Un premier jour était passé. Les liykor se tenaient à distance et seul un observateur averti aurait pu les repérer. Zéphanie ne les voyait que lorsqu'ils venaient apporter de quoi manger, et c'était sans doute mieux. La jeune femme était encore durement éprouvée par l'expérience. Elle avait parlé à son sauveur de sa vie de fermière, une vie simple qu'elle jugeait ennuyeuse mais qu'elle n'avait pas imaginé quitter pendant longtemps.
Et puis, ses pouvoirs s'étaient réveillés. Elle ignorait qu'elle avait de tels dons et la puissance qu'elle ressentait alors était aussi fascinante que terrifiante. Elle avait senti qu'elle était faite pour autre chose, mais sans vraiment pouvoir se l'expliquer. Alors, elle avait continué sa vie... jusqu'à ce soir fatidique. Des hurlements avaient commencé à retentir et les liykor à arriver de tous côtés, grimpant sur les toits, tombant sur les fermiers qui tentaient désespérément de trouver une arme. Aucune chance. Ils étaient morts uns à uns.
Alors, en désespoir de cause, elle avait réveillé ce pouvoir qu'elle avait toujours caché. Elle ne le contrôlait qu'à grande peine, guidée par un instinct qui la dépassait. D'étranges flashs lui venaient, comme de lointains souvenirs qui ne seraient pas les siens.
C'était les siens, bien sûr, mais Azra ne lui dit pas. Elle avait déjà eu beaucoup de choses à avaler, inutile d'en rajouter trop à la fois. Alors, à la place, il lui apprenait la magie. Mais ce soir-là, en pleine leçon, elle demanda subitement :
« J'ai vu mes parents mourir devant moi. Pourquoi est-ce que je ne pleure pas ? Est-ce que c'est la magie noire qui fait ça ? »
« Hum... non, il peut y avoir des réactions étranges à l’absorption de fluides, mais c'est tout... Tu es peut-être juste plus réaliste que les autres. »
« J'ai l'impression de n'avoir aucun sentiment... »
Azra réfléchit et se tourna vers Arek :
(Est-ce parce qu'elle serait un genre de mort-vivant ? Comme moi ?)
(Non, elle est bien vivante. Mais elle a toujours une part des souvenirs et donc des croyances de l'ancienne Zéphanie enfouie en elle. Son inconscient sait que ce n'était pas ses parents.)
Oui, mais ça, il ne voulait pas lui dire... alors il expliqua autrement :
« Tu ressens mieux que les autres ce qu'est la mort, tout simplement. Phaïtos et les enfers sont notre destin à tous. Il n'y a pas à le rejeter, au contraire, le cycle de la vie et de la mort permet au monde d'évoluer. Nos âmes gagnent le repos, et elles reviendront, réincarnées dans une autre entité. »
Il tira sa dague et observa un instant les âmes des liykors attristés par le sort de leurs ancêtres, qui tourbillonnaient tristement autour de la lame.
« Ces âmes ne veulent pas quitter un monde en sachant que les ossements de leur peuple sont profanés. Elles ne pourraient gagner le repos et hanteraient les limbes au pied des sept ponts des enfers pendant longtemps avant de se calmer... voilà pourquoi je les garde ici. Elles ne perturberont pas le travail de Phaïtos, et assisteront à la libération des ossements. Elles ont donc besoin de cela pour gagner le repos et revenir dans notre monde. Voilà le travail d'un vrai nécromancien. »
Elle hocha la tête, les yeux dans le vide.
« Vos paroles résonnent étrangement en moi... »
(Méfie-toi, intervint Arek. Plus tu stimuleras ses anciens souvenirs, plus elle les retrouvera. Et je te rappelle que tu es la réincarnation de Chandakar, celui qui l'a condamné à errer sans fin sur le monde...)
(Elle finira par l'apprendre, il faut juste qu'elle ait le temps de me connaître avant... Tu as raison, je vais y aller plus doucement.)
Il préféra donc revenir à la leçon de magie. Il lui apprit à se concentrer pour exploiter le plein potentiel de ses fluides. Elle était un peu méfiante, et il devinait qu'elle le suivait surtout parce qu'elle n'avait nulle-part où aller. Difficile de lui en vouloir. Après tout, elle ne le connaissait pas et il n'était pas apparu dans les meilleures circonstances. Il avait beau affirmer ses bonnes intentions, elle continuait à le redouter, mais quand il en aurait fini avec les liykor, elle serait bien obligée d'admettre qu'il n'était pas mauvais ! En temps normal, il se serait fort peu soucié des âmes de ces sales bêtes, principe de Phaïtos ou non, il avait trop hâte de retrouver cet ordre qui l'attendait. Mais c'était là l'occasion rêvée pour faire ses preuves face à Zéphanie.
Rendrak rentra pour leur annoncer qu'il avait discuté avec le chef de meute. La caverne où se terraient les garzoks n'était plus qu'à quelques jours de marche. Azra le remercia et mit fin à la leçon. L'heure était à la méditation et Zéphanie était épuisée par le voyage. Pourtant, il faudrait être en pleine forme au moment de l'affrontement...
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David le nerd
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