agneau sur la clôture aux vautours ou autres nécrophages. Moins d’une heure plus tard, je suis déjà bien avancée, mais une odeur me titille. L’odeur de la jeune femme est mêlée à celle d’un autre homme. Je laisse choir ma proie. Qu’importe s’il lui a fait du mal. Mais s’il a osé la tuer ! Il le payera bien plus cher que sa vie ! Je me rue en direction de ce que m’indique mon flair. L’homme sermonne la jeune femme, allongée par terre, vraisemblablement par un coup. De ce que je comprends, il est employé par le génie qui possède la femme. Ce dernier semble n’avoir pas apprécié la prise d’indépendance de son bien, d’autant que son retour se fait attendre. L’homme est costaud, quoi que toujours chétif par rapport à moi. Je passe à quatre pattes.
Je suis dans son dos lorsque je m’élance. Plus j’affaiblis mon adversaire, plus il sera enclin à me proposer d’entrer à son service contre une somme ou un payement intéressant. En sprint, j’atteins rapidement une vitesse très intéressante. Dans un dernier bond, je franchis l’espace qui me sépare du bipède à la face écrasée, tout en dégainant ma dague, qui finit dans l’estomac du mercenaire. Du fait de l’élan, nous basculons tous les deux à la renverse, roulant comme des gamins sur le sol. Entrainé par mon poids, je finis en dessous de lui. Sur l’avant de son armure coule un flot écarlate. L’odeur salée est délicieuse. Se sentant en position de force du fait de sa position, l’homme se permet un sourire ironique. Petite merde insignifiante, comment peux-tu ! Te crois-tu supérieur parce que les lois de la physique ont obéi à leurs lois immuables ? Il n’est qu’un instrument, et il le restera pendant tout le reste de sa vie, se flattant néanmoins d’avoir un grand nombre de victoire à son actif. Des victoires sur des faibles. Pfeu…je vais me charger, moi, de lui montrer ce que l’on peut faire de la physique. Contractant mes abdominaux, je me redresse d’un coup, la tête au-dessus de la sienne malgré le fait qu’il me chevauche. Dans un sourire éclatant, je saisis la lame qu’il a sagement choisi de laisser dans la blessure d’une main ferme. La couleur déserte son visage tandis qu’il voit mes crocs exhibés par mon expression. Je tourne violement la dague, le faisant défaillir de douleur. Ses yeux se révulsent et je vois les globes blancs danser dans l’orbite pendant quelques secondes. J’attends, tous les muscles contractés, que l’insecte assis sur mes jambes reprenne ses esprits. Lorsque je vois de nouveau ses pupilles, je dépose délicatement mes crocs sur sa gorge. Puis je serre brutalement les mâchoires, étouffant le cri d’anticipation qu’il souhaitait formuler. Le cartilage craque, la peau se fend sous le tranchant de ma dentition. La chair se déchire, laissant couler une nouvelle fois la vie en dehors du corps qui ne la mérite plus. J’aspire le sang qui coule de la gorge, avant d’appeler ma protégée, toujours allongée par terre. Elle ne réagit pas. Elle ne peut pas être morte. Je vais m’en assurer : son pouls bat faiblement. Elle doit à tout prix se sustenter maintenant. Je la retourne, afin qu’elle soit dos au sol. J’approche le soldat mort d’elle : déchirant sa poitrine à grands coups de griffes qui font voler des lambeaux de chers, je fini par arriver à briser les os pectoraux. Le sternum et la cage thoracique craquent sous mes dents, libérant peu de moelle, mais d’une saveur exquise. Ce n’est toutefois pas pour moi que je prépare ainsi le banquet. Décrochant les poumons du soldat, je les lacère de façon tout à fait aléatoire au gré des rotations de l’organe dans ma main : ainsi, plus de sang s’en écoulera. Positionnée au-dessus de la bouche ouverte de l’agonisante, je fais vriller les deux parties de son anatomie comme deux bugadières le feraient avec un linge à essorer. Le sang tombe en quantité satisfaisante, emplissant la bouche de la jeune femme. Le goût la réveille. Elle boit avec reconnaissance tout ce que je lui donne, avant de me demander ce qu’il s’est passé, si j’ai vu quelqu’un quand je l’ai retrouvée, et me remercie de nouveau de lui avoir trouvé quelque chose à manger. J’ai l’impression que l’ancienne domestique n’est pas dupe : elle sait ce qu’elle a bu, et cela ne l’empêche pas de me remercier. Elle a peut-être plus de valeur que ce à quoi je songeais, même si elle reste dans la lie des êtres vivants. Après avoir sorti les poumons du cadavre, j’en extrais le cœur, qui disparait dans ma paume tandis que je le compresse au-dessus de la bouche encore ouverte de l’assoiffée. Cette fois-ci, l’organe compressé laisse jaillir des filets de sang dans toutes les directions, et le liquide décore le visage de la femme de taches écarlates. Ceci étant fait, je dis à la jeune femme de me suivre pour aller chercher autre chose à se mettre sous la dent. Elle m’accompagne donc lorsque je quitte le lieu de la boucherie, où cadavre éventré dont le fluide vital a souillé le sol, assombrissant les feuilles mortes qui le tapissent, est à présent envahi par le bourdonnement des mouches. J’avance vers l’endroit où j’ai laissé le berger, l’aveugle entrant dans mes pas. Je l’ai laissé tomber en hâte, et sa tête déjà désaxée par le broyage des cervicales et les cahots du chemin forme maintenant un tableau complété par les articulations des coudes défoncées sous la corpulence de son ventre gonflé par la consommation d’alcool : il forme maintenant un monceau de viande légèrement refroidi. La mort rend justice à la vie qu’il a menée : pitoyable et foncièrement ridicule. Tout ce qui a constitué sa vie, je le déduis de ce que j’ai vu et de sa tenue : possessif, geignard et se complaisant dans les malheurs contre lesquels il n’a pas la force de lutter. Toute sa vie, cet être n’a été qu’un mort en sursis, et se réjouissant en secret de s’abriter derrière le prétexte de ne pouvoir lutter face à un destin qu’un quelconque dieu lui aura infligé. Un homme ridicule. Mais il a su être profitable, et gagner de la valeur au cours de sa vie. Maintenant, ce monticule de chair peut enfin voir valorisé la seule chose qu’il a su faire d’utile de sa vie. Je lacère la gorge de l’homme et indique à la jeune femme l’endroit où elle peut s’abreuver. Une fois que le flux s’est tari, je fends la panse du cadavre pour accéder aux organes internes.

