L'Univers de Yuimen déménage !


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 Sujet du message: Les souterrains
MessagePosté: Jeu 30 Oct 2008 22:23 
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Les souterrains


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C'est dans le cœur de la cité que se trouve le plus grand secret d'Hidirain: les souterrains. Creusés et bâtis par les Nains, agrandis par les Elfes, ils n'appartiennent ni à Hidirain, ni à Rock Armath. Les deux peuples découvrirent à leur étonnement un réseau de grottes déjà existant pourvu d'un trésor sans nom, ayant forgé la richesse de la double-cité.


Aujourd'hui, une partie des souterrains s'est effondrée, mais les trésors restent toujours. Il n'existe plus que trois entrées: une dans le temple de Yuimen, protégée par les prêtres selon l'ordre du dirigeant elfe; une dans la vieille cité naine protégée par des guerriers selon l'ordre du roi nain; la dernière est au fond de l'armurerie, protégée par le forgeron qui a, selon la tradition, du sang elfe et du sang nain dans les veines...

Les souterrains en eux-mêmes sont une série de grottes et de tunnels, certains naturels, d'autres artificiels. Vous passerez des ponts surmontant des failles, des escaliers gravissant vers l'extérieur ou descendant vers les profondeurs, croiserez des ruisseaux de lave et des ennemis terrifiants...

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 Sujet du message: Re: Les Souterrains
MessagePosté: Dim 26 Juil 2015 22:34 
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De plus en plus loin. De plus en plus profondément. J'avance pendant un bon moment dans ce couloir régulier où je me suis réveillé, seuls quelques rares départs de galeries ici et là troublent la monotonie de ma marche, mais à chaque intersection je m'en remets au courant d'air qui file toujours dans ce qui semble bien être une sorte d'axe menant de la cité proprement dite à quelque zone éloignée. La pente est faible mais pourtant inexorablement descendante, si bien qu'au bout de quelques heures de marche le dénivelé doit être assez conséquent. Mais rapidement la notion du jour et de la nuit disparait, sous terre, faute de repères, et l'estimation du temps qui passe se fausse peu à peu, des heures deviennent des minutes, des minutes des heures. Fait-il jour, ou nuit dehors? Mystère, je suis entré voilà bien peu de temps dans ces cavernes, et je suis déjà incapable de déterminer depuis combien d'heures j'en parcours les méandres. Cela n'a plus grande importance de toute manière, seul compte d'avancer, encore et encore, prudemment pour ne pas trébucher, vigilant en passant devant les ouvertures qui jalonnent mon parcours, qui sait ce qui peut en jaillir?

Mais rien, la zone semble déserte, seule la forme peu naturelle de la galerie rappelle qu'il y a eu un jour des êtres dans ces tréfonds, extrayant roche et précieux minerais pour créer ce labyrinthe. Nulle faune, si petite soit-elle, nulle flore évidemment, je suis au coeur même du Rock, ou assez près pour que déjà il règne en maître absolu.

Je finis par déboucher dans une vaste salle visiblement naturelle et approximativement circulaire, et dont le plafond culminant à une bonne cinquantaine de mètres au-dessus du sol rocheux inégal est décoré de longues stalactites translucides fines comme des cheveux. Un spectacle magnifique à la pâle lueur diffusée par mon collier, glacial et somptueux. Ombres et scintillements cristallins tissent une toile changeant au gré de mes mouvements, et pour la première fois depuis des heures, un son autre que ceux que je produits me parvient aux oreilles: des gouttes d'eau qui touchent le sol, produisant un bruit différent selon qu'elles heurtent le rocher, ou la surface d'une petite flaque. Détail banal s'il en est, mais à cet instant il m'apparaît comme quelque chose d'important, un changement notable dans mon environnement immédiat sonore et olfactif. Je remarque d'ailleurs que la milieu souterrain se modifie considérablement avec la présence de l'eau, l'humidité change la texture de l'air, la portance des sons, humidifie les dépôts qui exhalent alors une odeur moins poussiéreuse, plus végétale en quelque sorte. Je profite de l'occasion pour m'abreuver d'eau claire prise au piège d'un creux rocheux, puis après avoir grignoté un peu de pain et de viande séchée, je me mets en demeure de faire le tour de la salle, percée de plusieurs passages bas très différents du couloir que je viens de parcourir.

Le courant d'air s'engouffrant très nettement dans une galerie en particulier, je décide de la suivre, voûté pour ne pas heurter le plafond et non sans me demander à plusieurs reprises si je ne suis pas simplement insensé de faire ainsi confiance à un vieillard inconnu vu en rêve...Je ne risque pas d'avoir un problème de lumière, mais mes provisions ne sont pas inépuisables, et mon eau encore moins. La brève halte précédente m'a permis d'estimer que j'avais pour quatre voir cinq jours de vivres en économisant, et quant à la boisson, guère plus de deux jours de réserve. Néanmoins la présence d'eau dans cette salle me rassure un peu à cet égard, en deux jours je devrais bien tomber sur un autre point de ravitaillement.

Les souterrains du Rock Armath ne semblent pas avoir de fin, alors que le temps s'écoule implacablement au rythme de mes pas solitaires. Partout galeries et boyaux filent vers les profondeurs ou les hauteurs, escaliers, places aux nombreux départs situés parfois à des hauteurs inaccessibles, peut-être des mines abandonnées, qui correspondaient autrefois au niveau du sol de la salle, approfondie après coup? Mais toutes n'ont sans doute pas été creusées, ou pas par des Thorkins du moins, car si certaines semblent naturelles, il en est d'autres qui portent les signes d'une taille beaucoup plus rustique que celle des Nains. Rompu, je finis par m'affaler dans un recoin d'une petite salle dont partent deux escaliers descendants, et après un maigre repas, je m'enroule dans ma cape pour prendre quelques heures de sommeil.

Un peu plus tard, je me réveille, courbaturé par le sol peu accueillant mais prêt à reprendre mon exploration. Un rapide en-cas, puis en le rangeant, je tombe sur cet étrange objet que j'ai récemment acheté, décrit comme étant un nécessaire à écriture télépathique. Je le sors, curieux de l'essayer, bien qu'il soit peu probable que je sache si cela a fonctionné avant d'être ressorti de là! Je me concentre donc sur Sha'ale et écris au moyen de la plume fournie:

Salut Sha'ale, c'est Tanaëth. J'espère que tu vas bien. Les prêtres m'ont joué un tour, ils m'ont drogué puis perdu quelque part au fond du Rock pour m'éprouver. Je crois avoir une piste pour les surprendre, je vais la suivre jusqu'au bout, mais ça me prendra sans doute quelques jours. C'est immense là-dessous, tâche de trouver un guide si jamais tu t'aventures hors de la ville, se perdre est plus qu'aisé! Amitiés!

(Tseuh! J'aurais pu lui envoyer un rêve, ça aurait été d'une autre classe tout de même) récrimine Syndalywë pour la forme.

(Oui mais non, je ne tiens pas absolument à faire rêver un Woran, tout ami qu'il soit!)

(T'es bête! Allez, en route maintenant!)

(Ah non, j'ai encore un message à envoyer, à moins que cette fois tu ne veuilles transmettre un rêve?)

J'oriente malicieusement mes pensées vers des images sagement sensuelles, la provoquant quelque peu, et la réaction ne se fait pas attendre, elle se renfrogne dédaigneusement comme une reine à qui l'on aurait demandé de faire le ménage:

(Non, lubrique personnage! Débrouille-toi!)

J'éclate de rire, traçant vivement quelques mots rassurants et tendres à l'attention d'Ethëll, puis je range mon matériel, songeant que j'aimerais assez voir la tête du Woran et celle de ma dulcinée à l'instant où ces mots les atteindront, s'ils les atteignent jamais. Je me remets enfin en route, et une nouvelle fois le temps s'écoule, de galerie en couloir, de couloir en escalier, d'escalier en traversée de salle assez vaste pour y accueillir un village, de nef immense à petites cavernes voûtées jusqu'à ce que, pour finir, je parvienne à l'entrée d'un étroit escalier aux marches rendues glissantes par l'humidité. Je réalise soudain qu'un grondement sourd se fait entendre, produisant une très légère vibration dans la roche que je perçois en y posant la main. Une cascade, sans doute, ou une rivière souterraine, voilà qui me permettra de remplir ma gourde! J'aborde donc avec prudence le traître escalier, qui suit une pente raide de surcroît, toute mon attention tendue dans le seul but de ne pas glisser. Le grondement s'amplifie peu à peu, inquiétant et exaltant à la fois, que vais-je découvrir au terme de cette descente oubliée?

Un vide. Monumental. Sur lequel l'escalier s'interrompt net, comme si sa prolongation avait été happée par les abysses au cours d'un effondrement colossal, et dans lequel se jette en rugissant, à ma droite, un puissant et tumultueux torrent! Malgré ma vision nocturne, je ne distingue pas de fond, pas plus que de plafond, encore moins de paroi à gauche. Une bruine humide emplit l'atmosphère, la trouble, et c'est à peine si je distingue la paroi d'en face, à une distance qui ne doit pas excéder une vingtaine de mètres. Trop loin pour que je puisse espérer l'atteindre même avec l'aide de Rana, et puis de toute manière à quoi bon? Je n'y distingue pas la moindre ouverture. Une monstrueuse faille! Par Sithi! Voilà qui ne m'arrange guère! Dubitatif, je vérifie une nouvelle fois que le vent sort bien de l'escalier, ce qui est le cas, et j'observe après quelques contorsions prudentes au bord du gouffre qu'il se précipite ensuite vers le bas de la faille.

Descendre donc, à priori, mais comment? J'ai omis d'acheter cordes et pitons comme nous en avions l'intention, détourné bêtement de l'utile par quelques artefacts certes intéressants mais qui présentement ne me servent strictement à rien. Enfin, un ou deux rouleaux de corde n'auraient pas suffit pour atteindre le fond invisible, et mes minces talents de grimpeur ne m'auraient pas permis de descendre avec un minimum de sécurité en rappelant les cordes comme je sais qu'il est théoriquement possible de le faire. Pas vraiment de regrets, donc, mais par tous les dieux comment franchir cet obstacle? En le contournant? Rien d'impossible à ce qu'il y ait un moyen, mais de là à trouver la bonne succession de passages sans être guidé comme je l'ai été jusque là...je n'y crois guère. Alors que je cogite durement pour trouver une solution, mon regard se pose sur un détail de la paroi que je n'avais pas remarqué.

Je ne sais si je dois m'en réjouir, mais il y a des sortes de...marches, taillées dans le flanc de la faille, d'après les marques de burin grossières encore visibles par endroits. Du genre qui convient à un bouquetin. Je marmonne en pensée pour ma Faëra, lui désignant les quelques "marches" que je peux apercevoir:

(Je crois que le chemin est...là.)

Syndalywë apparaît sur mon épaule, s'entortillant comiquement dans une mèche de ma chevelure avant de se pencher au-dessus du vide.

(Oulà. Ce n'est pas un chemin, ça. Enfin, ça a été taillé, d'accord, mais par qui et pourquoi? Pas pour qu'un Sindel y descende, en tout cas.)

(Tu vois une meilleure solution?)

(Nous pourrions chercher un autre passage. Ou ressortir, et revenir avec du matériel, voire un ou deux tailleurs de pierre.)

(Moui. Le passage, il pourrait nous falloir des semaines pour le trouver. Et ressortir...le vieux Thorkin ne semblait pas penser que ce soit aussi facile. J'ignore pourquoi, mais j'aurais assez tendance à lui faire confiance. Fais-moi le plus de lumière possible, veux-tu?)

La lueur crépusculaire émanant de mon pendentif s'intensifie, donnant l'impression que les environs sont illuminés par un clair de lune, et il ne m'en faut pas plus pour parvenir à distinguer d'autres marches situées en contrebas. J'examine soigneusement chacune des prises visibles, me demandant sans complaisance si je me sens vraiment capable de descendre par ce dangereux sentier de chèvres.

(Hum. ça devrait aller. S'il y a un endroit que je ne sens pas, il sera toujours plus facile de remonter que de descendre...)

(Prudence, hein? C'est humide et glissant, et même s'il y a de l'eau en bas je doute que le bain te plaise autant que celui que tu as pris avec ta douce au temple de Meno!)

(Sûr que ça risque d'être à peine plus frais! Et sportif! Bon, quand il faut y aller...)

J'arrime soigneusement tout mon matériel, contrôlant fermetures et sangles, puis je m'approche du vide et me glisse de biais contre la paroi de gauche de l'escalier, m'accroupissant puis tâtonnant un peu pour trouver la première marche repérée du bout du pied. Il semble y avoir des prises pour les mains également, mais de même que les marches, je réalise très vite qu'elles sont espacées pour des êtres plus petits que moi. D'un côté il y a plus de prises, mais d'un autre côté elles ne sont pas forcément bien placées, et c'est donc en redoublant de prudence que je poursuis ma lente descente dans cet abîme insondable où gronde la fureur des eaux pareille au rugissement d'une créature titanesque, et où tournoient les vents en brutales bourrasques qui me giflent parfois d'embruns glacés.


