Les Rues de la CitéLeoj pénétra dans l’étrange pièce où régnait un chaos des plus ordonnés : une armée de fioles, parchemins et baguettes se disputaient les étagères alors que toutes sortes de robes, bâtons et autres bizarreries magiques reposaient dans différents rangements assez astucieusement placés afin d’attirer l’œil du connaisseur comme celui du parfait profane.
Le nouveau venu ne sachant où donner de la tête tant cela lui semblait inhabituel, le vieil homme vint lui proposer ses services après quelques instants.
"Vous m’avez l’air quelques peu perdu, jeune homme."Leoj détourna son regard des étagères et lui fit face. L’homme semblait connaître son affaire et ne semblait pas pour autant regarder de haut celui qui, jusqu’il y a encore quelques jours, n’était le simple apprenti forgeron d’un village de campagne. Il semblait pouvoir vous connaître simplement en échangeant un regard avec vous.
"Cela se voit tant que cela ?" plaisanta le voyageur mis en confiance de manière presque instinctive.
"Disons que je sais reconnaître un néophyte quand j’en voit un. Bon, êtes vous intéressé par quelque chose de précis ?""Oui, des conseils dans un premier temps, puis peut être un petit artefact si mes finances me le permette. Si cela ne vous dérange pas, pourriez vous m’enseignez les choses primordiales à savoir en matière de magie."Le vieil homme le regarda dans les yeux, souri un instant en semblant y apercevoir un éclat l’intrigant puis se dirigea vers la porte et retourna le petit écriteau indiquant qu’il été ouvert.
"De toute manière aujourd’hui les clients ne se bousculent pas à ma porte. Commençons par le commencement : à quels éléments appartenez vous, jeune homme ?""Je pense qu’il s’agit de l’ombre.""Tien, il n’est pas très habituel de voir passez quelqu’un de cet élément avec un tel enthousiasme. En général, je n’arrive pas à leur arrachez plus que ce pourquoi il sont entrez ici." Expliqua-t-il en contournant le comptoir.
"C’est que, voyez vous, je ne sais que ce type de fluide ne coule en moi que depuis quelques jours, et personne autour de moi ne pratiquait la magie. C’est pour cette raison que je suis venue dans cette cité : pour apprendre."Aussitôt, le marchand pris un air sérieux et regarda Leoj une gravité presque palpable.
"Est-tu bien sûr de vouloir poursuivre cette voie ? Les enfants de l’ombre souffrent autant qu’ils font souffrir et la mort plane sur chacun d’eux. Tu as encore le choix : ceux qui refusent de porter ce fardeau peuvent vivre dans l’anonymat sans en subir de conséquences.""Ecoutez moi bien, monsieur, je ne cherche à servir ni les dieux, ni les hommes et encore moins mes instincts les plus primitifs. Dans mon existence, rien n’a jamais retenu mon attention hormis une chose et une seule : mes rêves. Les réaliser est mon souhait le plus cher. Sans eux, je ne serai rien et je préférerai mourir sur le champ plutôt que de vivre une seconde de plus. Ma vie ne valait pas grand-chose il y a encore une semaine et sans ce bouleversement inespéré je serai encore à l’heure qu’il est en train de forger une fourche à la noix. Encore une chose, sachez que mes songes ne me montrent du chaos que pour que j’y mette fin, et pour cela, je doit changer, évoluer et en y repensant bien les ténèbres peuvent me servir sans pour autant que je ne les servent."Cette dernière phrase laissa le néophyte sans voix, à parler à un inconnu de ces pensées depuis longtemps gardées secrètes il se libérait d’un terrible poids. Le vieil homme quant à lui s’affaissa sur son siège et se mit à rire dans sa barbe.
"Qu’y a-t-il de drôle ?""Disons que cela faisait bien longtemps que je n’avez vu pareil optimisme chez quelqu’un de ton age."Le jeune homme semblant vexé, le vieillard étouffa son rire avant de reprendre la parole.
"Après tout pourquoi pas, un idéaliste comme toi ne peut pas faire plus de mal à un monde aussi torturé que le notre."Leoj esquissa un léger sourire et il écouta les paroles du vieil homme. Il lui apprit rapidement comment se servir de ses pouvoirs en maîtrisant son énergie et en visualisant les effets désirez, il lui enseigna la théorie sur comment ouvrir un parchemin et une foule d’autres informations sur son élément mais également sur les autres afin de ne pas être pris au dépourvu. Il en profita pour le mettre aussi en garde sur les dieux et leurs caractères parfois irrationnels, surtout envers ceux qui créèrent la magie circulant dans ces veines : Thimoros et Phaitos.
