Lorsque mes yeux se sont réouverts, il faisait nuit. Les criquets jouaient leurs musiques sous la lumière de la lune et les arbres du bois lançaient leurs ombres par terre sous l'effet du même astre. La beauté de la scène ne m'échapperait certainement pas si je ne m'étais pas réveiller bâillonné avec les mains attachées dans le dos. Je tentais immédiatement de me libéré en tortillant mes poignets mais je m'arrêta net en voyant trois ombres autour de moi. L'une d'elle était énorme et les deux autres devaient faire la taille d'un homme. Pris de panique je fus paralysé par l'idée que mes kidnappeurs ne veillent me renvoyer dans les pommes si je faisais trop de bruit. Cette précaution semblait marcher car aucun des trois hommes ne vinrent vers moi, car il s'agissait bien d'Humains. Mes yeux s'étaient habitués au noir et je pus distinguer les alentours : j'étais dans une sorte de caverne peu profonde, comme un trou vertical dans la terre, et le bois s'étendait à l'entrée. Comme je savais qu'une telle grotte ne pouvait pas se trouver dans le bois lui-même j'en déduisis qu'ils m'avaient emmené aux abords de la montagne. En regardant plus précisément les trois Humains je vis qu'ils étaient très différents les uns des autres :
Le plus grand était une véritable force de la nature, un géant musculeux mais qui avait pourtant une tête aux proportions plus normale, ce qui jurait avec le reste de son corps. Il était assis près de moi et regardait dehors, il me semblait qu'il était chauve. Il y avait aussi un vieil homme dont les rides creusées sur son visage et la longueur de ses cheveux en disaient long sur son âge, lui aussi regardait dehors et il s'était assis sur un rocher. Le dernier du trio semblait assez jeune et ses cheveux courts étaient en bataille sur son crâne. Il serrait et desserrait le poing en se tenant devant la sortie de la grotte, accoudé à l'une des parois. Si ce n'est pour ces caractéristiques, ils me tournaient tous le dos, ils étaient tous habillé avec une robe noire qui ne laissait paraître que la tête, ils ne bougeaient pas d'un pouce et ils avaient tous les cheveux rouges clair.
(Qu'est-ce qu'ils me veulent ? Qu'est-ce qu'ils font ici ? C'étaient eux les Humains qui ont si facilement respectés nos précautions à l'entrée du village ? Non, j'aurais repéré le géant. Mais alors quoi, ce sont des bandits ? Ils veulent une rançon ?)
Soudain le plus jeune se mis à parler, sa voix ressemblait à un écho sortant d'une tombe.
"Qu'est-ce qu'on fait ? On ne peut pas rester ici indéfiniment et si on va pas la chercher, elle risque de mourir."
Le plus vieux répondit sans se tourner vers son interlocuteur. Sa voix était la réplique exacte de celle de ce dernier en plus chevrotante.
"Ne t'en fais pas. Elle ne connaît pas ces bois ni ses habitants, elle n'a pas d'autre choix que de revenir vers nous et il y a trop de risque si nous partons la chercher. Au pire, on peut espérer que la faim l'oblige à revenir."
Puis le géant émis un soupir et se mis à regarder le sol tout en marmonnant avec la même voix que les deux autres mais légèrement plus grave :
"La pauvre, elle ne devrait pas subir ça."
Puis il se tourna vers moi.
"Et lui non plus."
Sa vu me terrifia, il avait les yeux rouges sangs et sa peau n'était pas beige, comme celle de la plupart des Humains, mais blanche, comme un drap propre. En me regardant il avait remarqué que j'étais réveillé, d'autant plus que mes yeux grands ouverts de frayeurs ne laissaient pas vraiment d'ambiguïté. Lentement il se leva et alla chuchoter quelque chose à ses deux compagnons.
(Merde ! Ils vont m'assommer encore une fois. J'aurais du rester tranquille !)
Le vieillard chuchota doucement :
"Très bien, voyons si cela marche avec lui."
Le géant se leva de toute sa hauteur et se dirigea vers moi. Le bon sens me criait de tenté par tous les moyens de me sortir de là mais la peur envahissait chacun de mes muscles et je ne pus rien faire alors que les énormes bottes de l'Humain se rapprochaient de moi. Arrivé à quelques centimètres de mon visage, elles s'arrêtèrent et l'homme s'agenouilla, son corps devenant un véritable mur entre moi et le reste de la grotte. Puis il me mit debout avec ses énormes mains.
