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 Sujet du message: Trajet aérien en cynore entre Kendra-Kâr et Lùinwë
MessagePosté: Sam 2 Mai 2009 10:44 
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Trajet aérien en cynore entre Kendra-Kâr et Lùinwë


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Durée du trajet en cynore entre les villes du continent Nirtim

Postez dans ce sujet vos trajets de voyage entre Kendra Kâr et Luinwë

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Zone d'embarcation

Le décor à l'intérieur du cynore me stupéfie dès mes premiers pas dans l'engin. Du luxe, du luxe et encore du luxe. Interdit et dans mes petits souliers face à tant de faste, je suis en silence l'elfe qui semble avoir retrouvé tous ses moyens dans un environnement familier. Après avoir traversé plusieurs corridors tapissés de rouge profond, et de dorures moulées sur les plafonds, et survolé -pour ma part- plusieurs escaliers, l'elfe arrive devant une porte de bois sombre, et s'arrête.

Il l'ouvre devant moi, s'incline et fait un pas en arrière pour me laisser pénétrer dans mon antre de quelques heures. Je le remercie en passant, ce dernier me souhaite un bon voyage et s'éclipse, non sans me rappeler de le faire mander en cas de problème. Mais déjà il est sorti de mon esprit, et je détaille, ébahi, ma cabine. Même en n'ayant absolument rien vu de ma vie, mis à part une cabane perdue dans la forêt, je peux sentir le faste brandi telle une bannière par chacun des objets présents.

(Ah ouais. Quand même.)
(Tu l'as dit bouffi.)

Un moelleux et confortable lit à baldaquin trône dans le coin opposé à l'entrée. Paré de pourpre et d'or, il respire et inspire la suffisance. Ce n'est pas pour me déplaire. Le reste de la cabine est orné de diverses étoffes, posées par terre et accrochées au mur, dont j'ignore l'utilité. Une petite porte au fond me revèle la présence d'une salle d'eau toute simple, où m'attendent un baquet fumant et des petits pavés blancs étranges, glissants et qui font des bulles.

C'est donc avec délices que je me deshabille et que je plonge dans le baquet pour me décrasser, à l'aide des machins blancs. Aurore ne manque pas de soupirer bruyamment de soulagement, et de m'encourager à refrotter telle ou telle partie de mon corps, moqueuse. Evidement, les êtres constitués de fluides n'ont pas à se préoccuper de telles trivialités! Fichue Faera...

Après un efficace et attendu bain, je me rhabille et me jette avec plaisir dans l'énorme lit, sur lequel je m'étale avec bonheur, ayant l'impression de flotter sur un nuage duveteux. Pendant ce temps, Aurore sort de sa pierre précieuse, et se pose à côté de moi sur le lit. Nous commençons à papoter, pour faire plus ample connaissance, mais sans crier gare, mon corps flanche et je m'endors.
C'est quelques heures après que je me réveille, à cause de coups discrets frappés à la porte, et d'Aurore me hurlant dans la tête
(Réveille-toi Sil'! On est arrivés!!)

Dommage, j'aurais tant aimé profiter de l'outrageux luxe du cynore...


Les rues de Kendra-Kâr

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 Sujet du message: Re: Trajet aérien en Cynore entre Kendra-Kâr et Lùinwë
MessagePosté: Ven 20 Aoû 2010 17:13 
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Je rentrais dans le cynore. Il y avait déjà des personnes à bord. Je contemplais l’intérieur et j’étais tout simplement ébahie devant la beauté de l’ameublement. Il y avait un nombre important de fauteuils et de canapés moelleux pour le confort des passagers dont certains étaient placés devant de grandes baies vitrées par lesquelles on pouvait observer le paysage. L’espace était immense et le sol recouvert de parquet avec ici ou là des tapis somptueux et au fond se trouvait un bar où l’on servait des boissons. Je m’y dirigeais et demandé un verre d’hydromel car après ce qui s’était passé à la zone d’embarcation j’en avais bien besoin.

