Cromax a écrit:
Tous finissent par se retrouver devant les splendides créatures qui pourraient nous causer tant de tort si le coeur leur en disait, mais qui sont si belles et fortes, si majestueuses, qu'aucun de nous ne pourrait leur manquer de respect, sauf s'il le fait par erreur, comme Seldell le rouquin a percé malencontreusement l'oeil du monstre de glace une nuit qui semble déjà si loin... On finit par leur expliquer notre situation qu'ils semblent curieusement déjà connaître, et les dragons refusent de nous mener jusqu'à notre bateau, ce qui serait tout de même la meilleure solution pour qu'on puisse partir au plus vite de l'île qu'ils semblent si farouchement garder, comme s'ils avaient peur que quelque chose soit découvert... Hélas, le soleil est déjà bas dans le ciel, et invisible à nos yeux. Le soir tombe vite et nous nous voyons obligés de passer la nuit sur place, promettant aux dragons que nous partirions aux premières lueurs de l'aube, le lendemain matin. Je ne me sens pas très à l'aise de passer la nuit aux pieds de ces gigantesques lézards géants aux pouvoirs inconnus, auprès desquels j'ai sans doute déjà passé trop de temps... Enfin... Sous lesquels devrais-je dire puisque je sens encore la marque de la grosse patte du dragon de glace enserrant mon corps et l'écrasant contre le sol, bloquant ma respiration et écrasant tout mon corps meurtri...
Aussi, dès que le dragon de feu, qui semble soudainement plus aimable comparé à l'accueil qu'il nous avait réservé sur l'autre île, sur le volcan, nous a allumé un feu de camp, ancienne tâche du feu Fizold, je m'en approche le plus prêt possible pour ne pas être brûlé, mais pour ressentir la chaleur des flammes rougeoyantes contre mon corps afin que chacun me voie et évite de me marcher dessus pendant la nuit... Nous partageons ensemble un bref repas, sans qu'aucune parole remarquable ne soit prononcée. Nous mangeons ce que nous pouvons, afin de retrouver un peu de force, puis restons un moment en silence au coin du feu sous le regard des dragons gardiens.
Je m'installe pour dormir, rapidement rejoint par Lillith, mon bien aimé, contre lequel je suis si bien... J'observe Bogast se diriger vers les dragons pour leur parler un instant, puis revenir la mine déconfite, avant de me dire qu'il n'est pas parvenu à ses fins, et qu'il est donc inutile de lui demander ce qu'il comptait faire. Mon regard se pose à nouveau sur mon amant de glace. Ainsi allongés, main dans la main, coeur contre coeur, nez contre nez et respirations entremêlées, je tombe dans une léthargie nocturne qui me plonge dans le sommeil sans que je fasse attention aux dragons qui semblent encore nous surveiller, de loin... Je dors d'un sommeil paisible, réparateur qu'aucun rêve ni cauchemar ne vient troubler. Mais je ne peux garder longtemps cet était de sommeil, et trois longues heures après m'être endormi, je me réveille dans la nuit, et sans bouger, observe le repos de l'humain que j'aime, avec qui je suis bien, contre qui je pourrais faire tant de choses... Il ne bouge pas, hormis les longs mouvements fluides de sa respiration paisible et calme. Une bonne heure se passe où je ne fais que le regarder dormir, éclairé par les flammes de l'âtre qui brûle toujours à nos côtés.
Mais je finis par me redresser, doucement, sans un bruit, pour ne pas réveiller mes compagnons endormis, et m'assieds au coin du feu, me saisissant d'un bout de bois traînant là pour remuer les cendres incandescentes. J'ai une ultime pensée pour Fizold, dont le corps doit avoir depuis longtemps fini de se consumer, et de penser à lui me fait penser à la traîtrise à laquelle il a participé, et dont il s'est retrouvé victime...
(Tu peux en être certain, il est bel et bien cramé, cet enfoiré!)
