L'Univers de Yuimen déménage !


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 Sujet du message: Désert de Saldana
MessagePosté: Mer 21 Jan 2015 14:12 
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Désert de Saldana


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Constituant la grosse majorité de la surface de la planète (les villes (Ardis) se trouvant en souterrain), les déserts recouvrent tout, ici. De longues plaines de sable fin, des parcours de dunes hautes et nombreuses, des passes montagneuses au roc pâle érodé par le sable… Aucune végétation ne peuple ces lieux désertiques, où le vent et le sable sont les principaux ennemis de toute vie…

Il n’y fait guère chaud, pourtant, mais l’absence totale d’eau à la surface rend la vie quasiment impossible sans réserves solides. Ajoutées à ces dangers, quelques espèces animales vivent tout de même dans ces territoires hostiles. A commencer par les géants et carnassiers vers des sables, ainsi que d’autres prédateurs à apparence rocheuse, ou se tapissant dans le sable dans une semi-conscience, jusqu’à l’arrivée d’un inconscient.

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 Sujet du message: Re: Désert de Saldana
MessagePosté: Mer 21 Jan 2015 14:44 
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Sortant de la cité souterraine d’Ard’Ùlan à l’intérieur de cette machine volante nommée Atmos, mes yeux rencontrent pour la première fois la lumière naturelle de cette planète inconnue. Et avec elle, les paysages la constituant. Si je suis habitué aux déserts, ici, rien n’a de commune mesure avec ce que je connais sur Yuimen. Du sable à perte de vue, balayé par un vent constant. Des montagnes, parsemées dans un paysage de dunes et de plaines rocailleuses. Tout a l’air de se ressembler, en réalité… Et je note pour moi-même qu’il serait quasiment impossible de se retrouver dans cet endroit gigantesque sans un guide confirmé… Ou tout du moins une carte indiquant les directions générales des Ardis, quasiment invisibles de l’extérieur, à moins de se trouver juste au-dessus, puisqu’elles sont toutes souterraines. Je me surprends à frissonner, malgré la présence permanente d’un soleil dans un ciel bleu impeccable. Sa lumière est pourtant pâle et froide, lointaine.

Estera, remarquant ma surprise, me précise :

« Saldana est certes une planète de sable, mais ses déserts sont froids toute l’année, de jour comme de nuit. Les gelées sèches sont fréquentes, aux heures les plus froides de la nuit. »

Un monde accueillant, décidément. J’ai comme un doute sur l’intérêt réel de Tulorim à préserver sa colonie ici. Ce monde doit regorger de ressources rares sur notre monde, pour s’y attarder avec autant d’intérêt.

(N’exagère pas trop… Ils ont confié la préservation de l’endroit à deux personnes uniquement…)

Mais pas des moindres… à moins que la raison de ma présence ici soit de me faire oublier du monde de Yuimen par les tulorains, à l’instar d’Estera. Mais j’aurais du mal à comprendre pourquoi. Et puis… c’est peine perdue. Je compte bien vaincre ici, comme je l’ai toujours fait ailleurs. Je me tourne vers le pilote de l’engin, qui n’a pas décroché un mot depuis notre décollage.

« Je suis Cromax, et voici Estera. Combien de temps durera le trajet ? »

D’une voix désengagée, sans ton ni émotion, il me répond.

« Kad’n Ballahr. Le voyage durera quelques heures, à peine. »

Une bonne nouvelle en soi. Ces Atmos ont l’air assez rapides. Je me permets, vu que j’ai pu constater son non-mutisme, de pousser plus loin ma curiosité à son égard.

« Vous êtes… un esclave ? D’où venez-vous ? »

Loin de prendre mal ma question, il pouffe dans son turban, et mon répond de la même voix neutre.

« Je suis un navigateur. Nous sommes une caste particulière de ce monde… Nous n’appartenons à aucune Ardis. Nous le sommes de père en fils. »

Une société décidément patriarcale, où les femmes n’ont que le retrait pour se complaire. Toutes esclaves, puisqu’aucune ne peut prétendre au titre d’Homme Libre, ou de navigatrice. J’acquiesce en silence, et laisse à Kad’n le soin de nous conduire en lieu sûr. Après deux heures de trajet, et une somnolence latente de mon côté, le navigateur nous prévient d’un danger.

« Attention, accrochez-vous, une tempête arrive. »

Un peu stressé à l’idée de… traverser une tempête de sable dans une machine volante, je plaque à nouveau mon visage contre le hublot pour regarder à l’extérieur. Le sable virevolte, sous nous, et au loin, j’aperçois effectivement un nuage… de sable gigantesque qui s’amène dans notre direction. Ce genre d’événement, s’il est courant, doit rendre la cartographie des lieux tout bonnement impossible. Les dunes doivent se déplacer d’un jour à l’autre, et ensevelir des monts et plaines. Les navigateurs doivent avoir un sacré bon sens de l’orientation. Intrigué, je demande :

« Risquons-nous quelque chose ? »


« Pas si vous vous tenez… C’est une petite tempête, les vents ne sont pas trop forts. »

Petite tempête, petite tempête… Mais tempête quand même. Une bourrasque soudaine soulève l’appareil, qui tombe aussitôt dans un trou d’air, m’envoyant valser en l’air. Ma tête cogne contre la paroi métallique de l’appareil, et je retombe à moitié sonné dans mon siège.

(Bigre… J’vais me tenir, ouais.)

M’harnachant d’un harnais de sécurité en cuir, et plaquant mes mains sur les accoudoirs, je reste désormais tranquille, alors qu’une fine ouverture dans mon front laisse filtrer quelques gouttes de sang, qui me coulent sur les joues. Voilà un périple qui commence bien. SI même le décor commence à me blesser, je n’ose imaginer les ennemis que je rencontrerai.

Et ainsi passe une bonne heure, à nous faire virevolter de gauche à droite et de haut en bas dans la tempête. Kad’n ne semble absolument pas perturbé par ces changements de cap, et ce manque flagrant de visibilité. Le quotidien, pour lui. Mais pour moi, c’est quand même sacrément impressionnant, et c’est peu rassuré que je le regarde manœuvrer les manettes peu nombreuses de la console de commande. J’ai un doute quant à la fiabilité de l’engin, et à la solidité de ses composants… mais n’ose m’aventurer à en faire le commentaire. D’autant que nous sortons finalement de la tourmente, sans le moindre heurt sur la carcasse de l’appareil.

(On peut pas en dire autant de la tienne !)

Je passe une main sur la plaie, qui s’est déjà refermée. Avec un tissu, j’essuie le sang de mon visage, et me laisse aller à un petit somme.

C’est Estera qui me réveille d’une bourrade du coude dans le flanc.

« Nous arrivons près d’Ard’Essith. Regarde. »

Une fois encore, je regarde par le hublot rond, et me fais surprendre par la beauté et l’incongruité du paysage. Devant nous, un mont magistral, fait de roc et de sable, plus haut qu’une montagne des Monts de Nirtim, mais uniquement avec des parois à pic, d’immenses falaises ocres. L’atmos pénètre dans un défilé rocheux, à l’intérieur de cette montagne, et finit sa course dans une grotte obscure. Une lanterne puissante située sur l’avant nous accorde le droit de connaître notre destination : une porte ronde, solidement ancrée dans la roche, qui s’ouvre doucement à notre approche. Ard’Essith, nous voilà. Un premier voyage qui s’est déroulé sans encombre.

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 Sujet du message: Re: Désert de Saldana
MessagePosté: Mar 17 Mar 2015 13:01 
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L’atmos de Kad’n Ballarh a été rechargé de son carburant blanchâtre mystérieux, provoquant une grosse bouffée de vapeur pâle à notre décollage, enfumant le sas réservé au départ de ces étranges navettes volantes. J’ignore ce que je préfère, une cabine toute navale d’un cynore de Yuimen, ou ce petit environnement restreint, cette bulle de métal à hublots, bien plus maniable que les grands vaisseaux d’Air Gris. Bien attaché, mon regard se perd sur le hublot du toit de la machine lorsque nous traversons à toute allure la passe montagneuse pour quitter la grande Ard’Essith. Je me surprends à prendre peur, lorsque là où la veille nous avons pu voir un ciel bleu pâle sans aucun nuage, le dessus de la passe est aujourd’hui couvert de sable volant à toute allure à cause d’un vent fort et rugissant. Je jette un regard inquiet vers notre navigateur.

« Vous… vous êtes sûr que l’atmos va tenir la route, là-dedans ? »

Il me jette un mystérieux regard du coin de l’œil, et je devine un sourire sous son bandeau de lin.

« J’ai dit que ça allait secouer. »

Étonnamment, cette assurance, même menaçante, me rassure un peu. Notre pilote est un expert, à n’en pas douter. Un habitué, au moins. Il connait son métier, celui pour lequel il a été formé depuis son enfance. Il n’empêche que j’accroche fermement ma main à l’accoudoir. On ne sait jamais.

Et puis, rapidement, nous quittons le couvert tranquille de la faille rocheuse. Et là, mon estomac me remonte dans la gorge : l’atmos se fait littéralement balayer par le vent, sur le côté. Un brutal changement de direction qui arrache un rire excité à notre pilote, et qui me donne juste envie de gerber. Bon sang, dans quoi me suis-je encore embarqué !? Et face à un tel ennemi, nulle défense possible, nulle maîtrise des armes ou de ruse envisageable. Mon destin est entièrement entre les mains expertes de Kad’n, qui ressemble plus à cet instant à un fou qu’à un pilote confirmé. Je jette un regard vers Estera, qui semble aussi tendu que moi, yeux fermés et lèvres pincées, comme s’il récitait intérieurement une prière à ses dieux.

