Partie précédenteUn bruit lointain semblable à un hurlement me réveillai. J’étais allongé sur un sol froid et humide dans une pièce très sombre.
(Ou suis-je ?)Je me levais lentement, prenant le temps de trouver mon équilibre. J’avais le dos endolori et chaque mouvement me faisait lâcher un gémissement. Petit à petit, mes yeux s’habituaient à l’obscurité et je découvris plus en détail la pièce dans laquelle je me trouvais.
En haut d’un des murs, une ouverture donnant sur l’extérieur, protégée par des barreaux, représentait la seule source de lumière de la cellule. Continuant mon analyse de la pièce, j’en concluais que la seule sortie possible était donc cette porte de bois qui semblait fermée, devant laquelle était disposé une assiette d’un ragout peu appétissant.
(Je dois être en prison. Ils n’ont vraiment pas apprécié ce que je leur ai faits)Je décidais de m’asseoir dans un coin de la pièce attendant qu’on vienne me chercher. La pièce était froide et humide rendant inconfortable toutes les positions possibles. Un silence pesant régnait dans la cellule et la seule fenêtre présente ne me permettait pas d’observer le ciel, m’empêchant de savoir précisément quelle heure il était. Mon attente me semblait infinie. Je regardais le mur en face de moi, résigné. Parfois, des hurlements déchiraient le silence pesant, hérissant les poils de tout mon corps.
Un bruit de claquement de porte me réveilla en sursaut. Combien de temps avais-je dormis, je n’en avais aucune idée. Le ragout avait disparu mais l’assiette était toujours bien présente, surement l’œuvre de quelques rats. Il me semblait que la nuit était tombée. La lumière des torches illuminait encore ma cellule, projetant des ombres sur les murs aux formes évocatrices. J’imaginais sans mal certaines créatures effrayantes se dessiner.
Quelqu’un sifflait dans le couloir, du moins il me semblait. Ce son aigu et désagréable me remplissait le crâne. Ce bruit incessant devenant insupportable, je ne résistai plus et me précipitai vers la porte en la frappant de toutes mes forces.
"Vous pouvez pas arrêter de siffler !" M’exclamai-je.
Malgré cela, j’entendais toujours ce sifflement qui me rendait fou.
Après un certain temps, je décidais résigné à m’assoir dans un coin reculé de ma cellule, me bouchant les oreilles avec mes bras.
Il était là, en face de moi. Il me regardait en souriant. Je pouvais voir le trou béant qu’il avait dans la joue, laissant visible une partie de ses dents. Il s’approchait de moi, laissant trainer derrière lui la boule de fer accrochée à une longue chaîne. Effrayé, je levais mes bras devant moi cherchant désespérément à me protéger.
"Ne m’approchez pas !""Je sais que tu viens. Renonce. Tu vas tout perdre."Sans avertissement, le pirate s’écroula à quatre pattes et fut pris d’une toux sèche. Je ne comprenais pas ce qu’il se passait. Du sang se mit à couler de sa bouche et son visage se déforma. Une partie de son crâne s’était décomposé et je pouvais presque distinguer sa cervelle. Sa poitrine s’ouvrit répartissant sur le sol les différents organes qu’il avait dans le ventre il y a peu. Quelques secondes plus tard, il s’effondra sur le dos. Ma tête se mit à tourner. Une odeur de pourriture m’envahit. Je perdais peu à peu connaissance. Toutefois, malgré l’obscurité, je pouvais nettement le distinguer. Ce n’était plus le visage du pirate qui gisait à mes pieds. C’était le visage de Gayo Lodir, le capitaine de la Mouette. Mon capitaine.
Je me réveillais une nouvelle fois en sueur. Je ne sais pas combien de temps s’était écoulé. Quelques secondes, quelques minutes ? Une musique triste et monotone, semblable à une flûte, s’était ajoutée au sifflement qui persistait toujours. Il n’y avait plus d’éclairage dans ma cellule, la torche avait dû s’éteindre.
Sans savoir réellement pourquoi, je me mis à fredonner. Je me souvenais du visage ; son visage. Je l’avais vu mourir devant moi, se vidant de son sang.
Perdu dans mes pensées, c’est une pierre lancée dans ma cellule qui me fit sursauter. Je pestais envers la personne qui s’amusait à réveiller les prisonniers et me saisis de l’assiette vide, toujours devant la porte, afin de la lancer. Affaibli par le manque de nourriture et de sommeil, je trébuchais sur le sol. Je lâchai un cri de douleur lorsque je tombai sur mon poignet. Me relevant tant bien que mal, rien ne semblait cassé mais la douleur était encore bien présente. Baissant les yeux à la recherche de l’assiette, j’aperçus la pierre qu’on venait de me lancer. Un message, qu’une faible luminosité nocturne éclairait, y était accroché :
Hertann,
Les grandes exécutions ont lieu demain, nous te sortons de là dès que possible. Tiens-toi prêt.
L’équipage, le navire. Ce message eut l’effet d’une douche froide. J’attendais désespérément qu’on vienne me chercher afin de me relâcher, mais il n’en serait rien. Je revoyais nettement les affiches rouges, placardées dans toute la ville annonçant que toutes les personnes en prison à cette date se feraient exécutées.
Demain…
Ce mot que je n’avais même pas voulu prononcer semblait résonner dans cette petite pièce vide.
Il fallait que je me prépare, que je sois prêt si les autres venaient me libérer.
J’attendais ainsi plusieurs heures, mais personne ne vint. Mes sens s’affolèrent lorsque je distinguais par la petite ouverture les premiers rayons du soleil levant.
Les coups résonnèrent dans la cellule. Trois coups distincts frappés sur la porte, suivis par une phrase qui ne laissait aucun doute.
"Colle toi au mur les mains en évidence, on vient te chercher. S’exclama une voix grave."Deux gardes pénétrèrent dans la pièce et me bandèrent les yeux. Les exécutions allaient commencer, et personne n’était venu me sauver.
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