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 Sujet du message: Re: Les Souterrains
MessagePosté: Lun 27 Juil 2015 21:46 
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Si le monde possède une gueule béante plongeant jusqu'à ses tréfonds, je crois bien y avoir été englouti. Mes bras et mes jambes me brûlent, tremblent parfois lorsque la prise est précaire, il me semble que cela fait des jours que je désescalade cette maudite paroi, et pourtant je n'en distingue pas le fond. Plus je descends plus la vapeur d'eau se fait dense, balayée en douches froides parfois violentes par les bourrasques engendrées par la cascade. Son grondement est devenu assourdissant, à tel point que même un cri puissant n'aurait aucune chance de le couvrir. Les prises sont de plus en plus glissantes, de plus en plus érodées par l'action de l'eau, alors même que mes forces déclinent inexorablement, rapprochant implacablement l'instant de faiblesse qui me sera certainement fatal. Je sens la présence de Syndalywë, plus tendue que je ne l'ai jamais connue, elle se borne de temps à autre à me donner quelques laconiques indications sur les points d'appui à disposition, ce qui ne lui ressemble guère. Savoir que ma Faëra qui voit l'avenir est mortellement inquiète, voilà qui me fait frémir...

Une main, la déplacer vers le bas, un peu sur la droite. Fermer ces foutus doigts que je ne sens plus, vérifier la solidité du rocher. Un pied, même parcours, tâtonner, le ventre collé à la paroi, trouver un petit creux où en loger la pointe, vérifier. L'autre main. L'autre pied. Allez, courage. Encore une fois, juste une fois. C'est bon. Une dernière. Avant la suivante. Et encore, et encore, gestes répétitifs, de plus en plus lents, de plus en plus incertains. Une pause. Je lape l'eau qui ruisselle sur le rocher, comme un animal, incapable de sortir ma gourde pour m'abreuver. Mes muscles sont de plomb, proches de la tétanie pour certains, et je sens un sentiment qui m'est devenu bien étranger m'envahir sournoisement. La peur. Peur surtout de ne jamais revoir Ethëll, peur aussi de ne jamais plus contempler l'astre nocturne, ou simplement bavarder avec mon nouvel ami Woran. Je me force à prendre plusieurs amples respirations, à détendre mes muscles crispés autant que je l'ose, puis réalisant vite que le simple fait d'être agrippé à la paroi me fatigue, je reprends sans plus tarder l'infernale descente.

Et merde. Il n'y a plus de prises sous moi. L'eau les a rongées, c'est à peine s'il reste de vagues bosses toutes arrondies là où auraient dû se trouver de déjà bien maigres marches. Je lève les yeux en serrant les dents, sachant avant même d'entamer mon geste ce que je verrai. Et comme prévu, une paroi, presque verticale, à perte de vue. De combien de mètres suis-je descendu dans cette faille? Plusieurs centaines, sans doute, la partie haute était finalement assez aisée et j'ai dû parcourir pas mal de chemin avant que l'épuisement ne me gagne. Quoi qu'il en soit, pas question d'essayer de remonter, je sais ne pas en avoir la force. Et descendre s'avère impossible, tout comme aller vers la gauche, cela me rapprocherait du torrent, et il me malmène déjà bien assez à cette distance. Quant à la droite...il y a bien une espèce de petite corniche qui me permettrait de me décaler dune dizaine de mètres, mais ensuite? Pour ce que j'en distingue, il n'y a pas davantage moyen de descendre là-bas.

(Tanaëth? Tu as remarqué? On entend le torrent aussi depuis le bas, maintenant. On ne doit plus être très loin du fond...)

(Voilà une bonne nouvelle. La mauvaise c'est que je ne vais plus tenir longtemps et que...je glisse!)

Je tente désespérément de m'agripper aux moindres aspérités, mais en vain, bien que j'aie l'impression que cela se passe au ralenti. J'entends Syndalyë hurler dans mon esprit, paniquée, mais si lent que me paraisse l'instant, il se déroule pourtant trop vite pour que j'aie le temps de faire quoi que ce soit. Je chute.

"SITHIIII!!! RANAAAA!!!!

On se raccroche à l'espoir que l'on peut, quand la mort nous attend sous la forme d'un joli rocher bien pointu obligeamment situé comme par hasard juste au point d'impact. Dans un geste purement instinctif, je dégaine mes deux rapières alors que je hurle le nom de la Déesse des airs, les tendant devant moi en y insufflant une explosion de Ki désespérée dans la direction approximative d'un bassin d'eau assez profond que je distingue.

Je percute violemment la surface de l'eau, dévié d'extrême justesse du roc létal par la grâce de Rana, et m'y enfonce jusqu'à buter rudement contre le fond, sonné et déjà emporté par le torrentueux courant. J'ai tout juste le temps de donner une forte impulsion du talon pour tenter de remonter à la surface, et cela me permet de prendre une goulée d'air avant d'être à nouveau entraîné vers le profondeurs par la force des flots rageurs! Et si mes deux rapières viennent de contribuer à me sauver la vie, je découvre maintenant que le fait de les avoir en main ne facilite pas précisément la natation...mais pas question des les lâcher, pas mes armes, et pas moyen non plus de les rengainer! Je bataille donc ferme des jambes et des coudes pour essayer de gagner un endroit où je pourrai m'accrocher, mais la rivière est trop puissante et me lance à plusieurs reprises contre des rochers sans la moindre douceur. Déjà épuisé par l'interminable descente de la paroi, je ne tarde pas à boire la tasse et à suffoquer, balloté comme un fétu de paille de roc en rocher par le torrent tumultueux, puis à sombrer dans une semi-inconscience bienfaisante, qu'il est bon de ne plus avoir à lutter!

(TANAËTH! NOOOONNNNN!)

Le véritable rugissement mental de Syndalywë me sort en sursaut de ma mortelle torpeur, et je me débats de toutes mes ultimes forces pour échapper enfin au monstre liquide qui s'efforce de son mieux de me briser le corps. Je n'y vois presque rien, la pâle lueur créée par ma Faëra sur mon collier n'éclaire la plupart du temps que les flots blanchis d'écume, et le noir ici est si profond que même ma vision nocturne ne le perce qu'avec le plus grand mal: il me faut une source lumineuse, si maigre soit-elle, pour y voir la nuit. Au terme d'une lutte acharnée et désespérée qui consume mes dernières ressources, je finis par m'échouer sur une sorte de petite plage de galets se trouvant dans un coude de l'immense canyon souterrain. J'ai à peine la force de me tirer hors de l'eau en rampant, à bout de souffle, vomissant eau et bile au gré de spasmes douloureux, puis je m'effondre, totalement indifférent à l'inconfort du sol caillouteux, sombrant cette fois dans une inconscience véritable.


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 Sujet du message: Re: Les Souterrains
MessagePosté: Mer 29 Juil 2015 19:54 
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J'émerge lentement, glacé, me sentant nauséeux et contusionné de partout. Un rire rauque s'échappe de mes lèvres lorsque je réalise que mes deux mains sont encore verrouillées sur les poignées de mes rapières. Longues ont été les années écoulées depuis mon passage à l'âge adulte, et bien loin me semble la cité de Kers où s'est déroulé ce mystérieux rituel dont rien ne doit être dit. Mes armes...combien de fois m'a-t'on seriné durant ma formation que je ne posséderais jamais rien de plus précieux, et que celui qui les négligeait ne méritait pas de les porter? Beaucoup trop, mais les leçons interminables semblent avoir porté leurs fruits, même sur le point de mourir le conditionnement sévère a fonctionné et j'en suis sacrément heureux sur ce coup là! Après un bref échange mental avec Syndalywë, je me redresse en forçant mes doigts à desserrer leur étreinte, puis j'essuie soigneusement mes deux lames avant de les rengainer et de vérifier le reste de mon matériel, en commençant par mon arc dont je prie les dieux qu'il n'ait pas été abimé durant mon bain forcé. Mais non, il est visiblement d'une solidité remarquable car je n'y distingue pas la moindre éraflure. Le reste de mon matériel est trempé, mais seul mon sac est endommagé, et encore assez légèrement pour que je puisse le recoudre facilement, j'ai été étonnamment chanceux dans mon malheur!

J'avale rapidement quelques fruits autrefois secs et jette dans la rivière le pain qui me restait, réduit à l'état de masse gluante bien peu appétissante, puis je me décide enfin à me lever avec précautions pour examiner l'endroit dans lequel je me trouve. Vers l'aval, juste après le coude providentiel qui m'a sauvé la mise, le torrent poursuit furieusement sa course entre deux parois verticales rigoureusement lisses, pas question de se risquer à suivre cette voie, à moins de tenir absolument à finir en charpie! Quant à l'amont d'où je viens, il est similaire, il serait tout aussi suicidaire de tenter de retourner sur mes pas que de tenter de suivre le courant vers l'aval. Mon regard se porte alors vers les hauteurs, et je ne tarde pas à apercevoir le départ d'une galerie située à une dizaine de mètres au-dessus de la petite plage de galets où je me trouve. Elle s'est creusée sur une faille visiblement, et les parois au fond de la minuscule "crique" où je me suis échoué se resserrent, assez pour que je puisse y grimper en opposition sans grand mal malgré mon actuel état de faiblesse, j'espère. Ne voyant nulle autre possibilité d'évasion, j'effectue quelques mouvements d'assouplissement avec prudence, grimaçant alors que mes muscles protestent énergiquement du traitement, mais cela reste supportable et je me lance donc sans plus attendre dans cette petite escalade.

J'atteins sans difficulté le départ repéré, parvenant dans un conduit qui doit mesurer environ cinq mètres de haut pour un de large, en moyenne car le sol est encombré d'un chaos de blocs plus ou moins important. Je constate avec étonnement que là encore, un fort courant d'air s'engouffre dans la galerie, serais-je encore sur la voie conseillée par le gardien des morts? Ce serait étonnant après ce qui m'est arrivé, mais en même temps, le rêve dans lequel il m'a parlé n'avait rien de commun, qui sait ce dont est capable ce vieux Thorkin inquiétant? Pas moi en tout cas, et pour l'heure j'ai mieux à faire que de me laisser aller à de vaines suppositions. Je m'engage donc résolument dans la faille, au sein de laquelle il me faut à plusieurs reprises gravir des éboulis instables, me faufiler en rampant entre deux rochers bloquant le passage, voire même par deux fois dégager quelques blocs pour me frayer un chemin malgré les éboulements. Assez rapidement, la faille que je suis croise d'autres passages de tailles diverses, clairement naturels, certains plongeant vers d'inconnues profondeurs, d'autres au contraire grimpant je ne sais où. Quelques puits percent ici et là le sol, m'obligeant à les enjamber avec précautions, des cheminées se perdent dans des hauteurs insondables, mais je continue obstinément à suivre le courant d'air, qui constitue mon seul et unique repère dans ce labyrinthe effrayant. Le temps s'écoule, bien que ma notion n'en soit pas du tout claire, je me repose à deux, ou est-ce à trois, reprises, totalement incapable de déterminer la durée de mes pauses, me nourrissant avec parcimonie afin d'économiser mes vivres qui se raréfient dangereusement.

Peu à peu, le soulagement d'avoir survécu à ma chute et à la fureur des flots laisse place à une nouvelle et sourde inquiétude: vais-je errer jusqu'à crever d'inanition dans ce dédale infini? Plus les heures passent plus cette crainte s'enracine en moi, rien ne venant indiquer un prochain changement dans cet univers minéral sans pitié, et c'est l'angoisse chevillée au ventre que je finis soudain par déboucher sur une immense caverne, me statufiant en y découvrant l'impensable!

(Dieux!!! C'est...quoi ce lieu?!)

Question purement rhétorique, à laquelle ma Faëra ne se donne pas la peine de répondre. Forteresse, temple, je ne sais trop, mais le vaste bâtiment lugubre nimbé d'une lueur verdâtre diffuse qui trône au bout d'un long pont franchissant une nouvelle rivière, à moins que ce ne soit la même, n'a rien d'engageant. Il me fait penser à une araignée monstrueuse, tapie dans son terrier et prête à se ruer sur sa proie pour la dévorer vive, et au-delà de son aspect macabre, il en émane une impalpable aura de malveillance et de danger suffisante pour que mon sang se fige dans mes veines.

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Néanmoins, comme je n'ai presque plus rien à manger et pas la moindre idée du chemin à emprunter pour sortir de ce gigantesque monde souterrain, que le lieu semble désert pour autant que je puisse en juger, je finis par me décider et gagne le début du pont arachnéen, long de plus d'une centaine de mètres. J'avance avec prudence, prêt à dégainer mes lames bien que nul adversaire ne soit en vue, chaque pas qui me me rapproche de l'édifice accroit ma nervosité incompréhensible. Par Sithi, ce ne sont pourtant que de vieilles ruines oubliées, le silence sépulcral n'est dérangé que par le léger clapotis de l'eau qui s'écoule ici à un rythme tranquille, contrairement au canyon où j'ai failli me noyer! Alors quoi? Je ne sais pas, mais une chose est certaine, ce lieu me met plus mal à l'aise que je ne l'ai été en aucun autre endroit visité au cours de mon existence.

Je parviens au prix d'un rude effort de volonté jusqu'aux portes, et loin de me rassurer le fait qu'elles soient grandes ouvertes me fait une nouvelle fois penser à la gueule malfaisante de quelque créature avide de chair fraîche. Les lourds battants de bois foncé renforcés de ferrures épaisses ne comportent aucun signe distinctif permettant de deviner quel peuple a bien pu construire ce lieu, pas plus que les murs de pierre sombre dépourvus de toute ornementation. Je suis à peu près certain que ce n'est pas là l’œuvre de Thorkins, pas plus que celle d'Hinïons ou d'Humains, mais quoi qu'il en soit savoir qui a bâti ce lieu morbide n'est pas ma préoccupation principale, aussi je m'engouffre dans l'édifice malgré ma répugnance, espérant sans trop y croire découvrir là une indication qui me permettra de sortir de cet univers de ténèbres.