Plusieurs heures plus tard, le vieux marchand se leva en se plaignant légèrement d’être resté assis trop longtemps et soupira avec un air amusé :
"Il est temps de passé à la pratique.""La pratique ?"En ramenant quelques parchemins cachetaient de noir de sa réserve, il demanda de combien Leoj disposait sur lui. Malgré que ce dernier lui réponde qu’il ne possédait pour seule richesse que de quelques dizaines de yus il afficha un air indiquant que cela n’a guère d’importance. Il écarta certains rouleaux et en disposa trois devant son élève d’un jour en les nommant et en expliquant leurs effets l’un après l’autre. Après une réflexion de quelques minutes ce dernier se décida.
"Je prendrais ce parchemin d’ombre, on verra plus tard pour les autres."Remplaçant le vieux parchemin par son prix en espèces sonnantes et trébuchantes, il s’empressa de l’ouvrir en canalisant son énergie dans le caché qui dégagea une sombre lueur avant de céder. Le texte lui-même n’était pas lisible pour le profane.
"Rejoins moi sur le toit quand tu auras fini, j’ai un petit quelque chose pour toi »Le marchand disparut dans sa réserve, laissant seul et en pleine concentration le jeune homme. Au bout de plusieurs minutes à fixer le parchemin dans tout les sens et ne sachant lire cette étrange écriture, il fit un raisonnement simple : peut être cela fonctionne-t-il comme le cachet, en concentrant l’énergie quelque part. Cette idée simple créa un déclic dans l’esprit de Leoj. Aussitôt il accumula son énergie dans ces yeux, et les formes sur le parchemin se muèrent en une langue qu’il put déchiffrée sans la comprendre. Une fois la lecture terminée, son esprit ressentit comment déclencher le sort même si ce dernier demanderait sans aucun doute plus d’efforts qu’une petite concentration de quelques dizaines de secondes.
Se rappelant des paroles du vieil homme, Leoj pénétra dans la réserve de la boutique, puis gravit les marches menant au toit en pensant à la différence qu’il ressentait en lui-même entre avant l’apprentissage de ce sort et maintenant. Il ouvrit une porte donnant sur le toit du bâtiment, une petite parcelle était plane et en pierre tandis que le reste du toit était en biais et recouvert de tuiles.
"Tient il fait déjà nuit, je n’ai pas vu le temps passé." dit-il en baillant.
Alors qu’il s’avançait sur le toit, il entendit un battement d’ailes bien trop lourd pour que ce fusse un quelconque oiseau de nuit. Se retournant instinctivement, il évita de peu un coup de poing dans l’estomac, se reculant de plusieurs pas, il ne put distinguer correctement son agresseur. Deux grandes ailes de chauve-souris se recroquevillent sur le dos de la créature, celle-ci lui arrive à peu près à la taille, elle se met à se déplacer lentement sur le coté mais sa tête de chien faisant toujours face au jeune homme. C’est bien la première fois qu’il voit une gargouille et celle-ci ne semble pas désireuse de le laissez repartir par là où il est arrivé. Par imitation sans doute il se met à se déplacer dans le même sens que la créature le dévisageant. Deux options s’offrent à lui, le combat ou la chute, chuter lui serait sans doute fatale, aussi n’eut-il pas d’autre choix que de passer à l’offensive.
(Faut absolument que je la distraie le temps pour moi de passer la porte)Aussi sec, Leoj concentra toute son énergie sombre dans ses poumons, exhalant sur l’être ailé un souffle de ténèbres qui, à défaut de lui faire mal, masquerait peut-être sa fuite. Une fois la gargouille disparue dans son sort, il courut vers la porte en contournant la position supposée du monstre. Arrivé à portée de la porte, il s’apprêtait à l’ouvrir lorsqu’il fut tiré par le col dans l’obscur nuage. La seconde suivante, il était face contre terre, la gargouille assise sur son dos en lui maintenant les bras dans une position plutôt douloureuse. Un moment il crut qu’elle été sur le point de les lui briser jusqu’à ce qu’un applaudissement se fit entendre.
"Pas mal l’idée de la diversion mais à ton niveau actuel tu aurait eu davantage de chances de survit en te jetant dans le vide."Le vieil homme sortit de sa position cachée puis fit un geste, la gargouille lâcha prise et se dégagea du dos de Leoj en l’aidant à se relever. La gargouille était en faite un création du marchand, lui expliqua-t-il, afin d’éviter les cambrioleurs et lorsque la question de la raison de cette mascarade se fit entendre, le vieux sage ne répondit qu’une seule chose :
"Je t’avais promis quelque chose et c’est une leçon dont tu te souviendra : dans un combat, un mage comme un guerrier doit savoir identifier la menace, la mesurer et utiliser toutes ses compétences dans le combat comme dans la fuite de manière instinctive. Tes sorts sont tes armes, aussi ne les utilisent jamais sans un minimum de réflexion."Promettant de revenir après avoir gagné un peu d’argent afin de parfaire son apprentissage, Leoj remercia le vieil homme pour ces leçons, puis sortit de sa boutique afin de prendre un repos bien mérité.
L'Auberge de l'Au-Delà