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 Sujet du message: Re: Les plaines marécageuse autour d'Exech
MessagePosté: Mar 4 Aoû 2015 22:15 
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Le gras donne à l’homme le goût d’un bœuf ranci. Il s’attache à mon palais, se fixe sur les poils de mes babines. J’inspire cette puanteur sans férir : il faut que je me nourrisse, quand bien même le morceau est peu appétissant. Voilà maintenant un bon moment que je fouaille, que j’explore le squelette de l’homme afin de trouver un dernier muscle à me mettre sous la dent. La femme s’est endormie à côté du cadavre, et le sang qui badigeonne son visage et tâche son corps nu la fait paraître encore plus maladive et faible. Elle dort d’un sommeil agité, remuant de cauchemars surgis d’un passé encore frais, de lames et d’aiguilles, de sang et de cris, d’espoir et de douleur.
Un sourire laisse apparaître mes canines. Tant mieux pour elle. Elle s’endurcit sans même en avoir conscience. Je vais la rejoindre dans son monde, après m’être hissé dans un arbre, quelques mètres au-dessus d’elle. La journée a été excellente et fatiguante, je m’assoupis. Le rêve commence.
Sa fourrure est blanche, immaculée. Une toison de l’innocence et de la sagesse, allié à son corps noble et sculpté par un artiste divin. Toujours cette envie dévorante de le toucher. Et encore, ces yeux d’un violet flamboyant, et ce sourire lupulin pendant mon envol. Cette montagne de torturés, et cette colline de morts. Mon atterrissage se fait de la même façon que la dernière fois, en douceur, malgré la hauteur de laquelle j’ai chuté. Mes yeux sont toujours braqués sur ce point blanc, au loin, qui disparait dans un dernier rayon de soleil couchant, dans le ciel embrasé qui surplombe l’à-pic rocheux. Rien n’a changé. Je pensais que ce serait différent. Je ne suis pas déçue pour autant : ma frustration m’apporte de l’énergie.
Je me réveille dans les rayons d’une nouvelle aube. Un trou dans le feuillage, juste devant moi, a laissé filtrer assez de lumière pour que tirer de ma torpeur. Le monde autour de moi ne résonne pas encore de chants d’oiseaux, et même les corbeaux ne sont pas encore allés se repaître de ce qu’il reste de viande en bas de l’arbre. Je descends de mon perchoir d’un bond. Lorsque j’atterris avec bruit, la jeune femme se tourne vers moi, ses yeux laiteux gonflés et d’un rouge maladif. Elle a l’air plus pâle encore que la veille. J’ai pourtant pris soin de lui donner de quoi se nourrir. Faudra-t-il que je lui apporte des portions spéciales, en plus de tout ce que je fais déjà pour elle ? Compte-t-elle profiter de ma générosité ? Qu’importe ce que je pourrais apprendre d’elle, si cela m’impose la servitude ! La fureur gronde en moi, comme une bête qui veut faire exploser la cage dans laquelle on l’enferme. La jeune femme rampe vers moi, tremblante, comme le misérable vermisseau qu’elle est. Sa peau diaphane a désormais des reflets bleutés, et les extrémités de ses membres ont pris une teinte violacée. Lorsque ses doigts frigorifiés s’enfouissent sous la fourrure de mes pattes, je retiens à grand peine un coup de griffe qui lui aurait ôté toute sensation de froid, au moins temporairement. Un soupir de soulagement se fraye un chemin dans sa gorge fragile. Soulagement, ou contentement ? Surement un peu des deux…chez les parasites, profiter des autres confine à l’extase la plus profonde. Je la laisse entourer ma cheville de ses poignets glacés, puis remonter le long de ma jambe pour finalement réussir à se mettre à genoux, enlaçant ma cuisse comme un mat dans une tempête, comme un poêle pendant un hiver rigoureux. Jamais je n’aurais songé qu’elle souffre autant du froid. Nous restons ainsi un moment. Elle, nue, agenouillée dans la boue, tremblante, aveugle et affaiblie, contre moi, debout, protégée par ma constitution, ma nature et la fourrure dont sont pourvus ceux de ma force. Après avoir longuement scruté le toit vert glauque qui nous surplombe, mon regard redescend vers la frêle créature, qui a cessé de trembler. Elle semble s’être réchauffée, et s’est endormie sans lâcher ma jambe. L’aube n’est plus très loin. Je suis prise d’une brusque envie de courir. De faire travailler mes muscles, une fois encore, de sentir leur roulement sous ma peau et mon cœur battre la cadence de la mort. Je dégage ma jambe d’une secousse, faisant voler la créature qui croyait imposer sa volonté sous le seul prétexte d’une faiblesse indécente. Pitoyable logique qui ne peut l’emporter que par la formidable masse d’être méprisables en ce monde. Privés de leur nombre, bien peu seront ceux qui porteront cet idéal jusqu’au bout. Ces réflexions s’épanouissent dans mon crâne pendant que je saute au-dessus des cadavres de la veille, dont les chairs commencent à verdir sous l’action des vers pondus quelques heures plus tôt. Je refuse leur dictature. Une dictature par le nombre. Cela n’a aucun intérêt, et c’est une tromperie permanente : même au sein des faibles certains sont encore plus misérables que d’autres. La sangsue que j’ai nourrie serait en bonne place pour devenir reine d’un tel monde ! Cette idée me fait sourire. Un sourire de loup, carnassier. Je suis la bête pour laquelle les loups hantent l’imagination des êtres chétifs, qui se complaisent dans leur médiocrité tant qu’on leur fourni de quoi survivre. Et je rigole…un halètement d’abord, puis des aboiements saccadés. C’est un rire jaune, amer. Pourquoi n’en ferions-nous pas une reine parmi les faibles, de notre petite tique ? Puis je me reprends : je ne lui en veux pas autant. Je ne la pousserai pas sur le chemin décadent de ses semblables. Cela me coutera sans doute plus d’efforts, mais avec elle, je me sens l’âme d’une charitable mère toute puissante, et toutes les responsabilités qui vont avec. Toutes ces idées accompagnent ma course sous les jeunes pins et les vieux chênes, martelant le sol de mes pattes et de mes griffes. Mais je suis distraite. Trop de réflexions, trop de projections dans l’avenir. La flèche qui me transperce la cuisse me prend par surprise et m’envoie rouler au sol dans un nuage d’aiguilles et de feuilles mortes, avant que je ne heurte un tronc d’arbre mort, couché. Le bois a beau être pourri, je suis sonnée et lorsque le monde autour de moi réapparait clairement, trois archers pointent leurs armes sur ma poitrine. Je scrute leur expression sans rien dire, en haletant. Non que je sois épuisée. Mais les hommes semblent si peu connaître leur monde que tout ce qui ne ressemble pas à un de leur semblable doit être inférieur et bestial. Au niveau intellectuel comme au niveau physique, même s’il est hautement improbable de trouver une race plus ridiculement faible que la leur. Leur nature même est la faiblesse, et ils se voilent la face derrière une assurance feinte et absurde. Me voir ainsi haletante, telle un des chiens qu’ils utilisent et qu’ils battent, qu’ils nourrissent et asservissent, fera enfler leur égo déjà boursouflé par leur mythomanie. Ils perdront de la prudence à chaque seconde et commettront l’irréparable. C’est certain. L’un d’eux abandonne son arc pour dégainer une longue lame, qu’il pointe vers moi. A-t-il seulement idée de ce qui se passera s’il ose me frôler ?
« Une jolie prise aujourd’hui ! On nous avait dit de ne pas aller dans cette forêt, mais la catin était sérieusement bourrée…on a bien fait de pas l’écouter ! L’oseille qu’on va pouvoir engranger avec un bestiau de c’te taille ! On n’a pas perdu notre journée ! Hein les gars ? »
Oh, non tu auras parfaitement mérité ta journée, petite larve… La loi du nombre ne s’appliquera pas éternellement… Et là tu chuteras de très haut ! Il s’approche de moi, lève sa lame. Je ne réagis pas. Je me suis suffisamment remise du choc contre le tronc pour l’égorger et l’éviscérer avant qu’il n’ait pu appeler sa génitrice. Mais je suis d’humeur joueuse. Il abat sa lame. Lorsque le plat de la rapière heurte ma tempe, je feins de faiblir violement, et m’affale dans les herbes en un grand froissement de feuilles, exagérément théâtral, pour mon propre spectacle. C’est la première fois que je me sens aussi bouillonnante. J’exulte littéralement. Du sang. Voilà ce que je veux !
Après s’être assurés de mon « inconscience » en me titillant la patte du bout de l’épée, ils commencent à me ligoter. Je me laisse faire. Je veux voir le visage se décomposer lorsqu’ils comprendront leur erreur. La première phase vient lorsqu’il s’agit de me transporter : deux cent kilos de muscles, de chair, d’os et de fourrure, ça pèse son poids. Réalisant leur formidable stupidité, qui leur a permis de vivre jusqu’ici, les hommes pestent et suent, ahanent en trainant leur fardeau. Le manège dure bien deux heures, pour me déplacer d’environ 500 mètres. Ils ne sont pas sortis de la forêt, ces infâmes vers. J’ai du mal à retenir mes babines de s’écarter pour laisser échapper un rire moqueur. Ils ne songent qu’à blâmer mon poids, le lien qui nous unis à la terre nourricière, mais pas un seul instant il ne leur vient à l’esprit que seule leur faiblesse est la cause de leur peine ! Voilà une tripotée de parasites qui, en plus d’avoir oublié toute force dans l’utérus de leur pauvre mère, ont aussi laissé leur ego absorber le peu d’intelligence qu’ils auraient pu avoir. Ma haine revient… Non seulement ils vivent en lâches, en faibles serviteurs d’un ordre au service de la fainéantise, mais ils refusent de surcroît de le constater. Ils préfèrent accuser le monde innocent de ne pas tout mettre à leur service. Ils ne comprennent pas que même avec son aide, ils resteraient des chiens en quête d’un maître. Leur médiocrité m’écœure, et dissipe tout amusement à la situation. J’attends désormais le meilleur moment. Le diner. Quand ils auront préparé de la nourriture, ils ne songeront plus qu’à se repaître. Eh bien, ils seront servis…
Je dois attendre une heure sans bouger que ces sinistres imbéciles ne décident de se mettre en quête de quelque chose à manger. Même pour moi qui suis pourtant patiente, cela commence à faire long. Un des hommes – celui qui croit m’avoir fendu le crane avec son coup d’épée – se vante d’avoir estourbi un monstre de plus de trois mètres. Vu le temps que depuis lequel je feins l’inconscience, l’insignifiant moucheron doit en effet se sentir tel un héros, et son estime de lui doit crever les plafonds des palais les plus hauts de la capitale. Ce qui fait maintenant de lui un moucheron. Sans ailes pour s’enfuir. Qui se rapproche de moi pour vérifier que la marchandise est toujours en vie. C’est donc tout naturellement que le futur met s’agenouille pour tendre sa main vers mon cou, afin de tester la carotide. Vraiment, est-il possible de rencontrer sur cette terre une race plus stupide ? Ils ont poussé l’idiotie jusqu’à me laisser libre de tout mouvement de tête et de mâchoires. Je pourrais lui décrocher sa main inutile de son membre frêle d’un simple mouvement de tête. Mais le temps n’est pas encore venu. Bien évidemment, il sent mon pouls, mais je ne pense pas qu’il puisse en déduire quoi que ce soit sur mon état. Il m’a touché. Je l’écorcherai. Avant de mourir, il apprendra. Et comprendra, enfin, ce qu’il aurait dû faire, dès le moment où je suis entrée dans leur champ de vision. Pour l’heure, il rejoint ses compagnons après avoir vérifié que je suis solidement attachée, en pérorant une nouvelle fois. Quelques rires, puis les deux autres larves se décident à mouvoir leurs ombres chétives pour aller récupérer quelques baies ou racines. Je doute qu’ils soient capables d’attraper rapidement quelque animal que ce soit ayant assez de viande pour trois personnes. Mais une nouvelle silhouette se profile dans le camp, et coupe court à mes réflexions. Bien plus menaçante pour mes projets qu’une cinquantaine de marchand d’esclaves de la tempe de ceux qui se gaussent à côté de moi. Son ombre s’étend de façon longiligne sur le campement de fortune des abrutis, qui se retournent d’un bloc, et toute envie de rire disparaît. Pour moi. Je reconnais cette silhouette. Ce visage. Que va-t-il faire. Il peut anéantir mon projet d’un mot.

