Lelma a écrit:
La descente se révèle moins pénible que l'ascension mais oh combien plus périlleuse ! Seyra, légère, n'a aucun mal à descendre et semble même s'en amuser. Mais moi avec plus de poids et chargé de nos affaires, je manque plus d'une fois de glisser et de me faire très mal, voire de me tuer ! Chaque pas de la descente est mesuré, assuré. La moindre erreur me coûterait la vie sur une telle pente ! Petit à petit la neige devient plus molle, moins épaisse et se met à fondre. L'air aussi devient moins froid et nous permet de mieux respirer. Nous avons retiré les bandeaux depuis le début de la descente, trop dangereux dans ce terrain là, mieux valait avoir tous ses sens en éveil et non pas masqués !
Nous sommes vers le milieu de la descente quand certains d'entre nous se retournent vers le sommet. Je fait de même et lâche un cri d'effroi. Un dragon énorme, rouge, vole en cercle autour de nous. Il est effrayant, sans ailes il vole tel un serpent se déplaçant. Il a quatre pattes puissantes mais rapprochées à son corps et une gueule à faire peur. Ses écailles rouges brillent, son ventre est fait d'anneau d'or. Il a une immense crinière couleur flamme se prolongeant de sa tête à sa queue qui se termine en un grand plumeau.
Par réflexe le groupe a accéléré la descente, nous devons arriver au plus vite au couvert des arbres... Si tant est que les arbres sont une protection suffisante devant tel ennemi ! Le dragon tournait autour de nous dans le ciel, tel un vautour autour d'un cadavre. Sommes-nous déjà mort ? Je me refuse à le croire, nous allons nous en sortir, il le faut ! Je sens son ombre terrible nous passer dessus, cacher la lumière du soleil, nous menaçant de sa présence. D'où venait-il lui aussi ?
(Je ne sais pas du tout, ces dragons n'ont rien à faire ici et pourtant ils sont là ! J'ai un mauvais pressentiment !)
(Tout pour me rassurer !)
(Eloignez-vous au maximum de cette créature !)
Le dragon venait de se poser plus haut sur le volcan. Nous descendons encore plus vite, craignant un mauvais coup de la créature. Soudain une lumière puissante brille derrière nous, c'est le dragon qui produit sa lumière ! Je m'arrête et regarde le terrible spectacle. Soudain des geysers de lave jaillissent autour de lui, tel des gardes le protégeant. Le dragon ne s'affecte pas de la chaleur, bien au contraire ! De peur je crie à Seyra et aux autres :
"Cours, courez ! Il attaque !"
La course pour sauver sa vie donne des ailes, Seyra rattrape le capitaine et le reste du groupe, je suis juste derrière, courant malgré la pente, trouvant une agilité qui m’était inconnue. Je dois vivre et parfois pour vivre il vaut mieux savoir courir ! Un hurlement terrifiant derrière nous, c'est le dragon, attaque t'il encore ? Soudain la terre tremble avec puissance, nous sommes coupé dans notre course, tombant, chutant, roulant, glissant. Le sac amortit ma chute mais mes mains par réflexe ont voulu arrêter ma glissade, se coupant en maints endroits. Rien de bien grave mais le sang coule.
Je regarde vers le dragon, une épaisse fumée sort par ses naseaux. Les geysers de laves ont redoublés d'intensité. Quel spectacle magnifique et terrible ! Soudain le ciel s'obscurcit. Du sommet du volcan monte un énorme nuage qui descend aussi les pentes à grande vitesse. Un bruit terrible, un aspect terrible. Un effroi sans nom me gagne, nous sommes perdus ! Je me relève avec peine et va pour courir encore. Mais je ne peux pas. Je suis comme changé en statue par la peur. J'ai juste la force d'aller vers Seyra, toujours au sol, mais heureusement pas blessée. Bogast est juste un peu plus bas, il crie à tous de s'arrêter, qu'a t'il en tête ? Je vais le rejoindre avec Seyra, courant presque, retrouvant la vigueur que je venais de perdre. Le terrible nuage s'approchant à une vitesse folle.
Je reste à ses cotés, chacun se lamente, pensant mourir à cette heure. Je ne veux pas mourir ! C'est pas le moment, j'ai encore plein de choses à faire ! L'horreur est pourtant devant mes yeux, je comprend instantanément ce que c'est : le volcan a été réveillé par le dragon. Nous allons tous mourir.
(Une nuée ardente ! C'est impossible, tu ne dois pas mourir, je ne peux pas me tromper !)
(Une quoi ?)