Un couloir de la taille d'une petite avenue plonge dans les entrailles de la forteresse, du moins je présume que c'en est une d'après les épais murs défensifs percés de meurtrières, me menant rapidement jusqu'à une première salle octogonale d'une vingtaine de mètres de diamètre. La place est totalement vide, dénuée toujours de la moindre décoration, seules quatre portes elles aussi ouvertes déparent les murs rigoureusement nus. Examinant pensivement les lieux, je m'accroupis soudain, apercevant quelques traces de pas dans la mince couche de poussière qui recouvre les dalles du sol! Les empreintes paraissent avoir été faites par des pieds bottés, étroits et d'assez petite taille, semblables à celles que pourrait laisser une Elfe, et récentes sans aucun doute car les contours en sont encore parfaitement nets. Ainsi il y a quelqu'un de vivant ici...mais qui? Et que fait-elle dans cet endroit maudit? Serait-ce une aventurière en quête de trésor? L'unique piste laissée par les pas me pousse à évacuer immédiatement l'idée d'avoir affaire à une résidente, il y aurait dans ce cas d'autres traces et malgré un examen attentif du sol je n'en discerne aucune. Je porte instinctivement les mains aux gardes de mes rapières, entamant le geste de les dégainer lorsque Syndalywë me murmure de manière audible avec une nuance extrêmement satisfaite dans la voix:

"Tu n'as pas besoin de ça, tout va bien. Enfin, pour l'instant, ça ne durera pas, mais aucune lame ne pourra rien pour toi dans les instants à venir."

Je sursaute légèrement, fronçant les sourcils d'incompréhension aux paroles sibyllines de ma Faëra, et je lui murmure à mon tour:

"Tu veux bien m'expliquer, là?!"

"Tu es où tu dois être, au moment juste, je l'espérais mais c'était un possible presque...impossible. C'est pour lui que je t'ai incité à partir sans délai des forges. Il faudra que tu te contentes de ça pour l'instant."

Je lèverais les yeux au ciel, s'il y avait un ciel, mais en fait de voûte, celle qui me surplombe n'a rien de céleste, et rien pour retenir mon attention. Je maugrée impulsivement, tout de même rassuré de savoir que d'une manière ou d'une autre je demeure sur la voie voulue par Syndalywë, voie que j'associe instinctivement à celle voulue par Sithi depuis que j'ai partagé les souvenirs de ma Faëra, et plus particulièrement leur rencontre sur Eden. Je passe pensivement un doigt léger sur le discret tatouage de croissant de lune qui orne ma pommette droite, songeant que les volontés de Sithi prennent parfois de bien tortueux chemins. Que suis-je au fond? Un pion infime dans un jeu divin éternel dont je ne comprends pas les règles? Sans doute, d'une certaine manière. Mais même un pion peut acquérir un certain pouvoir, et personne ne m'a jamais obligé à me plier aux désirs supposés de Sithi, pas depuis que j'ai quitté le Naora. Je souris finalement, prenant véritablement conscience que, si je suis cette voie, c'est tout simplement parce qu'elle me plaît, et que je le veux. En route pour mon destin donc et, puisque il y a selon ma Faëra un lien avec ces traces mystérieuses, les suivre devient une évidence. La piste me fait franchir la porte faisant face à celle par laquelle je suis arrivé, et aussitôt le décor change, devenant singulièrement plus...macabre.

Les murs sombres du couloir que je découvre sont maintenant recouverts de sculptures malsaines, évoquant scènes de violence, de torture et pire encore. A défaut d'être agréables, ces gravures ont au moins l'avantage de m'apprendre qui a bâti ce lieu, car les tortionnaires et autres bourreaux représentés sont indubitablement des Shaakts. Sans éprouver pour eux une haine franche, faute peut-être de les avoir jamais côtoyés, j'ai entendu assez d'histoires de provenances différentes pour avoir un à priori fortement négatif, ma récente rencontre avec Sha'ale Wakhan n'ayant pas arrangé ce sentiment, bien au contraire. Cependant, Syndalywë m'ayant assuré que mes armes ne me serviraient à rien, il me semble assez peu probable que des Elfes Noirs demeurent encore ici, aussi je poursuis mon chemin dans cet antre maléfique, suivant toujours les traces de pas bien visibles dans la poussière. Je parviens à une nouvelle porte, elle aussi enlaidie de scènes morbides, qui n'est qu'entrouverte contrairement aux autres. Un léger bruit de voix me parvient, à la limite de l'audible, et cette fois, Faëra ou pas, mes lames sortent de leur fourreau, mon instinct de survie beuglant sans discontinuer depuis que j'ai mis un pied sur le pont d'entrée surpassant ma foi. Je me glisse silencieusement par l'étroit interstice séparant les deux battants, le coeur tambourinant à tout rompre, prêt à déchaîner une tornade d'acier autour de moi si besoin.

Mon palpitant affolé manque un ou deux battements lorsque je découvre la scène qui se déroule derrière la porte, mes paumes deviennent moites et quelques gouttes de sueur glacée me coulent dans le dos. J'étais inquiet, mais là c'est de la peur que j'éprouve, une terreur viscérale, abyssale, telle que jamais je n'en ai éprouvée.


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 Sujet du message: Re: Les Souterrains
MessagePosté: Jeu 30 Juil 2015 13:54 
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Deux prunelles de braise me fixent, irradiant d'une puissance obscure terrible. Elles semblent "flotter" au sein d'une masse de ténèbres totalement impénétrables, et cette seule vision est si effroyable dans sa simplicité surnaturelle qu'elle occulte à mes sens tout le reste. Je ne vois qu'elle, il n'existe qu'elle, et je suis certain que ma route s'arrête là, face à cette entité qui évoque les trépas les plus atroces, les fins les plus ignominieuses. Je sens une panique incontrôlable envahir mon âme, je peux affronter la mort comme un hirdam, mais ce que ce regard incandescent me promet n'a rien d'un terme honorable, c'est de déchéance abjecte qu'il parle, de souillure si profonde que rien ne saurait jamais l'effacer. Le désespoir le plus total sourd de cet être comme une avalanche dévale la montagne, implacable, aveugle et fracassant tout sur son passage. Si j'étais seul, je m'effondrerais comme une aniathy en fin de course, mais je suis accompagné par une Faëra déterminée et son rugissement mental éclate dans ma tête comme un coup de tonnerre:

(Ne le fixe pas dans les yeux! Regarde par terre bougre d'idiot!)

J'obtempère en tremblant de tout mon être, priant fugitivement Sithi de me soutenir dans ce cauchemar, mais la lune ne doit pas être en mesure de percer la masse rocheuse des montagnes d'Hidirain parce que mes yeux se posent alors sur la proie de la créature, une silhouette féminine étendue à terre, dans une position qui n'a rien de naturelle, funeste vision qui renforce ma certitude de finir mon existence dans ce lieu. Mais paradoxalement, cette terreur qui me ronge engendre au fond de moi une colère plus noire que l'entité qui me fait face, et je relève les yeux pour la fixer d'un regard brûlant de rage en grondant:

"Je ne sais pas ce que tu es, maudit, mais si tu ne dégages pas de là fissa je décolle ta foutue tête de tes épaules!"

La chose éclate alors d'un rire sinistre et méprisant, puis d'une voix sépulcrale me répond:

"Nul vivant ne peut m'atteindre, mortel. Mieux vaudrait pour toi profiter de mon infini savoir. Éprouve-moi, pose-moi une question à laquelle tu n'as pas trouvé réponse chez les vivants, tous les êtres en ont, quelles sont les tiennes, Sindel?"

Impulsivement, je lui rétorque durement:

"Qui est cette femme à terre? Que lui as-tu fait?!"

La créature ricane une nouvelle fois, prenant peu à peu une apparence plus matérielle sous la forme d'une silhouette de forme humanoïde vêtue d'une sombre bure à profonde capuche qui me dissimule totalement ses traits, puis ironise, sarcastique:

"Cela fait deux questions, Tanaëth Ithil, je savais que nous allions nous entendre."

Il marque une pause, à la manière d'un orateur doué qui ménage son effet, puis reprend tandis que je fronce les sourcils de surprise à l'évocation de mon nom:

"Mais avant, approche et regarde. Vois, je recule, tu n'as rien à craindre de moi."

Joignant le geste à la parole, il semble littéralement glisser de plusieurs mètres en arrière, sans que sa bure ne manifeste le moindre signe de mouvement. De plus en plus perplexe mais pas plus tranquille pour tout ça, je m'approche lentement, craignant un piège quelconque, mais je parviens auprès du corps sans que rien ne se produise. M'accroupissant souplement en gardant l'entité bien en vue, je retourne d'une traction ce que je pensais être un cadavre, mais à ma plus grande stupéfaction mon sens du toucher m'apprends qu'il n'en est rien, la femme vit, je sens sous mes doigts les pulsations de son sang, faibles certes, mais bien présentes. Par le Crépuscule! Je ne peux retenir une exclamation incrédule en apercevant le visage de la femme:

"Syriën?! Par les enfers!"

Les mêmes traits, le même physique que mon ancêtre lointaine du monde d'Eden, fille de Sithi et d'un prince Sindel, épouse d'Ethërnem Ithil, cofondatrice de l'ordre des Danseurs d'Opale...Et sur sa pommette gauche, un tatouage de croissant de lune à peine discernable, le même que celui que je porte...L'entité ténébreuse grince un rire atrocement réjoui, susurrant:

"Voilà qui me semble tout à fait de circonstance, les enfers. Mais non, elle ne se nomme pas Syriën. Écoute de toutes tes oreilles, car la réponse à ta première question est...alléchante, et ses implications plus encore. A mes yeux du moins. Son nom est Llyann N'har Thelwë, fille d'un certain Averren du même nom de famille, et d'Eshrin 'tar Enoure. Une certaine Jaëlle m'assure que sais de qui il s'agit..."

Je vacille, me sentant pris d'un vertige à ces révélations effarantes, je me sens comme étourdi, affaibli tandis que mon esprit tente en vain de comprendre quelque chose à cette histoire aberrante. Un flot de questions s'apprête à franchir mes lèvres lorsque Syndalywë me prévient sèchement:

(Non! Attention! C'est un Gentâme, une créature de Phaïtos! Il prend un peu de ta vie chaque fois qu'il répond à une question, c'est la seule manière dont il puisse vraiment te nuire! C'est pour en avoir trop posé que Llyann est dans cet état et que tu te sens faible!)

(Un Gentâme? Jamais entendu ce terme...et j'aurais préféré que ça continue. Je ne comprends rien à ce foutoir, mais...hum, attends!)

Je réponds vivement à l'entité, espérant que le subterfuge qui vient de prendre forme en mon esprit suite aux explications de ma Faëra va fonctionner:

"Tu as puisé dans sa vie parce qu'elle t'a posé des questions, comme tu viens de le faire pour moi, nul besoin donc de répondre à ma deuxième question puisque j'en connais la réponse."

"Bien joué, petit. Mais qu'est-ce qu'un instant passager de faiblesse, quand tu peux obtenir des réponses à tes questions les plus cruciales?"

Un instant passager de faiblesse? Par Sithi il en a de bonnes, la Sindel me semble être à un cheveu du trépas, et je ne peux m'empêcher de croire qu'elle serait morte si mon arrivée n'avait pas distrait l'ignoble créature de son "festin"! Malgré cela, il existe certaines réponses pour lesquelles je prendrais bien des risques, la tentation est immense et l'entité ne le sait sans doute que trop bien. Hésitant, j'interroge ma Faëra:

(Combien de questions puis-je encore lui poser sans risquer d'être tué?)

(Je ne sais pas exactement, peut-être trois ou quatre, mais tu ferais bien mieux de garder tes forces, c'est un jeu très dangereux!)

Le corps sans connaissance de la Sindel est là pour le confirmer, le pari est risqué, j'en suis extrêmement conscient. Mais d'un autre côté, venir jusque ici n'était pas une sinécure, et prendre quelques risques calculés maintenant pourrait m'en éviter de plus nombreux à l'avenir, à condition évidemment de poser les bonnes questions. Je cogite ferme durant quelques secondes, les yeux rivés sur l'Elfe inconsciente plutôt que sur le Gentâme, un spectacle autrement plus supportable, voire qui serait même franchement agréable dans d'autres circonstances. Elle possède une longue chevelure soyeuse d'un blond presque blanc, des traits fins mais affirmés, une silhouette indubitablement attirante soulignée par ses vêtements assez simples, pantalon serré et justaucorps de cuir recouvrant une robuste chemise de lin. Dans son dos, une épée longue de belle facture, de celles que l'on manie généralement à deux mains, à sa hanche droite un genre de glaive de même qualité maintenu par une ceinture de cuir surmontée d'une autre constituée de médaillons métalliques ornés de pierres bleutées. Aucun doute, c'est une très belle femme, comme le sont à vrai dire presque toutes les Sindeldi, qui a embrassé la voie des armes au vu de son équipement. Mais que venait-elle faire ici? Mystère.