"Ecoute-moi bien, Liykor, je vais te détacher et t'enlever le bâillon. Tu dois me promettre de rester tranquille, de ne pas crier et de ne pas tenter de t'enfuir. Si tu fais l'un ou l'autre nous serons obligés de t'assommer de nouveau, tu as compris ?"
La langue des humains était facile à apprendre lorsqu'on vivait dans un village où le commerce avec eux était fréquent. J'avais très bien compris ce qu'il me disait et je fis un petit mouvement de la tête pour le lui confirmer, mes yeux toujours grands ouverts de frayeur.
"Très bien. N'ais pas peur nous ne te voulons aucun mal."
Puis il délia les cordes qui serraient mes poignets et me laissa enlever le bâillon moi-même une fois libéré. Je ne préférais pas bouger d'un pouce tant que le géant se trouvait à proximité et apparemment le vieillard l'avait compris car il demanda :
"Trois, laisse-le respirer, tu dois lui faire peur je pense."
Répondant à l'appellation "Trois" le géant recula un peu et je vis que le vieil homme était tourné vers moi. Ses yeux et sa peau étaient identiques à ceux de son compagnon et je pouvais facilement deviner que le troisième accoudé à l'entrée devait avoir les même caractéristiques.
"Comment t'appelle-tu jeune Liykor ?"
toujours terrifié par ce trio à la voix quasi-identique, je mis un certain temps à formuler ma réponse :
"Kaz. Kaz Iri Orpa."
"Très bien, bonjour Kaz. Nous n'avons malheureusement pas de vrais nom à t'offrir, tu nous excuseras."
"Euh… d'accord."
Je n'étais absolument pas sûr de ce que je devais faire, mes pensées étaient en ce moment un méli-mélo d'idée sur ce que je devais faire et ce qui allait se passer. Mes yeux étaient restés fixés sur le visage du vieil Humain et il me rendait mon regard avec un léger sourire compatissant.
"Ne t'en fais pas, nous ne sommes ni des brigands ni des tueurs. Nous avons juste besoin de toi pour quelque chose et après nous te renverrons chez toi."
(Mais qu'est-ce que vous me voulez à la fin ! Je n'ais rien d'intéressant et mon père n'est pas le riche mécène du coin. Qu'est-ce que j'ais fait ?)
Sans avoir formuler mes questions à haute voix, le vieillard – qui me semblait être le chef du groupe – me répondit :
"Tu sauras bien assez tôt à quoi tu va être utile, Kaz. Reste calme et attend sagement s'il te plait."
(A quoi servent les politesses si je suis prisonnier de toute façon ?)
En regardant au dehors de la grotte je vis que la lune était déjà bien haute et qu'il n'y avait pas la moindre lumière venant de quelques villages alentours.
(Papa et maman doivent mourir d'inquiétude. Je ne sais même pas depuis combien de temps je suis ici.)
Jugeant bon de connaître ce détail, je formulais ma question à haute voix au vieillard.
"Cela fait plus de deux heures que le soleil à laissé place à sa sœur, bientôt trois je dirais."
(Bon, au moins c'est pas comme si ça faisait plusieurs jours, c'est déjà ça.)
Le vieil homme se remis à regarder dehors, impassible par rapport à son voisin qui semblait de plus en plus excité. Le silence devenait oppressant au fur et à mesure que l'attente se prolongeait. Au bout d'un moment, n'y tenant plus, je me suis rapproché de la sortie de la grotte. Automatiquement le jeune homme se retourna et m'agrippas l'épaule de telle sorte que je ne pouvais plus bouger.
"Retourne au fond de la grotte." m'ordonna-t-il.
"Deux, laisse-le tranquille. Du moment qu'il ne s'enfuit pas nous n'avons aucune raison de le molester."
Sous l'ordre de son chef, "Deux" me relâcha et repris sa position à l'entrée. Cette rapide altercation m'avait donné l'occasion de confirmer mon hypothèse : ils avaient tous la peau blanche et les yeux rouge sang.
(Par les Dieux, ce sont des monstres ? Ou alors c'est une espèce d'Humain que je ne connaissais pas.)
Lentement ma peur totale fis place à une curiosité croissante envers mes kidnappeurs : Qui étaient-ils ? D'où venaient-ils ? Pourquoi se sont-ils retrouvé ici ? Comment ? La question qui était la plus importante je crois concernait leur ressemblance entre eux. Je suis resté un moment debout derrière "Deux" et à coté de "Trois" puis je me suis mis à parlé :
"Un ?"