Mais c’est sans compter les puissants réacteurs des atmos, faits pour palier à de telles tempêtes. Je vois la main de Kad’n pousser un levier d’acier à son maximum, et perçois la puissance qui sort des moteurs de la machine volante. Sans plus virevolter dans tous les sens, il reprend le contrôle total de l’appareil, qui file à travers le mur de sable projeté avec violence par les bourrasques puissantes. Un instant, j’hésite à demander si les vitres des hublots sont assez solides face à un tel déchaînement d’éléments, mais les mots restent derrière mes lèvres. Question inutile, qui ne trouvera aucune réponse, ou à peine une autre bravade énigmatique. Je préfère lui faire confiance, finalement. Et muettement.

Les heures s’écoulent ainsi sans que notre pilote ne tremble ou ne vacille. La tempête bat toujours son plein, et le stress m’empêche de fermer l’œil ou de me détendre un seul instant. Nous voyageons à une vitesse vertigineuse, profitant des vents forts pour nous propulser plus rapidement encore que nous ne le devrions. Droit vers le Sud. À un moment, Kad’n prend la parole :

« Nous sommes désormais sur le territoire d’Ard’Khorneur. Bien plus rocailleux que celui d’Ard’Essith. »

Je regarde à l’extérieur. Aucune différence. Toujours le sable qui vole et masque la vue. Je lève un sourcil, mais me laisse guider par l’expertise du navigateur.

« Nous aurons bientôt la possibilité de nous réfugier dans des défilés montagneux. Le voyage sera plus paisible. »

J’entends Estera pousser un soupir de soulagement à côté de moi. Apparemment, vu la blancheur des articulations de ses mains crispées sur l’accoudoir, et la sueur qui coule abondamment de son front, j’en déduis qu’il supporte encore moins que moi cette situation, malgré qu’il soit habitué à ce monde. Et ça me fout la boule au ventre. Il a plus peur, malgré son expérience. Ça veut dire que le danger est bien réel, et que les accidents existent. En a-t-il été victime ? A-t-il perdu des proches ? Peut-on seulement espérer survivre à une chute d’atmos ? Je préfère ne pas y penser.

Mais comme si c’était prédestiné, la machine subit une brutale perturbation de vol, alors qu’une ombre frôle de peu l’appareil, juste au-dessus du hublot à côté de mon siège. J’écarquille les yeux.

« C’était quoi, ça ? »

Kad’n met quelques secondes à répondre, cette fois. Il semble avoir perdu le sourire dans sa voix.

« Un rocher. Les vents sont plus forts que je ne l’avais pensé, les rocs volent. »

(Attends… Il a dit un rocher ? Qui vole ? Mais… mais c’est quoi ce monde de barge !?)


(Fais-lui confiance. Ne montre pas de peur, ne le perturbe pas dans sa conduite.)

Je retiens donc tout commentaire, mais je n’en pense pas moins. Un vent ayant la force d’arracher des blocs de roche du sol, je n’aimerais pas me le prendre en pleine tronche. Clairement pas. Effectivement, les yeux rivés vers la petite fenêtre ronde barrée de fer, je vois plusieurs ombres traverser le sable balayé. De diverses tailles, à diverses vitesses. Je ne peux plus compter que sur les réflexes et l’attention de Kad’n. Ma respiration, sans le vouloir, s’est accélérée. Tout comme les battements de mon cœur. Je ne suis pas à l’aise, mais alors là pas du tout. Et l’atmos virevolte, tourne, vrille dans tous les sens, sous le contrôle expert du navigateur. Il évite ainsi tous les rocs dont nous rencontrons la route. Presque tous, en tout cas. Plusieurs chocs métalliques se font entendre sur la coque, sans grande conséquence. C’est du solide. Jusqu’à ce qu’un plus gros roc finisse par nous heurter de biais, sur l’arrière de l’appareil. Notre vol subit une déviation brusque, qui me fait me cogner la tête au rebord métallique, me sonnant à moitié. Estera s’en sort moins bien que moi : une plaie s’est ouverte à sa tempe, et il saigne abondamment, plaquant une main sur la blessure pour éviter le flot continu.

(Merde ! Il ne va pas nous claquer dans les doigts maintenant, lui.)

Je détache ma ceinture et rampe à quatre pattes vers lui. Il m’envoie un regard effrayé, et je me saisis de sa cape pour en déchirer un pan assez large, que je roule sur lui-même, serré, avant de la nouer autour de sa tête. Un pansement de fortune qui absorbera le surplus de sang en faisant une pression sur la plaie. Pas de quoi la soigner, mais au moins retarder l’hémorragie le temps que nous arrivions à destination. Mais c’est sans compter un juron indescriptible de Kad’n, qui se tourne vers moi.

« Cromax, venez prendre les commandes. »

Je reste bouche bée.

« Q…quoi ? »


Il souffle d’impatience, précisant :

« Un moteur a été touché dans la collision, sans doute à travers la coque. Je dois voir les dégâts, et nous ne pouvons nous arrêter ici sous peine de nous faire ensabler en moins d’une minute. Prenez les commandes, c’est assez simple. »

Peu rassuré, je m’avance vers son siège, et il m’indique un levier quadridirectionnel. Haut, bas, gauche et droite.

« Maintenez la vitesse constante, ne vous préoccupez que de la direction. »

Et il m’abandonne sans plus de précision à son poste, où je me glisse alors qu’il rejoint l’arrière de l’appareil en vue de réparer la défection d’un des moteurs. Je me saisis du manche, gorge nouée. La vision, heureusement, est bien meilleure ici qu’à l’arrière. Je vois clairement la plaine devant nous, balayée de sable et de rocs. En voyant un arriver vers nous, je tente une manœuvre d’évitement… Réussie, mais un peu brusque. J’entends Kad’n jurer derrière.

« En douceur, par tous les sables ! »

Prostré, je me concentre sur ma conduite, testant la sensibilité de la manette de pilotage. Pas si complexe, effectivement… mais je suis quand même content de ne devoir toucher à aucun autre des boutons et leviers présents sur le tableau de bord. Je m’informe de la situation de notre mécanicien improvisé.

« Rien de trop grave ? »

Un silence… puis sa réponse.

« C’est réparable. Mais j’en ai pour un moment. »

Et effectivement, des bruits de coups sur le métal m’indiquent qu’il commence la réparation. Je suis désormais le conducteur, et je crois ne m’être jamais aussi senti aussi peu sûr de moi, même si la sensation de voler, et de diriger ce vol, est grisante. Après plusieurs minutes d’un vol sans danger, j’ai l’impression que la tempête diminue. Les rocs ne volent plus, même si le sable est toujours projeté dans tous les sens avec force. Et j’en suis heureux : je n’ai pas les réflexes du sieur Ballahr. Vision dégagée, j’aperçois une succession de défilés rocheux sur notre droite, plus bas que notre position. J’en informe Kad’n, toujours occupé à marteler les pièces de son moteur. Sa réponse est sans équivoque :

« Bien, allez vers eux, et suivez la voie. Nous approchons. »

Je déglutis bruyamment, mi rassuré de l’approche de notre destination, mi angoissé à l’idée de manœuvrer plus précisément l’engin. J’amorce la descente, et repère une voie assez large, où je m’engouffre assez facilement. La manipulation de l’appareil est plus fluide : les vents ne le battent plus de biais. Le confort des rocs nous entourant est aussi un danger : je m’en aperçois rapidement, lorsque je dois faire un virage plutôt serré pour ne pas me prendre le mur de plein fouet. J’évite les pitons rocheux qui dépassent comme des pointes, les ponts de pierres en hauteur qui traversent la faille… Mais ils sont nombreux, et ma main tremble un peu sur le manche. Une succession de virages en chicane, et l’accumulation de rocs sur notre route me fait perdre le contrôle : je ne vois pas un gros rocher qui dépasse largement de la paroi, et malgré ma tentative de l’éviter, levier tourné de toutes mes forces vers la gauche, nous heurtons l’obstacle. Et là, la perte de contrôle est totale : l’atmos part en toupie, tournoyant sur lui-même sans que je ne puisse plus rien voir. Mes mâchoires se crispent, alors que je me sens glisser du siège. Je ferme les yeux. Est-ce ainsi que je vais mourir, loin de tout ce que je connais, dans ce monde hostile en tous points ? Je n’arrive à me faire à cette idée.

Brutalement, Kad’n me tire de son poste de pilotage, et m’envoie bouler dans l’arrière de l’appareil. Comme une poupée désarticulée, je me laisse faire. Jurant de plus belle, il se saisit des contrôle, ralentissant les moteurs, poussant à fond les stabilisateurs, braquant à mort le levier de contrôle… Mais nous chutons, inexorablement. Il parvient à stabiliser l’appareil, qui ne volte plus, mais la descente est inévitable : le moteur déjà abîmé est maintenant complètement hors d’usage. Je l’entends cliqueter frénétiquement à côté de moi. Kad’n hurle :

« Attachez-vous, on va s’écraser ! »

S’attacher, à quoi bon, puisque mourir on le doit…

(Fais ce qu’il dit !)

Me traînant, désabusé, je m’assieds sur mon siège, et attends avec une angoisse constante le choc.

Il ne tarde pas, rude, remuant. Je sens mes muscles se crisper, mes organes se faire malmener en mon corps, et… le noir, alors qu’une bouffée de sable me frappe le visage.

Puis rien.

Plus rien.