« Relâchez-le. »

L’autorité qui transpire dans la voix m'ôte la mienne en une fraction de seconde.

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 Sujet du message: Re: Les plaines marécageuse autour d'Exech
MessagePosté: Jeu 27 Aoû 2015 14:38 
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RP VIOLENT
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L’aveugle se tient fièrement devant le campement, les yeux braqués vers le feu. Ses genoux sont écorchés et pleins de terre, ses mains et son visage encore barbouillés du sang de nos derniers repas. Sa chair si pâle qu’elle en deviendrait transparente laisse saillir avec disgrâce des veines bleutées. Son intervention coupe le sifflet aux mollusques décérébrés qui arrête brusquement leur marche vers la forêt – s’il est possible de décrire l’arrêt d’une limace comme brusque – et se retournent pour faire face à cette menace inattendue. Les hommes ont un moment de stupeur en découvrant le fantôme squelettique qui leur a donné un ordre, puis se mettent à glousser comme ces animaux plus stupides que nature…comment s’appellent-ils, déjà… des dindons, c’est ça. Je n’ai jamais vu cette créature, mais c’est ainsi qu’on la décrit dans les livres que j’ai lu : stupide, laide, et soumise à ses pulsions sexuelles aussi bien qu’à ceux qui la nourrissent. La différence entre ces deux créatures. J’ai déjà vu des hommes rire ainsi : c’était dans une situation semblable. Il y avait alors quatre individus mâles de cette race, et un individu femelle : celle-ci était encore habillée, avant qu’ils ne la dévêtent brutalement. Avec étonnement, j’avais alors observé que chez ces bêtes, les seuls endroits que découvraient les mâles pour s’accoupler violement avec leurs femelles étaient leur bas-ventre et celui de leur congénère, ainsi que la forte poitrine de celles-ci. Aujourd’hui, ils n’auraient pas à se donner cette peine : mon parasite personnel est nu comme le ver qu’il est. Ils se concertent brièvement.

« Je crois que je vais prendre le premier tour de garde, les gars…Vous pouvez-y aller, je vais m’occuper de ce petit problème. »

Un problème. Malgré ses faibles capacités encore amoindries par son état, sa nudité et son absence totale de force, cet humain rencontre juge que la femme est un problème ? Ne voit-il pas ses membres tremblants, ses jambes qui flageolent tant et si bien qu’elle a du mal à rester debout, et qu’elle ne sera à même de lui opposer aucune résistance ? Voilà qui en dit long sur la valeur de leur jugement. Leur inconcevable stupidité cessera-t-elle un jour de me surprendre ? Les coins de la fente hideuse si proche de celles d’un crapaud qu’ils appellent bouche se retroussent en une mimique ironique et sournoise parmi le groupe des individus mâles. Je ne comprends pas. Pourquoi sourire si des ennuis se profilent pour eux à l’horizon ?

« T’es sur que tu t’en sortiras ? T’auras pas besoin d’aide ? Vaut peut-être mieux que je reste avec toi, pour prendre la relève si tu te sens faiblir ! »
« T’as raison. Faudrait pas que la demoiselle finisse par se sentir seule, on voit bien qu’elle a besoin d’attention ! Guillian, t’auras ton tour plus tard si la demoiselle en a encore besoin ! De toute façon, toi, t’as une femme qui t’attends chez toi ! »
« Justement, j’peux pas la payer pour l’avoir quand ça me chante. J’ai pas souvent l’occasion d’échapper à cette foutue mégère pour aller me défouler ailleurs ! Pourquoi j’me priverais maintenant ? »

J’avais saisi : la première phrase me montrait l’utilité d’un sarcasme. En fait, quand les humains font une petite grimace volontaire après avoir dit quelque chose, cela signifie que la phrase doit être déformée, voire inversée pour en comprendre le véritable sens. Jamais je n’avais fait cette expérience. Ce qui s’en rapprochait le plus était les entrainements au mensonge que mon père avait rajouté lors de nos entrainements : il s’agissait de dévoiler un coup à son adversaire et de le laisser décider si c’était une vérité ou un mensonge. Ces séances étaient loin d’être mes préférées : j’avais beau être excellente dans tous les domaines, c’était là le jeu ou il me battait le plus souvent. Ces connaissances pourront m’être utiles en ville : j’enregistrais chaque détail de cette conversation afin de décortiquer les réactions de ces êtres inférieurs en tout point à ce qui les entourait, et encore assez idiots pour ajouter des difficultés potentielles de compréhension entre eux. Ces vermisseaux se chamaillaient pour savoir dans quel ordre ils allaient passer sur la dégénérée qui s’était présentée seule, nue et sans défense, devant eux. Leur manque de force les poussait, sous couvert de bonnes répliques, à comparer leur répartie pour établir un ordre factice entre eux. Pitoyable. En être réduit à comparer la facilité avec laquelle ils parlaient pour savoir qui était supérieur à qui, parce qu’ils ne savaient qui l’emportait en réalité. Et si cela s’arrêtait là, ils ne seraient peut-être pas la proie de toutes les autres espèces dignes de considération en ce monde. Mais ce n’était pas tout : ils ne voulaient pas savoir qui était réellement le dominant. Le chef. Ou quel que soit le mot qu’ils utilisent ne se séparant de cette notion que par de menus détails.

Le fonctionnement même de leur hiérarchie est d’une stupidité et d’une faiblesse qui me donnent envie de vomir. Une sorte de concours d’alphabétisation. Fallait-il vraiment que ces êtres soient créés sur cette planète ? La terre, la mer devait-elle vraiment subir leurs affronts à l’ordre naturel des choses ? Ces parasites qui se goinfrent des productions d’autrui sans rien mériter, sans compensation, valent encore moins que des chiens. J’en ai désormais la certitude, et je cisaille les cordes déjà affaiblies tout au long de mon transport par mes griffes. Puis une image me revient en tête : la seule chose qui jusqu’à maintenant a pu m’intéresser chez cette race rampante, pitoyable, frêle et sans apprêt. Le corps de la femme dont j’ai commencée à m’occuper. Les marques blafardes sur une peau déjà pâle, et les cris des hommes que j’ai tués, leur expression au moment de leur inéluctable et irréfutable départ dans le monde des ombres. L’art de la souffrance. C’est sans aucun doute chez elle que je trouverai de quoi combler mes désirs ! J’ai arrêté de bouger pour me délecter de cette idée. Dans un futur proche, je saurais tout de ce qu’il faut savoir sur ce sujet.