Le vieillard se retourna vers moi et émis un petit rire.
"Belle conclusion jeune Liykor, mais ce n'est malheureusement pas la bonne. Tu voudrais savoir quelque chose ?"
"Eh bien…"
(Ils vont peut-être s'énerver si je pose des questions.)
"Tu peux parler librement, j'essayerais de répondre à toutes tes questions."
(C'est à ce demander si je suis vraiment prisonnier ou pas.)
"J'aurais voulu savoir, pourquoi vous vous appeler par des chiffres ? Et si vous n'êtes pas "Un" alors vous êtes qui ?"
L'Humain me regarda avec un regard plat, indescriptible. Puis il me répondit :
"Pour t'expliquer il faudrait que je te raconte toute notre histoire."
"Quoi ?!" s'exclama Deux.
"Je ne lui dirais que l'essentiel, Deux, ne t'en fais pas."
Le jeune homme fulminait de répondre mais retenu sa colère entre ses mâchoires serrées. J'eu soudainement peur de représailles si je devais savoir un peu trop sur ces gens, mais encore une fois le vieil homme répondit à mes craintes sans que je les formule.
"Tu n'as rien à craindre, nous n'avons jamais tué personne et nous ne le ferons pas même si tu devais connaître nos forces et nos faiblesses par cœur. Maintenant assied-toi et écoute."
Je m'exécutais alors que Deux marmonnais dans le vide :
"Ta naïveté nous perdra, Quatre."
Ignorant la phrase, le vieillard commença son histoire :
"Comme tu viens de l'entendre je m'appelle Quatre, ou du moins c'est comme cela que je m'appelle maintenant. Nos anciens noms ont été effacés de notre mémoire il y'a de cela presque un an par un magicien, ou plutôt il faudrait l'appeler un sorcier. Il habite dans une sorte de manoir aux alentours de Tulorim et il faisait des recherches sur ce que nous appelons les fidsangs. Sait-tu ce qu'est un fidsang, Kaz ?"
(Des humains suceurs de sang. Mais c'est une légende, une créature de compte pour enfant.)
"Euh… ce sont des êtres imaginaires je crois bien. Des hommes maudits qui doivent se nourrir de sang pour survivre."
"Exact. Vois-tu ce magicien avais une fascination pour ces créatures, il était un peu fou il faut dire…"
"Complètement ouais !" corrigea Deux.
"Bref, il en était tellement fasciné qu'il s'est mis dans l'idée d'en créer lui-même. Il possédait une puissante magie, une grande bibliothèque, une certaine connaissance dans l'alchimie et quatre esclaves qu'il avait achetés. A force de plusieurs mois de tests il a enfin réussi à créer une méthode pour faire un fidsang. Les quatre esclaves furent plongé dans un sommeil profond et à leur réveille ils avaient tous la peau blanche, les yeux et les cheveux rouges et une faim inhumaine qui leur rongeait les entrailles."
Au fil de l'histoire je compris avec horreur ce que me racontait cet Humain. Un par un je dévisageais les trois êtres qui m'entouraient, comprenant pleinement la raison de ma capture.
(Ils veulent boire mon sang !)
Devant cette affreuse révélation je me mis debout d'un bond mais avant même que je ne fasse le moindre pas pour m'enfuir la gigantesque main de Trois s'était déjà mise entre moi et la sortie de la grotte. Je le regardais, cherchant instinctivement à vérifier l'horrible vérité en étudiant sa dentition. Ce ne fus pas très compliqué car il se mit à parler :
"Nous nous sommes déjà nourris, Kaz, tu n'as pas à avoir peur."
(Déjà nourris ? Mais sur qui ? Sur moi ?)
"Mais si vous avez déjà été nourris alors pourquoi vous me garder avec vous ?"
(Pour plus tard ?)
"Pour une raison bien simple, me répondit Quatre, comme je te l'ais raconté, nous étions quatre esclaves dans le manoir du sorcier, il nous avait achetés chacun parce que nous représentions une période dans la croissance des hommes. Je suis vieux, tu l'as remarqué, et on me considère comme sage. Trois est un adulte, fort et robuste. Deux est un jeune adolescent fougueux et irraisonnable. Nous avons tous les trois… "récupéré" suffisamment de ton sang pour pouvoir tenir avant de devoir recommencer à nous nourrir, mais il manque Un."
"Une." corrigea Trois.