(Respecte ce mort qui de son vivant n'avait pas d'honneur autre que celui de se venger de son père...)
(As-tu déjà pensé à la vengeance toi?)
(La vengeance? Contre qui?)
(Contre tes parents qui t'ont abandonné, contre ceux qui ne t'ont jamais respecté tel que tu devrais l'être... Contre ta famille, Cromax, mon amour...)
(Je n'ai pas de raison de me venger s'ils avaient une bonne raison de m'écarter! Je ne les connais pas, je ne saurais leur en vouloir... Je suis juste reconnaissant au vieil elfe sylvain qui m'a tout appris...)
(Ne sois pas stupide, ne sens-tu pas cette haine au fond de toi, celle qui s'échappe si souvent lorsque tu es en colère? D'où crois-tu qu'elle vient? À cause de quoi crois-tu être comme ça?)
Je ne m'étais jamais posé la question, et je ne réponds pas à Lysis, n'ayant pas de réponse à lui donner. Je ne sais pas ce qu'est cette force qui me met hors de moi lors d'un combat, qui fait de moi un animal sauvage qui ne trouve la paix que dans le sang de son adversaire... Jamais je n'ai pu comprendre ce phénomène, et jamais je n'avais imaginé qu'il pouvait être dû à mon abandon... J'essaie de ne plus y penser, chassant ses obscures images de mon esprit, celles des êtres qui ont péri sous ma lame, aussi affreux et mauvais soient-ils, j'ai tué, j'ai enlevé la vie de beaucoup de monde, moi qui prétends être un défenseur de celle-ci, je ne défends finalement que la mienne...
(Peut-être n'y a-t-il vraiment que la tienne qui compte...)
(Je ne sais pas, je veux juste profiter du temps qui m'est donné...)
(Sage remarque, mon amour... Je suis entièrement d'accord avec toi...)
Pour une fois, et à mon grand étonnement, c'est Lysis qui marque son accord à ce que je lui dis en pensée. D'habitude, c'est elle qui me contraint à accepter ce qu'elle dit... Deviendrais-je comme elle? Penserais-je à sa manière désormais?
Encore une fois, je chasse ces pensées, et une autre image se pare dans mon esprit. Cheylas... La traîtresse au corps si confortable, contre lequel maintes fois je me suis lové... Comment à ce moment aurais-je pu imaginer ce qu'elle nous réservait?
Sans que je m'en rende compte, les heures passent, et le bout de mon bâton est totalement carbonisé. Je jette bientôt ce morceau de bois devenu inutile alors que la nuit passe lentement. Mes compagnons ne tardent pas à se réveiller, comme prévu, et Bogast retourne à nouveau près des dragons, où il semble rester bien plus longtemps que la veille... Cette fois, lorsqu'il revient, alors que nous déjeunons rapidement, il a l'air ravi et nous annonce fièrement que les dragons vont nous aider à retrouver Cheylas. Aussitôt, le dragon de feu et celui de glace s'élancent dans les airs pour décrire de grands cercles aériens. Elle ne peut pas échapper à leur vigilance ni à leur regard perçant, même si l'un d'entre eux est borgne...
Nous attendons paisiblement qu'ils reviennent, alors que le dragon d'eau nous surveille sans bouger pendant qu'Ello et la petite aniathy discrète ces derniers temps jouent à cache-cache au bord du lac. Avec un brin de nostalgie, j'arrache une petite touffe d'herbe et la grignote un peu, tel que me l'a montré Ello. Je reste avec Lillith pendant notre attente, et nous ne parlons pas, ou très peu. J'observe le ciel, j'observe son reflet sur le lac, j'observe les discrets mouvements de l'eau et je sens le vent gratifier ma peau de sa douce caresse. Le silence qui s'est doucement installé est soudainement troublé par les cris de Keynthara, qui hurle à tout va que Ello a disparu, et qu'il ne reparaît plus. Au début, je crois que ça fait partie de leur jeu, mais elle nous affirme qu'elle l'a cherché pendant dix bonnes minutes. Aussitôt, on commence à appeler le petit dans tous les sens, inquiets qu'il lui soit arrivé quelque chose. Visiblement, nos appels ne donnent rien et le dragon d'eau, notre gardien, celui qui nous surveillait, sort précipitamment du lac pour s'envoler à la recherche de l'enfant. Entre nous, nous nous organisons rapidement pour partir à sa recherche.