(Je me vois mal poursuivre la recherche de cette épée ardente en la portant dans le chaos rocheux de ce monde du dessous, mais je ne peux pas la laisser là et elle ne sortira pas toute seule d'ici, visiblement. Peut-être qu'elle connait un chemin pour quitter ces souterrains, elle n'a pas dû emprunter la même voie que moi en tout cas car ses effets sont intacts et elle n'arbore pas la moindre blessure ou même contusion visible. Et puis de toute manière, vu le labyrinthe, aucune chance que je retienne l'intégralité d'un itinéraire si le maudit me l'expliquait. Question inutile, donc. En revanche, il y en a une dont la réponse me serait fort utile, même si cela risque de ne pas être immédiatement...)

Je me décide à demander à l'entité, non sans me crisper à l'idée déplaisante qu'il va littéralement me pomper mon énergie vitale:

"L'épée ardente qui tua jadis Galael, l'Hinïonne qui portait cet arc que je possède, où se trouve-t'elle?"

L'encapuchonné laisse à nouveau échapper un rire d'outre-tombe qui me fait frémir, répondant à ma question en levant simplement un bras, ou du moins une manche dont je préfère ne pas savoir ce qu'elle contient, pour me désigner une direction:

"Juste derrière cette porte."

Je grimace de dépit autant que du fait de la brutale faiblesse qui me saisit, manquant m'affaler face contre terre tant la tête me tourne, comme si j'avais perdu beaucoup de sang. Mais en suivant la direction indiquée des yeux, je prête attention pour la première fois au lieu qui nous environne, remarquant enfin que je me trouve dans une salle pentagonale de relativement petite taille aux murs couverts de gravures obscènes et morbides, percés de deux portes fermées en sus de celle par laquelle je suis entré. Les deux portes sont elles aussi tarabiscotées de scènes atroces évoquant indiciblement le monde infernal, je songe alors que je me trouve très certainement dans un très ancien temple Shaakt de Phaïtos, et ce que je sais de ce culte n'est pas fait pour me tranquilliser. J'ausculte sans complaisance mon état, me demandant si je suis vraiment en mesure de supporter un nouveau prélèvement dans mes forces déjà amoindries sans risquer d'y rester, et finis par conclure que je peux me permettre de poser une dernière question:

"Qui est derrière toutes les manigances qui m'ont frappé ces derniers mois, qui est le vrai responsable de tout ça?"

Le Gentâme se rapproche un peu, à mon plus grand déplaisir, et murmure avec une indicible et odieuse jubilation:

"Voyons petit, tu ne le devines pas? La femme qui se trouve devant toi."

"HEIN?! Quoi?! Mais par tous les dieux, pourquoi?!"

Et merde. Je n'ai pas pu m'empêcher de réagir stupidement à cette assertion incompréhensible par une nouvelle question, et en sentant ma vie s'enfuir pour prix de ma question précédente, je réalise que ce sera sans doute l'interrogation de trop...mais quel abruti! L'entité glousse de satisfaction, devenant de plus en plus tangible alors que mon existence se délite et savourant sans aucun doute mon erreur imbécile car il ne me répond pas immédiatement, ses prunelles luisant avec une intensité macabre inégalée. A deux doigts de paniquer salement, je réagis de toute ma vélocité, plongeant la main dans mon sac pour en extirper ma dernière potion de guérison et l'avaler en toute hâte! Juste à temps, car l'entité susurre de la plus malveillante manière:

"Oh, tu veux faire durer le plaisir? Bien, très bien, j'apprécie! Pourquoi me demandes-tu? Mais pour la plus pure raison qui soit, jeune Elfe, et qui par une merveilleuse ironie est aussi la plus traître: l'amour."

Je n'ai pas trop de toute ma volonté pour me retenir, cette fois, de rétorquer par une nouvelle question éberluée, par Sithi de quoi parle-t'il?! Je n'ai jamais rencontré cette Sindel, ou alors je ne m'en souviens pas, c'est à n'y plus rien comprendre, pour autant que j'aie jamais compris quelque chose à toute cette foutue histoire! Je contemple le visage de Llyann, si paisible d'apparence dans son inconscience, incapable d'ordonner le flux tumultueux et décousu de mes pensées. J'ai l'impression de nager en plein brouillard, dans un océan d'incompréhension sans fond ni rivage, et je me sens lentement sombrer alors que le maudit Gentâme puise à nouveau son dû dans mon essence vitale, mais tel est mon trouble à cet instant que c'est à peine si je réalise la menace létale qui plane sur moi. A l'entité obscure qui me demande alors avec gourmandise si j'ai d'autres questions à lui poser, je réponds d'un "non" croassant et distrait, ce qui soutire à l'odieuse créature un soupir à fendre l'âme juste avant qu'elle ne ricane avec malveillance en rétorquant:

"Quel dommage, vraiment. Je vais donc vous laisser, vous avez sans doute de très nombreuses choses à...partager."

Son rire se fait cynique et grinçant, puis elle se fond dans les ombres environnantes alors même que la Sindel allongée devant moi ouvre les yeux, des yeux d'un gris acier qui se rivent à mes prunelles avec une intensité presque démente, mêlée de surprise et...d'autre chose que je ne cerne pas. Je n'ai pas le temps de m'interroger davantage, une espèce de vague mentale me frappe à cet instant, et je vois à la flamme qui s'allume dans les lacs de mercure de Llyann que cela nous atteint tous deux, sans comprendre de quoi il s'agit avant que Syndalywë ne hoquète de surprise et grommelle aussitôt après d'un ton résigné dans mon esprit:

(Un sort! Et il fallait que ce soit celui-là! Ah ben là, t'es pas sorti de l'auberge mon lascar...)


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 Sujet du message: Re: Les Souterrains
MessagePosté: Sam 1 Aoû 2015 14:58 
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[:attention:] Ce texte contient des passages à connotation érotique. [:attention:]


Regard contre regard, nous nous observons, silencieux. Nous n'avons plus conscience du lieu macabre qui nous entoure, il n'existe plus que l'autre.

Lente et inéluctable montée d'un désir torride, incendiaire, qui annihile tout, souvenirs comme serments, attaches passées et présentes, résolutions fermes, rien ne résiste à l'effet ravageur du sort lancé par le Gentâme. Nous ne songeons d'ailleurs pas qu'il s'agit d'un sort, nous ne nous posons pas la moindre question, le monde n'existe plus, il n'existe plus que l'autre. L'autre et ce désir qui étend son ombre flamboyante sur nous comme tombe la nuit, occultant tout.

Llyann glisse une main fébrile derrière ma nuque, m'attirant à ses lèvres pour un baiser sauvage qui achève de m'enflammer. Hâtivement, nous nous débarrassons mutuellement de nos armes et autres affaires qui s'éparpillent autour de nous comme si elles avaient été dispersées par une tornade. Justaucorps et pièces d'armure suivent le même chemin, nos lèvres avides ne se descellant que pour infliger à l'autre légères morsures et autres délicieux tourments, se hasardant en territoire inconnu à mesure que cuirs et tissus malmenés livrent monts et vallées à notre exploration. Dévorés d'impatience, nous ne prenons pas la peine d'écarter plus que le strict nécessaire, roulant au sol entrelacés si étroitement qu'une feuille ne trouverait moyen de se glisser entre nous. Nos corps fiévreux se mêlent sans douceur, à même le sol glacé du temple antique du dieu de la mort, mais nous n'en avons cure.

Les heures s'écoulent, au gré d'une véritable lutte érotique qui ne s'apaise que pour mieux reprendre, nous sommes insatiables, dévorés d'une passion obsessionnelle qui semble ne jamais devoir s'assouvir. La Sindel est plus forte que ne le laisse présager sa fine silhouette, assez pour prendre l'ascendant de temps à autre lorsque elle en a envie, mais cela n'a rien pour me déranger, au contraire. Je me surprends à apprécier d'être sur un pied d'égalité avec elle à ce niveau, cela ne fait en somme que pimenter davantage notre joute charnelle, même si cette dernière n'avait pas précisément besoin d'être épicée davantage. Nos ongles tracent de multiples sillons dans nos dos, nos dents marquent nos corps de morsures qui, bien que féroces, ne vont jamais jusqu'à faire couler le sang, et les souffrances ainsi infligées attisent encore notre désir sauvage qui atteint un paroxysme que je trouverais inquiétant en temps normal.

Je suis debout, adossé à une sculpture ignoble, Llyann me maintenant avec force les poignets au-dessus de la tête pour m'empêcher provisoirement de bouger tandis qu'elle ondule contre moi avec une sensualité torride lorsque l'effet du sort se dissipe comme un mirage dans le désert...

Ethëll...

Je dégage mes poignets d'un geste brusque, atterré, tentant de repousser mon amante qui me dévisage avec une soudaine surprise, elle aussi ébahie de se retrouver dans cette situation des plus scabreuse, mais je n'y parviens qu'à moitié, manquant de force pour m'arracher à l'étreinte de son autre bras passé autour de ma taille. Je la fixe, incapable de prononcer le moindre mot alors que je réalise peu à peu ce qui vient de se passer entre nous. Puis mes yeux se posent sur nos affaires jetées sans aucun ordre, sur le lieu morbide qui nous entoure, avant de revenir se river à ceux de Llyann avec une profonde incompréhension. Comment cela a-t'il pu arriver, par Sithi?! Comment ai-je pu trahir à ce point Ethëll, mes convictions les plus profondes? Je voudrais hurler de frustration, de colère, je voudrais croire que je n'y suis pour rien, que je n'éprouve pas le moindre désir pour cette femme qui me regarde avec au fond des yeux une indicible lueur de peur, de désespoir, mêlée de cette même incompréhension qui me submerge. Je n'ose esquisser le moindre mouvement, sentant avec une acuité surnaturelle la moindre parcelle de mon corps en contact avec le sien, me maudissant alors que je réalise que, toujours plongé en elle, mon désir lui-même me trahit. Par les puissances, que faire? Je la giflerais si je pouvais la croire coupable, mais ce que je lis dans ses yeux anéantit cette hypothèse, elle n'y peut rien, strictement rien. Elle n'ose d'ailleurs pas non plus faire le moindre geste, ni prononcer la moindre parole, littéralement tétanisée et ne sachant pas davantage que moi comment résoudre cette épineuse situation. Nous serions peut-être restés longtemps ainsi si deux larmes n'étaient nées aux coins de ses yeux d'un gris foncé inhabituel avant de rouler lentement sur ses joues, plus émouvantes que n'importe quels mots.

Elle secoue lentement la tête, s'apprêtant à dire quelque chose, mais peinant à trouver les mots adéquats sans doute. Mais existent-ils seulement? Je ne les connais pas. Je cherchais en moi le moyen de la repousser sans dureté, mais ces deux perles transforment ma pensée, mon intention, je ne peux pas la rejeter froidement, je ne peux pas...alors j'essuie ses larmes d'une très douce caresse de la main, puis pose un doigt en travers de ses lèvres, sans détacher mon regard du sien, murmurant simplement:

"Ne dis rien. Ce qui est fait est fait..."

Je l'enlace tendrement d'un bras autour de la taille pour l'attirer contre moi, l'incitant de mon autre main, légère et caressante, à poser la tête sur mon épaule, ce qu'elle fait sans chercher à résister. Dieux, que suis-je en train de faire?! Ce simple geste serait anodin, purement amical en d'autres circonstances, mais là, alors que la peau nue de son ventre s'appuie à même la mienne, alors même que nos corps sont encore joints, couverts d'une légère pellicule de sueur issue de nos ébats, il en est tout autrement. De légers tressaillements agitent soudain l'Elfe blottie contre moi, et je sens quelques gouttes tomber sur mon épaule alors qu'elle se met à pleurer doucement, s'efforçant de n'en rien laisser paraître mais en vain, comment dissimuler quoi que ce soit dans ces conditions? Je la serre contre moi un peu plus fortement, caressant sa chevelure soyeuse d'une main, plus troublé que je ne peux l'exprimer, d'autant que les paroles du Gentâme me reviennent à l'esprit, sa réponse à ma question de savoir pourquoi elle m'avait causé tant d'ennuis. Par amour... quel sens à ces paroles, et quel sens à ces pleurs alors? Regrets de ce qu'elle a fait? Mais qu'a-t'elle fait au juste? Je n'ai pas une confiance aveugle en ce que m'a dit l'entité, loin s'en faut, mais le moment ne se prête pas exactement à creuser ce sujet. Seulement, à quoi se prête-t'il au juste, ce moment? Question des plus embarrassante, qui ne se poserait pas en ce qui me concerne s'il n'y avait pas Ethëll, car force m'est de reconnaître malgré mes états d'âme que Llyann est extrêmement séduisante. Je me sens rosir alors que s'imposent à mon esprit quelques images des heures qui ont précédé, et rougir franchement en percevant de la manière la plus intime qui soit le corps pressé contre le mien.

Mais après tout, au point où nous en sommes, et étant donné nos chances assez minces de sortir vivants de ce labyrinthe inextricable, pourquoi ne pas accepter simplement ce qui est, et le vivre pleinement?

D'un geste doux mais ferme, je pousse ma compagne à relever la tête pour être en mesure d'accrocher son regard brouillé de larmes, puis tout en lui laissant la possibilité et le temps de se dérober, ce qu'elle ne tente pas, je pose mes lèvres sur les siennes pour un long baiser dépourvu cette fois de la moindre brusquerie. Elle y répond après une légère hésitation, s'enhardissant peu à peu jusqu'à se libérer de toute entrave, et ne tarde pas à m'étreindre à son tour avec une fougue un peu désespérée, maladroite.