(Il y'a une femme avec eux ? Quel fou oserait infliger une telle sentence à une femme ?)
Puis mon cerveau se mis à fonctionner et à remettre en ordre tout ce que je venais d'entendre. Petit à petit je compris qu'ils m'avaient déjà mordu et qu'ils attendaient le retour du dernier membre de leur groupe. En cherchant sur mon corps j'ais trouvé les marques que m'avaient laissées les suceurs de sang : six petites traces qui commençaient à cicatriser, deux sur mon bras gauche et quatre sur mon bras droit. La position des marques montrait clairement qu'elles allaient par paires, séparé deux par deux par la largeur d'une mâchoire.
(Mais pourtant, je devrais me sentir plus faible s'ils m'ont pris du sang. Je ne me sens pas vraiment en forme mais je ne suis pas près de tomber dans les pommes non plus.)
Continuant à cogiter sur la situation je découvris une autre vérité effrayante. Je ne pouvais pas accepter qu'une telle chose soit possible mais je voulais avoir confirmation que je me trompais.
"Excusé-moi, mais si vous représenter chacun un âge différent, alors "Un" représente quel âge ?"
Le silence qui suivit me servait amplement de réponse, mais mon esprit sain ne pouvais accepter quelque chose d'aussi monstrueux tant que la réponse ne m'avait pas été donnée, claire et nette. Ce fus Deux qui me répondit :
"Une… est une petite fille de dix ans… Elle…"
"La voilà !"
Interrompu par Quatre, Deux ne fis plus un seul mouvement alors que la petite fille, Une, approchait de la grotte. Elle ressemblait à ses confrères avec ses longs cheveux rouges qui tombaient sur son visage et sa peau blanche comme un nuage. Sur elle, par contre, la couleur semblait harmonieuse, comme si c'était sa couleur de peau naturelle. Elle entra à l'intérieur sans dire un mot, sa tête baissé comme s'il elle venait d'être battue, et sa robe noire, trop grande, traînait par terre derrière elle.
(Dieux ! Ce sorcier aurait infligé la même malédiction à cette fille ? C'est ignoble !)
"Tu as compris j'imagine, Kaz Iri Orpa. Nous ne t'avons pas encore relâché parce que Une ne s'est pas encore nourrie."
En disant cela Quatre avait déclenché quelque chose chez la petite fille et elle courus se blottir contre le géant Trois pour exploser en larme dans ses bras. La scène, lorsqu'on comprenait ce qu'elle signifiait, était insoutenable. Nous sommes pourtant restés sans bouger à regarder la jeune Humaine pleurer à grande eau. Sa voix, aussi inhumaine que celle des autres mais plus aigus, renforçait encore plus le sentiment de compassion qui grandissait en moi. Je me savais d'un naturel gentil mais ce que j'allais faire dépassait mes limites de la gentillesse.
(Je deviens fou.)
Je me suis lentement approché de la fillette en pleure, ni Deux ni Quatre ne m'en ont empêché et seul Trois me regardait d'un air suspicieux alors que je touchais l'épaule de sa protégée.
"Tu… tu peux me mordre si tu veux, ça ne me gène pas."
Elle s'arrêta de pleurer en m'écoutant. Elle se tourna vers moi avec ses petits yeux mouillés et me regardait d'un air effrayé. Mimant mes paroles je levais le bras gauche, celui qui était le moins mordu, et je lui fis un sourire en le tenant dressé devant elle. Une se dirigea lentement vers mon bras, apparemment résignée à laisser libre cours à sa faim. Ses petites mains attrapèrent sa nourriture mais au lieu de me mordre directement, elle me regarda d'un air triste. Ne sachant pas ce qu'elle voulait, je lui fis un petit mouvement du menton vers mon bras.
"Vas-y, je sais que tu dois le faire."
Mais Trois avait compris ce que demandait l'humaine et il mis son immense main devant mes yeux pour m'empêcher de voir sa protégée me mordre.
(Oh, elle ne voulait pas que je la voie en fait.)
Quelques secondes après elle le fis et je ne pus retenir un léger mouvement de recul qui, heureusement, n'a pas suffit à la faire lâcher. Sentir son sang couler naturellement vers l'extérieur lorsqu'on est blessé n'est déjà pas une sensation douce, mais lorsque quelqu'un suce inlassablement une bonne dose du liquide en dehors de votre corps on a limite envie de vomir.