Je m’asseyais sur un des fauteuils, bien placé pour admirer la vue. Le cynore n’avait pas encore décollé mais les portes de l’appareil avaient déjà été fermé et ce à mon grand soulagement. Voir les visages de ma mère et de Thalimàd m’aurait fortement déplu et m’aurait mise en colère. Je n’arrivais toujours pas à croire ce que j’avais entendu. Cela ne ressemblait pas à ma mère de changer comme ça de comportement et d’avis. Soit la solitude l’avait vraiment rendu différente, soit je ne connaissais pas vraiment ma mère, et cette dernière idée me terrifiait au plus haut point. J’étais tranquillement assise lorsque quelqu’un plaça ses mains sur mes yeux. Mon cœur se mit à battre et sans m’en rendre compte je prononçais le nom de la personne que j’étais la plus désireuse de voir.

"Amhalak ?

C’est qui celui là ? C’est ton petit copain ?"

Un sourire immense se dessina sur mes lèvres. Cette voix et ce ton moqueur je les connaissais bien. Je me dégageais de l’étreinte de ces mains sur mon visage, me levais et me retournais vivement avant de me jeter dans les bras de mon meilleur ami.

"Yrahùm ! Je suis si contente de te voir !

Moi aussi ça me fait plaisir, je t’ai vu monter tout à l’heure."

On relâcha l’étreinte et je me mis à l’observer. Il avait énormément changé. Le petit garçon frêle de mes souvenirs s’était transformé en un adulte musclé mais avec un regard plus dur qu’avant. Comme moi il avait perdu un proche lors de son enfance et c’est pour cela que l’on s’entendait si bien, car on connaissait tout deux la douleur liée à la perte d’un être cher. Pour lui ça avait été la perte de son grand-père mort de vieillesse certes, mais il l’avait très mal vécue. La mort de son grand-père était survenue une semaine environ après celle de mon père. Cette épreuve nous avait rapproché et avait soudé notre amitié. Il avait décidé de faire son apprentissage en tant que guerrier et je me souvenais que l’on s’était engueulé environ un mois avant qu'il ne parte en apprentissage. Mon père étant mort à la guerre, je ne voulais pas qu’il prenne ce risque, mais il voulait suivre la même voie que son grand-père qui avait été un puissant guerrier. Aujourd’hui je comprenais pourquoi et je me rendais compte que je n’aurais pas du m’inquiéter.

Ces cheveux très châtain avaient viré au blond et étaient regroupés en une tresse, sans doute le protocole des guerriers. Il avait du se faire du soucis, du moins c’est ce que l’on racontait par chez nous quand la chevelure d’une personne s’éclaircissait. Sa musculature s’était drôlement étoffée, seuls ses yeux noisette n’avaient pas changé. Ils avaient gardé la même couleur mais son regard en général avait, certainement comme le mien, perdu toute l’innocence de l’enfance. Il devait se rendre à Kendra Kâr pour le travail et pour cela il portait une armure de couleur grise, une longue épée pendait le long de sa cuisse droite et une dague était coincée dans sa ceinture.

"Allons, viens t’asseoir, on a tellement de choses à se raconter.

Tu as raison. Mais d’abord dis moi, qu’est ce qui s’est passé sur la zone d’embarcation ?

Comment ça ?

Ne fais pas l’innocente, pas avec moi. Tu te disputais avec ta mère, il me semble, et quelqu’un que je ne connais pas, mais ça avait l’air violent, j’ai même failli intervenir.

Oh…alors tu as tout vu…

En effet. Alors ? Tu sais que tu peux tout me dire. On a cinq heures de vol devant nous, on a le temps.

Le garçon s’appelle Thalimàd. Je l’ai rencontré sur la route depuis Kendra Kâr, où j’ai finit mon apprentissage il y a quelque jours maintenant, et…rah c’est idiot…il est amoureux de moi et il est allé trouvé ma mère pour lui demander ma main, mais moi je ne l’aime pas, je suis amoureuse d’un elfe qui s’appelle…

Laisse moi deviner, Amhalak ?

Comment l’as tu compris ?

L’émotion que tu as mise quand tu as prononcé son nom tout à l’heure.

Décidemment ça n’a pas changé, je ne peux rien te cacher.

Et oui il est très difficile d’avoir des secrets entre amis.

…Oui…

Ça va ?

Oui oui, rassures toi. Alors, raconte moi ton apprentissage, je veux tout savoir."