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 Sujet du message: Re: Désert de Saldana
MessagePosté: Mar 17 Mar 2015 17:46 
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J’ouvre un œil, puis l’autre. La première chose que je fais, instinctivement, est de cracher. Cracher ce sable que j’ai en bouche et qui me brûle la gorge. Cracher, cracher encore jusqu’à ne plus sentir ses grains sournois crisser entre mes dents. Je tousse, ramenant le sable de ma gorge. Je tousse et je crache de plus belle, me relevant. Mais je ne peux me mettre debout : je suis toujours dans la carcasse écrasée de l’atmos. Kad’n a réussi à ralentir un maximum sa vitesse en inversant les propulseurs de vapeur, mais la vitre avant s’est quand même brisée sous le choc, et la paroi métallique s’est pliée. Ma ceinture, mal bouclée, s’est détachée dans le crash, et j’ai volé par terre, heureusement sans trop de mal. Je sens mon corps fourbu, mes muscles secoués, et plusieurs ecchymoses naîtres, en plus des écorchures de mes mains, mais je suis sauf, et n’ai aucune blessure grave. Cette fois, Estera s’en sort mieux que moi. Sur son siège, il n’a pas bougé. Il s’échine à retirer sa ceinture, apparemment grippée. Il n’a rien.

De mon arme métamorphe sous forme de dague, je tranche la lanière de cuir de sa ceinture, le libérant de son vain acharnement. Mais il ne me remercie guère, il se précipite vers l’avant de l’atmos, le plus touché par le crash, où Kad’n git inconscient. Je le suis, mais il se tourne vers moi.

« Va chercher de quoi boire, il y a des gourdes dans le compartiment à l’arrière. Je m’occupe de lui. »

Je le laisse donc à sa tâche, et m’en vais explorer l’arrière du compartiment, où effectivement, une armoire à moitié éventrée laisse couler sur le sol de précieuses réserves d’eau. Plusieurs tonnelets sont percés, et je me saisis en urgence des outres vides à disposition pour recueillir le précieux liquide, afin de les remplir. Lorsque l’eau a fini de couler, je comptabilise ce qui nous reste de réserve : un tonnelet plein, et trois grandes outres. Bien assez, par chance, pour assurer notre survie, à condition, du moins, qu’Ard’Khorneur ne soit plus trop loin. Je retourne près des deux autres. Estera a détaché Kad’n, dont les jours ne semblent pas comptés. Par chance. Il m’adresse un regard où se mêlent rancœur et soulagement, et tend une main vers l’outre que je lui apporte. Se redressant, il boit de longues goulées, et je l’imite, afin de purger les derniers grains de sable de ma cavité buccale. Une fois hydraté, il prend la parole.

« Je n’aurais pas dû vous donner les commandes dans ce défilé. »

Je lui signifie qu’il a tort de s’en vouloir, qu’il n’y avait d’autre solution possible. Et je conclus par des excuses, qu’il accepte de bon gré.

« Je n’étais que le pilote de cet atmos, pas son propriétaire. Et puis quand bien même : nous sommes tous trois saufs, c’est ce qui compte. »

Il n’a effectivement pas l’air trop secoué par l’accident. Tant mieux. Il affirme que nous ne sommes pas très loin de l’ardis que nous cherchons à atteindre, mais que nous ferions mieux de nous presser à la rejoindre. Effectivement, lorsqu’il pousse la porte au mécanisme brisé de l’appareil, le sable, bien que moins présent dans ce défilé, a déjà recouvert tout l’avant de l’appareil. J’emballe ma tête dans ma cape, à l’instar de son turban de lin, et Estera nous imite. Nous nous mettons alors en marche, en file, et je prends l’arrière garde, laissant Kad’n diriger l’expédition. Je me charge, après avoir distribué les outres, de porter le tonnelet restant. Après quelques minutes de marche, je me surprends à frissonner. C’est la première fois que je me retrouve vraiment à l’extérieur, dans ce monde, et il n’y a pas à dire, pour un désert, il fait sacrément froid. Loin des déserts chauds d’Imiftil, les sables de Saldana sont aussi froids que de la neige. Et le vent sec assoiffe plus encore qu’un air torride.

Nous marchons près de deux heures, encerclés de rochers hauts. La progression est lente et difficile, avec tout ce vent. Le sable nous fouettant les flancs n’aide pas non plus. Silencieux, pour ne pas avaler une nouvelle fois de cette matière qui commence à me taper sur le système, nous marchons de concert jusqu’à, finalement, arriver à l’entrée immense d’une grotte. Nous y pénétrons, et de suite, je suis impressionné par la hauteur de l’entrée. Le plafond culmine à près de quinze mètres du sol. J’ai plus l’impression d’être dans une faille couverte que dans une réelle grotte. Ici, la marche est plus aisée : plus de vent, plus de sable qui vole. Et au fond, une lumière indiquant une chose : Ard’Khorneur est proche.

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 Sujet du message: Re: Désert de Saldana
MessagePosté: Jeu 28 Mai 2015 19:57 
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Le froid règne entre Estera et moi, depuis notre départ de l’Ardis ce matin. Alors que les chefs se sont joints à leurs armées, et que j’ai découvert pour la première fois mes troupes propres, celles d’Ard’Khorneur, il est resté en retrait et silencieux. Comme s’il boudait. Ne souhaitant pas plus que ça remuer le couteau dans la plaie, et doutant qu’il veuille m’en dire plus que la veille, je le laisse faire, me contentant de marcher aux côtés de Salaa’tin, Melchial et l’immense Olemahn, dont j’apprends vite qu’il possède des pouvoirs de pyromancie, et qu’il siège dans sa cité, l’Ard’Melior, surplombant une immense nappe naturelle de Sän, une huile minérale particulièrement inflammable servant à maintes choses aux habitants de la planète. Il paraît que malgré sa puissance certaine, Olemahn n’use jamais de ses pouvoirs au sein de sa cité, même dans les zones les plus sûres. Sage et prudent, il redoute avant tout une destruction totale et sans rescapé possible de toute l’ardis dont il est à la fois le chef, le représentant et le protecteur. Ses opposants, c’est à la force de ses énormes poings et bras qu’il les tue, les noyant quelques fois dans le Sän pour leur témérité mal placée. Une montagne, une force tranquille, là où Malikhen était un volcan en pleine éruption de violence et d’agressivité. Je ne peux m’empêcher de comparer les deux hommes, de par leur ressemblance physique notoire. La même peau d’ébène, les mêmes muscles saillants, la même taille immense, le même crâne chauve… mais la comparaison semble s’arrêter là. Tout le reste diffère diamétralement de mon dernier opposant. À commencer par l’âge : Olemahn, bien que plus sage, étant aussi bien plus jeune que ne le fut Malikhen.

De ma discussion avec ce doux colosse, j’en tire de nouvelles informations sur nos ennemis. Les hommes insectes auraient ainsi tenté de le soudoyer, de le monter contre Ard’Ùlan et Ard’Essith, et de rejoindre la confédération d’Ard’Rath. Refusant catégoriquement toute forme de corruption, ainsi que toute implication dans cette guerre, il les envoya balader sans pour autant les chasser de son ardis. Ils s’y sont intégrés, se mêlant à la population sans que ça ne semble déranger celle-ci, fomentant peut-être des complots et autres trahisons orchestrées, mais ne venant jamais au bout de leur projet. Quand enfin, la nouvelle de la mort de Malikhen est arrivée là-bas, ils ont tous mystérieusement disparu, sans doute appelé par leur chef : Saalafi.

Nous chevauchons tous des étalons des sables, prêtés pour l’occasion par Ard’Essith. Au pas, pour ne pas distancer les piétons de l’armée, mis en marche plus tôt dans la matinée encore que nous. Nous n’avons de cesse de remonter cette colonne de plusieurs centaines de piquiers, épéistes, archers ou cavaliers en rangs serrés. Salaa’tin, à son tour, revint sur ses paroles de la veille quant à la stratégie à adopter pour la bataille.

« Nous n’aurons pas l’effet de surprise. Ils savent qu’on arrive. Il nous faudra néanmoins frapper fort et vite. »

Je me hasarde à une question qui me semble des plus pertinentes.

« Nous les attaquerons, certes, mais la bataille sera-t-elle dirigée contre une forteresse, ou contre une armée à découvert ? »

Le Sergent Estera me répond d’un ton sec :

« Les guerres ici se font pour les vies et le sang, non pour les pierres. »

Il me reproche de manière détournée mon manque d’intérêt personnel pour les mœurs de Saldana. Je fronce les sourcils en regardant vers lui, sans qu’il daigne m’accorder le moindre regard. Olemahn perçoit la tension, et la commente sobrement :

« Nous devons être unis pour vaincre. C’est la vie de tout un peuple qui est en jeu. Ces gens seront nos adversaires, aujourd’hui, mais aussi nos frères, nos pairs, nos semblables. Ils n’ont fait qu’une erreur : celle de suivre un fou dans sa folie. Ils ne sont pas fautifs. »

Melchial approuve, et poursuit :

« Nous devrons nous concentrer prioritairement sur Saalafi et ces hommes-insectes. Eux vaincus, les habitants du Désert d’Arrak se rendront. Reste à savoir s’il se montrera, ou s’il laissera ses suivants diriger l’assaut. Si c’est le cas, la bataille sera d’autant plus sanglante, et il nous faudra contourner le problème. »

La bataille sera donc prévue à découvert, sous les murs d’Ard’Rath. Une bataille rangée, contre une armée dont nous ignorons les forces. Eux connaissent les notres. Et nos faiblesses. Je crains que ça n’ait été l’un des buts des hommes-insectes dans les ardis. Outre l’endoctrinement de masse et des dirigeants, ils ont certainement espionné les forces, armements et troupes présentes dans chacune. Je garde pour moi ce constat un peu alarmant, préférant rebondir sur les paroles du dirigeant d’Ard’Ùlan.