« Ne nous séparons pas, il est mieux de rester minimum par groupes de deux, sait-on jamais ce qui peut arriver en ces lieux... »
Pour ma part, j'entraîne Lillith avec moi dans une direction aléatoire, en espérant que les autres en prendraient d'autres. Ratissant ainsi la zone, nous aurions plus de chance à le retrouver... En tout cas, voilà une partie de cache-cache qui est en train de bien mal se terminer. Nos recherches s'avouent rapidement vaines, malgré une bonne volonté de ma part à visiter le moindre buisson. Certes cette solitude dans la nature avec mon amant me donne d'autres envies, comme celle de le plaquer fougueusement contre l'écorce rêche d'un arbre, de le dévêtir en l'embrassant avec passion et de nous laisser ensuite glisser l'un contre l'autre sur le sol forestier...
(Bonne idée n'est-ce pas?)
(Excellente, ça serait exquis à regarder...)
Mais je n'ose pas lui en faire part, préférant me concentrer sur la tâche que nous nous sommes nous même donnée, gardant mes fantasmes pour plus tard...
Seulement, c'est sans compter les idées de mon partenaire, qui semblant lire en mon esprit le désir que j'ai pour lui. Alors que, innocent, je fouille un buisson touffu à la recherche du pauvre être perdu lors d'un jeu d'enfant, Lillith me bondit furieusement dessus et m'emporte dans sa chute. Nous tombons en roulant sur le pauvre buisson écrasé sous notre poids et mon doux amant m'embrasse avec passion et langueur. L'envie que j'avais réfrénée l'instant d'avant remonte directement en moi, plus vive, plus forte encore qu'elle ne l'était. L'isolement dont nous sommes les heureuses victimes nous permet enfin de nous retrouver, pour partager ce que tout deux attendions avec impatience, partager le corps de l'autre et ne faire qu'un durant un instant de délices charnels emplis de fougue amoureuse et de désir passionnel.
Les mains du cryomancien filtrent sous ma cuirasse, et la sensation de sa peau contre la mienne m'arrache un râle de plaisir alors que mes lèvres pressées contre les siennes sassent et ressassent nos langues amoureuses qui s'entrecroisent follement sans qu'on puisse les arrêter, pour peu qu'on ait eu envie qu'elles s'arrêtent... Mes mains saisissent son visage, caressent son corps par dessus son armure qui me heurte douloureusement les chairs, non sans me procurer un plaisir durement dissimulé, et difficilement dissimulable... Mes mains glissent sur ses joues, dans sa nuque, dans sa chevelure alors qu'il me caresse le corps de ses paumes humaines.
On se retrouve bien vite fortement gênés par nos armures, qui forment une barrière infranchissable entre nos deux corps avides l'un de l'autre. C'est mon doux homme du froid qui prend l'initiative et ôte prestement, quelque peu maladroitement mon pantalon qui n'en peut plus de recouvrir vainement la zone de mon corps qui procure le plaisir à moi comme aux autres... Alors qu'il m'embrasse le cou dans une morsure douce et douloureuse, jouissive, sa main habile s'attaque fougueusement à mon corps empli de désir, battant sous les coups du sang, au rythme des battements accélérés de mon coeur palpitant sous tant d'émotion.
À mon tour, je glisse mes mains sous son pantalon, qui cède vite à mes assauts...
C'est alors que soudain, Lysis retentit comme une alarme dans ma tête, pour notre plus grand malheur, si j'ose m'exprimer ainsi!