Il me raconta alors son apprentissage avec tous les exercices de "tortures", selon ces mots, qu’il avait du faire pour prendre du muscle. Il avait appris à manier l’arc, l’épée et même un peu de pratique à la hache. Selon lui il était tombé sur un maître fantastique qui avait l’esprit très ouvert et que même si c’était peu courant de voir un elfe se battre avec une hache, dans une situation extrême, avoir quelques connaissances était toujours utile. Vers le milieu de son apprentissage, il avait traversé une période difficile où il avait faillit mourir suite à un hiver vigoureux durant lequel il s’était sentit très affaibli et plusieurs fois il avait failli y rester.

"J’aurais bien eu besoin de toi à cette époque.

Oui je vois ça, mais tu sais à ce stade de mon apprentissage je ne savais pas encore faire grand chose.

Soit pas modeste, tu étais très motivée, d’ailleurs, il y a quelque chose que je ne comprends pas…

Quoi donc ?

Tu m’as dit que tu venais de finir ton apprentissage il y a quelques jours à Kendra Kâr et je te retrouve sur la zone d’embarcation de Lùinwë…pardonne moi mais je ne comprends pas très bien."

Je poussais un long soupir. J’avais besoin d’en parler à quelqu’un. Sans entrer dans les détails, il fallait que je dise à une personne que mon père avait été assassiné.

"Tu viens avec moi sur le pont ? Il n’y a personne et je ne voudrais pas que l’on entende ce que je vais te dire."

Yrahùm me regarda bizarrement mais avec de l’inquiétude dans les yeux. Sans discuter il me suivit sur le pont. On se plaça le plus loin possible de l’accès qui donnait sur l’intérieur de l’appareil.

"Qu’est ce qui se passe Saly ?

Tu me connais depuis longtemps, tu as toujours été là pour moi. Je sens un poids sur ma poitrine et cela m’opresse.

Saly n’est pas peur, tu sais que tu peux tout me dire et que je ne ferais jamais rien qui puisse te nuire."

En disant ces mots, il avait placé ses mains sur mes épaules en me forçant à le regarder.

"Je sais."

Je lui racontais tout dans les moindres détails. Ma rencontre déstabilisante avec Amhalak, le rêve étrange que j’avais fait sur la route du retour, les boucles d’oreilles qu’Amhalak m’avaient donné et du secret que je devais découvrir à mon retour, ma rencontre avec la bande de Thalimàd, mon arrivée mouvementée à Lùinwë et enfin de mon entretien avec l’ami de mon père ainsi que de la lettre que j’avais retrouvée.

"Et alors, qu’est ce qu’il t’a appris ?

Il m’a appris qu’après un séjour à Kendra Kâr, mon père était devenu plus secret sur ses activités. La veille de sa mort mon père est allé trouver son ami et il lui a remis ces mêmes boucles d’oreilles mais une paire pour ma mère et le lendemain on le retrouvait mort...mais…

Mais quoi ?

Yrahùm, ce que je vais te dire dois impérativement rester entre nous, tu me le promets ?

Oui, tu as ma parole.

Mon père n’est pas mort à la guerre. On a profité du conflit mais…il a été assassiné.

…Tu…tu plaisantes n’est ce pas ?

Crois moi j’aimerais bien… et suite à ça il m’a dit de me rendre à Kendra Kâr au Temple des Plaisirs. Seulement je n’ai aucune idée d’où ça se trouve…

Je peux peut être t’aider sur ce coup.

Comment ça ?

Il y a un étrange bâtiment blanc qui fait énormément contraste avec le reste de la ville, si j’étais toi, je commencerais par là.

Merci, Yrahùm.

Je t’en prie. Je serais logé chez un ami mais si tu as besoin de moi dépose un message à l’auberge, j’y passerais tous les jours.

D’accord, je ne sais pas ce que je ferais sans toi.

Et oui je suis indispensable.

Crétin !"

On se chamailla un peu avant d’apercevoir au loin Kendra Kâr et ce que je vis me donna des frissons.

J’avais quitté Kendra Kâr depuis même pas cinq jours et je ne reconnaissais plus rien. Tout semblait dévasté, des arbres se trouvaient entraver des rues, des toitures avaient été arrachées, des maisons détruites, surtout dans les quartiers les plus pauvres. La zone d’atterrissage avait été dégagée pour permettre aux aides d’arriver sur place pour porter secours à la population.