Mes pensées m’ont égaré dans un labyrinthe dont je finis par sortir, abandonnant mon immobilité temporaire. Je finis de trancher mes entraves, mais je reste couchée. Les hommes n’ont bien évidemment rien remarqué, tout à leur ridicule manège. Finalement, le dénommé Melvin est parti chercher de quoi manger pendant que les deux autres enlevaient leurs habits devant cette femelle stupide. La tâche ne leur a pas pris longtemps : je constate qu’ils ont gardé certains de leurs haillons hideux et leurs chausses crasseuses. C’est probablement dû au rituel que les humains ont de se frotter uniquement sur certaines parties de leur corps. J’assiste avec intérêt à la scène : la jeune femme, qui semblait être arrivée ici en adoptant une résolution, semble désormais paralysée et déchirée entre son instinct de fuir et cette résolution inconnue qui l’oblige apparemment à rester. Elle voulait me sauver ? Et elle le veut toujours, peut-être, mais hésite avec sa propre vie ? Non qu’elle puisse faire quoi que ce soit maintenant : l’un des hommes la saisit par le bras et la projette au centre du campement. Le visage de l’aveugle dans les feuilles, son corps reste immobile, sans se débattre le moins du monde. Voilà où conduit la faiblesse d’esprit comme de corps. L’homme s’allonge brutalement sur elle, et commence à la besogner avec force de bruits. L’autre homme est absorbé dans la contemplation de ce spectacle pourtant ridicule ! Dire qu’autant de gémissements sont poussés uniquement pour quelques mouvements ? Les muscles de certaines parties de leur corps doivent être bien atrophiés pour que cela leur coute un effort aussi intense. Je n’ai vu ce rituel humain de conception qu’à sept occasions. La nature devait probablement avoir mâché de l’alnathea le sombre jour où elle avait décidé de concevoir cette race absurde : pourquoi diable avait-elle jugé bon que le mâle était sans cesse à la recherche de cette expérience, alors que la femelle, si elle la permettait, ne la cherchait que rarement, et parfois même la fuyait – ou du moins essayait. J’en ai assez vu : homme comme femme sont visiblement tous absorbés par leur activité, et je peux enfin me relever. J’ai envie de voir l’expression de l’homme allongé sur la femme – qui ne cherche pas à se débattre, contrairement à ce que j’ai déjà vu – passer de la jouissance à l’horreur. Je fais le tour du campement, me rapprochant du dos de l’homme toujours debout. C’est celui qui a été appelé Guillian. Je veux réserver la surprise à l’autre : j’ai tout intérêt à ce que celui-ci ne produise aucun son. Je suis dans le dos de ce digne représentant de l’incapacité humaine et de l’inutilité de leurs sens en ruines. Ma main vole jusqu’à sa gorge, ma paume se plaque sur sa nuque et mes doigts se replient sur sa gorge fragile en une fraction de seconde, les griffes perforant déjà la carotide et ravageant son œsophage et sa trachée. Ces derniers n’ont pas longtemps à attendre avant que je resserre violemment ma poigne, broyant tout ce qui se trouve dedans. L’homme, déjà mou au début de la manipulation, ajoute à son palmarès répugnant le fait d’être aussi flasque qu’une vase. Je le repose délicatement à terre, d’où mon mouvement l’avait soulevé pour l’amener à ma hauteur, en faisant le moins de bruits possible. L’autre homme continue sans se préoccuper de l’environnement son mouvement saccadé. Le rythme a changé, cependant : son déhanchement s’est renforcé, la vitesse diminuant légèrement. Je suis dans son dos, silencieuse. J’attends le moment parfait. Lorsque son corps se cambre, je lui lacère le dos sur toute la longueur de la moelle épinière, de bas en haut, déchirant la veste qu’il n’a pas ôtée. Les sillons sont aussitôt remplis de sang, et le cri de l’homme reflète la douleur bien plus que le plaisir. Son hurlement ravit mes oreilles. La douleur le tétanise, le maintenant arqué. J’enfonce à nouveau mes griffes dans la chair tendre et fine de l’homme. Ma main suit exactement le même parcours que précédemment. J’essaie de ne pas abîmer le derme de l’être en plein apprentissage de la douleur, mais c’est difficile…chaque minuscule pression supplémentaire sur ses plaies fait monter sa voix dans des aigus discordants et inatteignables en temps normal. Quelle expérience fascinante. J’avais déjà constaté que les hommes observant les cadavres de leurs compagnons réagissaient de façon bien plus intéressante lorsque ces derniers étaient un peu abîmés. Les grimaces se succèdent alors sur un visage décomposé, et l’instinct de ces primates les poussent ensuite avec raison à la fuite. Mais je veux améliorer cette réaction. La rendre plus directe : quand l’horreur de leur situation leur apparaît progressivement, ces abrutis s’habituent avant de noter un détail supplémentaire qu’ils peuvent accepter. En déchirant la peau de cet exemplaire humain, je décide d’essayer de détruire les paliers qui empêchent les humains d’enfin voir la véritable marche de ce monde, et leur faire prendre conscience qu’ils doivent s’adapter à ce fonctionnement. Je souhaite aider au bon fonctionnement du monde : pour cela, ils doivent comprendre ou est leur place !

J’immobilise dans un premier temps ce hère ignorant en le bloquant contre sa partenaire grâce à mon pied. Je me ravise cependant très vite en songeant que la femme sous lui subira également ma pression : et sa constitution, encore plus fragile que celle de son espèce, pourrait ne pas pouvoir lutter contre mon poids pour lui permettre de respirer. Je tire donc l’homme de sa position d’accouplement pour le jeter à terre et poursuivre mon travail d’intérêt général.

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 Sujet du message: Re: Les plaines marécageuse autour d'Exech
MessagePosté: Mer 4 Nov 2015 19:33 
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Toujours allongé et hoquetant de douleur, j’enfonce avec tendresse mes griffes au niveau des côtes de l’homme, faisant apparaître une nouvelle ligne sanguinolente sur son corps. Je le retourne afin de continuer la leçon : mais le symbole de décadence est pris d’une telle frayeur en considérant ma face et mon allure, qu’il se démène, ignorant la douleur pour tenter de se libérer de mon emprise en gigotant, tel l’asticot dans la main du pécheur. Je mets fin à ces protestations ridicules. Il est en bonne voie de comprendre sa propre faiblesse et celle qui ronge la race humaine comme bien d’autres sur ce monde. Ses bras et ses jambes cèdent tandis que je m’appuie sur eux de tout mon poids. Hurlant comme un dément, il semble cesser de prêter attention à mes soins. Qu’à cela le tienne : un patient guéri est toujours un succès pour un apothicaire ! Mon traitement est orienté sur la compréhension du monde, mais c’est la seule différence. Ses membres déboités peinent à bouger, et je peux maintenant continuer mon œuvre. La lacération va de plus en plus vite, et l’excitation qui monte en moi au fur et à mesure me fait trembler : le travail ne sera pas parfait, mais je suis bien conscience que cela est dû à mon manque d’expérience : je plaide coupable. J’hésite un instant à m’excuser face à la larve blanche et rouge, au corps désormais handicapé et qui se tortille. Mais je fais de mon mieux : il n’y a pas à s’excuser si l’on donne son maximum ! Je suis au moins aussi douée que l’être décadent sur lequel je travaille. Je me fais néanmoins la promesse de remédier à cette faiblesse le plus tôt possible. L’homme a quelques hoquets puis cesse de crier et d’implorer tandis que je détache l’épiderme de la chair rendue rosâtre par le gras qui y est prisonnier. Je m’inquiète d’avoir été trop rapide dans ma leçon : il est vrai que je suis une élève plutôt douée, je n’ai pas toujours conscience que les autres peuvent peiner à suivre. Je m’arrête un moment pour l’observer. La bouche ouverte, la langue sortie et les yeux exorbités m’informent qu’il cherche simplement à reprendre sa respiration. La douleur doit l’empêcher de respirer. C’est toujours le problème avec les larves : elles ne comprennent que trop tard qu’il faut accepter la douleur pour réussir à approcher la vérité du monde. Donner un répit en ce moment ne l’encouragerait qu’à reprendre ses supplications de plus belle, régressant dans sa déjà pauvre compréhension des lois du monde. Je continue. Quelques secondes plus tard, l’homme renonce à apprendre de ses erreurs. Je ne m’arrête pas pour autant : une autre personne est en instruction, ici, une autre en formation et encore une autre ne tardera pas à comprendre quel sens doit avoir la vie en ce monde. La chair se décolle formidablement bien tant que le corps est chaud et élastique, et le dépeçage s’achève rapidement, même s’il est loin d’être parfait. Je me retourne vers la forêt, à la recherche d’une branche. Je m’aperçois au passage que la femme a récupéré un couteau sur l’homme, sans doute pendant qu’il était écrasé sur elle. Une aveugle armée. Cette race n’héberge véritablement que des abrutis. Qu’importe. Le bois qu’ils avaient rassemblé en vue du feu correspond tout à fait à ce que je veux : une branche bien ramifiée. Je la plante solidement en terre, et y adosse le cadavre écorché en position assise. La tête lui tombe sur le menton, ses yeux comme fixant son buste sanglant avec incompréhension. Je n’ai pas dépiauté la tête, ni les mains ni les pieds ou autres zones présentant des plis : c’est encore au-delà de mes compétences. J’installe ensuite au-dessus de lui, sur les branches plus fines, sa propre peau, comme un abri contre la pluie. Le vent qui s’engouffre entre les arbres fait voleter de façon comique les lanières que j’ai tirées de son dos : on croirait, dans la nuit tombante, voir trembler de longues plumes. Je me dirige vers la femme, qui tourne la tête vers moi à mon approche. Dans ses yeux aveugles, on ne peut lire aucune émotion. Les seules femmes que j’ai vues ainsi sont de rares mortes, laissées dans les ruelles par les mâles avec lesquelles elles d’étaient accouplées brutalement. Mais celle-ci bouge, et pense. Cela se sent : une sorte de concentration inconsciente, des tressaillements de sourcils, des tics. Elle se relève, même. Elle est différente des autres. Morte en dedans, vivante à l’extérieur. Elle redresse les yeux jusqu’à la hauteur approximative de mon visage. Elle connaît ma voix, elle connaît mon corps, ou du moins ce contre quoi elle s’est blottie la nuit dernière. Une chose me chiffonne, mais je m’en enquerrai plus tard.

