Une fois sorti de la ville, je poursuivis la route quelques temps. Pendant mon trajet, je jetai un coup d'œil aux abords du chemin, mais aucune plante ne correspondait à la description du hobbit. Je m'écartai du sentier pour poursuivre mes recherches.
(Mieux vaut être à l'abri des regards.) Jusqu’ici, je n’avais pas croisé beaucoup de monde, mais je préférais rester prudent.
Des nuages avaient fait leur apparition dans le ciel et masquaient le soleil. C'était moins désagréable d'avancer dans cette plaine humide et sans ombre. Je marchai d’un pas prudent dans les herbes hautes. La progression était difficile car je ne voyais pas en dessous de me genoux. Je faillis tomber de nombreuses fois à cause d’une racine ou d’un rocher que je n’avais pas vu. Après quelques minutes, j’arrivai dans une clairière dégagée au centre de laquelle se trouvait un point d'eau. Alors que je me rapprochai, je vis enfin ce qui me semblait être l'objet de mes recherches : plusieurs touffes de longues herbes au bout desquelles pointaient des fleurs jaunes pâles.
Je m'accroupis et coupai une des tiges. Tout en retirant mes gants, je frottai une poignée du végétal entre mes doigts. Il en jaillit une sève d'une couleur marron crème.
(C’est ça !!)Pour en tester l’efficacité, j'entrepris de me badigeonner la main entière de ce liquide. Le résultat n'était pas parfait mais suffisamment trompeur. De plus, les plantes étaient riches en sève, je pourrais donc me fabriquer de grandes doses de teinte.
(Est ce que c’est étanche à l'eau ?) Je devais prendre cette éventualité en compte pour les jours de pluie. Ne rien laisser au hasard.
Je descendis au plus proche du point d'eau, écartant les joncs qui bloquaient mon passage. J'étais devant la mare, les pieds dans la terre molle, lorsque j'entendis un bruit qui me fit sursauter. Une espèce de cri strident qui venait de ma droite.
Je me tournai pour voir une bête blanche, de la taille d’un chien, avec un os sur la tête duquel jaillissaient trois pointes.
(Un sarinsa !) Je connaissais cet animal, bien que je n’en aie jamais vu un vivant. Sa fourrure blanche se vendait au marché de Tulorim.
Il devait avoir établi un terrier dans les parages, profitant de la végétation dense et abondante dont il pouvait se nourrir. Je savais que je ne devais pas être trop brusque dans mes mouvements ou l’animal allait me charger.
(Je ne tiens pas à me faire empaler une jambe.) Les chasseurs parlaient beaucoup de cet animal qui pouvait faire beaucoup de dégât si on avait le malheur de le sous-estimer.
Le sarinsa devait être descendu jusqu’au point d’eau pour se désaltérer. Je sortis la dague de ma ceinture en faisant le moins de bruit possible. Je devais être prêt à me défendre, même si l’idée de me frotter à le rongeur ne m’enchantait guère. Malheureusement, je n’avais pas encore prélevé la ralsena qu’il me fallait.
(Mieux vaut m’écarter, attendre que l’animal ait fini de boire et revenir après.) Je m’éloignais à reculons du point d’eau sans quitter l’animal des yeux.
Pendant ce temps, le sarinsa faisait des petits mouvements de têtes de gauche à droite tout en humant l’air. J’avais entendu dire que cet animal était pratiquement aveugle, il devait donc être en train de me chercher à l’odorat et à l’ouïe. Malheureusement pour moi, le vent soufflait dans mon dos et dirigeait mon odeur vers lui, si bien qu’il devait savoir où je me trouvais.
« !!! »En reculant, je glissai subitement sur un rocher humide et tombai à la renverse. Ce mouvement brusque de ma part dut effrayer l’animal car il me chargea aussitôt. N’ayant pas le temps de me relever, je fis une roulade sur ma droite pour éviter l’attaque. Les pointes acérées du sarinsa me manquèrent de peu. Je me relevai aussi rapidement que possible et fis quelques pas en arrière.
(Ma dague !) Je m’aperçus alors que j’avais lâché mon arme pendant ma chute. Alors que la bête avait elle aussi marqué un temps d’arrêt, je vis le poignard juste derrière elle. Le sarinsa était de nouveau en train de renifler l’air à la recherche de mon odeur mais j’avais désormais le vent de face. Je calmai ma respiration. Le sarinsa ne pouvait désormais me repérer qu’à l’ouïe. Je regardai autour de moi pour trouver un projectile. Je m’accroupis doucement et m’emparai de deux cailloux. Je lançai le premier, de petite taille, vers sa gauche. A l’impact, l’animal se tourna alors de côté. Lorsqu’il me faisait face, l’animal était protégé par son gros os frontal, mais plus dans cette position. J’en profitai pour lancer le second caillou, de la taille de mon poing, le plus fort possible sur son flanc. Il poussa un cri strident lorsque la pierre le heurta au niveau de la cuisse. Je me précipitai alors sur lui et, d’un coup de pied, le mis à terre. Je ramassai alors ma dague pour l’achever, mais l’animal se remis rapidement sur ses pattes et me chargea aussitôt. Mais cette fois ci, j’étais mieux préparé et l’animal affaibli était moins rapide. J’esquivai l’assaut au dernier moment et abaissai ma lame. J’essayais de viser la base du crâne, mais ma dague s’enfonça dans son dos. La vitesse de la charge de l’animal me fit de nouveau lâcher mon arme. Le sarinsa touché fit quelques mètres puis perdit l’équilibre avant de s’effondrer. Sans lui laisser le temps de se remettre, je plaquai mon pied sur sa tête pour le maintenir au sol, retirai ma dague de son dos et lui enfonçai aussi sec dans la gorge. L’animal rendit son dernier soupir rapidement.
A bout de souffle, les muscles tremblotants, je m’assis. J’avais bien besoin de me calmer avant de faire quoi que ce soit. Les combats improvisés et de front n’étaient pas trop mon fort.
(Analyse, plan d’attaque et exécution. C'est comme ça que ça devrait toujours se passer.)Cependant, je ne pouvais pas trop m’attarder ici. Si le sarinsa était venu s’abreuver a ce point d’eau, d’autres animaux pouvaient encore venir. Dont certains fauves plus dangereux qu’un simple rongeur apeuré. Je testerais l’étanchéité de la sève de ralsena une fois à l’auberge. Je me dépêchai donc de récolter le maximum de ralsena et quittai la mare en direction de la ville.