"C’est pour ça que je me rends à Kendra Kâr. Il y a deux jours une énorme tempête à frapper la ville. Beaucoup de guerriers sont sollicités."

Tout en écoutant les paroles d’Yrahùm je continuais d’observer le terrible spectacle qui se déroulait sous mes yeux. Partout des enfants criaient, certains de douleur, d’autres jouaient dans les décombres. Un chaos total s’était emparé de la ville. Du ciel j’aperçus un groupe de guerriers qui, aidé par des mages, essayait de sortir un enfant d’un torrent d’eau. La tempête avait du être extrêmement violente, je remarquais que l’hippodrome avait été inondé. Les jardins où je m’étais reposée avant de me mettre en route, étaient complètement détruis. Ils avaient perdus tout leur éclat, tout leur charme. Je remarquais le bâtiment dont venait de me parler Yrahùm. Il avait lui aussi subi quelques dégâts mais ils étaient moins visibles qu’ailleurs. C’est drôle, je ne me rappelais pas avoir vu ce bâtiment lors de ma première visite. Quelques briques avaient disparu et tout un groupe s’activait pour réparer les murs au plus vite.

Plus loin un camps de guérisseurs avait été dressé pour soigner ceux qui avaient été le gravement blessé. Un doute surgit en moi : devais-je allé les aider ou devais-je me concentrer sur mon objectif ? Mais je n’aurais pas l’esprit tranquille tant que je ne saurais pas, je décidais donc de poursuivre ma quête. Mais voir ce désastre me rappelait pourquoi j’avais choisis cette voie. Voir tous ces gens blessés me faisaient mal. Soudain un cri de douleur déchira le ciel. Je me penchais alors au dessus de la rambarde pour apercevoir au sol une mère qui pleurait son enfant mort sous les décombres d’une maison. Elle pleurait dans les bras d’un homme, sans doute son mari. En assistant depuis le cynore à sa détresse je pensais tout de suite à Amhalak. Je cherchais des yeux le temple de Gaïa, lieu où je l’avais vu pour la première fois.

Je crus que mon cœur allait s’arrêter de soulagement. Le temple n’avait rien. À part quelques feuilles qui recouvraient le toit du temple, il n’y avait aucun problème majeur dans cette zone. Apparemment la déesse savait se protéger. Il m’en fallait peu pour être sous le choc mais avec ce spectacle affligeant tout le monde serait sous le choc. Vraiment le chaos régnait à Kendra Kâr. Et je captais pleins de choses qui émanaient de la ville : de la peine, de la colère, du désespoir. Tous ces sentiments m’envahir, je me mettais à la place de tous ces gens que je voyais se débattre en dessous de moi, je ne pouvais imaginer l’ampleur de la terreur qui avait empli la ville au moment même de la tempête.

Le cynore commença sa descente vers le néant qu’était devenu Kendra Kâr.

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 Sujet du message: Re: Trajet aérien en Cynore entre Kendra-Kâr et Lùinwë
MessagePosté: Dim 7 Juil 2013 19:06 
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Localisation: En quête 29 (Kendra Kâr)
Le trajet dura cinq longues heures, durant lesquelles Keynthara ne s'ennuya pas une seule seconde. Il faut dire que Kraemer avait fait de son mieux pour être bon public, face aux histoires d'aventure qu'il connaissait déjà par cœur car il en avait été lui aussi l'acteur. Revisitant chaque moment sur Warshaarin, la Petite ne manqua pas de captiver l'attention des voyageurs. Ils prirent le relais de l'elfe noir et bientôt, ce dernier put se laisser aller à sa méditation quotidienne, laissant l'Aniathy à sa rocambolesque narration. Egocentrique comme elle l'était, elle avait préféré être le centre de l'attention plutôt que de profiter du paysage insolite qui s'offrait à elle.

Tout en douceur, à l'instar du décollage, ils finirent par se poser à Kendra Kâr, sous le regard émerveillé de la poupée magique. Elle avait vu la cité blanche d'en haut pour la première fois et cette vue avait été époustouflante. C'était d'ailleurs le seul instant durant lequel elle s'était tut.

Un elfe gris annonça qu'ils étaient arrivés et Keynthara se faufila entre les jambes des gens pour s'extirper du véhicule aérien le plus rapidement possible, sans même vérifier comment progressait Kraemer.