Lorsque Une avait fini je sentais que mon bras était beaucoup plus faible qu'avant et, lorsque Trois retira sa main, je pus voir que mon membre était plus pâle aussi. La petite fille ne pleurait plus mais elle était apeurée par ce qu'elle venait de faire. Trois la pris dans ses bras et la tourna vers le mur avant de commencer à la bercer doucement. Deux se mis à coté de moi et me dit doucement :
"Merci, elle ne supporte pas la malédiction comme nous et elle fugue souvent en croyant qu'elle peut y échapper. Elle n'aime pas mordre des gens, et encore moins tuer des animaux."
"Tuer des animaux ?"
"Oui, lorsque nous devons nous nourrir et qu'il n'y a pas de grands organismes sanguins à proximité nous sommes obligés de chasser des animaux. Le problème c'est que la plupart d'entre eux n'ont pas assez de sang pour survivre à nous quatre, nous sommes donc obligés de les tuer."
"D'ailleurs nous t'avons trouvé à point nommé, rajouta Quatre, nous avons faillis vider entièrement un vieux loup avant que nous ne te repérions."
(Un vieux loup ? Ca ne peut pas être…)
"Ah ? Et ce vieux loup aurait-il par hasard l'habitude de gratter le sol ?"
"Tu le connaissais ?"
(C'était Gratgratt ! Ils ont failli tuer Gratgratt !)
Encore une fois Quatre compris ce qui se passait dans ma tête et marmonna plusieurs insultes dans le vide.
"Qu'est-ce qu'il y a ?" lui demanda Trois.
"Ce loup n'était pas un loup sauvage, c'était un animal de compagnie des Liykors. Et il devait certainement venir de son village."
Les trois se tournèrent vers moi, leur visage montrant clairement que cette pensée les horrifiaient, et s'excusèrent presque immédiatement, bien qu'ils le firent silencieusement pour ne pas gêner Une qui dormait. Je n'avais pas vraiment le choix que d'accepter leurs excuses car, maintenant que je connaissais leur histoire, je compatissais à leur malheur.
"C'est la première fois que ça nous arrive." affirma Trois
"Le problème c'est que plus on va s'éloigner des régions qu'ont connais, plus ce genre d'accident arrivera, rajouta Deux. Là, on a eu la chance de trouver Kaz avant de tuer le loup mais ça n'arrivera pas tout le temps. Il faut se rendre à l'évidence, on ne peut pas continuer comme ça."
"Enoncé le problème ne sert à rien si tu n'as pas la solution, reprocha Quatre. Or pour l'instant il n'y a pas de solution."
Sans pour autant m'apitoyer sur le sort de ces malheureux je comprenais bien leur détresse. Etre repoussé de tous et susciter l'horreur, même de soi-même, ce devait être une sensation horrible. Plus j'y réfléchissais plus je désirais trouver un moyen de les aider mais à part trouver le sorcier qui les as transformés et l'obliger à leur rendre leurs apparences normales je n'avais aucune idée.
(A moins que…)
J'avais dépassé les limites de la gentillesse pour aider la petite fille, mais là je voulais carrément passer outre le bon sens. Mais pour une raison ou une autre je me disais que je devais le faire. Il ne me fallait que quelques renseignements et je me tourna vers Deux pour les avoirs :
"Vous devez vous nourrir tous les jours ?"
"Non, nous cherchons des personnes à mordre au bout d'une semaine. Nous pouvons tenir deux semaines normalement mais nous ne voulons pas tenter le diable, mieux vaut être prudent."
"Et j'imagine que là ça faisait plus d'une semaine."
"Dix jours à peu près."
"Et si vous attrapez quelqu'un, vous le garder combien de temps ?"
"Ca dépend de la race… mais pourquoi tu me pose ces questions ?"
(Ils ne m'ont pas gardé très longtemps, à peine quelques heures. Ca devrait marcher.)
"Et j'imagine que la même personne peut vous servir chaque semaine ?"
"Oui, mais ça…"
"Non ! N'y pense même pas !"
Tout le monde dans la grotte se tourna vers Quatre, qui venait d'interrompre la discussion. Son regard perçant était dirigé droit vers ma tête et son front était plissé en une expression de mécontentement que ses rides accentuaient.
"Je vois très bien à quoi tu pense, Kaz Iri Orpa, et c'est de la pure folie ! Nous sommes déjà quatre à subir cette malédiction et il n'est pas question que nous intégrions une cinquième âme à notre malheur !"
(C'est incroyable, il peut réellement lire dans mes pensées ? C'est un devin ou un magicien ?.)