« Je m’occuperai de Saalafi s’il n’est pas présent. J’entrerai dans Ard’Rath pour le vaincre, s’il se terre. »

Une fois encore, Estera, dont je comprends de moins en moins l’attitude, réagit promptement et avec virulence.

« Il sera présent. Il n’est pas de ces lâches qui se cachent. Sa puissance est un atout qu’il n’hésitera pas à utiliser contre nous. Nous le vaincrons donc ensemble, et non toi seul, Cromax. »

Cette fois, son regard noir me transperce alors qu’il me parle, juché sur son étalon blond à crinière d’or, resplendissant comme un paladin, l’armure dorée étincelant sous le froid soleil du désert d’Arrak. Il veut prendre sa revanche sur Saalafi, et craint que je ne vole sa vengeance personnelle. J’imagine que ce sont là les raisons d’un tel comportement, aussi soudainement. Au vu des coutumes de ce monde, il y a toujours un différend inopéré entre eux. Selon les lois, un dirigeant ne le devient qu’en tuant son prédécesseur. Hors, là, Estera a préféré fuir Saalafi plutôt que d’avoir à le combattre. Ça l’a sans doute fait passer pour un lâche auprès de beaucoup. Un contentieux qui mérite d’être réglé, sans aucun doute. Mais mes buts, à la fois moins égoïstes et plus dissimulés et complexes, sont loin de cet état de fait. Il deviendra alors encombrant, et il sera compliqué de lui faire entendre raison. Cependant, Olemahn a raison : nous devons rester unis tant que l’issue du combat est incertaine. Aussi réfréné-je mes envie de lui répondre avec virulence pour me recentrer sur la stratégie, non sans donner raison à ses dires.

« Alors je me battrai à vos côtés. Concernant maintenant la disposition des troupes, devra-t-on séparer les différentes… »

Un cavalier de l’avant-garde, sans doute un éclaireur, arrive vers nous à toute vitesse, criant à notre intention :

« Messires, messires, leurs armées marchent sur nous. Ils sont en formation derrière la colline ! »

La consternation frappe notre groupe. Ainsi Saalafi préfère une bataille au cœur même du désert plutôt que sous sa forteresse de pierres et de sable ? Cela ne l’empêche hélas pas d’avoir l’avantage du terrain, puisqu’il est déjà en poste sur le terrain qu’il a choisi. Pourquoi cet endroit, il est le seul à le savoir, du coup. Et si mes pairs pourraient m’aider à en comprendre la raison, leur réaction alarmiste va à l’encontre de toute discussion réfléchie et posée. Salaa’tin s’exclame :

« Rassemblez vos troupes sous votre bannière ! Nous dirigerons un assaut commun ! »

Le temps des stratégies est terminé : l’action prend sa place. Le remue-ménage que cette nouvelle provoque est rude, et agite les chevaux. Le mien se cabre, et je ne dois qu’à une torsion sèche de ses rênes son rétablissement. Je regrette ne pas monter mon agile et rapide Lune, ou même le robuste et impressionnant Nuit. Au moins je les aurais connus plus que cet étalon bai dont mes cuisses commencent seulement à s’habituer à ses flancs, et vice-versa. Mais ils sont restés sur Yuimen tous deux. Loin d’ici, très loin d’ici. La terre qui m’a vu naître. Est-ce celle-ci qui me verra mourir ? Ce jour sera-t-il le dernier à m’éclairer de sa lumière ? Alors que les chefs d’Ardis partent rejoindre leurs troupes, je lève la tête vers les cieux, vers l’astre solaire gigantesque qui inonde tout de sa puissante clarté. L’air est frais, le vent présent, mais léger. J’inspire profondément, fermant un instant les yeux pour me concentrer, trouver une sérénité avant d’entrer dans le combat. L’approcher avec méthodologie et intelligence. Ma plus grande bataille. La première, en vérité, d’une telle ampleur, faisant croiser le fer à deux armées de plusieurs centaines d’hommes. Je baisse la tête, la faisant tomber vers l’avant, quelques mèches noires et blanches m’encadrant le visage, évadées de la queue lâche et basse que je porte dans la nuque, retenant le gros de ma toison si singulière.

« Cromax ! »

Estera. Il n’est pas parti rejoindre ses troupes : il fait partie des miennes. Je redresse la tête et le regarde, air sévère et néanmoins posé.

« Cromax, tu dois rassembler tes hommes. Tout de suite ! »

Mes yeux regardent à gauche, à droite. La soldatesque des autres chefs s’organise en légions, alors que les miens ne savent pas où donner tête, n’ayant reçu aucun ordre de ma part. Je les regarde, médusé. Je ne suis pas un chef, un dirigeant. Je ne l’ai jamais été, même si plusieurs fois, on a tenté de me donner ce rôle. Je ne peux imaginer donner un ordre à quelqu’un, et qu’il m’obéisse. Je serais exécrable, contre mes propres valeurs libertaires. Je ne peux mener une troupe ne faisant pas preuve d’esprit d’initiative.

(Tu le dois, pourtant. Ils te voient comme leur chef, et ce sont des soldats. Ils attendent tes ordres.)

(Je ne sais pas comment faire… Vont-ils vraiment m’obéir ? Et si je me trompais ?)

(Ils te suivront, quoique tu leur demande. Être chef signifie prendre des responsabilités. Tu as leur vie en main.)

(Mais je n’ai cure de leurs vies. Qu’ils les gardent.)

(Alors ais cure de la tienne, et entoure-toi d’eux pour qu’ils la défendent.)

Je soupire. Estera aussi, impatient. Je décide de lui déléguer une partie du boulot, m’occupant moi-même du reste. Sinon mériterais-je vraiment cette place de Sergent que je convoite ? ça fait partie du rôle, et je le comprends, même si j’ai du mal à l’appliquer, à l’accepter.

« Rassemble les piétons, et les archers. Je me charge de la cavalerie. »

Il acquiesce de la tête. Et aussitôt, comme dans un ballet savamment orchestré, les troupes se mettent en ordre alors qu’on leur en donne l’ordre. Les consignes directes sont relayées par les lieutenants de troupes, de sous-divisions. Les couleurs des quatre ardis se distinguent, se séparent et s’organisent en colonnes compactes et rangées, alors que lentement, nous poursuivons notre progression ascendante sur cette colline de sable et de pierres qui n’en finit pas. Lorsqu’enfin nous arrivons en haut, les troupes sont agencées convenablement. Chaque dirigeant d’Ardis à cheval, devant, entouré de lieutenants et de bannières. Suivent les cavaliers, les troupes à pieds - piquiers devant - et enfin les archers. Il n’y a pas à dire, ça a sacrément de la gueule. Estera est à mon côté, un peu en retrait, mais tout de même présent. Comme l’un des lieutenants des autres dirigeants. Il doit rager d’occuper cette place, mais l’occupe cette fois sans broncher. Il semble vouloir mettre cette nouvelle inimitié hostile de côté, et je lui en sais gré.

Enfin, nous apercevons l’ennemi. Des hauteurs de la colline immense, la vue est imprenable sur eux. Et dès le début, je les vois plus nombreux. Si le nombre de cavaliers est équivalant, d’après une brève estimation, ils ont bien plus de piétons que nous. Et ça s’explique facilement : ils ont recruté tout le monde. Les soldats sont présents, certes, mais la population des ardis aussi : esclaves, hommes libres et même femmes, armés de peu et peu protégés. Les monstres. Ils vont utiliser ces pauvres hères comme de la chair à canon pour épuiser nos épées.

Nous nous avançons dans la pente. Ils sont encore loin. Hors de portée de flèche. Je suis entouré des troupes de sire Melchial et de Salaa’tin. Olemahn, lui, couvre le côté droit des troupes d’Ard’Essith. En face, ils se sont également séparés en quatre divisions, chacune portant un lieutenant à sa tête. Sans doute les chefs soumis à Saalafi, ou des sous-fifres directement liés à lui. Lui-même est présent, tel que l’indiquait Estera, non pas chef d’une troupe, mais devant toutes, avec une petite escorte d’hommes-insectes montés. Les deux armées sont arrêtées, et se toisent maintenant dans un silence de mort, à peine rompu par le vent emportant dans sa course le sable en de petits nuages à peine soulevés de terre. Ce calme presque angoissant est interrompu lorsque Saalafi se met en marche, tout seul sur son cheval, même pas accompagné de son escorte. Les dirigeants de chacune de ses troupes s’avancent avec lui, et le rejoignent au trot alors qu’ils avancent vers nous. Je jette un regard vers Salaa’tin, qui me le rend, de loin. Et à notre tour, nous mettons en mouvement nos montures. Olemahn, Melchial, Salaa’tin et moi-même. Estera s’avance même à ma suite, et nous nous rejoignons à même hauteur dans la pente, nous approchant l’un de l’autre pour nous mettre sur la trajectoire de notre ennemi qui, apparemment, veut parlementer un peu. Avant que nous ne l’ayons rejoint, je prends la parole.