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Keynthara, prêtresse Aniathy, niveau 17


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 Sujet du message: Re: Trajet aérien en cynore entre Kendra-Kâr et Lùinwë
MessagePosté: Sam 23 Sep 2017 13:46 
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Localisation: Nessima, Naora
Tandis que nous nous dirigeons vers le Cynore à destination de Luinwë, je me porte à hauteur d'Isil et remarque à mi-voix:

"On dirait que vous allez à l'échafaud..."

L'Elfe me lance un regard en coin avant de desserrer ses poings crispés d'un effort de volonté, puis elle me répond avec une sombre ironie:

"Ce n’est pas loin de la vérité. Vous ne trouvez pas qu’on s’entasse comme des prisonniers attendant de monter à l’échafaud?"

Je hausse un sourcil à ces mots, la comparaison me semblant quelque peu excessive. Toutefois je sais que pas mal de gens ont peur de quitter la terre ferme, bien que cela me semble étonnant puisque elle doit certainement voler avec son Loykarme:

"Je peux m'assurer que vous ayez toute la place nécessaire, s'il n'y a que cela...vous n'aimez pas les voyages aériens?"

Elle lâche un petit rire légèrement acerbe en répliquant:

"La place n’est pas un problème, je pourrais aussi me la faire si le besoin s’en faisait sentir. Non, c’est l’idée de laisser de nouveau ma vie entre les mains de personnes dont j’ignore tout."

Je la dévisage un instant d'un air interrogateur, pas vraiment certain de comprendre le sens de ses paroles, mais creuser la question ne l'apaisera pas, cela ne fera que la focaliser sur ses craintes. Je presse brièvement son épaule en répondant:

"Ce n'est jamais plaisant, je le conçois. Mais je repensais à notre discussion d'hier soir, parlez-moi un peu de Cuilnen, que devez-vous y faire si ce n'est pas indiscret?"

Isil me lance un nouveau regard en coin, pas dupe de ma manoeuvre sans doute, puis elle fronce les sourcils comme si ma question n'abordait pas un sujet plus joyeux:

"La Dame Callirhoé d’Escalie, une très chère amie à moi m’a… convoquée, sans daigner m’expliquer pourquoi. J’en profiterai également pour revoir ma famille, que je n’ai pas vue depuis Khonfas. Et vous faire visiter aussi, je suppose."

Je laisse un léger sourire flotter sur mes lèvres à cette réponse et réplique d'un ton imperceptiblement sarcastique:

"Convoquée, vous? Ma foi cette Dame d'Escalie ne doit pas manquer d'audace...parlez-moi un peu d'elle, voulez-vous? Qui est-elle, outre votre très chère amie?"

Isil pousse un léger soupir et je vois avec plaisir ses traits se détendre un peu tandis que nous nous installons, ses pensées s'éloignant du présent pour repenser à cette amie si chère sans doute:

"C’est une femme hors du commun, et d’audace elle ne manque assurément pas. Elle appartient à une noble famille de l’Anorfain qui a périclité sous le règne de son grand père. Son père a contribué à redorer son image jusqu’à sa mort et, depuis, Callirhoé est parvenue à lui rendre toutes ses lettres de noblesse, à force de cajoleries et de ruse."

Une Dame de la vieille noblesse de l'Anorfain, voilà qui est intéressant. Une adroite diplomate, qui plus est, si j'en crois ce que vient de dire Isil, mais j'ai entendu dire que la Noblesse Hinïonne était aussi guindée que celle du Naora, n'entre pas qui veut dans ces hautes sphères, sans doute ne la rencontrerai-je pas. Une question me vient à l'esprit:

"Faites-vous partie vous aussi de la prestigieuse noblesse de Cuilnen? Que je sache si je dois vous donner du "Dame" à tout bout de champ."

Un sourire en coin souligne la plaisanterie contenue dans mes derniers mots, qu'elle soit noble ou pas ne changera ni la vision que j'ai d'elle ni ma façon d'être. Ma question lui soutire un léger rire et elle me répond aussitôt:

"Non. Contrairement à Callirhoé, je ne suis pas noble, même si j’ai plus souvent qu’à mon compte fréquenté ses cercles. Et vous m’avez déjà dissuadée de vous donner du « Messire »."