Un peu plus tard, encore légèrement haletants et plongés dans l'espèce de torpeur qui suit parfois l'acte d'amour, nous nous dévisageons avec une certaine gêne, ne sachant trop comment entamer la nécessaire discussion que nous devrons avoir, ignorants de ce que l'autre pense, de ce qui l'a amené dans ces lieux oubliés. Je m'interroge sur le sens des révélations du Gentâme, ne cernant pas les tenants et aboutissants d'une histoire qui me dépasse, mais ce qui me perturbe le plus est bien de savoir que je viens de coucher avec la fille de celui que j'ai considéré depuis ma rencontre avec Moraen comme étant mon pire ennemi. Seulement, si la créature de Phaïtos a dit vrai, l'Ithilauster n'est pas l'instigateur de mes ennuis, la vraie responsable selon lui n'étant autre que cette femme que je tiens encore dans mes bras, auquel cas je viens de faire l'amour à la meurtrière de tous ceux que j'ai aimés, Jaëlle, mes parents, Moraen...Dieux...comment surmonter le profond dégoût que cette supposition fait naître en moi? Suis-je donc tombé si bas? Et si nous nous en sortons, comment vais-je expliquer ça à Ethëll?! Je frémis, m'assombrissant notablement, mais je sais aussi que ces questions n'auront pas la moindre importance si nous ne parvenons pas à trouver une issue. Dans l'immédiat il y a pourtant une interrogation qui doit trouver réponse, et je la pose d'un ton neutre:

"J'aimerais comprendre une chose, Llyann...qu'es-tu venue faire ici?"

La Sindel me dévisage un instant en silence avant de se décider:

"Chercher des réponses, je savais qu'il y avait un Gentâme ici, et qu'il pourrait m'apprendre ce que je désirais savoir."

"Et c'est...tout?"

"Plus ou moins..."

Je me détache d'elle en fronçant les sourcils, me relevant pour récupérer pensivement mes affaires avant de la fixer à nouveau avec une certaine froideur:

"Plus ou moins? Cette créature a aussi répondu à certaines de mes questions, Llyann, et elle t'a désignée comme étant responsable de la mort de plusieurs de mes proches. Je crois que tu me dois quelques explications, et il vaudrait mieux qu'elles soient...convaincantes."

La Sindel se relève à son tour, un éclat de colère brûlante dans les yeux, et malgré la tension soudaine je ne peux m'empêcher d'être profondément troublé par la vision surréaliste de la sculpturale nudité de mon amante au sein de cette salle macabre. Le contraste qui émane de cette scène est tout simplement saisissant, mais elle interrompt mon observation admirative d'une réponse rageuse qui me fait ciller:

"Responsable de la mort de tes proches?! Comment oses-tu, par Sithi?! Si le simple fait d'exister fait de moi une coupable à tes yeux, Tanaëth, alors tu ne vaux pas mieux que mon père! Tu as baisé avec moi de ton plein gré alors que tu me prends pour la meurtrière de ta famille?! Tu veux que je te dise ce que cela fait de toi?"

Je la dévisage en silence, longuement, surpris de cette rage qui enflamme ses paroles et ses prunelles, puis je lui réponds calmement après avoir mis un semblant d'ordre dans mes pensées:

"Je ne t'accuses pas. Je cherche à comprendre. Il y a eu trop de "coïncidences" dérangeantes dans ma vie ces derniers temps pour que je puisse encore croire qu'elles ne sont que le fruit du hasard. A commencer par notre rencontre ici, il n'y avait pas une chance sur un milliard pour que cela arrive naturellement, Llyann, et tu le sais aussi bien que moi. Alors je veux des réponses, je suis las d'être le jouet de je ne sais quelles manigances occultes."

Elle me fixe durement pendant quelques instants, puis se détend un peu et me demande d'un ton plus doux:

"As-tu déjà entendu parler des Danseurs D'Opale? De l'Opale de Lune?"

Je tressaille à sa question, de plus en plus perplexe devant la tournure des événements, qui me semblent former une nasse de plus en plus complexe, de plus en plus incompréhensible. Des intrigues dans l'intrigue, à n'en plus finir, par Sithi comment les êtres peuvent-ils se livrer à d'aussi tortueuses machinations?! J'hésite à lui avouer ma connaissance des Danseurs, puis-je me fier à elle alors que je ne sais rien de sa place dans le subtil jeu dont je ne parviens plus à percevoir les règles ni le but? Syndalywë choisit cet instant pour se manifester en me réprimandant mentalement:

(Tsssk! Ouvre les yeux, souviens-toi de ce que tu as appris, du passé que tu as vu dans mes souvenirs!)

(Euh...je me souviens, mais...)

Le Fil d'Or du Destin. La marque de Sithi. Le tatouage que nous arborons tous deux. L'évidence me saute soudain aux yeux, je frissonne en y décelant des implications...vertigineuses. Réalisant de justesse, perché que je suis au bord d'un gouffre insondable représentant des plans divins qui ne peuvent être compris par des mortels, que Llyann attend une réponse de ma part, je murmure:

"Je sais ce que sont les Danseurs d'Opale, oui. Mais je n'ai jamais entendu parler de cette Opale de Lune."

"Sont? Il n'y en a plus depuis notre exil d'Eden. Leurs arts se sont perdus, d'eux il ne reste qu'un espoir incertain entretenu par une poignée d'Elfes follement idéalistes et utopistes. Qui vivent dans un lieu secret nommé l'Opale de Lune."

Je hausse un sourcil incrédule à ses paroles. Ainsi il resterait des Sindeldi au fait de ce passé, et plus encore, ils le perpétueraient dans le plus grand secret depuis des millénaires? Rien d'absolument invraisemblable en y songeant, mon peuple a toujours été féru de secret et conservateur quant à ses traditions, mais comment Llyann est-elle au courant de l'existence de ce lieu? Par le Gentâme? Et où se trouve-t'il? De nombreuses questions me viennent à l'esprit, mais un bref regard au lieu qui nous entoure les souffle pour n'en laisser qu'une seule: que faisons-nous encore ici?! Je grimace légèrement en réalisant notre folie, nous venons de passer des heures à copuler comme des animaux dans un temple Shaakt de Phaïtos hanté par un Gentâme, et les dieux seuls savent quoi d'autre. Mes yeux se posent brièvement sur la porte fermée indiquée par l'entité, derrière laquelle l'épée ardente est censée se trouver, puis reviennent se river à ceux de Llyann alors que je lui désigne l'huis d'une main:

"Nous devrions nous rhabiller et quitter ce lieu. Mais avant de partir, je veux aller prendre une épée qui se trouve derrière cette porte. C'est pour elle que je suis venu dans ces souterrains. Connais-tu un chemin de sortie?"

"Oui, faisons cela, je sais comment sortir d'ici. Quant à cette épée, sa présence ici est connue à l'Opale de Lune, c'est en parlant avec un des rares à avoir survécu à ce qu'il y a derrière cette porte que j'ai appris l'existence de ce Gentâme. Je te déconseille fortement d'aller plus loin, Tanaëth, seul un très puissant maître d'armes aurait une chance, et encore serait-elle maigre."

"Hum. Et...tu sais ce qu'il y a derrière cette porte?"

"Une sombre terreur, une atrocité monstrueuse qui ressemble à une araignée plus ou moins humanoïde, extrêmement rapide et résistante. L'Elfe qui m'en a parlé lui a échappé de justesse grâce à un sort de feu. Elle semble le craindre, d'après lui, mais pas au point de renoncer à sa proie. C'est un antre de ténèbres, Tanaëth, oublie cette épée, je t'en conjure! Sortons d'ici, il y a d'autres armes puissantes dans le monde, ta vie n'est-elle pas plus précieuse qu'une lame?"

J'ai un sourire un peu crispé à sa question, qui me rappelle les paroles de la mère d'Ethëll m'enjoignant de ne pas risquer ma peau inconsidérément pour cette arme. Seulement, sa présence en ces lieux bien particuliers soulève en moi un problème de conscience: qu'arriverait-il si les Shaakts se souvenaient de cet endroit et apprenaient qu'une telle relique s'y trouve? Ils réinvestiraient aussitôt ces lieux, s'empareraient de la relique puis utiliseraient ce temple comme base stratégique pour étendre leur domination dans ces souterrains. Et tôt ou tard, ils finiraient par tomber sur la cité Thorkine, réaliseraient qu'il n'y demeure que quelques poignées de Nains et l'envahiraient pour s'approprier les nombreux trésors de ce peuple. Après quoi viendrait inéluctablement la chute d'Hidirain, bien incapable de résister à un assaut en règle, d'autant plus s'il est lancé par les portes même de leurs alliés. Un bien sombre tableau, dont je ne puis prendre le risque qu'il se produise, s'il est en mon pouvoir de l'empêcher. Et là est toute la question, suis-je capable de vaincre cette créature pour m'emparer de la relique ardente? Il n'y a pas dix manières de le savoir...

"Je ne peux pas prendre le risque que les Shaakts trouvent cette relique et apprennent l'existence de ce lieu, Lyann. Je vais aller récupérer cette lame, puis nous sortirons et j'irai convaincre les Thorkins de la nécessité de sceller définitivement tout accès à ce temple. Tu devrais m'attendre de l'autre côté du pont, cela te laisserait le temps de t'échapper si c'était cette créature qui sortait du temple à ma place."

Elle soupire, se contentant de s'habiller et de se rééquiper rapidement, ce que j'imite sans tarder, vérifiant au passage le parfait affûtage de mes lames. Elle finit par se tourner vers moi après avoir contemplé quelques instants l'inquiétante porte, le regard dur et le visage sévère:

"Tu n'as pas changé. Très bien, je vais venir avec toi, ensemble nous avons peut-être une chance. Mais après, tu me suivras où que je t'emmène, sans poser la moindre question. Ai-je ta parole?"

Je la scrute longuement en silence, puis finis par incliner le visage en souriant légèrement:

"Tu as ma parole. Merci, Lyann. Mais pas de folie, d'abord on survit et ensuite on avise pour l'épée. Nous pouvons toujours revenir avec des renforts."

Elle acquiesce avec simplicité, puis s'avance rapidement vers moi pour déposer un fugace baiser sur mes lèvres avant de dégainer sa redoutable épée à deux mains et de la pointer vers la porte en me disant:

"A toi l'honneur."

J'opine, contrôlant que toutes mes lames soient parfaitement positionnées et accessibles, puis je me saisis de mon arc et expérimente pour la première fois son maniement, avec une dextérité et une fluidité que je ne me connaissais pas! J'ai l'agréable impression qu'il a été fait exprès pour moi, et c'est une sensation vraiment extraordinaire d'équilibre et de puissante souplesse qui se dégage de cette arme d'exception. J'effectue quelques essais pour placer de façon adéquate mon carquois, veillant à ce qu'il ne me gêne pas non plus pour combattre à l'épée, puis après avoir encoché une flèche dont j'ai vérifié la parfaite droiture, je m'avance vers la porte, et fait péniblement jouer le lourd mécanisme d'ouverture de ma main libre, l'autre tenant l'arc détendu et maintenant la flèche en place. Quelques lugubres grincements se font entendre alors que le mécanisme invisible déverrouille l'huis morbide puis, lorsque le mouvement semble avoir cessé, j'applique une rude poussée du pied sur l'un des battants, ramenant ma main à la corde de mon arc que je tends à moitié, prêt à décocher une flèche meurtrière au moindre mouvement suspect.

La porte s'ouvre, juste assez pour nous laisser passage, et pour laisser exhaler du lieu maudit une effroyable puanteur de cadavres pas frais mêlée d'une infection acide que je ne peux rattacher à aucune odeur connue. Je plisse les narines, écoeuré par la pestilence ignoble, puis je franchis résolument le seuil de cet antre ténébreux, tous les sens aux aguets.


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 Sujet du message: Re: Les Souterrains
MessagePosté: Ven 7 Aoû 2015 21:02 
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Des carcasses. Des montagnes de carcasses, certaines réduites à l'état d'ossements, d'autres semblent littéralement avoir séché, formant d'odieuses silhouettes décharnées d'un brun grisâtre poussiéreux. Beaucoup plus rares, certains sont relativement récents, et je grimace de dégoût en découvrant d'où vient la puanteur abjecte! Il y a là quelques restes de Thorkins, d'Hinïons, d'Humains et probablement de Shaakts, munis de leur équipement plus ou moins fracassé ou rouillé, mais aussi et surtout de différents animaux. Si nombreux qu'ils occultent dans un premier temps la salle dans laquelle nous entrons, qui se présente comme un très large couloir bordé de massives colonnades sculptées de scènes de mort.

Nous avançons prudemment, tendus et à l'affut du moindre bruit suspect, à la pâle lumière émise par le collier dans lequel ma Faëra s'est lovée. Un silence de mort règne dans le charnier, je n'ose imaginer depuis combien de temps la monstruosité qui règne ici empile ainsi les vestiges macabres de ses proies, ni quelle doit être sa puissance pour avoir survécu à tous ces êtres. Certains étaient des guerriers d'après les restes d'armes et d'armures qui parsèment ici et là l'amas, et visiblement ils n'ont pas survécu à la rencontre...je frissonne légèrement, me demandant si je n'ai pas fait une grossière erreur en entrant ici...

