Dans le chapitre précédent…Arc du Souffle du Voile
Chapitre VIII : Clair de Lune et Croc de Loup
Akihito dormait d’un sommeil sans rêve, du moins c’est qu’il se passa. Aussi, quand des hurlements et des flashs lumineux le réveillèrent, il pensa d’abord qu’il était en train de rêver et ne s’en inquiéta pas outre mesure. Il se leva tranquillement et pris la mesure de ce qui se passait autour de lui : les Thorkins criaient, couraient dans tous les sens, armés et muni d’une torche pour la plupart.
C’est lorsque Hïo le secoua en beuglant de se dépêcher, lui fourrant son épée courte entre les mains, que le jeune homme se réveilla complètement ; il ne savait pas ce qu’il se passait, mais vu le visage grave des nains et celui apeuré de son ami, il allait y avoir quelque chose de gros qui allait se produire, ou qui s'était produit.
« Qu’est ce qui se passe ? cria le mage.
- Frior a entendu une meute de loups hurler à la Lune ! Ils sont tout proche, sûrement en haut d’une de ces collines !- Et alors ? Ils ne vont pas nous attaquer si ? Les loups devraient avoir peur de nous !
- Bien sûr qu’ils ont peur de nous ! Mais ces derniers temps les loups attaquent de plus en plus les fermes et habitations isolées, les paysans ont massivement chassé le gibier avec le rude hiver qui a bien entamé leurs réserves de nourriture ! Et les loups commencent à avoir faim avec tout le gibier qui disparait !
- Bordel de… » jura Akihito en rejoignant le feu de camp ravivé dans l’urgence.
Les Thorkins s’étaient déjà rassemblés et formaient un cercle autour du feu, avec Pétunia et Quibim au centre, la première ne sachant pas se défendre et la seconde ne pouvant pas se battre au corps à corps avec ses couteaux de lancer.
D’un mouvement de tête qui ne laissait place à aucune discussion, Brumal indiqua aux deux humains de se placer au centre du cercle : ils n’avaient que peu l’expérience du combat réel, et ne feraient pas long feu en première ligne face à des loups rendus agressifs par la faim. Refusant tout de même de ne pas pouvoir se défendre si un des nains venait à tomber, Akihito dénuda sa lame et Hïo s’équipa de la masse qu’il avait prise avec lui en quittant Oranan.
Le contact entre la main du jeune homme et la garde de cuir vieilli de son épée ainsi que son poids familier le rassurèrent, lui donnant un peu de courage.
(Ce sont des loups, certes, mais mon épée est assez tranchante pour blesser un loup. Et je n’aurai sûrement pas à l’utiliser, Brumal et les autres doivent avoir l’habitude de se battre, des loups ne devraient pas leurs poser beaucoup de problèmes.)
Un nouveau hurlement déchira alors la nuit : les nains se tendirent, serrant plus fort leurs armes en main, à qui une hache, à qui un lourd marteau de guerre nain. Les jumeaux eux travaillaient en tandem, Frior tenant un large bouclier et une torche dans la main (son glaive étant resté à sa ceinture) et son frère Fruar une grande hallebarde, presque trop grande pour lui, qu’il maniait cependant avec aisance.
Entre les espaces des caravanes, Akihito aperçu des ombres furtives.
(Les loups sont là !)Akihito essaya alors de se rappeler des rares paroles que son père lui avait dit à leurs sujets.
« Les loups sont féroces, rapides et forts, mais résistent mal aux coups : si tu tombes sur un loup, et si tu arrives à esquiver sa première attaque, profites de cette occasion pour lui porter un bon coup : il sera assez blessé pour être facile à achever.
Par contre, s’il te saute dessus, mets ton bras en opposition devant ta gorge, c’est le premier endroit qu’essayera de viser un loup : et mieux vaut avoir un bras saignant abondamment qu’une gorge arrachée sauvagement ! »« Ils arrivent ! Tenez-vous prêts ! » hurla Brumal.
Les loups se glissèrent sans un bruit dans les espaces entres les charrettes, observant et montrant les crocs. Ils faisaient tous un peu plus de 1m au garrot, presque aussi haut que Quibim, ce qui ne sembla pas la déranger outre mesure, armant son bras pour un premier lancé qui s’avérerait décisif dans le combat qui opposerait le loup touché au nain qui l’affronterait.
« Regarde comme ces loups sont maigres ! chuchota Hïo.
Combien cela fait-il de jours, de semaines, qu’ils n’ont pas mangé à leur faim ? - On est leur prochain repas Hïo, alors pour l’amour de Rana, concentre toi ! »(Ils sont 5… 6… Non 7, un autre arrive !) compta mentalement le mage.
Un loup au pelage gris tacheté de blanc fit alors son apparition. Il était légèrement plus grand que les autres, mais la lueur sanguinaire de ses yeux et son gabarit autrement plus large que ses congénères le placèrent immédiatement comme le mâle alpha. Il grogna en montrant une dentition terrifiante.
Soudain, il hurla à la lune et se mit à charger de concert avec sa Meute le cercle des Thorkins, face à Drom, jugeant qu’il n’y avait pas lieu de jauger plus longtemps la menace d’une dizaine de petits humains, tout armés qu’ils furent.
Le premier des prédateurs à être sur les Thorkins ne fit pas long feu : accueillit par un couteau de lancer de Quibim qu’il reçut dans la patte avant gauche, il trébucha dans sa charge et arriva aux pieds de Gramaar qui acheva la bête en lui fracassant le crâne de son marteau.
