La Mort du RebouteuxLa Destinée Corsaire
Ce sentiment de fuite qui semblait l'envahir, le remplissant d'une inquiète impatience, avait naturellement poussé ses pas vers le port. Il y avait toujours quelques équipages en mal de marins hâtifs de reprendre la mer qui étaient prêts à engager le premier grand gaillard venue pour leurs basses besognes. Après tout, n'était-ce pas comme cela que Klaus s'était fait embaucher par une compagnie de transport d'épices ? Alors pourquoi pas lui ?
Il passa devant nombre d'équipage avec une certaine angoisse. Il ne savait vraiment pas ce qu'il faisait, s'il prenait la bonne décision, s'il ne ferait pas mieux de rester ici pour soigner les gens de Dahràm. Il était le seul guérisseur de la ville, avait-il vraiment le droit de l'abandonner ?
Il s'arrêta, fatigué par son pas pressant et par son esprit semblant parti pour exploser. Il souffla, s'accroupissant dans un coin, tête baissée et se posant comme il pouvait.
Il se dit n'avoir plus aucun compte à devoir à personne et que rester à Dahràm ne pouvait le conduite que vers la folie la plus pure, qu'il devait à tout pris écouter cette pulsion salvatrice qui ne devait lui vouloir que du bien.
Il releva son regard et vit l'affiche collée sur une baraque en bois lui rappelant inévitablement celle du feu rebouteux.
"Les pirates recrutent, rejoins la confrérie" était écris en lettre capitale sous un crâne menaçant. Ça correspondait à ce qu'il recherchait, après il n'avait pas de critère de choix de précis et il n'aurait peut-être pas d'autre occasion avant un moment. Il n'y avait donc pas à hésiter une seconde.
Il se releva et fonça d'un pas qui restait tendu, frappant nerveusement à la porte. Des bruits se firent entendre à l'intérieur, puis un large gaillard aussi large que chauve et borgne lui ouvrit.
"Yep gros matou, c'est pour quoi ?""Qu'est-ce que je dois faire pour me faire intégrer dans un équipage ?""Ça dépend, tu sais faire quoi ?""Je suis guérisseur et j'ai des muscles, ça suffit non ?""Un guérisseur hein ? Intéressant, mais est-ce tu saurais faire un noeud en queue de singe ou de carrick, lover un cordage, amurer, faire un calfatage, manoeuvrer de lourdes charges avec le cartahu, faire une épissure ?""Heu pour être franc, non. Mais j'apprends vite."Le chauve le considéra quelques secondes, puis lâcha :
"Humpf, t'as de la chance qu'on n'est pas encore de guérisseur. Le cap'tain Heartless décidera d'ton sort. La Grande Prostituée doit arriver vers le zénith, elle t’emmènera à lui.""Je ne peux pas aller le voir directement plutôt ? Il est dans quel bordel ?"Le chauve se mit à exploser d'un rire gras qui se faisait long, alors Mercurio reprit :
"J'ai dis une connerie ?""Par Moura, mon gars, une belle connerie ouais ! Le cap'tain est en mer en ce moment, pas ici ! Pis la Grande Prostitué, c'est pas une catin, nom d'un drakarn ! C'est un bateau qui sert de navette pour les marins d'eaux douces dans ton genre à aller rejoindre celui du cap'tain, la Laide-les-Maines ! Allez, va donc cherchez tes petites affaires et tout le tsointsoin, t'embarques aujourd'hui !""Génial ! Merci ! Merci mille fois !""J'ai pas besoin de tes mercis petit, va !", dit-il avant de refermer brusquement la porte.
Mercurio, gaiement, repartit dans la baraque récupérer quelques affaires de soigneurs, quelques parchemins et passa chez lui prendre quelques habits. Cette nouvelle l'enthousiasmait au plus haut point et c'est maintenant joyeux qu'il parcourait Dahràm, sachant qu'il n'allait pas y revenir avant un bon moment.
La Grande Prostituée
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Playlist de Mercurio
A propos, j'ai trouvé la morale de la fable que ton grand père racontait,
celle du petit oiseau que la vache avait recouvert de merde pour le tenir au chaud et que le coyote a sorti et croqué...
C'est la morale des temps nouveaux.
Ceux qui te mettent dans la merde, ne le font pas toujours pour ton malheur
et ceux qui t'en sortent ne le font pas toujours pour ton bonheur.
Mais surtout ceci, quand tu es dans la merde, tais-toi !
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Jack Beauregard (Henry Fonda), Mon nom est Personne, écrit par Sergio Leone, Fulvio Morsella et Ernesto Gastaldi