« Combien de chance y a-t-il que nous nous en sortions sans combattre ? »

Salaa’tin répond :

« Fort peu, je pense. Ils sont plus nombreux, il ne voudra se rendre sous aucun prétexte. »

Et à Estera de rétorquer :

« Et nous ne le ferons pas non plus. Nous ne cèderons à aucune de ses exigences. Repartir sans combattre, nous n’en avons aucune chance. »

C’est aussi mon avis. Et comme le précise Estera, nous ne devons céder à aucune demande de sa part. Ne pas nous montrer faibles. L’heure n’est pas aux discussions ouvertes. Elles viendront, plus tard, lorsqu’elles seront privées. Il y a trop de témoins ici pour mettre n’importe lequel de mes plans à exécution. Et l’heure n’est plus aux bavardages entre nous. Nous arrivons à portée de voix de la délégation d’en face, ce qui me permet de les détailler plus avant. Les quatre lieutenants ne sont pas des hommes-insectes, déjà, mais bien les dirigeants des ardis soumises. Une valeur symbolique bien plus puissante pour le peuple, qui les suivra sans coup férir. Qu’ils soient esclaves ou citoyens libres. Un bon point pour Saalafi, un mauvais pour nous.

De gauche à droite, nous nous retrouvons donc face à un archer enturbanné, borgne ou ayant en tout cas un œil caché par le turban orné d’or tombant bas sur son front. Le reste de son équipement, quoiqu’ample, est typiquement guerrier : des protections métalliques pour les bras et les jambes, un veston de cuir renforcé sans manches, pour permettre une meilleure souplesse des bras, et un arc courbe à la main, là où à la ceinture pend un sabre saldi courbe. Il fera face à Sire Melchial, dans la bataille.

Le second m’est réservé, s’ils gardent leur ordre. Contrairement à son prédécesseur, il n’est quasiment pas armuré. Il porte à la ceinture deux sabres courbes assez fins. Ses cheveux sont longs, noirs et raides, comme plaqués sur son crâne par quelque huile. Son regard est un regard de loup, de prédateur. C’est un tueur aguerri, sans aucun doute. Son voisin, qu’affrontera Salaa’tin, n’est guère plus sympathique à voir : son sabre à lui est immense, damassé, et il arbore une barbe tressée et des tatouages tribaux sur le visage. Le dernier, tout caparaçonné de rouge et d’or, sera pour Olemahn. Des cheveux gris et longs sortent de son heaume masquant les traits de son visage, mais nul doute qu’il s’agit du plus vieux de tous. Contrairement à ses semblables, il est armé d’un sceptre d’or à tête de flammes de rubis. Un mage, lui aussi. Ça sera un duel intéressant, auquel je risque de ne pas être confronté, puisqu’il sera fort éloigné de moi dans la bataille.

Mais ce n’est rien à côté de Saalafi. Il dégage de cet être une puissance malsaine et déplaisante. Le visage dissimulé sous les traits démoniaques d’un masque blanc aux sourcils et contours de lèvres rouges, il ne porte comme habit que des bandages usés et lâches, lui couvrant le bassin, le haut des jambes et les avant-bras. Une capuche noire couvre son crâne, se terminant en coule lui protégeant la gorge et le haut de la poitrine, terminant en cape déchiquetée bordée de rouge et flottant au vent de par sa légèreté. Pieds nus, sans arme apparente, il n’en parait pas moins sûr de lui, derrière ce visage d’os sans nez au sourire large et fou. Pas étonnant qu’il ait ce surnom : « Le fou. » Et c’est d’une voix étouffée par le masque, mais néanmoins audible, qu’il prend la parole, après un éclat de rire sinistre.

« Ahah ! Quelle joyeuse réunion ici en plein désert d’Arrak, mes frères. Ne trouvez-vous pas ? à l’endroit précis où le puissant et jugé immortel Ibn Khal’Razzouhn s’est fait massacrer par les hordes de ses détracteurs, dévastant ses armées et dévorant jusqu’à son cadavre encore chaud. »

L’événement ne me dit rien. Un bref regard vers mes alliés m’indique que je suis le seul à ne pas le connaître. Un mythe fondateur ? Une légende des temps anciens ? Une histoire véridique ? En tout cas, elle semble lourde de sens, puisqu’ils tirent une mine sévère et renfrognée. Saalafi poursuit.

« Hé bien, vous en tirez des tronches d’enterrement ! Il n’y a même pas encore eu de mort, que vous semblez déjà vaincus. Ahah ! »

Il tente la guerre psychologique, il essaie de prendre l’ascendant sur nous. Je ne le laisse pas faire.

« Au moins voit-on nos visages. Aucun de nous ne semble ressentir le besoin de le dissimuler derrière un masque de honte et d’infamie. »

Il incline la tête sur le côté, la pivotant légèrement dans ma direction.

« Hmmm. Je vois. Tu dois être le célèèèbre Cromax, tueur de Malikhen et grand libérateur d’Ard’Khorneur. L’élu, comme il se laisse appeler. Ahah ! »

Il se moque ouvertement de la pompe de ces titres qui m’ont été décernés par les saldis de mon ardis. Je fronce les sourcils.

« Je ne suis pas élu de quoique ce soit. Mais ça ne m’empêchera pas de te vaincre, toi et les tiens. »

Il incline la tête de l’autre côté, visiblement peu affecté par la provocation.

« Laisse-moi alors te trouver un titre qui te correspond le mieux : Assassin. Non content d’ôter la vie d’un chef d’Ardis, tu la prends aussi à la fille d’un autre. »

Son masque fou se tourne vers Salaa’tin, qui explose avant qu’il ne puisse poursuivre.

« Jamais ! Ça, jamais je ne le croirai, tu m’entends ?! Tu es le seul responsable de sa mort, et tu paieras pour ça. »

Il tente de semer le doute, la zizanie dans notre groupe. Mais Salaa’tin ne mord pas à l’hameçon, et si le trouble l’étreint, c’est bien vers Saalafi que sa colère est tournée. Tant mieux, même si notre ennemi est moins dans le faux que le dirigeant de la prestigieuse Ard’Essith. Ses sbires à antennes ont dû lui rapporter la mort de son agent. Il serait pour moi trop long à expliquer toute la situation maintenant, aussi préféré-je me taire, alors qu’Estera, lui, prend la parole.

« Tu ne nous sépareras pas, vil fou. Tes machinations s’arrêteront aujourd’hui, ici. Tout comme ta vie. »

« Ahah ! Et cela sera bien sûr de ton fait, Estera le Faible, Estera le Lâche. Celui qui a fui. Celui qui a déserté. Que voilà des surnoms dans l’ombre de ceux des personnes que tu suis aujourd’hui. »

Les poings d’Estera se crispent, tout comme sa mâchoire. Il souffle puissamment par le nez pour extérioriser la colère montante. Olemahn se fait la voix de la sagesse, amenant la discussion au cœur du sujet :

« Cesse donc tes vilenies, Saalafi. Tu voulais parlementer, nous voici. Alors dis ce que tu as à dire. »

Le susnommé Saalafi fait un bruit étrange avec sa gorge avant de répondre, d’un ton moins fielleux.

« Kht. Puisque vous les voulez, voici mes conditions : Retirez vos troupes et ployez le genou devant moi séant, et vos vies seront épargnées. Votre peuple vivra, vos cités resplendiront comme jamais, et vous resterez même à leur tête, pourvu que vous me prêtiez une allégeance sans limite, une fidélité sans borne. »

La proposition est lancée… Et il est bien sûr hors de question que nous y répondions par l’affirmative. Je me fais le porte-parole de mes alliés pour répondre :

« Elles ne sont pas acceptables. Jamais nous ne nous soumettrons à toi. Tu parles comme si tu avais déjà gagné la bataille. Douterais-tu de la bravoure du peuple de Saldana ? Voici les nôtres, non négociables : Rends-toi, seul, et l’ordre règnera sur Saldana à nouveau. Les chefs d’ardis demeureront tous libres de diriger leur cité comme ils l’entendent, sans devoir obéir à quiconque. Livre-nous Ard’Rath, et capitule. »

« Ahahahahah ! Si je parle comme un vainqueur, je ne suis pas sûr ici d’être celui qui mérite le plus le surnom de Fou. Bien. Préparez-vous donc à mourir. Et une fois que les flammes de ma guerre auront dévasté vos demeures, c’est Tulorim qui brûlera sous la puissance du Sable d’Arrak. Je n’épargnerai aucune de vos misérables vies. »

Emporté par ce discours belliqueux et sans humanité, Melchial dégaine son arc et, instantanément, décoche une flèche vers le visage de ce Fou prétentieux. La flèche est rapide et précise, mais… dans un éclair rouge, se change en sable avant d’avoir atteint sa cible. Saalafi part alors dans un rire dément qui monte crescendo alors que les deux délégations font volte-face pour retrouver leur camp. Les pourparlers sont terminés… Comme prévu, ils n’ont rien donné. Dans ma course vers mes troupes, je regarde vers Melchial. Il semble profondément perturbé par l’échec de son attaque, un masque d’inquiétude est tombé sur ses traits. Et derrière nous, le rire de Saalafi resté immobile, seul au milieu du champ de bataille, continue à monter dans l’air, fou et malsain. Un rire qui n’a rien d’humain.

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 Sujet du message: Re: Désert de Saldana
MessagePosté: Sam 30 Mai 2015 15:08 
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Alors que nous retournons vers nos troupes respectives, je me retourne vers les ennemis une dernière fois avant que la bataille ne commence. Saalafi, retrouvant un esprit logique de sécurité personnelle, a fini par rejoindre les siens également. Nous n’avons toujours aucune stratégie d’action, et désormais plus guère le temps d’en discuter longuement. Alors que je m’apprête à poser la question de nos actions futures, Salaa’tin me coupe l’herbe sous le pied, et s’adresse d’une voix fortes aux dirigeants que nous sommes.