Mon sourire s'élargit quelque peu et d'un ton badin je remarque:

"Pas tout à fait, vous y revenez joliment dès que j'ai l'outrecuidance de vous faire un modeste compliment. Enfin, vous me rassurez, je n'ai jamais été très doué pour faire de courbettes. Vous évoquiez votre famille, avez-vous des frères, des soeurs?"

A ma remarque taquine, elle me jette un regard soulignant que je n'ai eu que ce que je méritais, ce qui me fait rire doucement, puis elle hausse un sourcil pour me répondre:

"Ne rentrez-vous pas chez vous faire valoir les droits de votre famille ? Pensez-vous que cela se fasse qu’avec l’épée et sans courbette ? J’ai un demi-frère, c’est tout. Et vous ?"

Je la dévisage quelques secondes en silence, pensif, avant de reprendre la parole:

"Je n'ai plus de famille directe, non. Quant au reste...il faudrait que ma vie soit menacée pour que je tire l'épée contre un Enfant de Sithi, ce n'est pas de cette manière que j'entends faire valoir mes droits. Mais si je m'incline devant quelqu'un, ce sera par respect, en non par obséquiosité. Je laisse à d'autres flatteries et ronds de jambes, ce n'est ni mon rôle ni ma nature."

Une pause, puis je demande:

"Et ce demi-frère, a-t'il un nom?"

Un sourire ouvertement amusé illumine le visage de l'Elfe qui remarque avec humour:

"Vous laissez à d’autres les flatteries, hein ? Mon frère se nomme Alessan, il a une centaine d’années de plus que moi."

Je lui adresse mon plus innocent sourire, soutenu d'une petite moue amusée:

"Que voulez-vous, il m'arrive d'oublier mes bonnes résolutions lorsque un irrésistible charme féminin me trouble. Alessan, dites-vous, c'est un joli nom. Quant à son âge, ma foi, qu'il ait cent ans de plus que vous ne m'éclaire guère. Encore que..."

Je la dévisage ouvertement d'un air faussement sérieux, tout en me demandant quel âge elle peut bien avoir, une question que je ne peux décemment lui poser de but en blanc. Elle lève les yeux au ciel à mon évocation de son charme, pas vraiment exaspérée, mais ce geste ne me semble pas être une simple réaction de modestie, il y a autre chose, comme si elle n'appréciait véritablement pas les compliments. Elle hausse néanmoins les épaules pour me renseigner sans la moindre gêne:

"J’ai cent cinquante-cinq ans. Et vous ? Depuis combien de temps n’êtes-vous plus allé au Naora ?"

Le Cynore décolle à cet instant et je vois son visage se fermer alors que ses yeux se plissent, une réaction somme toute mesurée. Mais j'ai malgré tout le sentiment qu'elle doit fortement prendre sur elle-même et qu'en réalité elle est en proie à une peur profonde, dont je ne parviens à cerner exactement les raisons. Mais encore une fois il serait maladroit de la questionner à ce propos, si bien que je réponds simplement à sa question:

"J'ai cent vingt-cinq ans. J'ai quitté le Naora voilà trente-cinq ans, juste après mon...passage à l'âge adulte."

Elle se contente d'acquiescer silencieusement après m'avoir jeté un regard surpris à l'énonciation de mon âge, m'imaginait-elle plus jeune, plus vieux? Je ne sais, et qu'importe? Nous restons plongés dans nos pensées un bon moment, Isil semble avoir de la peine à rester assise longtemps et préfère visiblement voir le paysage défiler depuis les hublots ou les rambardes. Je vais quant à moi discuter un peu avec les Sindeldi en charge du Cynore, les questionnant sur la situation au Naora et dans le monde en général. Plusieurs heures se sont écoulées lorsque je rejoins Isil, accoudée à une rambarde. Après qu'elle m'ait indiqué par un petit signe de tête agrémenté d'un sourire que je suis le bienvenu, je prends place à ses côtés et admire quelques instants le paysage, constitué des vastes plaines Kendranes, avant de murmurer:

"Le monde est magnifique, vu d'ici, ne trouvez-vous pas? Tout a l'air si paisible..."