Nous parvenons au terme de la salle, qui se poursuit sous la forme d'un large escalier descendant d'où émane plus fortement encore cette âcreté acide aussi déplaisante qu'inconnue qui réussit l'exploit discutable de surpasser la puanteur des corps pourrissants. J'adresse une brève prière à Sithi puis à Rana et Yuia afin qu'elles guident mes flèches et les rendent dévastatrices. J'ignore encore les pouvoirs de cet arc, mais en toute logique ils devraient être liés à la glace, et la glace peut être mortelle! A ma surprise, la pointe de ma flèche semble se recouvrir d'une pellicule de glace suite à ma prière, aurais-je été entendu?! Un regain d'espoir fait battre mon coeur, et je réalise alors combien l'atmosphère est devenue étouffante, humide et malsaine, pesant lourdement sur notre moral. Je murmure à Llyann:

"On approche. Ensemble, et pas de folie. Le Gentâme nous a affaiblis, n'oublie pas d'en tenir compte."

Elle acquiesce d'un simple hochement de tête, et nous poursuivons donc notre descente dans l'escalier qui oblique irrégulièrement à gauche, formant probablement une espèce de colimaçon angulaire dont je peine à me représenter le dessin. Je me fige soudainement au détour d'un tournant, découvrant une vaste salle ressemblant à ces caves voûtées que l'on trouve parfois sous les riches demeures, soutenue par un grand nombre de piliers aussi brut que l'est le reste, ce lieu semblant avoir été excavé à même la roche massive de la montagne. Je ne distingue qu'une partie sans doute minime de la salle, le reste m'étant caché par les piliers, mais mon coeur accélère légèrement dans ma poitrine lorsque je réalise qu'une lueur rougeâtre éclaire chichement le fond du lieu, paraissant provenir de la droite. Serait-ce l'épée ardente? D'après le Gentâme elle n'était vraiment pas loin, mais a-t'il dit la vérité, cela je l'ignore. Je descends les dernières marches, nerveux, la pointe de ma flèche se déplaçant en même temps que mon regard qui parcourt le lieu avec vigilance.

Une monstruosité arachnoïde jaillit subitement des ténèbres du fond de la salle dans un silence macabre, de moitié plus haute que moi et d'une envergure qui remplit presque l'espace entre deux rangées de piliers, pourtant large! Velue et atrocement humanoïde dans sa forme supérieure, bien que sa face ignoble soit celle d'une araignée, elle semble se déplacer sur quatre pattes et en posséder trois autres, deux supérieures et une inférieure, attachées à son torse grisâtre et velu, un nombre de membres impair fort inhabituel. Je ne réfléchis pas, instinctivement je tends mon arc déjà à demi bandé et décoche un trait de toute la puissance de mon arme en visant le torse de la créature. Elle est encore à une bonne trentaine de mètres lorsque ma flèche gelée la frappe en pleine poitrine, mais cela ne semble pas la ralentir d'un cheveu! J'enchaine de toute ma célérité par un deuxième tir, gelé également d'un fervent effort de volonté dirigé sur ma relique, espérant l'affaiblir suffisamment avant qu'elle n'arrive au contact, parce que je la sens soudainement très mal, en voyant le monstre! Mon projectile se plante un peu en dessous du premier, mais pas davantage il ne freine l'arachnide effroyable qui ne tardera plus à nous fondre dessus de toute sa masse! Cette saleté est rapide malgré une sorte de claudication dont j'ignore la cause...mais mon collier de célérité me rend plus réactif que je ne l'ai jamais été!

J'échange fluidement mon arc contre mes rapières, leur disposition étant parfaitement étudiée, en rassemblant mon Ki pour tenter de porter un rude coup à l'horreur. Nous ne pouvons pas nous permettre de faire durer, j'en ai la sombre certitude!

Je profite de l'ultime instant qui nous reste avant le choc pour implorer l'aide de Rana, modelant mon énergie interne de façon à conjuguer la redoutable Croix de Rana avec son Tranché, tous deux à leur puissance maximale, le premier coup doit être décisif si nous voulons avoir une chance de survivre à cet arachnide damné! Puis dans une débauche explosive de Ki je bondis en avant de manière surréaliste, atterrissant juste devant la créature mais décalé sur la gauche et tournoyant sur moi même pour accroître la force naturelle de mon coup et frapper sa patte avant gauche de mes deux lames qui semblent précédées de l'aura typique du Tranché de la Déesse des Vents! Les deux pouvoirs de Rana combinés et ajoutés aux coups déjà rudes que je puis porter naturellement font de ma frappe un coup dévastateur, qui tranche net le membre visé! J'exulte, me sentant vraiment dans la peau d'un Danseur d'Opale pour la première fois, capable de mettre à mal même une si redoutable atrocité! Instant de grâce...

Et retour de bâton. L'arachnide effroyable bascule sur moi, déséquilibré par la perte de son membre, ce qui ne l'empêche nullement d'effectuer un balayage violent de son troisième bras prolongé d'espèce d'une redoutable pique d'aspect vaguement chitineux, cherchant visiblement à me ramener à sa gueule ignoble! Mais son coup est rendu imprécis par son déséquilibre, et je parviens d'extrême justesse à m'y soustraire d'un recul effectué dans les règles de l'art. La créature a légèrement pivoté dans son mouvement, et je réalise avec effroi que cette saleté est pourvue en sus d'un dangereux dard, qu'elle pointe maintenant au-dessus de ma tête!

Llyann profite de ce que l'attention de la créature semble braquée sur moi pour attaquer, se glissant sur le côté de l'arachnide pour essayer de lui trancher une deuxième patte de l'autre côté. Son coup porte, mais ne parvient visiblement pas à infliger plus qu'une légère blessure au membre visé. Je rassemble une nouvelle fois mon Ki dans l'intention d'infliger un deuxième tranché de la Déesse des Vents, mais l'abjecte est plus vive et me gratifie d'une véritable gifle de l'un de ses deux autres bras, presque humains mais pourvus de griffes à leurs extrémités! Surpris par la vivacité de ce coup imprévu, je me méfiais davantage du dard, je n'ai que le temps de me tourner assez pour que ce soit l'épaulière gauche de mon armure qui trinque plutôt que ma tête. Et pour trinquer, je trinque.

La puissance du coup est telle que je suis projeté sur plusieurs mètres, et vais m'écraser contre un pilier avant de choir à terre et de heurter rudement le sol rocheux. Une douleur brutale jaillit de mon épaule, me faisant tourner la tête, je serre les dents en respirant profondément, acceptant et maîtrisant la souffrance avant de jeter un bref coup d'oeil à ma plaie. Mon épaulière est détruite, lacérée, écrasée, et ma chair en dessous ne vaut pas mieux, sans doute ai-je quelques os brisés. De ma blessure mon regard dévie sur ce qui se trouve derrière les rangées de piliers qui me cachaient la vue, il me semble distinguer dans les murs des sortes d'alcôves, ou de niches, mais il faudrait que je m'en approche pour en avoir le coeur net et je suis douloureusement conscient que l'hideuse ne va pas attendre chevaleresquement que je me relève pour poursuivre le carnage. Llyann se trouve maintenant seule face au monstre et elle va se faire massacrer si je ne l'aide pas!

J'attrape de ma main valide ma dernière potion de soin et l'avale en toute hâte, grimaçant en sentant mes os, muscles et nerfs se reformer, mais il apparait vite que cela ne suffira pas à me faire récupérer l'usage de mon bras. La rapière que je tenais de cette main a d'ailleurs voltigé je ne sais où dans l'affaire, et je n'ai pas le temps de la chercher de toute façon car j'aperçois à cet instant une Llyann débordée par les nombreux membres de la créature se prendre un vicieux coup de la pointe de son bras inférieur! Elle semble résister mieux que moi, mais malgré tout je vois bien qu'elle a été sérieusement touchée à la manière dont elle recule un peu maladroitement pour éviter un deuxième assaut. Une idée subite me vient, un peu désespérée, mais nous n'avons pas grand chose à perdre, il serait impensable de tenter de fuir car nous serions bien incapables de distancer le monstre ou de le tenir en respect jusqu'à cette maudite porte!

"Llyann! Ici! Dans les niches! Je la distrais!"

Je me relève en grimaçant de douleur pour déchainer une nouvelle fois mon énergie interne en visant cette fois la tête de la créature du souffle colérique et tranchant de Rana, mais l'horreur pivote en me repérant et c'est sa queue au dard sans doute létal qui prend le coup. La bête chuinte de douleur rageuse, un son strident des plus déplaisant, à cette nouvelle blessure, et alors que Llyann s'efforce de la contourner pour me rejoindre, elle la frappe rudement de l'une de ses mains humanoïdes! La Sindel est projetée à terre, et je vois le sang gicler de son dos lacéré par cette damnée vermine d'insecte! Elle parvient pourtant encore à rouler sur elle-même pour s'écarter un minimum du monstre, il faut impérativement que je parvienne à occuper cette damnée bestiole pour qu'elle puisse me rejoindre mais je suis raisonnablement certain qu'un deuxième coup comme le premier me tuerait net, ce qui ne rendrait pas service à ma compagne. Voyant le monstre positionner son dard pour en frapper la guerrière, je hurle à pleins poumons pour attirer son attention, priant tous les Dieux pour que cela suffise! Et de fait, le monstre se détourne de sa proie, dardant sa myriade d'yeux malsains sur moi et se mettant aussitôt en mouvement pour m'attaquer. Elle a adopté une position bizarre, prenant appui sur son bras pointu inférieur pour compenser, et visiblement cela ne lui pose guère de problèmes car elle fond sur moi bien plus vite que je ne l'aurais imaginé!

Je ne demande pas mon reste et file de toute la vitesse de mes jambes en direction des niches repérées, choisissant grâce à ma vision nocturne celle qui me semble la plus profonde, autrement dit celle dont je ne distingue pas le fond, et m'y jette dans un plongeon frénétique en sentant sur moi l'ombre de l'horreur! Quelque chose me frôle les jambes, puis un bruit sourd retentit alors que l'arachnide percute l'entrée de l'étroite niche, j'ai eu chaud par Sithi! Je me reçois durement au sol sur mon épaule valide, mais la roulade nécessaire qui suit me tire un cri de douleur lorsque j'en viens à m'appuyer sur la plaie infligée à mon autre épaule avant de heurter du dos une surface rigoureusement dure et inamovible. Le souffle court, secoué, je me sens pris de vertiges que je tente aussitôt de surmonter par un effort de volonté colossal, mais je sais que je suis à bout, épuisé et vidé de toute force, et que je ne survivrai pas longtemps en continuant ainsi. Je le dois pourtant, Llyann est toujours dans la salle, blessée à mort peut-être! Enfin pour l'instant le monstre s'acharne sur l'entrée de la niche, ou plus exactement, il se replie sur lui-même d'une manière tout à fait hallucinante et...parvient à s'insérer dans le couloir, hachant les airs de ses bras supérieurs! Déesse miséricordieuse!

(Reste calme!)

(Je sais, mais merde, là ça craint!)

(Frappe! Cogne! Défonce la! Ce n'est qu'une très vieille araignée bien affaiblie!!!)

Bien affaiblie? Vieille? Elle en a de bonnes, des fois, Syndalywë. Néanmoins son conseil est bon, frapper, et frapper encore! Je puise une fois encore dans mon Ki, le modelant en un puissant Tranché de Rana pour en frapper de toutes mes forces la patte qui me menace le plus, mais trop hâtif et nerveux, je manque de concentration et mon coup ne fait que dévier trop faiblement pour l'entamer le membre visé. L'immonde continue d'avancer, centimètre par centimètres, ses douze yeux avide et malveillants dardés sur moi me donnent la chair de poule, elle semble abjectement se délecter d'avoir ainsi piégé sa proie, certaine maintenant de se nourrir de ma viande! Je recule vivement au plus profond de la niche, qui se trouve en réalité être une tombe car un sarcophage de pierre placé en long mais occupant tout de même la quasi totalité de la largeur de la niche-couloir constitue l'obstacle qui m'a arrêté lors de ma chute. Je grimpe d'un bond dessus afin de gagner deux mètres d'espace puis, regrettant amèrement de ne pouvoir me servir de mon arc, je tente une nouvelle fois de rassembler ma force spirituelle pour porter une attaque tempétueuse digne de Rana en direction de la face ignoble du monstre!

Cette fois je fais mouche, et même si mon coup manque de puissance pour être décisif, l'horreur crisse de rage et de douleur, passant ses mains griffues sur son faciès balafré, je crois bien lui avoir crevés quelques-uns de ces maudits yeux au passage! Elle recule, cette fois, à mon plus absolu soulagement car s'il n'avait pas été soutenu par la force de la Déesse des Airs, mon bras tremblant n'aurait pu lui infliger le moindre dégât! Je m'appuie d'ailleurs contre la paroi, les jambes molles, me sentant vaguement nauséeux et très pâle. Très vite, je m'accroupis, puis m'assieds et m'adosse contre la roche froide, tandis que le monstre s'extirpe de mon refuge à grands renforts de raclements et de chuintements haineux. Je trouve la force de saisir ma gourde et de m'abreuver à longues gorgées, avant de recracher soudain la dernière en me maudissant de mon étourderie et de mon égoïsme! Llyann! Je gémis, cherchant au fond de moi le courage et la force de me relever alors que l'arachnide ignoble parvient enfin à regagner la salle pour se diriger aussitôt vers l'endroit où la Sindel est tombée peu auparavant, mais en vain, je suis à bout de ressources, ne pouvant que fermer les yeux alors que le monde rocheux qui m'entoure se met à tourner follement.