« Attaque de cavalerie frontale. Ils enverront probablement la leur. Désorganisons-les, et replions-nous pour les laisser avancer. Tir d’archers dans l’armée poursuivante, et regroupement des forces à cheval derrière la ligne de piquiers. Ils s’y embrocheront et s’éclateront comme l’eau sur un mur. La cavalerie mènera une seconde charge en contournant le reste de la leur, qui se fera achever par les hommes à pieds. Ensuite charge finale avec toutes nos forces, avec comme priorité le meurtre de Saalafi. »

Olemahn acquiesce doucement, Estera aussi. En mon for intérieur, je ne peux m’empêcher de dire qu’il présume de beaucoup de choses, dans ce déroulement de bataille. Sans doute est-ce surtout pour se rassurer lui-même, pour avoir une organisation plus ou moins sensée. Mais même si je n’ai jamais participé à ce type de guerre, les mouvements des troupes ennemies ne me semblent pas si prévisibles. Nous finissons tout de même par rejoindre nos hommes, parés pour la bataille. Nous retrouvons nos positions, chacun devant notre propre armée. C’est là le moment que communément, on appelle le calme avant la tempête. Quand les deux camps se toisent sans savoir, finalement, lequel marchera le premier sur l’autre. Lequel versera le premier sang. Lequel subira le plus de pertes. Lequel vaincra, et lequel sera mis en déroute. Dans le cœur de chacun des combattants, le doute s’installe : survivrai-je à cette folie ? Pourquoi suis-je là ? Mais la détermination, aussi. La rage de vaincre, la fierté patriotique d’appartenir à ce camp et non à l’autre. L’accomplissement des valeurs guerrières de tout un peuple dont le sang se mêlera aujourd’hui. De mon côté, j’inspire puissamment pour expirer longuement. J’essaie de faire le calme dans mon esprit, d’oublier tout sauf cette bataille. Tout ce qui ne m’est pas nécessaire.

(Je dois t’aider. Ne prendre aucun risque. Laisse-moi venir à tes côtés.)

(Pas encore. Salaa’tin ou Estera risqueraient de comprendre… Les flammes. On ne peut prendre ce risque.)

(Je préfère le prendre lui plutôt que de te voir tué par ces ennemis.)

Je les regarde, au loin. Leur cavalerie, en première ligne, a commencé à avancer. Au petit trot, dans un premier temps. La bataille commence. Nous ne pouvons plus faire marche arrière, maintenant. Il est trop tard. Et la victoire dépendra du courage et de la force, de l’organisation et de la qualité des combattants.

(Je ne mourrai pas. Pas aujourd’hui, pas comme ça. Pas contre eux. Ne te montre pas tant que je ne te le demande pas. Cela détruirait tous mes plans…)

Elle acquiesce, dans mon esprit, mais je sens qu’elle se pointera quand même si je suis en danger. C’est inéluctable. Un bruit sur le côté m’indique que Salaa’tin a lui aussi lancé l’ordre de la charge. Ses troupes se mettent en mouvement, et je lève mon poing armé, pour donner moi aussi le signe de l’assaut. Mes cavaliers se mettent en charge en même temps que ceux d’Olemahn. Estera me suit de près, vaillant et rutilant dans son armure dorée. Le bruit des sabots sur la pierre sablonneuse est comme le tonnerre en plein orage : grondement sombre et assourdissant annonçant la mort, la souffrance. Une poussée d’adrénaline m’envahit, mes muscles se crispant presque tous seuls alors que mes cheveux fouettent mon visage, emportés par le vent du désert glacé. Les hommes crient, pour se donner du courage, pour exprimer leur puissance. Et emporté par leur élan, je mêle ma voix aux leurs. Nous sommes comme une vague rugissante déferlant sur le flanc de la colline, prête à s’écraser sur les rivages ennemis. Une trombe meurtrière qui court vers sa propre perte. Un curieux sentiment m’habite, alors que je crie toujours. J’ai l’impression, dans cette charge, que je fais corps avec tous les cavaliers qui me suivent. Comme s’ils étaient un prolongement de mon être, comme si nous ne formions qu’une seule et unique entité dévastatrice. Ils me suivront, où que j’aille. Je les ai sauvés, et ils m’offrent leur bravoure, ils m’offrent leur vie pour défendre les leurs.

Face à nous, les cavaliers adverses se sont mis au grand galop également, et nous nous rapprochons inexorablement. C’est alors, et seulement maintenant, que je remarque sur notre gauche un grand absent : Melchial n’a pas envoyé ses troupes au combat. Immobile, il est resté en retrait alors que nous chargeons une troupe désormais bien plus nombreuse.

(Qu’est-ce qui lui prend !?)

La peur lui étreint le ventre, sans doute. Depuis notre courte entrevue avec Saalafi, il semble vraiment perturbé, confus que son attaque n’ait pas porté. Sa dignité a été remise en cause, la vulnérabilité de l’ennemi aussi. Et il doit se dire qu’on ne peut les vaincre. Lâche. Et en agissant de la sorte, il nous sacrifie à l’ennemi. Imbécile. Le calme en moi se rompt, et je serre la mâchoire, alors que d’autres raisons m’envahissent l’esprit, empoisonnant mes pensées : Trahison. Des songes haineux qui perturbent ma concentration, et laissent la rage me gagner. Je la contrôle, néanmoins, en voyant les troupes ennemies s’organiser suite à cette défilade surprise. Ma troupe fera face à deux cohortes, et non une. Et déjà, celle à ma gauche entame une manœuvre de contournement pour nous frapper au flanc. Nous ne pouvons nous permettre de subir deux assauts, un frontal et un latéral, en même temps. Il nous faut aussi nous organiser. Nous nous ferions balayer comme de vulgaires grains de sable. Dans le tumulte de la charge, je hurle :

« Estera ! Là ! »

Et lui indique de la main les ennemis qui nous chargent de côté. Il comprend instantanément ma demande, et de sa lame tirée, indique en l’inclinant la nouvelle direction de la moitié de ma cavalerie. La troupe se sépare en deux, prête à se battre sur deux fronts, mais désormais deux fois moins puissante. Sourcils froncés, je sais qu’il est trop tard pour faire demi-tour. Je morphe en ma main un arc puissant, et décoche une flèche de mon cheval, droit devant moi, dans la masse des ennemis approchant. Elle file droit dans les airs, et cueille un ennemi en plein poitrail. La force est telle qu’il choit de sa monture, en arrière, et se fait piétiner par ses suivants, chair et os brisés sous les sabots. Le premier mort de la bataille… J’ai le temps d’ajuster deux autres tirs avant que les armées ne se rencontrent. Deux autres morts : l’un en pleine gorge, effondré sur le cou de son canasson, l’autre cueilli dans l’épaule, et pendant maintenant, tête frappée contre le sol, à l’étrier droit de sa monture désorientée.

Mais cela est trop peu. Et les charges se croisent enfin. Je dégaine ma rapière alors que mon autre arme prend l’apparence d’un long sable courbe très aiguisé : l’idéal pour trancher les chairs sans rester bloqué dedans, sans perdre de vitesse.

Et puis vient le choc. Les boucliers se brisent, le sang gicle, les chevaux hennissent de douleur, les hommes crient, piaillent, tuent et s’effondrent. La violence de la charge est puissante, désarmante. La vitesse du premier coup que je porte cumulée à celle de ma monture me fait étêter un ennemi sans la moindre difficulté. Sa tête vole sur son voisin qui, écœuré, se fait percer d’une lance alliée. Je fonds dans leurs rangs tout comme mes pairs, nous nous croisons dans une rencontre meurtrière, perdant à peine un peu de rapidité. Dans la ferveur, je tranche, je transperce sans même voir si mes coups portent, tuent ou blessent. J’avance, inexorablement, au cœur de la formation ennemie. Nous nous traversons mutuellement, et, je le sais, c’est un massacre pour les nôtres. Nombres de valeureux cavaliers parviennent à me suivre, mais la plupart, submergés par le nombre, finissent par périr, arrêtés net par la mort, une lance dans la poitrine de leur monture les faisant chuter, un coup de hache dans la tête, l’obligation de freiner face à un ennemi, et se faire entourer par plusieurs jusqu’à y rester. Les pertes sont lourdes des deux côtés, mais notre formation, séparée en deux, et donc nettement moins dense, se fait décimer. Par chance, j’arrive à maintenir le galop, prenant de court tous ceux qui se dressent contre moi en leur arrachant la vie sans la moindre pitié. À un moment, une lame me touche à l’épaule, mais ma protection accuse le choc sans me blesser. Je n’ai le temps de voir le visage de mes ennemis qu’ils sont déjà derrière, tuant et se faisant tuer. Le sang coule sur la plaine, rougissant le sable, le transformant en une boue morbide, parsemée de cadavres d’hommes et de chevaux, piétinés sans vergogne par les leurs ou leurs ennemis. Toujours à la tête de ma charge, je ne me rends pas vraiment compte de cela. Je vois juste les yeux de mes ennemis, remplie de terreur ou de rage, ployer sous mes coups, blessés ou morts, saufs pour certains évitant ma course.