(Vite! Aakia a retrouvé la trace d'Ello! C'est par là)
Elle m'indique une direction mentale, et aussitôt, je crie à mon amant, coupant dans l'élan nos fougues respectives, reculant prestement en me rhabillant:
« Suis-moi, Lelma semble avoir trouvé Ello! »
Je sais qu'il comprendra certainement que c'est par nos faeras que nous avions pu communiquer, aussi, je ne me fais pas le devoir de lui communiquer ce détail, détallant dans la direction proposée par Lysis, une direction précise qui ne semble souffrir d'aucun doute possible... Dispersés au départ, notre groupe se reconstitue petit à petit lorsque nous nous dirigeons tous vers le même endroit, et ceux qui n'ont pas de faera se sont fait entraîner par les autres. Bientôt, au loin, une impressionnante falaise de pierre solide se dresse devant nous. Ses flancs sont recouverts d'une végétation luxuriante, et peu de temps après avoir aperçu la falaise, nous courons sur de l'herbe épaisse, à la suite de Lelma et de sa fille. En s'approchant, et à mon plus grand étonnement, je semble peu à peu distinguer les contours d'une porte magistrale qui se dresse contre la paroi de roche. Cernée par deux colonnes finement sculptées de détails draconiques. La porte est elle-même ornée de telles sculptures de dragons se faisant face, protégés par deux boucliers, attestant de la solidité sans faille de cette entrée.
Nous nous en approchons encore, et je peux maintenant remarquer que les yeux des dragons sont formés par des rubis étincelants. Une fine fente appairait à ma vue au centre de la porte, sans doute la serrure discrète de celle-ci. Mais alors que nous nous en approchons davantage, nous éloignant de notre quête du petit Ello, un gémissement plaintif se fait entendre sur notre droite. Tour après tour, nous nous retournons vers le bruit. Je suis frappé de stupeur quand je vois à mon plus grand étonnement le petit dans les bras d'une personne maudite que je ne pensais pas revoir de sitôt.
Daulandi tient Ello contre son corps, mettant en valeur la gorge du petit où brille l'éclat d'une lame prête à lui trancher le cou au moindre geste de notre part. Par réflexe, mes mains se serrent autour des armes à mes côtés, le sabre du pyromancien et ma rapière, lâchant la hache qui me fait défaut lors de combats... Je pousse un grognement intérieur en voyant cet autre traître, sans doute l'instigateur et le manipulateur de tous ceux qui nous ont trahi. Les jointures de mes doigts pâlissent tant je serre la garde de mes lames en regardant cet homme mauvais qui déjà une fois nous avait échappé. Là, il tient prisonnier un petit qui à tous nous est cher, le menaçant de mort, et nul d'entre nous ne pourra lui pardonner ce geste. Cet homme est notre ennemi, et tous le savons, même lui. Il nous le confirme une fois encore en proposant un sordide échange entre Ello et Thalian. Ce qui s'avère bien entendu inutile, puisque jamais Bogast ne confierait son enfant à un tel monstre, et même si il désirait le faire, je m'interposerais. Comme pour appuyer mes pensées, l'aéromancien commence à briller d'une lueur verte et protège son fils en le mettant derrière lui, s'offrant en bouclier.
Le spectacle est assez surprenant, et la scène semble se figer quelques instants. Plus personne ne bouge, tous attendent. D'un côté, Daulandi, l'oeil fou, le regard malsain et le sourire animé de mauvaises intentions qui tient toujours aussi fermement notre petit Ello, toujours en danger de mort. Face à ce duo, nous tous, sur nos gardes, chacun prêt à intervenir au moindre geste, à la moindre consigne de Bogast. Tous sont là à ses côtés, lui qui brille toujours de son halo verdâtre. Lillith à mes côtés, avec Lothindil, Lelma, De, Seldell, arevorès et Keynthara. Tous se tiennent prêts, et tous semblent vouer une haine sans pitié pour celui qui menace notre protégé. Et tel est mon cas.
