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Une bière à la taverneAu sortir de l'auberge, je passais promptement chercher mes quelques affaires à l'hôtel de L'Au delà avant de me diriger au Sud de la ville, en direction de mon terrain d'entraînement habituel.
L'entraînement.
Une bien piètre occupation en réalité, mais la seule – outre le combat – capable de me tirer quelques temps de mes sombres afflictions. Bien sur, il y a l'alcool. Car l'alcool est une belle panacée, certes, mais elle ne fortifie pas. Or seule la force est importante. Peu importe le reste. Uriel quant à lui ne manque pas d'exprimer son avis sur la question.
[Ç'plutôt étriqué comme façon d'penser tu trouves pas ?]
[Non. T'en as une meilleure à proposer je suppose ?]
[T'sais la force n'fait pas tout.]
[Ma force me permet de vivre comme je l'entends.]
[P'têtre bien, mais tu passe à côté de pleins d'trucs agréables.]
[Ha oui ? Et de quel genre ?]
[La vertu, l'amour … ç'genre de trucs.]
[Tu n'as pas l'air toi même bien convaincu mon pauvre !]
Devant l'indéniable vérité, l'esprit malin ne répond pas : il a trouvé plus rusé que lui. Sans doute jubilerais-je de lui avoir cloué le bec ce coup-ci, si le sujet n'avait pas déjà été maintes fois abordé - chaque fois en vain.
Ce genre litige m'indiffère totalement à présent tant j'y suis habitué, bien que ce ne fût pas toujours le cas auparavant.
Uriel pour sa part, semble de moins en moins enclin à la discussion et sans doute est-ce dû à nos altercations épisodiques. Certes je n'ai peut être pas un caractère facile, mais j'ai parfois peine à croire que cette peste ambulante ait été autrefois mon ami. Entre ses conseils inutiles et son humour acerbe, j'ai de plus en plus de mal à supporter sa compagnie. Et pourtant, je ne peux pas me débarrasser de lui car il est le seul qui me connaisse vraiment ...
Qui connaisse mon passé ...
Le trajet se poursuit donc dans le silence.
Le soleil est à présent haut dans le ciel est frappe durement le continent et ses habitants. Fort heureusement, je suis à couvert sous les arbres puisqu'en effet, je dois traverser la forêt pour atteindre le pied de la montagne. La route n'est pas très longue cependant, et après une bonne heure de marche rapide, j'arrive sans encombre - quoique déjà transpirant - dans la carrière à présent familière. Rien n'a changé depuis la semaine dernière, avant l'expédition. Il s'agit toujours de ce cirque de calcaire poussiéreux si apte à maculer mes vêtements humides de sueur.
Impatient de commencer, je dépose mon bagage contre un rocher, ôte ma cape de voyage, et me place au centre de l'arène. (Bien, commençons ...)
Je ramasse alors un simple cailloux, un morceau de craie assez compact. Par expérience, je sais que les roches calcaires sont les plus faciles à manipuler, mais qu'elles sont surtout très friables, donc en définitives, peu propices à l'attaque. La première chose à faire est donc de renforcer la pierre. Tenant le bloc dans ma main droite, une simple pression suffit à la briser. Je ferme alors les yeux, serrant toujours les débris dans mon poing. Je me concentre. La magie afflue. Lorsque je la transmet dans la pierre, je parviens à en sentir la matière. Avec suffisamment de rigueur, il est aisé de modeler la terre selon son bon vouloir, et je réussi sans mal à reconstituer le bloc originel. Quoiqu'ayant chassé les porosités, le voilà maintenant plus petit, mais surtout bien plus solide.
La performance est relativement sommaire et ne me prend pas plus de quelques minutes, mais le soleil à présent découvert de la frondaison arboricole me donnait de nouvelles suées. Qui plus est, la relative longueur de l'exercice ne permet pas une application concrète en combat, ce que je trouve particulièrement dommage.
Ainsi, je décide de passer à l'étape suivante.
M'aidant d'une incantation simple, je fais surgir quelques pylônes du sol dont la forme s'apparente vaguement à un humanoïde. Une demi-douzaine tout au plus, à peine de quoi pratiquer quelques passes avant d'entamer un déjeuner tardif. Sortant mon épée d'argent noir, je me positionne en garde, devant la première statue, jambes fléchies et bras pliés, les épaules de profil, la pointe de mon arme à hauteur du menton. Un rapide pas en avant, une taille puissante et la voilà décapité. La tête n'est pas encore tombée que je me place déjà derrière "mon adversaire" d'un pas chassé et enfonce la lame dans la pierre tendre de son dos. Poursuivant ma course, je fonce sur le second mannequin, prêt à lui enfoncer l'épée dans les excroissances grotesques qui lui servent de membres.
La fièvre du combat m'envahit complètement. Qu'importe qu'il s'agisse de pantins inanimés, je cours, je frappe et l'excitation me submerge. Seul manque le risque, et la mort.
Mais sur le moment je n'en ai que faire, je relâche cette tension, ce bouillonnement d'émotions contenues en moi et que je ne sais exprimer autrement. Le combat est ma raison de vivre et la seule ! La seule qui me fasse oublier, ou me souvenir ...
