posté le 18 juillet
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La journée tire à sa fin. Le soleil a déjà fait plus des deux tiers de sa course. Guasina a marché sans relâche. Fatiguée et l’estomac creux, elle décide de prendre une petite pause. Elle s’assit sur ce qui pour nous ne serait qu’un vulgaire caillou, mais qui pour elle était une roche suffisamment grosse pour s’y laisser choir.
(J’ai faim, je mangerais bien quelques baies. Mes poches et mon sac sont vides de vivres. Je vais profiter de mon répit pour ramasser deux ou trois petits fruits.J’aurai ainsi des provisions pour au moins une journée.)
Guasina s’engage dans les champs. Elle n’eut pas le temps de commencer sa recherche qu’elle aperçut un faucon.
(Enfin, mon moyen de transport préféré!)
Guasina se dirigea au pas de course vers le volatile.
Petite Guasina naïve. Elle n’a connu que des faucons domestiques. Aussitôt que ce dernier aperçoit cet humain miniature courir vers lui, il se place en position de défense. Guasina n’arrête pas sa course.
(À dos de faucon, je rejoindrai facilement Audaz.)
Ses pensées s’arrêtèrent là, La bête avait changé de tactique!
Elle fonce vers Guasina les ailes déployées, le bec ouvert en lançant des cris stridents! Elle a un nid à protéger.La jeune fille n’eut le choix de se recroqueviller sur elle-même! Le rapace lui assène déjà de violents coups de becs.
-Ahhh
Le cri du lutin fit sursauter l’oiseau. Pas très longtemps, mais suffisamment pour que notre victime se remette sur pied. Elle sortit une flèche de son carquois et banda son arc, prête à se défendre.
-Si tu crois que je vais me laisser faire, tu te trompes!
L’oiseau allait reprendre son attaque, mais notre jeune fille fut plus rapide, elle décocha sa flèche qui frôla la calotte de son adversaire. L’oiseau se figea sur place. Guasina était une excellente archère. Ainsi, c’est délibérément qu’elle rata la tête de la bête.
(Je ne veux quand même pas la blesser, tout ce qu’elle cherche à faire, c’est défendre ses petits. Je ferai donc mieux de reculer, elle ne devrait pas me poursuivre).
Ce qu’elle fit, lentement sans quitter l’animal des yeux.
(Son regard paraît différent, elle semble avoir peur de moi. c’est pas possible! Il y a quelque chose qui cloche.Je vais quand même continuer de m’éloigner d’elle.)
Ne voyant pas où ses pas la mènent, Guasine se heurte sur quelque chose.
(Oups! C'est sûrement un rocher. Non, ce n'est pas assez dur.)
Elle se retourne lentement.
(Un chat! Ce qui explique la frayeur que j’ai vue dans les yeux de l’oiseau.)
Un magnifique chat tigré, gracieux comme tous les représentants de son espèce, se tenait devant notre lutin. Le félin s’aplatit au sol et regarda Guasina avec ses iris verts.
(Dire que l’Oncle Gordo nous faisait craindre les chats. Celui-ci m’a évité une fin qui n’aurait peut-être pas été heureuse pour moi.)
-Merci, honorable chat, je te dois la vie.
Il s’approcha de plus près et tendit une patte vers notre jeune naïve. Cette dernière prit ce geste pour une salutation et fit une révérence en guise de réponse.
Il tendit de nouveau la patte, mais cette fois-ci, il donna une petite tape à notre jeune demoiselle qui tomba assise.
-Ho la! Tu y vas un petit peu fort.
Le chat continua de plus belle et projeta notre pauvre lutine dans les airs. Elle retomba brutalement sur le dos.
-Aïe.
Le prédateur regardait fixement Guasina. Il ne bougeait plus.
(C’est ma chance, je dois me sauver.)
Notre jeune victime ne fit que quelques pas et le félin l’avait déjà rattrapée. Cette fois, il ouvrit la bouche.
(C’est fini, il va me manger.)
Les larmes coulent sur ses joues. Guasina aurait bien aimé que ce ne soit qu’un mauvais rêve! Mais la chatte tigrée, encore une femelle, l’agrippa par le dos de son gilet et apporta son butin avec elle.
Notre jeune lutine n’a même plus la force de se débattre.
(Je n’aurais jamais dû douter des paroles de l’oncle Gordo. Cette femelle va probablement me donner à ses petits. Ils vont me dévorer.)
Voilà déjà quelques minutes que la promenade dure. Guasina ne se sent pas très bien : la tête ainsi à l’envers, son sang y a affluée. Étourdie, l’estomac vide et à l’envers, la captive ferme ses yeux.
(Je n’en peux plus.)
Duchesse, nom qui va à ravir à ce tigré bien toiletté, se dirige vers la ferme. Elle apporte un joli butin avec qui elle pourra s’amuser un bout de temps. En fait jusqu’à ce qu’une petite fringale lui prenne.
Arrivée à la grange, notre féline royale dépose le petit être, tout habillé de vert, sur la paille.
(Enfin! Ouf, ma tête. )
Notre petite rescapée se prit la tête entre les deux mains et n’osa plus bouger.