Personne n'a encore bougé, et mes doigts sont toujours aussi serrés sur mes armes encore rangées dans leur fourreau. La tension monte doucement, mais sûrement. Nul ne sait ce qui peut se passer, nul n'ose intervenir de peur de se condamner, ou d'être responsable de la mort d'Ello. Daulandi sait que si il tue Ello, il mourra ensuite. Et nous tous savons que si nous faisons un pas vers eux, il tuera le petit être à la peau recouverte de poils. Mon regard passe d'un frère à l'autre, de la folie de Daulandi à la colère muette de Bogast. Mon souffle est rapide, mais ce n'est pas la course que nous venons de parcourir qui le rend ainsi, c'est bien la haine et le stress qui s'installe. La situation est intenable et je ne me sens pas loin de péter un câble à nouveau, paré pour me jeter sans réfléchir sur cet ignoble personnage. Mais l'image d'Ello me sauvant des dragons me vient à l'esprit et soulage cette envie meurtrière de mettre un terme à cette embarrassante situation, même si mon envie de découper en tranche Daulandi est toujours bien présente.
Soudain, à la surprise de tous, comme si nous comptions rester ainsi des heures durant sans que rien ne se passe, Ello, dans un réflexe de survie, mord sauvagement la main qui le retient prisonnier, et tente de s'enfuir. Un sursaut de soupirs étonnés envahit tout notre groupe quand Ello reste accroché à son bourreau par le collier qui tient toujours les deux clés. Mais la chaîne cède et il peut bientôt s'enfuir dans les fourrés. Plus rien ne nous empêche désormais de nous ruer vers notre ennemi qui nous fait désormais face en présentant son long katana.
Presque simultanément, en un bruit d'acier frotté, toutes les lames, tous les arcs et les bâtons et baguettes sortent de leur étuis dans notre groupe, et le temps semble s'arrêter une seconde. Mes camarades et moi, l'oeil rageur, nous tenons droit face à notre ennemi solitaire, qui est assez fou pour ne pas fuir. Étrangement, nous semblons encore hésiter à nous lancer vers lui en groupe, puisque personne ne prend l'initiative. C'est alors que Seldell, se sentant proche sans doute de Ello, décoche une flèche à Daulandi, qui lui rafle de près les côtes, l'écorchant faiblement. C'est comme un signal, et la haine qui habitait notre groupe se déchaîne tout d'un coup. Dans la hargne du moment, je hurle:
« Sus à Daulandi, mort à lui! »
Et dans une furie sauvage, nous nous lançons tous vers lui l'arme au clair. Nous arrivons presque simultanément au contact, sauf Seldell, Thalian toujours protégé par son père, Keynthara et Arevoès. Nous sommes ainsi six, Lillith, Lothindil, Lelma, Seyra, De et moi-même à arriver en même temps avec la même hargne de combattre ce traître maudit. Bien sûr, les coups pleuvent, et si l'humain parvient à en parer deux trois sur le début, il ploie bientôt sous la sauvagerie dont nous faisons part. J'entame mes attaque par un moulinet de chaque lame dont il parvient à parer la rapière, se prenant le sabre sur l'épaule en accusant du même coup trois autres chocs. Son corps est déjà percé de toute part quand je le frappe une seconde fois, puis une troisième fois au niveau de la gorge. Bientôt, nous ne savons même plus s'il est mort ou vivant. Il s'effondre sur le sol, comme s'il tombait au ralentis, mais nos coups pleuvent toujours sur son corps meurtris. Il n'est plus capable de rien, il a laissé tomber son arme à son côté, mais ça ne fait rien. De vrai bouchers que nous sommes, en transformant son être en un amas de chairs coupées, tranchées, hachées. Il est transpercé de toute part, et mes lames sont salies de son sang vermeil, et mon visage parcouru de quelques gouttelettes rouges, et mon armure poisseuse de ce même sang impur. La haine et la colère finissent par s'apaiser, et lentement, comme des charognards repus de leur victime décédée, rompons le combat inégal et sanglant mais ô combien libérateur, laissant sur le sol la carcasse ignoble de ce qui fut un homme avant notre passage, et qui n'est désormais plus qu'un tas de chairs tranchée et d'os brisée flottant dans une mare de sang. Daulandi n'est plus, et tous les six reculons pour mieux admirer notre spectacle macabre et dégoûtant, satisfaits de notre boucherie infâme.