« Je vais bouger. Reste ici. »
« Tu m’abandonnes ? »
« Je t’ai sauvée. »
« Tu m’as condamnée à la vie, et à l’espoir. C’est différent. »
« Nous discuterons plus tard. »

Je cours jusqu’à un arbre pour y grimper, dans la direction vers laquelle l’individu restant est parti. J’ai tôt fait d’atteindre les dernières branches qui supporteront mon poids. J’arrête de grimper lorsque je sens les branches plier au niveau du tronc. Et j’attends. D’ici, j’ai une vue sur mon œuvre et sur la jeune femme qui attend paisiblement dans la clairière. Un sourire retrousse mes babines. Elle est vraiment spéciale, mais elle semble docile. Je suis surpris que son maître se soit fait duper par une chose si frêle. Mais elle n’a de fragile que le physique, je le sais. Je l’ai su dès que je l’ai vue. Les souffrances auxquelles elle a été confrontée lui ont permis d’adopter une nouvelle façon de prendre la vie. Si mon mental est un bloc de marbre inaltérable, le sien est un tapis de gravier. Réduit en miette, éparpillé aux quatre vents, il est presque impossible d’abîmer plus encore ce qui a déjà été détruit. En revanche, le sol en est d’autant plus malléable. La vermine est probablement la moins fiable de sa race : elle dérive, au gré des courants, changeant de maître dès qu’une nouvelle force. Un parasite adaptatif, en somme. La race immonde a pondu son spécimen le plus élaboré. Un bruit coupe ma réflexion. Un homme, trainant manifestement la patte, revient. Il a réussi, par quelque prodige, à dénicher un lapin. Je retiens un ricanement. Un lapin. Qu’ils sont ridicules. Et encore, il a dû l’avoir par chance ! Son pas s’arrête à la vue de la clairière. Il est presque sous moi. En sautant simplement, je l’écraserai comme le moucheron qu’il est, sur la terre qu’il souille. Mais cela, il faut qu’il le comprenne, avant. Il n’a qu’une chance. Ma patience a de fortes limites.

« Guillian ? »

Le chef du groupe est bien en peine de lui répondre.

« Marty ? »

Je suppose qu’il s’agissait du guetteur. Lui aussi aura du mal à se faire entendre. Le feu a grandement diminué en intensité pendant que je travaillais : seules des braises subsistent. Rougeoyantes dans un cercle de pierres, projetant plus d’ombre que de lumière, plus inquiétantes que le feu qui flambait tout à l’heure. Cela me semble si naturel que je l’avais presque oublié : la nature a oublié de doter ses enfants indignes du sens de la vue. De jour comme de nuit. L’observation n’est pas leur fort de jour, et la nuit, on peut se tenir à deux pas d’eux sans qu’ils s’en doutent. Vous rendez-vous compte de l’inutilité et du potentiel de survie ridicule de ces êtres ? Même les chats, animaux qui partagent pourtant avec ces icones de la faiblesse le fait d’être stupides et fainéants, possèdent cette capacité. L’homme atteint la silhouette endormie de son compagnon.

« Guillian ? … C’est pas possible…vous vous êtes endormis ? C’était si épuisant que ça ? »

Un éclat de rire fend le silence. La fille est juste à côté des braises, l’homme la voit avant de s’exclamer :

« Et elle est restée bien docilement ici ! C’est qu’elle a aimé ça, la garce ! Alors ma belle, on se sent d’aplomb pour un nouveau tour de manège? »

La nuit se tait et le silence seul, pesant, lui répond. L’inquiétude point. On peut entendre ce que le dernier membre de pitoyable trio pense sans même le regarder. Pourquoi les autres ne se réveillent pas ? Où est donc passé Marty ? Sans quitter la femme dénudée des yeux avec une excitation lubrique, il s’accroupit auprès de Guillian. Ces êtres sont la lie du monde, la liaison entre les plus bas instincts exacerbés et les plus pauvres compétences : comment peut-il seulement penser à s’accoupler alors même que deux de ses compagnons sont de toute évidence morts ? Je le vois poser une main sur l’épaule de feu son supérieur.

« Eh, ho… aaaaah ! Bon dieux qu’est ce que… AAAAAAAAAHHHH ! »

Je me délecte du spectacle, enfin. Sentant le liquide qui a suppuré après avoir écorché l’homme, le chasseur humain a retiré sa main en vitesse avant de se l’essuyer sur sa veste, puis de faire revenir son regard sur le corps de son congénère. Il découvre alors l’horreur, tandis que le vent souffle, par un merveilleux hasard, l’informant de l’endroit où se trouve ce qu’il manque au cadavre. Reculant rapidement sans parvenir à décrocher les yeux de ce spectacle enrichissant : c’est comme si son cerveau, malgré la torture qu’il subissait ne pouvait se résoudre à se abandonner l’image du corps avant d’avoir reçu toutes les réponses qui lui permettront de comprendre. Le résultat est à la hauteur d’un insecte hexaplégique : il trébuche et son arrière train aussi rembourré que celui d’un porc s’écrase par terre. Il se relève en hâte, et une fois dégainée une lame de la taille d’un cure-dent, il regarde de tous côtés. Il finit par remarquer que ses partenaires ne sont pas les seuls absents.

« Merde, merde, merde… MEEERDE ! »

Son attention est retenue par la dernière silhouette : la jeune femme.

« Qu’est ce qui s’est passé ? C’est toi qui l’as libéré ? Pourquoi t’es encore en vie ? Il est où ? »

Il. Cela ne me fait ni chaud ni froid, mais cette tendance à penser que tout ce qui est fort est masculin contribue encore à l’aveuglement de cette race incongrue et malvenue. L’homme est aux abois, et son discours est aussi décousu que sa psyché perturbée. Je me laisse tomber au sol tandis qu’il se rue vers la femme. Le bruit de mon atterrissage, sourd, le fait se retourner. Les aiguilles de pins et les feuilles desséchées craquent pendant que je me redresse. Ma cuisse me lance, mais la douleur est une chose que j’ai depuis un certain temps appris à oublier.
Il contemple ma stature, les yeux emplis de terreur. Il comprend. Il est en train de réaliser. Il n’est rien. Une poussière négligeable et indigne de garder la vie sur cette terre. Il tombe à genoux. Un balbutiement insensé franchit les lèvres qui ornent un visage défait. Je le laisse se repentir. Lorsqu’il se lèvera, ce sera la fin. Mais il finit par aligner une phrase compréhensible :

« Monsieur le Liykor, prennez moi à votre service… je vous en prie ! Vous êtes si fort, vous faites face à trois hommes, je ferai tout ce que vous voudrez ! »

Je le regarde avec incompréhension. En quoi aurais-je besoin d’un cloporte supplémentaire ?