Les autres attaquèrent plus ou moins simultanément un instant après et le combat qui en résultat fut aussi rapide que brutal. Un énorme loup sauta sur Frior, le renversa et celui-ci ne dut sa survie qu’à son bouclier qui empêcha le loup de lui arracher la moitié du visage, s’abritant derrière. Friar se trouvait à la gauche de son frère, et donna en hurlant un terrible coup de hallebarde qui entailla profondément le flanc du loup, libérant Fruor en tombant à la renverse devant Akihito qui, sans un instant d’hésitation, enfonça sa lame dans la gorge.
(Lui n’aurait pas eu de scrupule à m’attaquer au sol.) se dit Akihito, le cœur au bord des lèvres, en voyant les fluides vitaux carmins s’échapper à gros bouillon de la gorge ouverte du loup ainsi que goutter le long du fil de sa lame.
De leur côté, Brumal et Noruk avaient expédiés chez Phaïtos leurs adversaires respectifs d’un coup de hache, et celui ayant affronter le chef du convoi avait la tête tout bonnement séparée du poitrail, remarqua le jeune homme.
Yveltam avait quant à elle proprement empalé son loup sur sa lance, mais saignait d’une blessure dû à un coup de griffe que le loup famélique avait réussi à lui porter.
Pour Drom et Jorund en revanche, les choses tournaient mal. Jorund hurlait par terre, se tenant le bras sanguinolent où le loup avait profondément enfoncé ses crocs. L’œil gauche du prédateur était crevé par la lame de la hache du Nain, aussi ne vit-t-il pas arriver le coup de masse de Hïo qui lui atteignit le flanc, le faisant lâcher le bras de sa victime pour se focaliser vers son nouvel adversaire. Alors qu’il se ramassait pour sauter sur le forgeron, celui vit Dunn’Kur fendre les airs pour aller se planter profondément dans la cage thoracique du loup. Il mourut alors que Brumal retirait dans un bruit de succion et de côtes fracassées sa hache qu’il avait lancé, ce qui fit rendre à Hïo tripes et boyaux.
Drom, de son coté, se trouvait en bien fâcheuse posture également : allongé sur le sol, le loup alpha au-dessus de lui essayait de le mordre à la gorge. Il repoussait tant bien que mal les assauts de la mâchoire du loup, mais celui-ci, fatigué d’être gêné par le manche du marteau de guerre, posa violemment une patte sur l’avant-bras de Drom, le forçant à lâcher prise sur le manche de son arme. La bête allait plonger sa gueule vers la gorge du malheureux Drom, mais le chef de meute vit alors une ombre menaçante sur son côté gauche, et esquiva de justesse le meurtrier swing du marteau de Gramaar. Un couteau de lancer frôla l’échine du loup, ce qui lui ajouta un nouvel ennemi potentiel en la matière de la petite humaine à la crinière noire.
« Valyus, Dieu au Bouclier Foudroyant, aide moi à protéger Drom ! »Dans un crépitement sourd, la Décharge de Valyus du fulguromancien fendit l’air et toucha au flanc la bête, lui arrachant un glapissement de douleur. Le mâle alpha contempla alors sa meute anéantie et prit la fuite en traînant la patte, jugeant que le combat n’en valait plus la peine.
Personne ne le poursuivi pour l’abattre, respectant les interdits de Valyus et n’y voyant aucun intérêt, préférant s’occuper des blessures des leurs. Pétunia démontra alors ses talents d’herboristes et de guérisseuse et réagi immédiatement en allant chercher sa sacoche dans la charrette, en criant à Gramaar de faire chauffer de l’eau pour les bandages. Akihito, lui, tomba par terre, laissant les pulsations de son cœur lentement redescendre.
(Mon corps n’avait pas encore tout à fait récupéré… Heureusement que Frior et les autres étaient là pour nous protéger, je n’aurais pas tenu en un contre un…
Au moins avec cette dernière attaque, j’ai tout de même réussi à mieux gérer mon fluide !) Il alla ensuite voir Hïo et lui proposa de l’eau de sa gourde pour qu’il se rince la bouche, ce qu’il accepta, les yeux vitreux, avant de tout revomir.
« Je savais que ce serait terrible… Mais tu aurais entendu… Le bruit écoeurant d’une lame qui traverse les chairs… Les débris des os qui se détachent et crissent sur l’acier… Même ma masse, j’ai senti les côtes du loup se briser sous le choc...- C’est normal de ressentir ça Hïo, même moi j’ai failli rendre tout ce que j’avais mangé, mais c’est ça un combat mon vieux. Tu comprends maintenant pourquoi mon père ne mangeait que de la purée d’avoine et des amandes à chaque fois qu’il partait en patrouille ? Même si on s’y habitue, ni toi ni moi ne pourront jamais y devenir insensible. Ou alors, il faudra qu’on soit devenu fous à lier tous les deux !- Tas raison... Il n’empêche, moins j’aurai l’occasion d’ôter la vie à des êtres vivants, mieux je me sentirai !- Ah ! Alors les poupées mort-vivantes d’un nécromancien ne te gêneraient pas ? taquina Akihito.
- Tu tiens VRAIMENT à ce que je vomisse le fin fond de mon estomac sûr tes bottes ? » menaça son ami avant d’accepter sa main tendue pour l’aider à se relever, rejoignant ainsi le groupe des Thorkins qui étaient sorti, au prix de quelques blessures, victorieux de son affrontement avec la Meute.
A suivre…