Je me suis évanoui quelques instants, pas longtemps m'apprend ma Faëra, mais assez quand même pour que l'angoisse me ronge, qu'en est-il de Llyann? Je croasse son nom, devant m'y reprendre à plusieurs fois avant de parvenir à le crier à peu près correctement. Le silence seul me répond. Je frémis et ferme à nouveau les yeux, sentant un profond désespoir m'envahir à l'idée qu'elle soit morte, elle qui n'est venue dans ce lieu maudit que parce que je me suis entêté malgré son conseil de n'en rien faire. Et par Sithi, je me sens aussi faible qu'un nouveau-né, je doute fort de simplement parvenir à me lever, alors même pas la peine d'imaginer partir à sa recherche dans la salle où doit toujours rôder l'abjecte araignée hybride.

(Maîtrise tes émotions. Sois logique. Fais ce que tu as à faire, calmement, méthodiquement!)

(Il va bien falloir. Seulement je ne tiens pas la grande forme.)

(Justement. Occupe-toi de ça d'abord.)

Je grommelle quelques imprécations qui ne sont destinées à personne en particulier, puis je fouille dans mon sac de ma main valide en quête de quelques herbes que je tiens en réserve dans ma bourse de soin. Je mâche rapidement quelques brins d'une herbe susceptible de redonner un peu de tonus durant quelques temps, puis guettant toujours nerveusement l'entrée de mon refuge, j'entreprends de me défaire de ma cuirasse afin de m'occuper sommairement de mon épaule. La potion de soin bue précédemment a fait son effet, restaurant os et nerfs, et bien que le moindre mouvement me taraude de piques de douleur violentes, les minimes gestes que je parviens prudemment à faire me laissent supposer que je pourrais retrouver l'usage de mon bras. Néanmoins la plaie est encore ouverte, ou rouverte suite au choc de mon arrivée ici, aussi j'y verse un peu d'alcool afin de nettoyer, puis applique soigneusement quelques feuilles de Snaria afin de joindre les bords des trois profondes coupures irrégulières que je bande de mon mieux, peinant à serrer suffisamment la bande de lin d'une seule main. Dès que c'est fait, je remets ma cuirasse au prix de quelques serrements de dents et remballe mon matériel, saisissant la rapière qui me reste d'une main avant de me risquer à me relever. Hum. Ce n'est pas la joie, mais je tiens debout, c'est déjà une bonne nouvelle. Je n'ai plus de potion de soin, et je ne peux rester terré ici assez longtemps pour que mes blessures guérissent, n'ayant presque plus de provisions et risquant de me faire surprendre dans mon sommeil par le monstre.

Je me calfeutre dans ma cape elfique puis m'avance prudemment vers la sortie de ma tanière, à l'affut du moindre bruit suspect, du moindre mouvement dans la pénombre. Anxieux, sachant que dans mon état le moindre coup me sera fatal, je risque un oeil dans la salle, du moins ce que je peux en voir car ces maudits piliers me dissimulent encore et toujours la majeure partie de cet antre damné. Je distingue à nouveau cette lueur rougeâtre qui m'avait interpelé, elle doit se situer dans une niche à une cinquantaine de mètres de moi, bien trop loin à mon goût avec la menace qui rôde. A moins que...oui! Il y a des niches creusées à intervalles réguliers le long de la paroi, avec un peu de chance je pourrais passer de l'une à l'autre avant que l'abjecte ne puisse me fondre dessus! Je respire à fond quelques fois, puis après un dernier balayage sensitif négatif, je me précipite le plus discrètement vers l'anfractuosité suivante!

J'aperçois une ombre mouvante à l'instant où je me glisse dans le conduit, identique à celui que je viens de quitter, un crissement aigu et détestable retentit juste derrière moi, mais la discrétion que me confère ma cape a dû tromper sa vigilance car la créature arrive trop tard! Je me retourne fébrilement, arme brandie, en rassemblant anxieusement mon Ki pour défendre chèrement ma peau, mais la dernière fois a dû servir de leçon à la sombre terreur parce qu'elle s'écarte aussitôt de l'entrée, préférant visiblement jouer au chat et à la souris selon ses règles. Et Dieux que je n'aime pas son jeu! Bien forcé d'y jouer, pourtant...et dans ce cas, autant tirer le meilleur parti de la situation. Je vais donc m'installer de mon mieux tout au fond de la crypte, et dévore hâtivement quelques trop maigres restes de viande et fruits secs avant de m'adosser dans un angle pour m'accorder un bref et nécessaire repos. Je sais que Syndalywë me réveillera en cas de problème, la créature ne peut pas m'approcher rapidement du fait de l'étroitesse des lieux et je suis épuisé, aussi je ne tarde pas à somnoler puis à m'endormir lourdement, un rictus désabusé aux lèvres face à l'incongruité de ma précaire situation.


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 Sujet du message: Re: Les Souterrains
MessagePosté: Sam 8 Aoû 2015 02:00 
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Combien de temps me faut-il pour ainsi me glisser en catimini de niche en niche, risquant par trois fois de me faire étriper par l'énorme arachnide, jusqu'à parvenir à celle qui jouxte la source lumineuse flamboyante? Longtemps. Je somnole par intermittences, grignotant lorsque j'ai faim et récupérant peu à peu entre deux angoissantes sorties dans la salle hantée. Et toujours la sombre terreur jaillit, si discret que je me fasse, bien qu'elle me semble de moins en moins prompte à réagir en y pensant. J'ai eu le très discutable privilège de l'observer distendre sa gueule immonde à un point insoupçonnable, elle doit être capable d'avaler des proies de taille très conséquente, ce qui n'est pas pour me rassurer sur l'issue de ce jeu malsain. Quoi qu'il en soit, me voici à quelques mètres peut-être de l'objet de ma quête, et une sourde exultation se mêle à l'omniprésente angoisse que j'éprouve depuis que j'ai franchi le seuil de cet enfer. Llyann m'a affirmé que la créature craignait le feu, si je parviens à m'emparer de cette épée, pour autant que ce soit bien d'elle qu'il s'agit, j'aurais une chance de m'en sortir. Une motivation qui me pousse à ne pas tarder davantage, j'ai hâte de revoir les cieux étoilés et Sithi, mais la hâte étant mauvaise conseillère, je prends un instant pour réfléchir à ma stratégie.

Pour ce que j'ai pu en distinguer, la lueur provient de la dernière niche de cette immense cave, ou plutôt tombeau, dont l'entrée est en tout point semblable à toutes celles que je viens de fréquenter bien contre mon gré. Je peux donc agir comme je l'ai fait jusqu'à présent, me faufiler jusqu'à cette lumière flamboyante et aviser ensuite en fonction de ce que j'y trouverai, plus ou moins à l'abri du monstre. Je m'entoure comme toujours de ma cape, et rassemble mon Ki pour le modeler en un éternel Tranché de Rana, songeant fugacement qu'il faudra que je développe d'autres utilisations de mon Ki, dont une que j'avais tenté il y a peu, mais pour l'heure je préfère assurer avec cette forme qui m'est devenue familière et dont la puissance n'est plus à démontrer. Mon adversaire n'est pas précisément de ceux avec qui j'ai envie d'expérimenter des techniques nouvelles et donc forcément hasardeuses. Le coeur battant, je guette comme d'habitude le moindre son, le moindre mouvement, et comme d'habitude, rien ne trouble la trompeuse quiétude des lieux. Elle est là pourtant, qui guette, patiente, affamée, prête à se jeter sur sa proie tant désirée. Je me lance, frôlant le mur de mon épaule gauche dans le vain espoir de m'y fondre assez grâce à ma cape pour qu'elle ne me repère pas.

La fourbe monstruosité jaillit de l'espace situé entre les deux derniers piliers de la salle, situé juste en face de l'entrée de la dernière niche, me coupant net l'accès à mon objectif! Sans hésiter je fais décrire à ma rapière une arabesque venteuse prolongée par l'énergie visible de ma force interne, qui vient percuter sa patte avant droite de l'intérieur en remontant, la chassant brutalement! La créature surprise perdant son appui choit sur ma droite, ce qui me laisse juste l'espace espéré pour me faufiler entre elle et le mur! Je bondis comme un forcené, manquant m'assommer contre le mur de la niche dans ma hâte à m'y réfugier, mais je passe! Le spectacle que je découvre manque me clouer sur place, mais un crissement rageur de l'arachnide me rappelle que je ferais mieux de m'engouffrer plus profondément dans mon refuge et fissa!

Je m'empresse, le palpitant affolé, ma main tenant la rapière levée en protection devant les yeux, non pas pour me protéger du monstre qui est derrière moi, mais bien de l'éclat et de la chaleur d'une flamme vive! Sur le sempiternel sarcophage de pierre brute, une grande épée de feu...l'épée ardente?! Elle repose sur un tas d'ossements et probablement d'affaires calcinées, réduites en cendres, rendant impossible toute identification même sommaire. Mon imagination s'affole, que s'est-il passé? Nulle trace d'armure, du métal même fondu se repérerait, se pourrait-il qu'il s'agisse du légendaire Thorkin emporté par un Sylphe et jeté dans la faille des tempêtes? Il aurait pu survivre à la chute, j'y suis parvenu bien que depuis beaucoup plus bas si la légende dit vrai, et devoir se débarrasser de son armure pour franchir le tumultueux torrent. Je ne sais pas si je le saurais un jour, je ne suis pas pressé de reposer des questions à un Gentâme, mais pour l'instant il y a plus pressant. Hum, j'espère que la poignée de cette lame flamboyante n'est pas brûlante...Je rengaine ma rapière, n'ayant qu'une main apte à tenir fermement une lame puis, me contorsionnant de façon à ne pas me faire incendier par la turbulente et vive flamme qui réchauffe sans modération l'atmosphère, j'approche prudemment la main de ladite poignée, prêt à reculer vivement mes précieuses phalanges en cas de chaleur trop intense. Mais rien de tel. Elle est chaude, certes, mais c'est parfaitement supportable. Le problème en fait consiste à ne pas se brûler en la manipulant, ce que j'apprends au détriment d'une mèche de ma chevelure. Il va me falloir ce fichu fourreau, et vite! Je ne sais pas si c'est bel et bien cette fameuse relique, mais en tout cas elle y ressemble fortement. D'un autre côté, l'arc de glace qui se trouvait dans le cercueil de glace de Galaël, l'Hinionne porteuse de l'arc que je possède et qui fut tuée par le porteur d'une épée ardente comme celle-ci, était en tous points semblable au vrai qui m'a été remis.

Mais pour l'heure, sortir d'ici, en vérifiant si possible ce qu'il en est de Llyann, bien que je n'aie guère d'espoir à ce propos. Une boule se forme au creux de mon estomac à cette pensée, décidément je ne porte pas chance à ceux que je fréquente. Mais la répétition engendre une espèce d'habitude, sournoise d'un côté salvatrice de l'autre, et je parviens à chasser ces sombres pensées pour me concentrer sur la nécessité présente. Premier impératif, ne pas jouer le rôle de la torche elfique, il faudra vraiment que je m'entraîne avec cette arme pour être à l'aise avec cette fichue flamme! Deuxièmement, éprouver prudemment l'effet que produit ce feu vif sur la créature, et là je supplie Meno de faire que cette arme soit ma lumière dans les ténèbres, et me permette de filer de ce lieu maudit!

Je sors prudemment de ma retraite, la flamboyante brandie devant moi comme une sainte relique susceptible d'éloigner le mal, tendu, prêt à faire retraite précipitamment si nécessaire. L'atroce créature jaillit à son habitude sournoise, mais se fige brutalement en crissant de dépit, et recule un peu maladroitement comme si elle était aveuglée par le vif éclat. Pour la première fois j'ai un peu le loisir de l'observer, et je réalise alors la pertinence des paroles de ma Faëra. Une vieille araignée affaiblie, c'est bien ce que j'ai devant moi. De nombreuses boursoufflures d'aspect plus ou moins ancien souillent son corps qui n'en avait à vrai dire pas vraiment besoin, et son deuxième bras "pique" a dû être tranché dans une précédente chasse, toutes les proies dont les corps reposent ici n'ont pas dû se rendre sans combattre. Les dommages que nous lui avons infligés ont été rudes aussi, principalement le premier choc brutal qui lui a tranché une patte avec l'usage combiné des dons de Rana, mais la succession de coups moins puissants a quand même visiblement fini par saper ses forces. Par ailleurs, ses poils sont ternes et semblent cassants, son épiderme est ridé, crevassé, incontestablement ancien. Une vieille bête des abysses, gardienne d'un lieu voué à la Mort, voilà ce qu'elle est. Mais par Sithi je n'ose imaginer de quoi elle était capable lorsque elle était encore intacte et vigoureuse! J'en frémis, et me hâte en direction de la sortie, dos au mur percé de ces tombes qui m'ont paradoxalement permis de vivre, sans quitter l'abomination des yeux, elle a beau être vieille et blessée elle n'en demeure pas moins largement susceptible de me tuer d'un seul et unique coup.