« Il a raison. »

Mon regard se remonte vers la jeune femme, qui s’est approchée.

« Dis-lui à quoi tu peux lui servir : rentrer dans la ville d’Exech ! Explique lui, si tu en as le courage. »
« Vous désirez entrer à Exech ? Foi de Melvin, je suis connu pour en connaitre toutes les entrées : les officielles ne sont là que pour les faibles, pas les puissances comme vous ! Vous ne méritez pas d’être jugé par un simple garde pour savoir si vous avez le droit ou non de… AAAAAH ! »

L’homme s’étale ventre contre terre, jusqu’à presque toucher mes pattes. Un couteau orne son dos, planté jusqu’à la garde dans son poumon gauche. Il se retourne avec difficulté, tentant d’attraper la garde. Il crache un jet de sang qui dégouline, mêlé à la salive, le long de son menton.

« Espèce…de garce ! Je vais te… »
« Peux-tu me le tenir ? »

Je ne réponds même pas. La regardant, elle petite larve sans intérêt, depuis ma hauteur. Si elle veut le torturer, qu’elle le fasse seule. Il a déjà compris tout ce qu’il pouvait comprendre. Il a même été proche de tout comprendre. Rien ne sert de le torturer plus avant. Seuls les humains, leur raisonnement pervertis par la souffrance qu'ils craignent tant, poussent la chose tellement loin qu'ils en perdent les bénéfices pour le faire devenir un vice. Mais la femme, tentatrice, lui a laissé croire qu’il pouvait espérer. Pour se venger, probablement. Elle n’a pas compris que c’était également sa faute, à elle et à elle seule, si elle avait dû se soumettre à son chef. Ses sens attrophiés ont été la raison de ses souffrances. Moi qui la croyais intelligente…me voilà détrompée.

« Pardon. J’ai compris. Pour entrer dans la ville, j’aurai besoin de vêtements. »

Je ne fais pas de commentaire. Elle dit vrai, je le sais pour avoir déjà franchi des portes. Mais je ne peux pas lui laisser savoir que le fait qu’elle puisse rentrer dans la ville est crucial pour moi. Je la laisse se débrouiller. Si elle a deux yus de bon sens, elle n’a plus rien à faire. L’homme suffoque, et le poumon percé est empli de sang, qui finira par boucher le second. Elle le sait : cela s’entend. Et elle sait où elle a frappé. Elle recule pendant que l’homme tente de reprendre un souffle qui est destiné à lui échapper. Stupidité, encore et toujours : la décence aurait voulu qu’il tente au moins d’emporter un adversaire dans la tombe. Son sort est fixé, inutile de perdre du temps. Un de mes doigts griffus trouve facilement le chemin de son œil, s’enfonçant jusqu’à pénétrer le cerveau. Au moins, lui aura eu la chance d’apprendre la raison de sa mort avant de trépasser. Quelques saccades plus tard, l’aveugle se rapproche pour détrousser le cadavre et se vêtir de ses propres vêtements. J’attends.

« Tu veux aller à Exech ? »
« Tu m’y emmène ? »
« Si tu veux. »
« Et si je ne veux pas ? »
« Je te suis. »
« Allons-y. »

Je repars dans le sous-bois, après avoir déchiré l’abdomen du corps encore chaud pour me repaître de son estomac, de son foie et des muscles que j’ai pu trouver. La soirée a été bonne, et je me sens cependant d’humeur partagée. Je charge ma tique humaine de porter le lapin abandonné par le dernier homme près de l’écorché. L’ignoble faiblesse dont elle est affublée ne s’en ira pas si je lui facilite la vie.

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 Sujet du message: Re: Les plaines marécageuse autour d'Exech
MessagePosté: Sam 9 Jan 2016 15:10 
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Je me déplace dans la forêt avec force et silence. Je n’ai nul besoin d’aide pour trouver Exech. Enfant, mon père m’y avait guidé un bon nombre de fois : pour acheter des vivres, pour en voler lorsque nous n’avions pas d’argent. Mon père. Un instant, la tristesse rempli mes yeux de larmes. Puis disparaissent lorsque je me durcis. Le temps n’est pas aux apitoiements. N’est plus, en fait. Vengé, mon père a été témoin de ma force par-delà ce monde. Il me sait assez forte pour obtenir ce que je veux, et cela a été son seul objectif, depuis qu’il a débuté à me former. Il n’a nulle raison d’être triste désormais. Et moi non plus.

Les branches passent au travers de ma fourrure sombre, grattant agréablement mon épiderme. Néanmoins, des aiguillons de colère et de frustration piquent mon âme : derrière moi se traine, fidèle à sa lenteur et à son indéfectible rôle de parasite handicapant. L’irrégularité de ses pas trébuchant m’énerve : j’attends chacun des suivants en me demandant si c’est à celui-ci qu’elle tombera, ou au prochain, ou à tel autre qu’elle me suppliera de l’aider. Si elle ose me demander à nouveau de l’aide, je ne suis pas sûr de seulement réfléchir avant que sa tête ne vole dans les airs, désolidarisée avec force de son tronc. Elle me fait gaspiller de l’énergie depuis assez longtemps, maintenant, pour savoir que se savoir faible et l’accepter est l’antithèse parfaite des lois de ce monde. Compter sur un allié potentiel pour ne plus avoir à faire d’effort. Une absurdité. D’abord rare, cette relation encourage la faiblesse et conduit à une demande de plus en plus forte du faible, qui finit par ne faire que pomper l’énergie du fort, poussant jusqu’au bout du vice le renversement de l’évolution naturelle de Yuimen. Mais la femme a bel et bien compris. Sa bouche n’est ouverte que pour respirer plus amplement et tenter d’accroitre les pauvres capacités dont la nature a décidé de lui faire don. Pas un cri, pas une plainte ne s’échappe de cette cavité petite et dépourvue de véritables crocs, tandis qu’elle est fouettée par les branches qui se rabattent sur elle et qu’elle peine à espacer, luttant par la même occasion contre les vêtements bien trop amples qu’elle a récupéré sur le cadavre. Sans que je sache véritablement pourquoi, je me résous à l’aider. Concentrée uniquement sur le fait de se frayer un chemin, la larve aveugle ne s’interroge pas sur ce qui pourrait lui permettre d’être plus efficace. Peut-être est-ce cela qui m’a attendrie un moment.

« Enlève tes vêtements, noue les sur tes épaules. »

Mon ordre est immédiatement obéi. Elle est un peu plus intelligente que les autres. Je l’ai su dès la première fois ou je l’ai vue. Elle avance maintenant sans lutter contre elle-même, et je me décide à accélérer la marche. La soif de savoir me guide vers Exech. Là-bas se trouve l’homme dont j’ai besoin. Celui qui m’apprendra. La vie est une éternelle quête de connaissance. Pour mieux maitriser le monde, et démontrer sa supériorité. Un bruissement de branche, un peu éloigné, me fait reprendre conscience du monde qui m’entoure. Sans m’en rendre compte, je suis remontée à une vitesse de déplacement proche de l’acceptable : ma sangsue domestique est perdue, et tente de rattraper son retard quitte à sacrifier encore de sa déjà maigre discrétion. Elle n’a toutefois pas dévié du chemin que j’ai emprunté, et se dirige en ligne droite : je note son bon sens de l’orientation dans un coin de mon cerveau. Qu’une aveugle soit plus douée qu’un individu lambda, sans cette race déplorable, montre bien son incapacité à survivre dans un monde comme le nôtre. Mon parasite pourrait bien, finalement, réussir à se hisser dans la société de ces lâches, si on l’y aidait un peu. J’attends qu’elle soit revenue à ma hauteur. Je constate que de nouvelles éraflures viennent s’ajouter aux marques anciennes qui décorent sa chair. Leur épiderme est d’une fragilité qui ferait se rouler par terre un être moins contrôlé que moi. Preuve définitive que leur race n’est pas adaptée à ce monde : un monde de danger, de vie, d’exaltantes courses chasseresses. Un monde dont ils sont contraints de s’isoler dans leurs cités pour survivre. Une bande d’incapables inaptes.

Le passage entre les jeunes pins lui a déjà été compliqué, et je m’attends au pire lorsque nous arriverons en vue des marais d’Exech : des buissons épineux remplaceront alors les pins, et elle risque de me ralentir davantage encore ! Mais quitte à être ralentie, autant conserver la direction de la ligne droite : pas question que mon guide aveugle me soit un poids encore plus lourd ! Je me remets en marche, doucement –trop doucement à mon gout- pour ne pas la semer une fois encore.