(Nuée ardente, un mélange de roche, de lave, à une température folle et une vitesse folle. Rien n'y résiste !)
Nous étions bien fini, rien ne pouvait rivaliser avec cette force ! Quelques secondes se sont passées depuis l'apparition du nuage, et juste quelques secondes nous restait à vivre. Le temps se ralentit, les secondes deviennent minutes puis des heures... jusqu'à s'arrêter totalement. Je vois défiler devant moi toute ma vie.
Mon enfance à Surana, l'école où je n’arrivais à rien contrairement à mon grand frère. Mes 12 ans où une fois de plus je n’arrivais pas à passer pour devenir militaire contrairement à mon grand frère qui y fait carrière. Les trois ans en mer avec mon père, comme matelot, à travailler dans des conditions très difficile. A aller de Surana à Espers puis Tasinar... A charger les marchandises, à faire la cuisine, laver les équipements, les affaires. A toutes les basses tâches mais je n'avais pas le choix, je n’étais pas un soldat ! Puis lassé et usé par la mer je me met au service de ma mère, à courir dans tout Surana livrer ses herbes et médecines. Je me vois encore courant dans cette grande ville, connaissant tout le monde et tout le monde me connaissant. Enfin je revois mon frère dans sa brillante armure passer une fois à la maison et me demandant de l'accompagner comme soldat ! Enfin comme soldat !
La guerre était partout, les batailles s'enchaînaient, de plus en plus sauvages, de plus en plus meurtrières. Nombre des nôtres sont tombés mais un nombre bien plus important des barbares Thyus sont tombés sur nos coups. Une bonne époque, paradoxalement car j'étais avec mon frère sur toute les batailles, j'étais enfin reconnu pour ma valeur. Et pourtant... Tout allait changer ce jour funeste où nous rentrions à Surana. En pleine campagne une embuscade des Thyus, nous avons résisté longtemps mais ils étaient trop nombreux. Je vois encore cette lumière blanche, laissant à terre tous nos adversaires, m'épargnant sans savoir la raison, mais prenant mon frère. Ce jour-là tu as disparu et je ne t'ai jamais revu.
La vie ne fut plus jamais la même, Naren état un héros pour Surana. La ville me rendit responsable, tous se retournèrent de moi, même mes parents me le font sentir. Je me vois encore, chaque soir, buvant pour oublier dans une taverne remplie de personne comme moi, perdue, isolée. J'y ai passé du temps jusque quand ma mère vient me chercher et me remet au travail quelques années plus tard seulement ! Elle m'a sauvée la vie ce jour-là !
Et puis lors d'une course tout bascule, j'heurte une prêtresse du Feu, elle est magnifique. Des lors je n'ai qu'une idée : la revoir. Je me vois encore l'aider à fuir la mort qui lui était promise. Nayla ! Ah Nayla ! La passion qui suivit fut brûlante, magnifique. Et que d'aventures ! Le temple du Feu, Anhéios, le gardien du fluide du feu, ce Dieu vivant, nous sauvant des Thyus. Notre fuite en dehors de Surana. Et l'attaque des Thyus, maintenant je sais pourquoi. Ils voulaient la clé, ce fameux collier phoenix que j'ai et que tu m'as donné Nayla, est la clé qui mène à la salle souterraine du temple du Feu, là où il y le Fluide Vital du Feu.
Ce même feu qui va nous tuer ? Non je le refuse !
Et puis comme avec mon frère, j'ai senti une force terrible me happer, une lumière a déchiré notre combat. J’espère que tu as pu fuir Nayla, je te promets de revenir et de te redonner ton collier. Et de t'aimer.
Yuimen, tout ce que j'ai vécu ici depuis que je suis arrivé ! Aakia puis Seyra, je me dois de vous protéger.
(Et bien tu penses vite toi ! Me protéger ? T'es sûr que ce n’est pas le contraire ?)
(Ah ! Ce n’est pas le moment de plaisanter, on va tous y passer !)
(Sauf les faeras !)
(Merci du soutient !)
(Allons, je sais que tu ne vas pas mourir ! Tu ne peux pas, tu as trop de choses à faire encore ! Et puis je me vois mal raconter à Ca... Hum dire que : paf le dragon fait exploser le volcan t'es mort ! C'est bête hein ?)
(Qui ça ?)
(Oublis !)
(Alors on va vivre !)
(Je le crois !)
Je me relève, tire ma rapière et la pointe vers la nuée ardente qui s'approche à toute vitesse de nous et lui crie comme un défit, couvrant le vacarme :
"Je ne mourrai pas !"