Voyant que la créature ne semble pas le moins du monde encline à se frotter au feu que je tiens en main bien qu'elle me suive comme une ombre malveillante à l'affût du moindre défaut de vigilance, je crie à plusieurs reprises le nom de ma compagne, sait-on jamais, mais seul l'écho me répond, ce qui laisse augurer du pire. Je parviens avec une aisance déconcertante au niveau de l'endroit où nous avons mené le premier combat contre la monstruosité, compte tenu du temps qu'il m'a fallu pour aller de ce même endroit à la niche de l'épée ardente. Je jette un regard inquiet entre les piliers, craignant d'y apercevoir le cadavre de Llyann, mais il n'y a qu'un peu de sang au sol. Je n'ose m'aventurer vers le centre de la salle, la maudite pourrait alors m'attaquer par derrière, et la proximité des alcôves m'assure une certaine protection si l'ignoble se décidait à tenter sa chance malgré tout. Je ne suis plus en mesure de combattre de front cette créature, si tant est que je l'aie jamais été, mais un soudain reflet métallique attire mon regard: ma deuxième rapière! Ce qui me redonne soudain un fol espoir tandis que je réalise une chose: aucune des armes de Llyann ne traîne par terre, or si la créature l'avait tuée puis emmenée plus loin, ses lames auraient dû se trouver ici! A moins qu'elles ne traînent tout simplement ailleurs dans la salle. Mais par Sithi, je ne peux pas laisser mon arme ici! Je m'apprête à tenter d'aller la récupérer sous le regard multiple de la bête lorsque me reviennent en mémoire les paroles de la mère d'Ethëll. Aucune lame ne vaut ma vie. Je pousse un profond soupir de résignation, amer de perdre cette arme qui m'a si bien servi jusque là, mais après tout, n'ai-je pas mieux entre les mains?

Au terme d'une lente et méticuleuse retraite, dans un permanent et stressant face à face avec le monstre des profondeurs, je finis par remonter marche à marche l'escalier, puis retraverser la longue salle par laquelle nous sommes arrivés jusqu'à parvenir à la porte du salut! Enfer et damnation!!! Elle est close! J'y frappe à plusieurs reprises du talon, m'y étant adossé afin de toujours tenir le monstre en respect, rageur de ce nouveau coup du sort! Mais à ma plus grande surprise, la voix de Lyann traverse le battant, inquiète:

"Tanaëth? C'est toi?"

Je hurle, ne sachant trop quel volume sonore est nécessaire pour qu'elle m'entende et peu désireux de m'attarder davantage:

"Oui! Ouvre!"

Le battant s’entrebâille presque aussitôt, me repoussant bien involontairement contre le monstre qui recule aussitôt d'autant que j'ai avancé, prêt à profiter de la moindre erreur d'inattention de ma part, et à peine ai-je fait un pas pour me glisser dans l'interstice qu'une main de la Sindel me saisit par mon bras blessé pour me tirer avec force à l'extérieur! Je laisse échapper un cri de douleur sous la brûlure intérieure que cela m'inflige, mais je franchis néanmoins l'huis damné comme une poupée de son, propulsé dans l'antre du Gentâme par la vigoureuse guerrière qui s'écarte fébrilement de la trajectoire de ma lame incendiaire! Elle referme sèchement la porte, avant de se tourner vers moi en me scrutant des pieds à la tête avant de déclarer:

"J'allais me résoudre à partir...cela fait...longtemps que je t'attends. Enfin tu as trouvé ce que tu cherchais visiblement. On peut ficher le camp d'ici, maintenant?"

L'expression soulagée qu'elle arbore atténue la critique implicite, et j'opine vigoureusement du chef en lui souriant pour lui répondre:

"On sort. Je te croyais dévorée par cette bestiole. Je suis vraiment heureux que tu t'en sois tirée. Tu me raconteras?"

Elle rougit un peu, baissant brièvement les yeux avant de me regarder à nouveau bien en face:

"Oh, rien de glorieux. Quand tu as détourné son attention et que tu t'es réfugié dans la niche, elle t'a suivi. J'ai fui, aussi vite que je le pouvais. Ma vie ne tenait plus qu'à un fil. Ensuite, parvenue ici je me suis effondrée, et pour être franche je n'ai pas trouvé le courage d'y retourner. Je te pensais mort aussi...j'ai quand même attendu...je ne pouvais pas partir comme ça."

Je la regarde avec sérieux, rétorquant:

"Tu as rudement bien fait, Llyann. Merci infiniment de ton aide, sans toi mon cadavre nourrirait cette horreur. Maintenant allons."

Pressés mais tous deux encore bien affaiblis, nous ressortons de ce temple déchu, franchissons l'interminable pont et nous enfilons dans une petite galerie approximativement rectangulaire à l'initiative de la guerrière, qui d'après ce qu'elle m'avait dit connait une issue au dédale vertigineux des souterrains du Rock Armath.

Je me fige, tandis qu'une image s'impose à mes pensées. Le visage d'un vieux Thorkin aveugle. Et ses mots silencieux, qui se forment à même mon esprit, les mêmes que ceux prononcés lors de mon "rêve" juste après avoir bu la fiole donnée par le prêtre de Meno:

(Suis le chemin du vent.)


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 Sujet du message: Re: Les Souterrains
MessagePosté: Dim 9 Aoû 2015 15:22 
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Il me faut quelques minutes pour convaincre Llyann de poursuivre seule sa route, d'autant plus que je ne peux lui expliquer clairement pourquoi je sais que je dois continuer seul, suivant en cela mon intuition plus qu'un raisonnement vraiment logique. Elle est d'autant plus réticente que je lui ai promis de la suivre sans poser de questions après la mortelle ballade dans les catacombes du temple de Phaïtos. Pour finir, c'est l'argument du fourreau, la nécessité d'obtenir des prêtres de Meno qu'ils me le confient, qui la décide. Nous convenons donc de nous retrouver aux portes du Rock dès que possible, je l'informerai de ma sortie au moyen du nécessaire d'écriture télépathique, après quoi j'honorerai ma promesse de l'accompagner je ne sais trop où en vérité. La question est d'ailleurs loin d'être anodine, je n'ai pas oublié les paroles du Gentâme faisant d'elle la responsable de mes maux. Quoi qu'il en soit j'ai prêté serment, et je ne parviens pas à être véritablement inquiet, il y a de nombreuses interprétations possibles aux réponses apportées par le serviteur de Phaïtos.

Nous nous étreignons rapidement, mon arme flamboyante tenue à bout de bras, plus comme des amis, des compagnons d'armes, que comme des amants, puis elle me remet quelques provisions issues de son sac ainsi qu'une petite fiole en me disant:

"Prends ceci, dans moins d'une journée je serais dehors. Tu devrais boire cette potion de soin immédiatement, elle te fera du bien. Sois prudent."

J'incline le visage pour la remercier, rangeant les provisions dans mon sac et vidant d'un trait la fiole de soin. J'ai aussitôt l'impression de revivre, mes plaies cicatrisant suffisamment cette fois pour que je parvienne non sans mal à remuer mon épaule lacérée par l'arachnide, un véritable soulagement car la vie est bien plus facile avec deux mains! A plus forte raison s'il me faut maintenir en permanence la flamboyante à bout de bras, j'ai beau avoir l'habitude de manier des armes elle finira par me sembler bien lourde avant longtemps et pouvoir changer de main ne sera alors pas un luxe.

"Puisse Sithi veiller sur toi, Llyann. Merci pour tout. A bientôt."

Elle s'engouffre sans plus tarder dans le tunnel menant vers la sortie qu'elle semble connaître, et je me mets alors en demeure de chercher le passage le plus venteux des lieux qui se révèle être, après une assez longue exploration car la caverne est immense, une galerie haute et étroite plongeant en pente abrupte vers les profondeurs. Je fronce les sourcils de contrariété, pas vraiment désireux de prolonger davantage mon séjour souterrain pour cette fois. Ai-je raison de faire confiance à ce vieux Thorkin inconnu? Je n'en sais rien...mais je suis vivant et j'ai trouvé une épée ressemblant fort à celle que j'étais venu chercher, j'ai rencontré une Sindel ayant connaissance des Danseurs d'Opale et liée d'une manière ou d'une autre à mon destin. Je hausse les épaules en souriant pour moi-même, puis m'enfonce résolument dans la faille venteuse, remettant une nouvelle fois ma vie entre les mains de Sithi.

Il s'ensuit une longue errance dans les abysses, de faille en large galerie, de ponts précaires franchissant d'insondables vides parfois rougeoyants, parfois emplis du brouillard de cascades torrentueuses, en salles colossales, détachée de tout repère dans le temps. Seule ma faim rythme irrégulièrement les heures qui s'écoulent, mon épuisement aussi parfois. Je suis seul. Seul avec mes pensées, seul avec les éléments, seul avec un silence parfois absolu, et des ténèbres qui le seraient si je n'étais pas parfaitement nyctalope. Et si je ne brandissais pas une bon sang de torche visible à des centaines de mètres dans ce noir de poix, évidemment. Néanmoins, sa présence trop ostensible à mon goût me procure un avantage non négligeable: je ne risque pas d'avoir froid. Et plus le temps passe, plus mes vivres s'épuisent, plus j'apprécie sa chaleur bienfaisante, qui évite à mon corps de dépenser mes forces simplement pour le réchauffer.

Je me souviens de l'astre solaire, de ses rayons parfois délicieusement brûlants. Je me souviens du vert vif des feuilles printanières, des bleus infinis de la mer, des lacs et autres plans d'eau, je me souviens des odeurs innombrables de journées d'été dans les prairies ou les bois. Je me souviens de la nuit qui tombe doucement, de l'astre nocturne qui s'élève majestueusement dans la voûte céleste, des millions d'étoiles qui resplendissent comme autant de joyaux lumineux. Cela me semble si loin. Diffus, comme si cela faisait partie d'une autre vie. J'avance, inexorablement, gravissant des amas de rochers plus ou moins instables, franchissant nerveusement quelques gouffres mal placés d'un bond ou d'une prudente escalade, me faufilant dans des endroits parfois si étroits que je suis obligé de vider mes poumons pour les franchir. Manger, peu, trop peu. Avancer. Dormir, avancer de nouveau. Ne pas perdre le courant d'air, surtout. A cela se résume mon univers, et paradoxalement il finit par m'apaiser, me ramenant à l'essentiel: survivre.

Je finis par déboucher de la plus impromptue manière sur une vaste allée manifestement taillée, son sol étant constitué de dalles pentagonales soigneusement polies et assemblées, et ses murs ornés de somptueuses sculptures indubitablement Thorkines mais étrangement inquiétantes à la lueur vacillante de la flamme issue de ma lame! Je m'extrait de la fissure qui m'a amené en ce lieu, admirant la voûte ogivale ornée elle aussi de fresques incroyablement vivantes, puis je grimace légèrement en réalisant que cette allée est en réalité une nouvelle nécropole. En effet, de nombreuses niches percent les murs, et dans les plus proches de moi je vois d'extraordinaires sarcophages de pierre sculptée avec un art remarquable, me voici donc probablement dans les caveaux mortuaires de Rock Armath. Ce qui ne me renseigne pas vraiment sur ma position, étant donné que j'ignore où ils se trouvent par rapport à la cité. Quoi qu'il en soit je ne dois plus en être très loin, reste à choisir entre la droite et la gauche, et pour cela...le courant d'air! Comme il file indéniablement sur la droite, je m'empresse de le suivre, heureux d'avoir un sol plat et sûr sous mon pied après tous ces jours à devoir prêter attention à chaque geste!


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 Sujet du message: Re: Les Souterrains
MessagePosté: Sam 4 Juin 2016 23:17 
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Nous nous enfonçons dans les ténèbres, de plus en plus profondément. Marche après marche nous descendons un interminable escalier, large d'un mètre et juste assez haut pour que je n'aie pas besoin de me baisser. La roche est parfaitement taillée, on y distingue à peine la marque des burins, et les degrés de pierres que je cesse de dénombrer à partir du deux centième sont d'une régularité hypnotique. Nous finissons par parvenir dans une espèce de rotonde d'une vingtaine de mètres de diamètre, d'où partent quatre tunnels de la même section que l'escalier, rigoureusement identiques. Je m'arrête au centre de la salle et me tourne pour demander à ma compagne quel chemin emprunter, mais les mots meurent sur mes lèvres. Ethëll n'a fait que quelques pas dans la nef, elle a délacé sa longue et fluide robe couleur de feuille morte et la laisse glisser au sol à l'instant où je lui fais face. Elle laisse un sourire envoûtant ourler ses lèvres en s'avançant lentement vers moi et murmure juste assez fort pour que je l'entende:

"Cette heure est mienne."

Vertige.

Elfe de Lumière dans les Ténèbres. Silhouette sublime drapée d'ombres mouvantes, mystérieuse sirène des tréfonds que le pâle éclat créé par ma Faëra ne fait qu'esquisser fugacement. Seuls ses yeux percent nettement la nuit, joyaux scintillant de mille feux de jade pur, fixés sur moi, ne me laissant aucun échappatoire. Une main diaphane frôle ma joue du bout des doigts, se glisse derrière ma nuque et m'attire dans les flots crépusculaires de la passion.

Vertige.

Je suis mes lames. Danseur d'Opale au coeur de glace, griffes de feu et de lune, drapé du sang de la terre et de ses ennemis. Je ne suis que cela. Excepté pour une seule. Cette heure est nôtre.

Je la quitte sans me retourner, je sais qu'elle fait de même. Nos corps se séparent, nos âmes sont une. Ullume au oialë.

Deux heures après avoir quitté le temple de Yuimen je parviens aux forges de Rock Armath, fracas des marteaux qui frappent l'enclume, des soufflets qui grincent et tempêtent pour attiser l'infernale fournaise ambiante, vociférations des Thorkins qui couvrent le tout. J'entre d'un pas décidé et la joie au coeur dans ce monde étrange mais qui, pour moi, n'a plus rien d'étranger et me dirige rapidement vers la forge du vieux Baldwinn.


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