Keynth a écrit:
Keynthara était en pleine forme ce matin-là. C’était la meilleure nuit qu’elle avait eue jusqu’à présent depuis le début de l’aventure et elle se sentait d’une humeur particulièrement joviale, sautillant dans tous les sens dès qu’elle avait posé pied sur le sable de la plage, déjà bien chaud.
Elle rejoint alors les autres pour les saluer un à un, arborant un magnifique sourire qui restera présent tout au long de la journée. Il était vrai qu’aucune mésaventure ne leur été arrivées depuis l’accident de la rivière, mit à part peut-être la disparition de Lelma, bien qu’elle ne soit pas un véritable problème en lui-même. Les esprits commençaient donc à s’accoutumer à ce calme, et la Petite n’en fit donc pas exception...
Certains semblaient toute fois encore endormis car le petit groupe n’était pas réuni au complet sur la plage. Et puis, après quelques instants de battement pour prendre le petit-déjeuner, les gens commencèrent à s’interroger sur ce qu’ils allaient bien pouvoir faire durant la journée pour attendre ce bateau...
« Hey, gros balourd ! Ca serait rigolo si tu nous montrais un peu comment tu te sers de tes muscles d’aciers, tu ne crois pas ? »
Elle-même ne savait pas vraiment quoi faire, et proposa donc cette idée à Andelys qui tournait en rond en tripotant son arme. Cette idée semblait faire son chemin... doucement... tout doucement... dans l’esprit peu dégourdi du barbare qui secouait d’abord imperceptiblement la tête, pour accentuer son mouvement vertical avant de proposer aux autres des petits combats...
« Moi je veux, moi je veux ! Je suis sûre que j’arriverais à te battre... »
Puis elle fronça les sourcils avant de reprendre, sous l’œil amusé de tout le monde.
« Ou peut-être pas, mais c’est pas grave ! Je suis sûre que j’arriverais à te mettre en déroute ! Je pourrais me glisser sous tes jambes et te bousculer par-derrière. J’ai peut-être des petits bras tout rikiki mais je suis rapide comme une fouine... alors, alors ? Tu veux, hein ? C’est moi qui t’ai donné l’idée, sinon tu serais encore là sans rien faire ! »
Elle s’était mise à donner des petits coups de poings -qui nécessitaient en fait toute sa force musculaire- dans l’abdomen du grand barbare tout en rigolant, et lui se contentait de glousser en tapotant énergiquement la tête de la Petite qui cessa ses petits coups Keynthara recula puis croisa les bras, comprenant que sa prestation avait été loin d’être convaincante. Puis elle réitéra sa question...
« Alors ? »
Andelys était un peu embarrassé mais finit tout de même par répondre, l’air bienveillant...
« Ma P’tite dame, c’est pas que je remets tes compétences en doute, mais je crois que c’est pas prudent... Pour toi bien sûr ! Imagine un peu : ... »
Il agite un peu ses mains pour commencer à mimer ses explications qui ne tardèrent pas à arriver, très lentement aussi.
« Keynthara fait trébucher le gros balourd que je suis, n’est ce pas... et manque de pot, il tombe malencontreusement en arrière ! Et là, c’est le drame... BOUM ! La pauvre petite demoiselle est écrabouillée vivante sous le gros fessier ventripotent qui en réalité se trouve être mon derrière, très ferme et bien musclé... »
Il sortit alors de son petit délire pour prendre un air grave et tout à fait sérieux...
« Allons allons ! Tu vois donc bien que c’est pas possible, pas du tout... du tout... du tout... raisonnable !»
Vexée, mais malgré tout amusée par la démonstration théâtrale du barbare, la Petite s’en retourna pour rejoindre en pouffant de rire le médecin Averroès qui s’était installé à même le sol. Son activité, elle, consistait à représenter des beaux monuments de Kendra Kâr, une ville qu’il semblait apparemment beaucoup tenir en estime. Il expliqua un peu au spectateur qui s’était joint à lui les techniques de bases pour bien construire, solidement, les murs des bâtiments afin qu’il ne s’effondre pas à la moindre pression.
Keynthara n’avait jamais soupçonné un tel don architectural chez cet homme, et elle en conclut qu’il devait avoir une grande culture, dans tous les domaines, pas seulement médicale.
Elle écoutait attentivement les conseils du médecin qui les guidait, pas à pas, dans leur travail d’imitation. Petit à petit, elle parvenait à ériger une véritable représentation du grand château de la cité qu’elle avait pu apercevoir une unique fois en déambulant aux côtés de Filgaren dans les larges rues pavées de Kendra Kâr. Cette sculpture de sable était certes maladroite, mais on arrivait tout de même à discerner beaucoup de petits détails qu’elle était parvenue à copier avec minutie sur celle d’Averroès, et dont elle ne soupçonnait même pas l’existence.
Elle se retourna pour voir qui est-ce qui arrivait, et un sourire radieux parcourut son visage lorsqu’elle vit son petit rouquin préféré...
« On dirait que tu as bien dormi... Tu as l’air plus serein ! C’est bien, je suis très contente. Allez, viens t’installer avec nous, si tu veux. On fait le château de Kendra Kâr. T’as du retard, c’est dommage ! »
Elle regarda son beau château presque achevé, et se remémora toutes les étapes, parfois malaisées, qu’elle avait dû surmonter pour arriver à ce résultat très satisfaisant...