J’avance désormais dans les buissons épineux qui marquent l’approche des marécages d’Exech. Je ne suis que rarement allée au-delà de ces limites naturelles. Le marécage est un lieu qui s’étend sur une vaste zone, et d’ici, je ne vois qu’à peine la ville noire se dresser au loin. Il nous faudra encore au moins marcher cette nuit et le début de journée demain pour être devant les murailles qui protègent les chétifs êtres qui y logent. Une vague d’hésitation me fait m’arrêter au bord de la zone humide. Cet environnement ne m’est pas naturel. Mais je passerai. Je passerai partout où mes pas me mènent. Je suis le symbole même de la survie, de la force. Ces marais sont un territoire hostile, je le sens. Sans savoir pourquoi, je suis repoussée par cette zone. Une impression, un instinct. Je retrousse les babines, fronçant mon museau noir. Je sens une pression dans mon dos. Cela me fait avancer d’un pas.

Ma patte plonge dans la zone spongieuse, une couche de boue s’infiltrant entre mes orteils après être passée dans l’eau glacée. Un bruit de clapotis accompagne mon geste involontaire.

« Tu traverses maintenant ? »

Son ton est ferme, mais ne peut cacher un tremblement de peur. Je me retourne vers la voix, baissant mon regard de sang sur son être faible.

« Pourquoi non ? »

Ma réponse est venue d’un coup, sans que je m’interroge sur le fait que le vermisseau m’ait poussée avant de m’interroger.

« Si tu traverses maintenant, tu devras dormir dans ces marécages. »

Elle semble sur le point de céder aux larmes le rôle qu’elle leur a refusé jusque maintenant. Je la choie en effet bien plus que ce que je ne devrais, j’en ai conscience…mais elle m’inspire une sympathie que je ne m’explique pas. Bien au-dessus des siens, son potentiel est encore non atteint : et je ne supporte pas qu’un potentiel tel que celui-ci soit gâché.

« Non : nous atteindrons Exech demain, en début de journée. »

A ma réponse, elle se redresse et regarde vers ma voix. Son tremblement a disparu.

« Tu l’atteindras, je n’en doute pas. Je n’en ferai pas tant. »

Mes oreilles se plaquent vers l’arrière lorsque je l’entends tenter faire preuve d’autorité envers moi. Une autorité sournoise, qui met en balance le fait que j’aie besoin d’elle. Mais je ne suis pas de celles qui se soumettent à de pareils marchandages.

« Tu désires t’éloigner de moi ? »

Je suis surprise : elle sait que sans moi, sa vie prendra fin bien avant que j’ai atteint les remparts de la monstrueuse cité, plantée ici comme une verrue sur une terre qui lutte chaque jour pour la reprendre. Ses propos confirment mes pensées, dans un sens des plus inattendus, pour moi.

« Tu es ma vie, et ma mort. Je te suivrai partout. Mais si tu t’engages dans les marais maintenant, je mourrai. »

La créature fragile est dressée de toute sa minuscule taille, sans peur. C’est cela qui me passionne, chez elle, je crois. Son acceptation. Son renoncement. Elle a compris que son environnement était beaucoup trop fort pour elle, et qu’elle ne pouvait que se laisser guider. Satisfaire aux exigences de ce monde avant de se laisser emporter par la mort, lorsque son temps viendra, ou que ce soit et à n’importe quel moment : voilà sa philosophie. Je regarde un instant la silhouette lointaine de la ville, tâche noirâtre sur l’horizon. Je me sens soudain plus proche de la faible humaine, lorsque mon regard flamboyant baisse de nouveau jusqu’à fixer sa maigre silhouette.

« Nous dormirons ici. Puis nous partirons demain à l’aurore, et nous atteindrons la ville en fin de journée. »

Je m’enfonce de nouveau dans les branches qui grattent agréablement mon pelage. La frêle bête me suit péniblement, puis finit par atteindre le petit espace dégagé où je me suis installée. Les sphaignes acides couvrent le sol en un énorme touradon : je m’allonge et pose ma tête confortablement sur mes pattes avant. Je sens à peine la larve qui me force à ralentir se poser à mes côtés, dans un silence presque complet. Presque inquiétant : ici les branches mortes ne craquent pas lorsqu’on les écrase, mais se contentent de s’enfoncer dans la mousse, et les aiguilles ne font pas plus de bruit qu’un pas de souris. Je sombre dans un sommeil agité.

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MessagePosté: Sam 9 Jan 2016 15:17 
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RP VIOLENT
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Mon rêve n’est cependant pas habituel, si tant est que les précédents le soient. Plus de coucher de soleil, plus de falaise aux crucifiés, plus de pointe rocheuse. Seul demeure des anciens songes le loup blanc. Il émane toujours de lui cette fierté, cette force, cette indomptable volonté qui m’emplit d’admiration et d’envie pour lui. Mais le décor a changé du tout au tout. Il domine une ville en apparence déserte, vide de gens comme de sens, à la façon d’un géant. Sa tête et son buste immaculé sont visibles au-dessus des toits. Une grimace déforme son visage lupin, comme s’il souffrait atrocement. Je m’approche de quelques pas qui m’amènent à une vitesse prodigieuse juste en face de son museau. Gueule muselée, comme chacun de ses membres entravés, par des chaines de l’acier le plus noir. Il en casse à tour de bras, mais toujours plus de ces lianes métalliques viennent le clouer au sol. Lorsqu’il me voit, il se fige et ses oreilles pivotent dans ma direction. Entre ses mâchoires fermées filtre un grognement de douleur et de rage, de peine et d’amertume. Je comprends instinctivement ce qu’il veut me dire, sans que j’y trouve du sens.

« Ne t’attache pas toi-même aux rochers immobiles : la marée toujours finit par les étreindre. »

Les serpents de métal ont profité de sa courte immobilisation pour prendre le dessus. Contractant ses muscles de colosse, il en explose plusieurs et d’un revers de la main, me renvoie cul par-dessus tête dans un sommeil paisible, sans la moindre dignité.

Je m’éveille bien avant l’aube. Je suis galvanisée par cet apport de sommeil imprévu. Exech me verra arriver dans une forme exceptionnelle ! Le silence n’a pas changé, depuis que je me suis couchée. Ou plutôt, si : il est devenu plus profond, car le chant des oiseaux qui affectionnent de tels lieux s’est tu avec la disparition du soleil.

Les buissons s’écartent d’un coup, me faisant me redresser en vitesse, s’ouvrant sur trois lapins à l’allure misérable. Couturés de cicatrices, les yeux fous et parfois manquants, donnant sur une orbite vide et purulente, des os transperçant leur fourrure pelée, ces aberrations n’ont clairement aucune origine dans ce monde. Ils ont étés créés par la folie humaine. Bien que je n’en ait aucune preuve, cela me paraît être une évidence. Ils se ruent sur le corps blanchâtre de la femme qui, en plus d’être aveugle, partage avec son espèce la caractéristique d’être sourde. La mort n’est pas encore venue pour elle : d’un coup de patte rageur, je renvoie les deux premiers lapins maudits dans les buissons. Mais c’est un joli groupe qui s’est approché de nous. J’en dénombre cinq autres tandis qu’ils bondissent sur leur proie, faisant fi de la menace. A savoir moi. J’ai le temps de tremper mes griffes dans deux d’entre eux avant qu’ils ne se tournent vers moi. La sangsue blanchâtre sort de son sommeil en s’étirant avant de se figer à cause des sons qui l’ont réveillé. Des couinements, des grincements de dents.

« Qu’est ce que c’est ? Des rats. Ça ne peut pas être des rats ! Hein ? Pas si loin de la ville ! Tu es là ? Par pitié, réponds moi ! »

Je garde le silence, mais note qu’elle est terrifiée par les rongeurs répugnants qui se promènent dans toutes les cités du monde. Un lapin tente une attaque particulièrement vicieuse, voulant profiter de ma taille pour m’handicaper, et vise mes jambes. Les mains toujours clouant au sol les lapins décharnés qu’elles ont transpercé, je m’appuie sur elles tandis que la bestiole roule dans le vide, avant que mes pattes atterrissent de nouveau, lui explosant la colonne vertébrale. Un autre bondit sur mon bras qu’il réussit à mordre tandis qu’un deuxième s’élance sur ma tête, avant que mes mâchoires ne se referment sur son corps. Un craquement d’os et un geyser de sang plus tard, je le recrache. De telles créatures, aussi répugnantes, peuvent être de véritables nids de maladie, en particulier dans un milieu marécageux. Les lapins restant détalent sans demander leur reste tandis que je me débarrasse de celui accroché à mon bras en martelant le sol, faisant éclater les os fragiles de l’aberration.