Et enfin, comme si cette traversée a duré une éternité, nous parvenons de l’autre côté. Bien peu des miens s’en sont sortis, que je regroupe sous mon commandement. Estera est dans la même posture que moi : arme et armure rougies du sang de ses ennemis tombés. Il a subi d’énormes pertes aussi. De la centaine de cavaliers qui chargeait au début, de mes rangs, il ne m’en reste plus qu’une grosse trentaine. Et les deux cohortes ennemies s’en tirent plutôt bien, à peine décimée d’un quart chacune, et poursuivant leur charge sans s’arrêter vers nos hommes à pied. Un regard vers la droite m’indique que pour Salaa’tin et Olemahn, ça ne se passe pas tout à fait comme ça : les charges se sont mutées en mêlée de cavalerie, les assauts s’étant rompus les uns sur les autres. Et les cavaliers tentant de rejoindre les leurs pour reformer une ligne se battent dans un chaos d’acier et de sang. Derrière nous, les archers se préparent à accueillir les assaillants à cheval d’une volée de flèches meurtrières. De nombreux ennemis tombent, et les piquiers défendront leurs rangs. D’autant que Melchial, faible de n’avoir chargé, mais pas traitre pour autant, les organise pour les mêler aux siens. Cette fois, ils se feront arrêter net, et peu en survivront. C’est une bonne chose, car nous n’aurions pas pu subir une autre de ces charges : la charge de retour. Car notre petit groupe se retrouve piégé au cœur de la bataille : entre les cavaliers se ruant vers nos rangs, et les piétons ennemis avançant vers nous porc haver notre petit groupe. Perdu, je ne sais que faire : charger les piétons et courir vers une mort certaine, ou retourner dans nos rangs quitte à se faire faucher par nos propres archers, afin de les défendre ? Je demande conseil au milicien, la voix rauque et le souffle court :

« Que doit-on faire ? »

Son regard tourné vers moi est plein de ténèbres.

« Survivre. »

Mon regard se perd dans la bataille, sur les troupes qui s’avancent vers nous. Les premières lignes sont constituées des citoyens et esclaves non formés à l’utilisation des armes. Des cibles faciles, faibles, mais que je répugne à tuer. Et puis, je vois subitement un détachement, légèrement sur la droite, au milieu de la bataille, d’hommes-insectes en armes, à pieds. Et au cœur de ce groupe d’une centaine d’individus, Saalafi montant son canasson noir.

« Là ! Chargeons-les ! »

Estera voit la même chose que moi, mais son visage est blême alors que je donne l’ordre.

« C’est de la folie, nous courrons à notre perte. »

« Une mort certaine ? De faibles chances de survie ? Et bien qu’attendons-nous ?! »

Et ça sera le meilleur moyen de trancher la tête à cet ennemi qui se croit intouchable. De mettre fin à la bataille avant qu’elle n’ait fait trop de ravage. Un escadron d’élites, de survivants, de combattants émérites montés sur des montures au sang-froid notable, ayant survécu à une charge mortelle. Des hommes aguerris, et prêts à tout. Nous avons une chance. Mais nous n’en aurons pas deux. Il faut la saisir, maintenant.

« Sauvons la vie de milliers en n’en prenant qu’une centaine, mon frère. Cavaliers, à l’assaut ! Gardez la ligne, quoiqu’il arrive ! »

Je semble avoir convaincu le sergent, et les cavaliers me suivront. Je le vois dans leurs yeux. Je peux sentir leur détermination. Trente contre cent. Un assaut suicide visant à expédier la fin de la bataille. Il suffit que seul l’un de nous survive pour arracher la vie de Saalafi, et tous les autres vivront. La paix sera restaurée.

(Mourir pour sauver un peuple auquel rien ne t’attache ? Voilà qui ne te ressemble pas.)

(Qui a parlé de mourir ?)

Je suis sûr de moi. Trop, peut-être, mais je sans qu’en adoptant cette stratégie, je pourrai arriver à mes buts. Je n’ai plus le choix, maintenant, de toute façon. Pour la beauté du combat, pour vivre, et survivre, je me dois de risquer ce que j’ai de plus cher. Alors, comme d’un seul homme, nous nous mettons en mouvement. Les chevaux marchent, puis trottent, puis galopent de concert dans cette attaque éclair imprévisible par l’ennemi comme par nos alliés. La mêlée générale, où Salaa’tin et Solemahn semblent s’être rejoints, est maintenant percée des troupes à pieds des deux camps, venus en renfort. À l’arrière, la cavalerie ennemie se fait massacrer comme prévu par les troupes de Melchial et mes piétons, et ils se rassemblent en une grosse troupe pour affronter les piétons des deux groupes ennemis de gauche.

Et nous, nous chargeons de plus belle. Je ne connais pas ces cavaliers qui m’entourent, à part Estera. Mais je vois chacun de leur visage dans mon esprit, leur regard déterminé et héroïque. Des vrais héros de guerre. Des combattants qui feront la fierté de leur nation. Notre petite escadrille parvient vite au-devant de nos ennemis, qui nous ont vu arriver sans avoir le temps de s’entourer de la chair à canon qu’ils aiment à utiliser. Nous nous confronterons directement à l’élite des guerriers d’en face. Les hommes-insectes, derrière leurs masques aux grands yeux noirs, et aux antennes rouges. Ils semblent écarquillés, alors qu’ils nous voient arriver furieusement vers eux. Oui, nous courons à notre mort, mais aucun ne partira sans en avoir emporté plusieurs avec lui. Dans la panique, ils placent leurs piquiers en première ligne, genou en terre pour plus de stabilité, et lance levée vers notre charge. Mais aucun de nous ne s’en effraie. C’est une tactique commune, que les cavaliers doivent subir sans hésiter. Traverser ce mur de piques dressées sans se faire embrocher sur l’une d’elles. Et espérer. Espérer ne pas choir, que son cheval ne se fasse pas tuer ou blesser, ne pas se la prendre en plein ventre, ne pas s’arrêter net avant de perdre la vie sous les coups ennemis. Il faut garder toute sa vaillance, toute sa vitesse. Une lance de cavalerie apparait dans ma main principale, plus longues que leurs piques acérées. Et à l’instant où je lance mon cheval vers eux, j’écarte de la hampe de ma lance le bois de la pique qui me menace le plus, en envoyant la pointe dans la poitrine de son porteur avec une brutalité, une violence sans nom. Ça le transperce de part en part, et l’arme disparait, reprenant sa forme de sabre pour ne pas rester bloquée à l’intérieur de la plaie, sur le cadavre s’effondrant dos contre le sol. Je suis passé, je suis sauf. J’ai gardé ma vitesse… Mais ça n’est pas le cas de tous : la moitié d’entre nous s’est fait blesser ou tuer, désarçonner. Certains agonisent déjà au sol, alors que d’autres se débattent comme des diables, armes tirées, vivant leurs derniers instant dans une rage de combattre magnifique. Les ennemis tombent sous le poids des montures mortes, sous les coups de ces guerriers que plus rien n’arrête. Quinze seulement sont encore à cheval, dont Estera et moi, à avancer dans les lignes ennemies. Mais celles-ci, bien plus serrées que la charge de cavalerie d’avant, finissent par nous freiner dans notre élan. Chacun des quinze laisse derrière lui une ligne de morts, de décapités, de blessures sanguinolentes, de membres coupés. Ligne qui se referme quasiment aussitôt sous le nombre des assaillants. Cinq tombent de cheval et périssent sous les lames dentelées des hommes-insectes. Encore, je tranche, encore, je pique, je transperce. Sur mon flanc, gauche, puis sur le droit. Mais je perds moi aussi de la vitesse, et je finis par être immobilisé par mes adversaires. Furieux, je continue de frapper, à gauche, à droite, blessant et tuant. Mais les ennemis sont nombreux, et affluent toujours vers moi. Je ne vois plus mes alliés, je me sens seul et abandonné. Je frappe, je frappe sans réfléchir, arrachant la vie de ces faibles à tour de bras. Oh, ce sont des ennemis bien moins forts que moi, mais leur nombre finira-t-il par me vaincre ? Tomberai-je sous le nombre de leurs coups répétés, inlassables ? Je me refuse d’y penser.

Les coups sur ma monture finissent par avoir raison d’elle. Elle s’effondre lentement sur le sol, morte avant même de s’être entièrement couchée, dans un dernier hennissement suppliant. J’en bondis, leste et agile, et me retrouve entièrement cerné d’ennemis. Mon arme, pour avoir une garde plus longue que la leur, se change en fauchard à manche long. La lame tranchante pivote dans les airs, blessant les imprudents qui s’avancent, et faisant reculer les autres, dans un cercle m’entourant désormais de toutes parts. Je n’ai plus la hauteur de ma vision de cavalier : je ne vois plus que mes ennemis directs, m’encerclant. Et je ne peux leur tourner le dos. Aussi pivoté-je sans cesse, à gauche, à droite, l’arme tendue pour les tenir à distance. Mais je sais qu’il faudra rompre cette garde pour les vaincre, les tuer. Mais… Pas sans avoir toutes les chances de mon côté.

(A mon tour ?)

(Pas encore, non. Estera est toujours dans le coin.)

J’ai un autre plan. Le pouvoir combiné de ma broche et de ma faera font effet. Depuis longtemps, je n’ai pas revêtu ma peau de rose. Mon corps, mon armure se couvrent d’une écorce verte et souple, parsemée de nombreuses épines acérées. Qui s’y frotte s’y pique, indéniablement. La transformation semble en surprendre quelques-uns. Les insectes qu’ils sont auraient presque envie de me butiner, si je n’avais pas des armes et un passif aussi dangereux. Je décide de profiter de la diversion ainsi créée pour leur rentrer dans le lard. Et quelle meilleure façon de le faire que via cette danse aux mouvements précis que je maîtrise maintenant sur le bout des doigts ? Cette association de coups bondissants, sautants, tournoyants qu’est la danse des sabres. Je l’exécute à la perfection, tranchant de côté, dans mon dos n’offrant aucune ouverture à mes ennemis médusés qui périssent sous mes coups chorégraphiés. Je me fraie un chemin dans leurs rangs avec cette technique ancestrale et élégante, digne des plus grands héros de légende. Une lame vive tranchant l’armée ennemie sans se faire toucher, un éclair d’acier transperçant armures et chairs sans qu’on puisse l’arrêter. Dans mes bonds, j’aperçois Estera, toujours monté, qui a rassemblé autour de lui le reste des survivants. Dans le bruit de la bataille, je l’entends crier mon nom.