Elle hoche la tête avec un léger sourire, sans répondre, encore un peu perdue dans ses pensées. Quelques instants passent de nouveau, avant que ne s’échappe de ses lèvres :

"Lorsque vous m’avez aidé à m’échapper, j’avais été esclave durant six mois pour les shaakts. J’ai été capturée avec tout l’équipage d’un cynore qui s’était écrasé dans la forêt d’Eniod pour des raisons que j’ignore encore. C’est la première fois que je remonte dans l’un d’eux."

Je me tourne lentement vers elle, surpris par cette soudaine révélation qui me dévoile les raisons de ses craintes mais entrouvre aussi un pan de son histoire dont je doute qu'elle parle aisément. Un accident de Cynore lui a valu six mois d'esclavage chez les Shaakts et elle trouve le courage de remonter dans un de ces engins? Elle possède vraiment un courage peu commun, j'en avais déjà eu un aperçu à Khonfas mais cela lui donne encore une autre profondeur car nul désespoir ne la poussait aujourd'hui. Je la dévisage songeusement, bien qu'avec intensité:

"Vous avez vraiment un sacré cran, alors. Je n'aurais jamais imaginé cela en vous voyant grimper dans cet appareil..."


Je laisse filer une seconde de silence avant d'ajouter doucement:

"Si vous avez besoin, ou envie, de me parler de ce que vous avez traversé, ne vous encombrez pas de gêne, elle n'a pas lieu d'être."


L'Elfe hausse les épaules lorsque j'évoque son cran, puis me remercie d'un sourire lorsque je l'invite à parler sans gêne si elle le souhaite, ce qui n'est visiblement pas le cas. Je peux le comprendre car il y a également certains événements de ma vie que je ne tiens pas à ressasser, cela ne servirait à rien. Ce qui importe, à mes yeux, ce sont les conséquences de ces événements au présent:

"On ne sait jamais ce qui découlera des événements que l'on vit, sombres ou lumineux, nous ne serions pas accoudés là, ensemble, si ce n'était pas arrivé. Est-ce un bien, un mal? Je n'en ai pas la moindre idée et je m'en fiche, ici et maintenant je suis heureux."

Je marque une brève pause et enchaîne:

"Mais puisque l'on parle de passé, parlez-moi de cette relation passée que vous avez eu avec Lhyrr dans cette vie précédente et dites-moi, pourquoi cela vous importe aujourd'hui?"


Le sourire de l'Elfe s'estompe vivement lorsque je pose cette dernière question et c'est avec un profond soupir qu'elle finit par me répondre:

"Nous étions… je ne sais pas. Je n’ai pas la moindre idée de ce que nous étions pour l’autre. Je sais qu’à un moment, j’ai éprouvé une peur viscérale, profonde à son encontre. J’ignore si je l’ai toujours considéré ainsi, mais cette peur a été suffisamment ancrée en moi pour qu’elle ressorte lorsque j’ai revu, en songe, le visage qu’il avait alors."

Elle se tait un instant, puis ajoute dans un souffle:

"Nous étions ennemis. J’ai juré sa mort."

J'écoute avec la plus extrême attention ce que me dévoile Isil, sérieux et impénétrable pour une fois. J'ai conscience que cela ne doit rien avoir de facile pour elle de me parler de ce passé si personnel et indubitablement douloureux, mais plus j'aurais d'informations plus je pourrais focaliser ma vision sur des points précis. Le problème au présent, si je comprends bien, est qu'elle éprouve de la peur envers son compagnon, ce qui doit être véritablement atroce à vivre. C'est comme si je craignais Syndalywë, comment accepter alors de partager mes pensées avec elle sans sombrer dans une sorte de folie?

L'Elfe, profondément troublée, ferme un bref instant les yeux avant d'achever:

"Il m’a vue morte, lui-même debout au-dessus de monceaux de macchabées, des êtres qu’il aurait tués."