« Bon, j’ai pas tout à fait fini, mais c’est pas grave, il est déjà pas mal comme ça. C’est bien parce que ça te fatiguera pas de faire ça... Bon alors, commençons, tu veux bien ? Tu vas d’abord faire un gros tas comme ça... voilà et puis tu vas... »
Keynthara commença alors à expliquer tout comme l’avait fait le médecin au début de la journée, choisissant bien ses mots, mais Seldell était un très mauvais élève.
( Je comprends pas pourquoi il arrive pas... C’est pourtant pas compliqué... Si seulement il pouvait m’expliquer ses difficultés. Il faut absolument qu’il retrouve sa parole !), pensait-elle tout en restant optimiste...
Mais il continuait à se montrer très maladroit, en dissimulant un peu son bras, ce qui eut pour effet d’attirer l’attention de l’Aniathy, plutôt que de la détourner comme il le souhaitait probablement...
« Qu’est ce que tu as à me cacher ? » demanda-t-elle en attrapant vivement le bras du jeune homme, puis en le retournant. Elle le regarda alors dans les yeux puis serra les dents...
« Tu dois avoir beaucoup mal ! Pourquoi tu as pas demandé au médecin de te soigner ? »
Mais le garçon resta mué, ce qui n’étonna pas plus que ça la jeune Keynthara qui se souvenait maintenant de ce qui s’était passé, et de ce qu’elle avait été capable de faire, sous le choc de l’émotion, quand il avait été tiré de justesse hors des eaux corrosives.
( Ca m’avait même pas étonné plus que ça... J’avais d’yeux que pour lui et je pensais plus à rien... Mais c’est vrai que j’ai réussi à faire un truc vraiment bizarre, comme la druide, un peu...)
Elle continua à réfléchir, et à faire resurgir les mécanismes qui avaient activé cette étrange magie enfouie au fond d’elle. Elle se savait capable de le soigner, mais elle ignorait la manière de s’y prendre...
« Je dois pouvoir te soigner... Je l’ai déjà fait une fois... »
Elle sourit au regard interrogateur du roux, puis lui expliqua rapidement en essayant de répondre à des questions qu’il aurait très bien pu se poser et qu’elle interprétait dans son expression faciale.
« Et oui ! Soit pas surpris, c’est normal que tu t’en souviens plus, tu étais... loin de nous à ce moment-là. Quand on t’a repêché... Mais je suis sûre que t’as pas envie d’y repenser... Quel traumatisme ça a dû être pour toi d’ailleurs. Bref... J’étais terrorisée à l’idée de... que tu partes, que... que tu reviennes plus. Et j’ai pleuré. Et alors quelque chose s’est déclenché en moi... Et je t’ai guéri une partie de ton visage, là où tu avais bu... »
Elle reporta alors son attention sur la grosse plaie de son bras puis concentra ses forces sur ce qu’elle voulait faire...
(Guérir... GUÉRIR... GUÉRIR !!! Je dois ouvrir ces portes, comme Lothindil me l’avait montré... laisser affluer puis refouler cette énergie sur ce que je désire faire... te guérir !)
Elle se savait sur la bonne voie car la chaleur commençait à l’envahir et elle sentait les choses bouger en elle, bien qu’elle ne les maîtrisât pas vraiment.
En ouvrant ses yeux elle resta bouche baie un instant, fière d’elle, et en même temps très fatiguée de l’effort qu’elle avait dû fournir pour réaliser ce qui était pour elle un véritable exploit.
« Tu as vu ! J’ai réussi ! Haha ! C’est qui la meilleure ? Bon mais, on n’a pas fini ce château dit voir ! Et applique-toi un peu plus, ou fait des efforts, je sais pas moi... Parce qu’on dirait vraiment que tu le fais exprès et que tu te moques de moi, là ! »
Keynthara avait parlé d’un ton sarcastique pour le charrier un peu, mais elle se rendit vite compte que ses remarques avaient blessé le pauvre Seldell. Il lui jeta en effet un regard attristé, emprunt de douleur, et ses yeux se troublèrent un instant pour retourner à leur aspect initial après que son visage se soit crispé.
Elle baissa alors les yeux et lui présenta quelques excuses, sans vraiment comprendre ce qui lui était arrivé...
« Je voulais juste plaisanter, mon pauvre. J’ai pas fait exprès de te blesser. Tu m’excuses, hein ? Allez, on reprend notre construction ? »
Ainsi se déroula la journée, sous l’incompréhension de Keynthara face à la maladresse dont son ami faisait preuve à chaque moment, devant un château qui prenait petit à petit forme mais qui s’effondrait parfois, tout comme le moral des deux bâtisseurs lorsqu’il fallait tout recommencer...
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Le soir ne tarda pas à arriver, et Keynthara avait épuisé toute sa patience vis-à-vis du rouquin qui n’était pas parvenu à un résultat palpitant, loin de là.
Elle entendit soudain les autres crier et appeler joyeusement tout le monde pour se rendre sur la plage, pointant du doigt l’horizon. La Petite leva alors la tête, et aperçut les voiles d’un bateau...
« C’est sûrement Lelma !!! Il a réussi on dirait ! »
S’était elle écriée au milieu du brouhaha qui régnait sur la plage et attendit, debout au côté de Seldell que le grand bateau s’approche. Des barques ne tardèrent pas à être envoyé pour les chercher, et Keynthara s’installa en compagnie de son ami rouquin et de Filgaren, loin, le plus loin possible du capitaine Bogast.
Elle ne savait pas si ce retour sur le bateau signait la fin de leur aventure dangereuse, mais elle était soulagée de quitter cette île, voguant vers l’Ouest à bord du grand Faucon des mers.