La seconde statue ne fit pas long feu. Quoique mal armé, l'assaut chargé fit exploser le buste plus qu'il ne le taillada, ne laissant debout que les jambes de l'adversaire immobile. Me dirigeant vers une troisième, j'optais pour un estoc feinté, alors qu'un quart de tour sur moi même me permis en réalité de lui couper un bras. J'en restais là et me dirigeais maintenant, sans précipitation, vers le quatrième, récitant une incantation presque muette sans le quitter des yeux. La terre se mit à trembler un bref instant avant qu'un large pic ne jaillisse du sol pour transpercer le buste de sa victime, brisant net ses attaches terrestres pour le suspendre à deux bon pieds du sol.
Satisfait, je me tournais à présent vers les deux dernières cibles. Toujours immobiles et n'opposant aucune résistances, elles attendaient tranquillement de retourner en poussière. Cette passivité fit monter en moi une colère irraisonnée, mais froide. Dégoûté, je me contentais de réciter une formule pour faire imploser les statues et les rendre à leur terre d'origine.
Une imprudence, car un éclat de pierre projetés par le sort m'entailla le torse.
(Hmpf … Au moins celle-ci se sera défendue.)
Essuyant négligemment le sang d'un revers de la main, j'allais m'asseoir sur la roche plate à côté de laquelle j'avais déposé mes affaires quelques instants plus tôt. J'essuie alors mon arme, la faisant de nouveau briller d'un éclat étrange dans le soleil. Un métal shaakt à la surface. Quelle ironie.
J'entrepris de surveiller un moment l'état de la lame. En effet, il est de notoriété publique que faire de l'escrime contre des rocher n'est pas la meilleure façon de prendre soin d'une arme. Je remarque quelques fêlures qu'un peu de magie et de concentration me permettent de réparer. J'en profitais même pour l'aiguiser. Ce n'était pas la première fois que j'entretenais mon épée de cette façon, mais manipuler de l'argent noir me fait toujours un drôle d'effet. Une réminiscence du temps passé à Gwadh sans doute …
Chassant de mes pensées ce souvenir pénible, je rengainais pour me concentrer plutôt sur mon repas de midi. Dans le sac, un quignon de pain sec à l'avoine et quelques fruits. Un repas frugal en somme. Mais la chaleur ambiante me donnait d'avantage soif qu'autre chose, aussi cherchais-je mon outre.
« Merde ! J'ai oublié l'eau ! »
Dépité, je lançai négligemment le sac dans la poussière. J'étais bon pour chercher une source, quoique ce ne devait pas être difficile au pied de ces montagnes. La fonte des neiges a toujours apporté une quantité d'eau potable non négligeable à Yarthiss par ailleurs. (Les Montagnes Sèches ? Pff, quelle ironie ...)
Résigné, je finis par me lever et partir en direction du sud-ouest, longeant la chaîne de montagne Imiftilienne. La promenade est tranquille, presque reposante, mais je n'ai absolument pas la tête au loisir. Ma gorge rendue râpeuse par la poussière de craie me lance, j'ai besoin de boire. Et de toute façon, cela ne change rien : j'ai soif !
Un bruit à ma gauche me tire soudain de mes ruminations. Doutant qu'il s'agisse d'un être humain dans ce coin esseulé, je n'y prend pas garde, supposant allègrement qu'il s'agisse d'un animal apeuré par mon approche.
Je maudit toutefois mon insouciance pour avoir laissé mon arme à la carrière, stupidité dont Uriel ne manque pas de se gausser ouvertement, allant jusqu'à apparaître sur mon épaule, ce qu'il n'avait plus fait depuis bien longtemps déjà lorsque je l'avais sèchement envoyé paître d'une claque trop rapide pour lui.
« Ha ! C'est balaud non ? »
L'ignorant ouvertement, je poursuis mon chemin. Mais le démon ne lâche pas l'affaire.
« 'faut croire que j'avais raison, ta force fait pas tout. J'dirait plutôt qu'elle t'siphonne le cerveau. »
Je n'ai pas le temps de rétorquer, car sur un flanc escarpé l'entrée noire d'une galerie souterraine se découpait très clairement sur la pierre blanchâtre. Or, curieux que je suis, je ne pus m'empêcher d'aller discrètement jeter un œil, prudemment car déjà bien moins certain quant à la nature de ma rencontre précédente. Nombres sont les créatures belliqueuses qui pourraient se terrer dans une caverne pareille.
En m'approchant, je discerne plus aisément des gravures et autres décorations sur le fronton, quoiqu'elles soient en partie cachées par le lierre et les racines. Au seuil même du tunnel l'ombre était impénétrable, les ténèbres presque palpables. Une odeur de poussière mêlée à celle de la vieille charogne me fit froncer le nez, mais l'opportunité d'explorer une galerie inconnue me ravissait au plus haut point. Nul doute que l'excitation et le combat seraient au rdv.
Toutefois dépourvu de torche, de rations et surtout d'arme, je ne me risquais pas à l'aventure tout de suite. Je songeais avant tout à Kesh qui m'aurait surement dégoté un client d'ici ce soir. Une fois de retour d'expédition, il sera toujours temps de me risquer dans ce tunnel.
Excité par ma découverte, je retournais promptement à la caverne, bien plus vite qu'à l'aller, tout en m'efforçant de repérer mentalement les lieux afin de retrouver l'endroit plus tard sans encombres. Récupérant mon épée, je m'empressais de trouver une source pour me désalterer et poursuivre mon entraînement, mais tandis que je m'escrimais, la pensée de ce tunnel m'obsédait et je ne parvint pas à le chasser de mes pensées. Ce manque de concentration gênait mes exercices, aussi préférais-je repartir pour la ville ...
(en cours de révision)