J’ai les babines retroussées, et le goût du sang immonde est entré jusque dans ma gorge, malgré le fait que j’ai essayé de ne pas l’absorber. Mais je suis heureuse d’avoir pu débarrasser la forêt de ces ersatz de créatures naturelles, qui n’ont rien à y faire ! Par-dessus les buissons, je vois le vaste marais qui s’étend jusqu’à perte de vue, la ville étant cachée par la brume matinale. Je reprends mon avancée lorsque mon fardeau humain bouge. Je l’avais oubliée. Elle se déplie, sortant de la position en boule qu’elle avait adoptée pendant que le massacre était en cours. Toutes les plaies qu’elle arbore sont pourvues de croutes séchées : aucune blessure ne risque de lui être fatale. Je reprends la marche, m’enfonçant dans le marais dans un premier clapotis. Je m’arrête de nouveau, tournant la tête vers la jeune tique géante sans rien dire. Elle me comprend, et se laisse guider par le son que j’ai produit pour arriver jusque moi.

« Y a-t-il des dangers pour toi dans ces eaux ? »

Surement, ne puis-je m’empêcher de songer. Le peuple humain n’est même pas en sécurité lorsqu’il conçoit son environnement spécifiquement en ce but, menacé alors par ses semblables. Alors dans un milieu qui ne maitrise pas…

« Pour moi, oui, mais surement pour toi, aussi : il vaut mieux éviter les grands trous d’eau. Les sangsues y pullulent, et il m’a été dit que certaines peuvent faire presque ta taille ! »

Un rictus tord mes lèvres noires. Une sangsue qui dit de se méfier des sangsues, voilà qui est cocasse. Même si je ne dis pas non à un combat contre un adversaire de ma taille, je sais où sont mes limites : l’eau n’est pas mon élément naturel, et une confrontation n’y serait pas à mon avantage. Je prends note de la remarque, et attrape la jeune femme d’une main, avant de la hisser sur mes épaules, comme un banal faon malchanceux. Elle pousse un petit cri de surprise, avant de s’accrocher fermement à ma fourrure.

« C’est si doux… »

Ainsi, je ne risque pas de la perdre. Je me mets en route. Plus tôt nous serons arrivés, plus tôt je pourrai me rassasier.

**


Le voyage se passe pour le mieux : une fois installée de façon à m’épargner un peu d’effort devant la longue journée qui s’annonce, la jeune femme ne dit plus un mot. Moi non plus : je m’imprègne de ce paysage, si différent de ce que j’ai par ailleurs connu. Chaque nouveau pas se fait dans un nouveau bruit d’eau fraiche mais malsaine, et chaque fois que je retire la patte de son écrin de boue, un bruit de succion répugnant résonne à ce qu’il me semble des lieux à la ronde. Les corbeaux et les corneilles, affectant d’être distraites par les myriades de moustiques qui volent au-dessus de l’eau, prêtent en réalité une attention intense à notre périple depuis les quelques arbres rachitiques qui poussent dans ce liquide agressifs. Alors que le soleil a depuis longtemps dissipé la brume matinale pour la remplacer par un brouillard plus dense et qui transforme la lumière du jour en un éclairage diffus d’un gris sinistre, un rocher nous barre la route.

Je me hisse dessus, et ma cavalière s’éjecte d’elle-même avant que je ne le fasse, atterrissant rudement sur la pierre dans une exclamation de douleur contenue. C’est le premier son qui sort d’une de nos gorges depuis le début du trajet, plusieurs heures auparavant. Je me repose quelques instants en étudiant mes longues jambes. Même protégée par les longs poils, la peau est en train de virer au rouge. Cette eau est malsaine : acide, elle attaque tout ce qu’on y plonge, mort ou vivant. Des petites sangsues ont frayé leur chemin jusque ma peau, et s’emplissent de mon sang. Je ne les arrache pas. Je vais bientôt replonger, et si des blessures sont ouvertes, je souffrirai bien plus, sans compter que j’attirerai peut-être des prédateurs plus volumineux et plus dangereux que les sangsues.

Je vérifie les coussinets, sous mes pattes, après les avoir rincés avec l’eau croupissante. Pas de blessure. Bien. Je me redresse. Mieux vaut ne pas attendre que l’acide fasse son travail pour reprendre le chemin.

« Merci. »

Je me retourne.

« J’ai conscience que tu fais ça pour moi. Tu es noble : tu ne devrais pas avoir à me porter…je ne suis rien à côté de toi. J’ai honte de profiter ainsi de ta force. »

C’était les mots qu’il me fallait. Cette créature a beau être l’ignoble reflet de ce qu’il y a de plus pourri et faible en ce monde, elle n’en est pas moins sage. Cette sagesse la place bien au-dessus de ses congénères. Je l’attrape de nouveau. Je risque d’être fatiguée au bout du chemin, voir même épuisée. Néanmoins, j’y survivrai. Pas elle, si je la laisse me suivre. Elle sera dissoute avant même d’arriver, vu le peu de chair et de muscle qui ornent ses petits os.

Je m’engage de nouveau dans le marais. La traversée, depuis quelque temps, est devenue plus ardue : l’épais manteau de brume ne s’est pas délité, et le soleil en berne ôte peu à peu la vision que j’ai devant moi. J’ai beau être nyctalope, le brouillard est un obstacle qu’aucun œil ne peut percer. J’augmente la cadence.

**


A plusieurs reprises, des sangsues plus grosses que la moyenne s’approchent de ma taille, juste sous la surface. Je tente de les écarter, mais elles reviennent à la charge de plus belle. Je les saisis alors délicatement par la queue pour les envoyer au loin. Les tuer me desservirait plus qu’autre chose : le sang qu’elles ont déjà accumulé se fixerait sur moi, et ne tarderait pas à attirer de nouvelles têtes. C’est une défense de qualité contre leurs faibles frères que les humains ont trouvé ici. Mais un jour, j’ai la certitude qu’elle les empêchera de fuir aussi surement qu’elle les préserve actuellement. J’arrête de réfléchir pour contourner un trou particulièrement profond. Il est difficile d’avancer, et je crains parfois de rester ancrée dans le sol vaseux. Mais je m’en sors à chaque fois, luttant quelques moments âprement.

**


Enfin, je sens plus que je ne le vois que le terrain remonte, et mes hanches sortent de l’eau. Nous arrivons plus tard que je ne le pensais : la nuit est tombée. Mais les murs de la cité sont devant nous. C’est tout ce qui compte.

« Comment s’appelait ton maître ? »
« Rasputin. »
« Mène moi à lui. »
« Je ne peux pas. »

Mes yeux doivent briller particulièrement intensément, car elle se dépêche d’ajouter une nouvelle phrase pour compléter la précédente, parfaitement insatisfaisante.

« J’ai grandi chez lui. Je ne suis jamais sortie, sauf la fois où je me suis enfuie. J’ai trouvé la sortie d’Exech presque par hasard, en suivant un chariot de foin. »

« Comment as-tu réussi à traverser les marais ? »
« Je n’ai pas eu à le faire. J’étais dans le chariot. »

Je garde le silence. Ainsi, en ville, les enfants grandissent sans même sortir de chez eux. Un comportement aussi lamentable ne me surprend pas. La vermine cherche toujours à garder le dessus sur ses propres rejetons, afin de ne pas être déçus d’eux-mêmes. Un peuple qui ne connait même pas l’extérieur de ses murs. Un peuple qui ne sait même plus de quoi il s’abrite. Leur manque de connaissance sur leur propre monde est la raison même de leur faiblesse malsaine, du cancer infect qui ronge le monde chaque jour un peu plus. Devant moi, les portes de l’affreuse citadelle sont closes. Les morts en sursis la gardent et ne l’ouvriront sans doute qu’au matin, lorsqu’ils pourront être sûrs que ce qui approche n’est pas une menace.

Je m’adosse au mur de pierre pour m’endormir. Mais je ne trouve pas le sommeil. Je me relève pour me rapprocher du marais et de la fange pâteuse qui l’entoure. Juste avant que le terrain ne devienne trop boueux, je m’allonge, la tête sur les pattes avant. Là, je sombre à nouveau dans le rêve de ce loup blanc et des chaines noires qui tentent de le retenir.

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