L'aire d'embarcation de Kendra-Kâr L’elfe gris se montra poli, et nous demanda cent soixante dix yus pour nous véhiculer jusqu’à Shory, l’enfant et moi. Je m’étais attendu à devoir débourser plus, même si la somme pouvait déjà être rondelette pour qui n’a pas mes moyens. Fort heureusement, l’argent pris sur la dépouille du liykor noir trouva ici son usage, et nous ne tarderions pas à mettre le pied dans le domaine des sinaris, si la réputation des cynores n’est pas usurpée. Je réglai la somme due et remerciai l’elfe au guichet, avant de m’en aller, invitant Maelle à faire de même.
J’avais fini par trouver, à force de demander, le cynore pour Shory, et après une heure d’attente, un sindel se présentant comme un personnel naviguant de la compagnie Air Gris nous invita à monter à bord du vaisseau aérien ; d’une bonne dizaine de mètres, pouvant sans doute accueillir une dizaine de personnes, il me semblait assez solide pour nous trimballer dans les airs à travers le continent, même si le tissu gonflé au-dessus de nos têtes ne m’inspirait au premier abord guère confiance. Les elfes ne devait pas être complètement stupides, et voyageaient par ce moyen depuis des siècles, dit la rumeur populaire, alors autant leur faire confiance… Personne ne m’a jamais rapporté d’incident de cynore. Mais cela ne voulait rien dire, je pouvais aussi bien être le premier.
« Jager… Est-ce qu’on pue à ce point ? » s’inquiète la gamine, enroulée dans ses couvertures à côté de moi.
C’est qu’un sacré vent pince, en altitude, à la vitesse à laquelle file le cynore. J’ai jeté un coup d’œil en bas, au début du voyage, mais une vague nausée a bouté hors de moi cette curiosité. Sans doute suis-je en train de manquer quelque chose, qu’importe : si on me demande ce que cela fait de voyager ainsi, j’ai assez d’élément pour répondre.
« Ouais. » Les plissements de narine des elfes ont été assez éloquents, tout comme la distance maintenue par le seul autre passager, un marchand sinari. Ca fait un bout de temps que je ne me suis pas trempé dans l’eau, ou que je n’ai pas pu faire une toilette sommaire ; idem pour elle sans doute. Nous avons fini par nous y habituer, mais pour qui a l’occasion de se décrasser au moins une fois par semaine, et de changer de vêtement après avoir fini un voyage, nos odeurs ne doivent pas être des plus engageantes.
« Mais ça pourrait êt’ pire… » « Quand est-ce qu’on arrive ? » « A la tombée d’la nuit, que’qu’chose comme ça qu’il a dit, l’elfe. » Moins d’un jour… J’étais déjà venu à Kendra-Kâr, quelques fois, à la belle saison, pour vendre des peaux que l’on ne pouvait pas me prendre à Shory, et le voyage avait été bien plus long, et bien plus éprouvant. Là, je suis confortablement calé contre un ballot, assez emmitouflé pour ne pas souffrir du froid, et je n’ai qu’à attendre et m’en remettre aux dieux et aux sindeldi pour arriver en un seul morceau à destination. Bercé par le souffle du vent, au bout d’un moment, je finis par m’endormir.
Chez Grutgont Viki