"Je ne comprends pas, s'étonna Trois, qu'est-ce qu'il veut faire de si mauvais ?"
"Il veut nous servir de repas permanent, il veut que nous ne mordions plus que lui chaque semaine."
"Hein !?" s'exclama Trois.
"Te rend-tu compte que faire ça détruira définitivement un jour entier de ta vie par semaine ? Et ceux pour le restant de tes jours ?"
"Mais non ! Vous pouvez retrouver le magicien qui vous a transformé et lui demandé de vous redonner votre apparence normale."
"Demander ? Tu pense bien qu'un tel homme ne voudra jamais détruire ce qu'il considère comme son chef d'œuvre."
"Eh bien vous pouvez trouver un moyen de l'obliger, je ne sais pas comment, mais en tout cas ce que je vous propose vous évitera des "accidents" ou même de tomber sur quelqu'un qui vous fera mal."
Quatre ne trouva rien à répondre à cela et Trois restait les yeux grands ouverts devant ma proposition. Il n'y avait que Deux qui la considérait calmement.
"Ca peut marcher, dit-il, mais nous n'avancerons à rien si nous restons cacher ici, il faudra que tu puisses voyager avec nous."
"Je trouverais des prétextes pour voyager, ce ne sera pas très compliqué. Et puis je pourrais trouver des informations à Dehant, il y'a beaucoup de gens de tous les pays là-bas. Un sorcier qui vit dans un manoir près de Tulorim et qui achète des esclaves ça doit se connaître."
"Le sorcier n'est malheureusement plus dans son manoir, les habitants de Tulorim l'ont chassé en apprenant ce qu'il nous avait fait. Non pas parce qu'ils trouvaient ça ignoble mais parce qu'ils ne voulaient pas être mordus. Nous avons profité de leur assaut sur le manoir pour nous enfuir."
"Eh bien ça n'empêche que je trouverais sûrement des informations."
Ils considérèrent la proposition en silence, pesant le pour et le contre. Au bout d'un moment Trois fit une remarque :
"Ton plan peut marcher à un détail près, Kaz : il faudra que tu explique à tout le monde ta disparition pendant un jour entier. Comment compte-tu faire ?"
Mon cerveau fonctionna très vite à ce moment-là.
"Par la pèche ! Ca prend un temps fou la pèche et j'adore ça, ce sera très simple de convaincre tout le monde que je passe des journées entières à la pèche."
Ils se taisaient une nouvelle fois pour réfléchir mais je voulais presser leur jugement.
"Ce que je vous propose est un moyen efficace de vous protéger et de protéger les gens aux alentours. Je vous promet de…"
"Non ! Aucune promesse, s'écria Quatre, si tu commence à promettre de nous aider et que tu remarque que cela n'est plus possible tu te sentiras obligé et tu feras des bêtises ! Ne promet rien Kaz Iri Orpa et j'accepterais ta proposition."
Ainsi je ne promit pas d'honorer mon plan, même si dans ma tête le simple fait de l'avoir proposé et qu'ils l'aient accepté en faisait une promesse. Deux et Trois acquiescèrent à leur tour.
"Il faut que je rentre maintenant, mes parents doivent s'inquiéter et j'aimerais ramener Gratgratt chez lui aussi."
"Gratgratt ?" s'étonna Deux.
"Le vieux loup que vous aviez capturé."
"Nous l'avons relâché après t'avoir attrapé, m'affirma Quatre, il doit être déjà chez lui."
(Bien, ça m'évitera de le chercher dans le noir.)
"Et… mes affaires de pèche ?"
"Ah oui ! S'exclama Deux, désolé mais je les aie laissés là où je t'ais assommé."
"Bon, je vais les chercher alors."
"Merci beaucoup Kaz, lança Trois, tu ne peux pas savoir à quel point tu nous aideras."
Un peu gêné mais compréhensif, je répondit d'un sourire et Deux se mis de coté pour me laisser sortir. Sans plus attendre, je bondis au dehors de la grotte, impatient de revoir mon village et en même temps anxieux de ce que je venais de faire.
(Je me suis mis dans un beau pétrin on dirait.)
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Moi qui mord, moi qui guérit Toi qui meurt, toi qui te rétabli Eux qui tuent, eux qui sauvent Mais lui, il ne peut rien faire
Kaz Iri Orpa, Liykor Bratien Guérisseur de niveau 1. Se la coule douce dans son village de Jarvron
Le porc... est un loup pour le porc.
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