(Je vais attendre quelques minutes, puis lorsque je me sentirai mieux, j’aviserai. )
Même rétablie, notre jeune Roquin demeure immobile. Méfiante, elle se doute bien que son bourreau n’est pas très loin. En effet, cette dernière ne la quitte pas des yeux.
Bien que son corps soit aussi inerte qu’une statue, son esprit est en plein travail. Les rouages de ce petit cerveau fonctionnent à toute allure. Couchée, dans la paille, Guasina essaie d’évaluer toutes les possibilités qui s’ouvrent à elle, cherchant désespérément une cachette qui sera inaccessible à ce chat.
(Je vais essayer d’atteindre... non, non, sois plus positive Guasie, je vais atteindre ces bouts de charrette délabrée et je me cacherai dessous. Il ne reste plus qu’à attendre le moment propice. )
Et elle attendit, puis…
-Duchesse! Duchesse! Où es-tu ma belle grosse chatte! Duuuuuuchesse!
-Miaou!
Duchesse répondit à sa maîtresse, sans pour autant quitter le petit pantin vert des yeux.
-Ah! Enfin, tu es là!
La jeune demoiselle, environ 7 ans, prit tendrement sa chatte tigrée dans ses bras.
(C’est le temps ou jamais. )
En moins de temps qu’il ne faut pour le dire, ou plutôt pour l’écrire, notre jeune lutine courut à toute jambes et se faufila sous les débris de ce qui a déjà été une charrette.
Apercevant la fuite de l’humaine miniature, la chatte tenta de s’extirper des bras de sa maîtresse. Elle réussit, mais trop tard! Guasina est en sûreté, bien cachée.
-Hé ! Qu’est ce qu’il y a ma belle?
-Miaou
La féline était tout près de la charrette et tendait sa patte pour tenter d’atteindre sa dernière trouvaille.
- Tu ne m’as pas encore apporté un cadavre de souris ?
Un frisson parcourut le dos de Guasina (le cadavre cette fois-ci, ça devait être moi! )
-Miaou!
Adèle rejoignit son chat, se pencha et aperçut ce petit être d’à peine 20 cm et tout habillé de vert.
-Bonjour
(Tu crois que je vais te répondre )
-J’espère que Duchesse ne t’as pas fait trop de mal!
Pas de réponse. Adèle enchaîna :
-Elle adore chasser
(Ça je l’ai vu. Continue à jacasser, moi je demeure muette comme une carpe )
-Et elle ne fait pas la différence entre un rongeur et un...
(Un lutin. )
-Euh…T’es un quoi? Es-tu un farfadet?
-Hé! Qu’est-ce que tu crois? Je suis un lutin. Ça se voit non!
Guasina se mordit la langue, la jeune humaine avait réussi à faire parler notre lutine en piquant un peu son orgueil.
- Je savais que tu finirais par me répondre. Bien sûr que j’ai vu que tu es un lutin. J’adore ton chapeau! Et je m’appelle Adèle!
Cette dernière rit de bon cœur. Un rire franc, pur, simple, sans retenue et sans complexe. Un rire tel que seul un enfant en est capable. Bref, un rire contagieux, qui permit de détendre notre jeune fille éreintée qui finit par sourire.
-Moi, c’est Guasina!
-Enchantée. Veux-tu que je t’emmène chez moi, j’ai une jolie maison de poupée. Tu y seras bien.
-Non merci, je suis très bien ici à l’abri de ta chatte.
-D’accord, mais je vais t’envoyer Basil pour qu’il surveille l’entrée de la grange. Duchesse n’aime pas Basil. Elle ne pourra plus entrer dans la grange, tu pourras donc y circuler à ton aise.
- O.K.
(Et moi, je ne pourrai plus sortir. Elle semble gentille mais je dois me méfier, je ne veux pas devenir sa poupée. )
La fillette emporta son chat et appela Basil.
Un gros chien, ou plutôt un énorme chien, arriva à l’entrée de la grange, les bajoues ballotantes et la queue battante.
(Il me semble sympathique )
Rassurée, elle sortit de sa cachette.
-Basil?
Reconnaissant son nom, Basil se dirigea vers notre jeune rouquine, et sans hésitation, ni gène, il lui lécha le visage ou plutôt le corps tout entier.
- Hé, tu es mignon, mais beurk, ta bave… C’est dégoûtant!
L’énorme bête aimable, se laissa tomber par terre -la grâce, ce n’est pas pour les chiens!-juste à côté de sa nouvelle amie. Cette dernière se coucha contre son flanc et s’endormit.
Qui dort, dîne! Ce n’est pas tout à fait vrai. Puisque Guasina n’avait pas mangée, elle se réveilla en pleine nuit. À sa surprise, elle vit, à ses côtés, une petite assiette de poupée, dans laquelle se trouvaient quelques raisins et un morceau de fromage.
(Adèle est peut-être de bonne foi après tout.)
Elle ne se fit pas priée pour tout avaler. Puis, elle se rendormit, bien blottie sur son nouvel ami.