Impulsivement, sans réfléchir, j'esquisse le geste de frôler d'une caresse légère la joue de l'Hinïonne, lui laissant toutefois la possibilité de s'y soustraire aisément si cela la dérange, ce qu'elle fait en détournant légèrement la tête. J'interromps aussitôt mon geste, naturellement, son refus ne me dérange en aucune manière, elle ne veut pas de ce contact et je n'avais de toute façon aucune intention de le lui imposer. Après quelques instants de silence durant laquelle je la contemple droit dans les yeux, je finis par répondre d'une voix douce et ferme:

"La nuit prochaine, lorsque nous serons à terre, nous irons explorer ce passé ensemble, et les nuits d'après sans doute parce que nous ne verrons certainement qu'une bribe à la fois. Je vous aiderai à chasser cette peur, à comprendre ce qui s'est déroulé jadis et à voir ce qu'elle permet au présent. Vous ne pouvez changer le passé, mais vous pouvez l’interpréter autrement, vos vies d'aujourd'hui ne sont pas celles d'autrefois. Vous avez une relation extraordinaire avec Lhyrr, elle sortira plus forte et belle encore de cette épreuve, n'en doutez pas un seul instant."

Elle hoche lentement la tête en silence, le regard de nouveau plongé sur les champs qui s’obscurcissent avec le soleil qui se couche derrière le sillage du cynore.

"Ce n’est pas tant une peur actuelle que j’ai de lui. Il reste l’être en lequel j’ai la plus totale confiance, qui que nous ayons été dans cette autre vie. Mais si ce qu’il s’est passé dans cette autre vie a eu suffisamment d’importance pour qu’on la ressente aujourd’hui… Pire, pour l’on se retrouve à nouveau liés par un lien inaltérable, alors je veux savoir pourquoi."

J'incline le visage en répondant à mi-voix:

"Je comprends. Le pourquoi des choses est souvent difficile à cerner, cela dit. Je pourrais voir, et vous montrer, des événements passés, savoir pourquoi ils ont eu lieu est une autre affaire. Mais avec de la patience et de la ténacité, rien n'est impossible. Pour l'heure, si vous voulez bien m'excuser, je vais aller tenir un peu compagnie à Sinwaë, je doute qu'être en cage lui plaise beaucoup."

Je rejoins mon Ithilartëa qui, comme je le supposais, est tout sauf enchanté d'être enfermé et m'assieds à ses côtés pour le calmer et réfléchir posément à tout ce qui s'est passé depuis la veille. Les heures s'écoulent paisiblement au fil d'une longue discussion mentale avec ma Faëra, ce qui me permet de mettre un peu d'ordre dans mes pensées ainsi que dans mes plans chamboulés par cette rencontre avec Isil. Je ne sais trop si cela me rapproche ou m'éloigne du fil d'or de mon destin, mais en tout cas cet imprévu m'a fait sortir de la trame manigancée par Faryä et reprendre les rênes de ma vie en main, ce qui devenait nécessaire.

Le Cynore finit par atterrir près de Luinwë un peu après l'aube et, quelques instants plus tard, je pose pour la première fois de mon existence le pied sur la terre légendaire de l'Anorfain.


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 Sujet du message: Re: Trajet aérien en cynore entre Kendra-Kâr et Lùinwë
MessagePosté: Ven 6 Oct 2017 00:00 
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Je peine à réaliser que cela fait déjà un mois que nous avons fait le voyage en sens inverse, les jours ont filé sans que je ne m'en rende vraiment compte dans les forêts mystérieuses de l'Anorfain. Nous étions alors des inconnus l'un pour l'autre, que de chemin parcouru depuis! Bien sûr je n'irais pas jusqu'à prétendre vraiment connaître ma compagne, des années n'y suffiraient pas, mais malgré tout elle n'a plus rien d'une inconnue. Comme à l'aller, elle passe la majeure partie de son temps à admirer le paysage, accoudée au bastingage ou le nez collé à un hublot, tandis que je me contente d'attendre sereinement que les heures passent, confortablement assis sur mon siège.

Nous bavardons parfois mais j'ai l'esprit un peu ailleurs, peinant à réaliser que nous sommes en route pour mon pays natal après tant d'années d'exil. Je remarque néanmoins qu'Isil est moins crispée qu'à l'aller, ce qui me réjouit pour elle car passer vingt-cinq heures dans un engin volant en angoissant mortellement à l'idée qu'il chute est une expérience que je ne souhaite à personne et surtout pas à elle. Au bout d'un voyage qui semble interminable, nous parvenons enfin à Kendra-Kar et ne descendons du Cynore que pour monter, peu de temps après, dans l'Aynore en partance pour Tahelta.


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