C'est alors que mon regard tombe par hasard sur le pendentif d'Ello, chût au sol pendant le combat. Une envie pressante et incontrôlable s'empare alors de mon être. Et comme d'habitude, Lysis n'arrange rien à la faire, et dans mes pensées, elle se fait autoritaire et sévère.
(Prends-le!)
Je suis perdu, ma volonté propre m'abandonne, et le regard vague et ailleurs, je suis immobile. Je ne vois plus que le collier à côté de ce qui fut la main d'un traître. Mes compagnons n'existent plus, cette île n'est plus autour de moi. Même moi je ne sais pas si je suis encore moi. La sueur perle sur mes tempes, alors que je range mes armes dans leur fourreau, sans même prendre la peine d'en nettoyer le sang les salissant et ramasse ma hache abandonnée. Je me perds dans un monde où je ne suis plus maître de moi-même, où mon cerveau ne dirige plus mon corps, où je perds toute notion de la réalité, du bien, du mal, de la vie ou de la mort. Les formes autour de moi s'effacent, deviennent illusoires, comme si j'étais et j'avais toujours été victime d'un mirage. Les images deviennent floues, seule le clé est nette, brillante et belle dans mon esprit, seul cet objet est collé avec insistance sur ma rétine. Encore une fois, Lysis intervient...
(Ramasse cette clé!)
Et je m'abandonne à son ordre. Marchant comme un zombie vers l'objet, je me penche pour le ramasser doucement, sans attirer plus l'attention que ça, même si celui qui me regarde à ce moment se demande sûrement ce qui me prend. Une fois l'objet en main, ma tête est comme attirée irrésistiblement par la porte par un magnétisme inconnu. Les muscles de mon cou se tendent vers la serrure, et forcent tout mon corps à suivre le mouvement. D'un pas net, quoique faible vu de l'extérieur, mais on ne peut plus décidé de l'intérieur, je me dirige vers la petite fente, l'objet dans les mains. Manipulant le pendentif, par le hasard d'un mécanisme caché, les deux clés se regroupent pour n'en former qu'une seule. J'ai la clé en main, prête à rentrer dans la fente. Une dernière fois, je me retourne vers mes camarades, sans réellement les voir. Au loin, j'aperçois l'ombre des dragons qui approchent, tenant quelque chose en leur griffes...
(Cheylas... Traîtresse...)
Mais bien vite ces dernières pensées conscientes m'abandonnent, et j'insère l'objet dans la fente, comme je sais si bien le faire. Je tourne ensuite doucement la clé dans la serrure, attendant sans le savoir ni le vouloir que la porte s'ouvre...
Une fois ce geste terminé, je tombe à genoux au sol en reprennant soudainement conscience de la réalité... Qu'ai-je fait?
(Ce que tu devais...)
(C'est toi qui...)
(Non, uniquement ton esprit caché, un partie de toi-même que tu ne connais pas encore bien...)
Restant à genoux sur le sol face à la porte, je me tourne vers mes compagnons avec un air navré. Les dragons approchent de plus en plus, et s'ils nous voient ainsi devant la portent qu'ils défendent, nous mourrons tous. Il n'y a plus d'autre échappatoire que de rentrer... En espérant trouver une autre issue. Mes mains tremblent et je regarde mes doigts encore tâchés du sang du traître, sans parvenir à les maîtriser... D'une voix faible, je dis simplement:
« Lillith... »
Sans même être certain qu'il m'entende...
(J'ai besoin de toi...)