« Cromaaax ! »

Je ne peux lui répondre : la fin de ma gestuelle me laisse exposé à plusieurs attaques de mes adversaires encore debout. J’en pare plusieurs, mais ils sont trop nombreux, et me touchent malgré tout. Les coups pleuvent, de mon côté comme du leur, même si les miens sont plus rares, puisque je m’acharne surtout à me protéger, à garder une garde fermée. Ma lame, dans la danse, s’est changée en hache de bataille à une main, à la fois solide et tranchante, alors que ma rapière se fait de pointe et d’estoc. Heureusement, je peux compter sur le pouvoir de mes épines pour blesser les inconscients qui s’attaquent à moi, et assez vite, je me retrouve au beau milieu d’un cratère de cadavre, blessé moi-même à divers endroits. Mais quelques éraflures seulement, quelques bleus, ecchymoses. Une estafilade sur le côté de ma gorge pique un peu plus que les autres, faisant s’écouler le rouge de mon sang sur le vers de la peau de rose, mais… je tiens bon, contrairement à mes ennemis vaincus.

Pas si loin que ça, Estera m’aperçoit au sol, et tente une percée pour m’atteindre et me porter secours. Mais un sale coup vient le percuter à l’arrière du crâne, et il s’effondre sur sa monture, restant miraculeusement en scelle. Je hurle à l’attention des cavaliers qui l’entourent :

« Repliez-vous ! Allez le mettre à l’abri ! »

Je vois l’incompréhension dans leurs yeux, alors que je pare encore deux coups de lâches qui tentaient de m’attaquer dans le dos. Je leur dispense la mort rapidement, les embrochant l’un et l’autre sur chacune de mes lames.

« Laissez-moi ! C’est un ordre ! Regroupez-vous dans la mêlée principale ! »

S’ils vivent, autant qu’ils portent secours à Salaa’tin et Olemahn, voire à Melchial, qui semble heureusement bien s’en sortir contre ses adversaires, disposant d’une plus grande force de frappe, au vu de l’entraînement de ses hommes et de sa cavalerie intacte. Les cavaliers finissent par m’obéir, et quittent la troupe à moitié décimée des hommes-insectes, me laissant comme sacrifice ultime de leur bataille… Ils me voient morts, ne pensent pas que je peux survivre à ça. Mais je n’ai pas encore montré ma force la plus puissante…

(A toi, Lysis.)

(Enfin !)

Elle ne prend même pas la peine de prendre sa forme humanoïde, cette fois. Elle fusionne directement avec mon corps, me changeant en ce guerrier mi-elfe, mi-flamboyant, ce monstre aux allures de démon. Mon armure prend sa forme la plus sombre, liée intimement au mal. Et là, les hommes-insectes commencent vraiment à s’inquiéter. Et ils ont raison. Une déferlante flamboyante, véritable vague faite d’un feu magique brûlant apparait devant moi pour se projeter vers eux. Une dizaine d’ennemis meurent instantanément, carbonisés sous la puissance du sortilège. Je n’ai guère l’habitude de lancer des sorts, mais je dois avouer que ça en jette un max ! Leurs cadavres brûlent encore alors que je m’avance. Saalafi fait enfin attention à moi, et envoie ses troupes contre moi. Si les hommes-insectes hésitent, ils n’en montrent rien, et se ruent sur moi sans hésitation. Derrière mon casque à cornes – forme maléfique de mon diadème d’argent - un sourire malsain apparait. J’écarte les bras, sûr de moi, et laisse les inconscients m’attaquer sans que je subisse le moindre dégât. Mes épines, en revanche, répondent bien à l’assaut, et blessent les plus proches de mes assaillants. J’ai rengainé ma rapière, et use désormais d’une énorme hache à deux mains aux aspérités piquantes, tranchantes et chaotiques. Un grand coup latéral tranche en deux trois corps, percutant les autres en les renversant. Le temps pour moi de me concentrer à nouveau…

Des particules de magie couleur du feu apparaissent dans les airs, partout autour de moi, sur une zone assez vaste recouvrant tous mes ennemis. Comme en suspension dans les airs, elles attendent leur heure. Je ferme le poing, et là, le chaos nait sous mes yeux. Chacune des particules en contact avec mes ennemis explose dans une gerbe de feu et de fumée. Aucun homme-insecte n’en réchappe, et leurs corps horriblement brûlés, mutilés, s’effondrent sur le sol sans plus une once de vie ou d’humanité. Un massacre. Un de plus. Ceux-là n’étaient pas comme les citoyens des ardis : insidieux traîtres au sein de Saldana, ils ont fomenté cette révolte, cette guerre, et en paient maintenant le prix dur : la mort.

De mes ennemis, seul Saalafi a résisté. Il se tient sur le sol, genou en terre, sur le cadavre calciné de sa monture défunte. Il lève vers moi son masque sinistre au sourire éternel, comme une provocation supplémentaire. Et un rire sonore coule encore hors de sa bouche, alors qu’il s’adresse à moi.

« Ahahahah. Ainsi tu crois avoir vaincu. Fou. Aussi fou que moi. Ahahahah ! »

Et il porte à ses lèvres couvertes un curieux sifflet d’argent, qui émet soudain un son strident déchirant l’atmosphère. Cela ne perturbe pas le combat qui se déroule toujours furieusement derrière nous. J’ai presque l’impression qu’une bulle calme s’est formée autour de nous deux, au milieu de cette mer de cadavres.

« Quoi, tu croyais nous vaincre d’un coup de sifflet ? »

Je n’obtiens pour seule réponse qu’un rire macabre. Le même qui a tant déstabilisé Melchial au début de la bataille. Un rire crescendo empreint de folie et d’assurance. Et la confiance s’effondre en moi lorsque je sens le sol vibrer, gronder, trembler de plus en plus fort. Des craquellements naissent dans la pierre de sable durci, à plusieurs endroits. Au loin, j’entends des voix crier, portées par la peur :

« Les vers ! Les vers sont là !! »

Et comme en écho à cet appel, les fissurent se percent en l’apparition d’une dizaine de gigantesques vers de sable. Je ne peux m’empêcher de trébucher à leur apparition, tant par le sol qui tremble que par l’horreur de ces êtres. Des énormes cylindres de plusieurs dizaines de mètres de long, et de près de quatre mètres de haut, au corps rugueux semblant aussi solide que de la pierre, et aux milliers de pattes pointues comme autant de crochets. Une tête ronde, sans yeux, dotée d’une bouche énorme remplie de plusieurs rangées de dents toutes aussi grandes que des épées. Et aussi tranchantes, sans en douter. Des ennemis monstrueusement redoutables. Et je comprends soudainement le choix de Saalafi de se battre là. Il gardait ce joker en poche depuis le début, en cas de difficulté. Un appeau à vers des sables. Ces créatures, pourtant, ne sont pas sous ses ordres, et se dirigent vers la confusion de la mêlée avec rudesse. Tous seront leurs victimes, alliés comme ennemis. J’entends, au loin, les cors de la retraite sonner… D’un côté comme de l’autre. Je gronde, regardant Saalafi s’esclaffer de plus belle.

« Ne crois pas t’en tirer à si bon compte ! »

Et sans hésiter, je me rue vers lui armes en avant. Mais au moment de le toucher, une explosion me couvre d’un nuage de fumée rougeâtre, et mes lames ne rencontrent que le vide. Il a disparu. Et lorsque la fumée se dissipe, il n’apparait plus nulle part. Les deux camps sont en déroute, et rassemblent leurs troupes et ce qui reste des blessés pour fuir cette plaine maudite, rongée de vers géants. L’un d’eux se dirige à toute allure dans ma direction, laissant une traînée de rocs brisés sur sa trace. Je m’encours sur le côté pour l’éviter, ne pas me trouver sur sa trajectoire… Et continue de courir sans me retourner. Je ne sais même pas dans quelle direction je vais. Je cours, je cours. Le tumulte des vers et des armées, bientôt, se tait derrière moi. Mais je continue de courir, toujours sous ma forme flamboyante. Et lorsque je vois se profiler des amas rocheux, non loin, je m’y précipite. Dissimulé ainsi du vent, des adversaires, de la bataille, je m’effondre contre l’un d’eux. L’adrénaline retombe subitement alors que j’ai le souffle court et les muscles en feu. Lysis reprend sa forme de faera, et s’installe dans ma tiare, qui reprend sa forme « bonne », ainsi que le reste de mon armure. Ma peau de rose s’en va, laissant apparaitre les quelques blessures de la bataille. Rien de grave, mais quelques estafilades tout de même. Appuyé contre ce rocher, assis, je tremble. Tant de morts… Et j’en suis principalement responsable. Mes oreilles grondent encore des bruits du combat. J’ai du mal à me concentrer, à penser… Et ainsi, je reste plusieurs heures, à me demander pourquoi, à ne pas comprendre… A ne rien comprendre. Tueur, meurtrier, monstre… mais vivant. Bien vivant.

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