Le vieil homme me bouscula à terre violemment.
"Casse toi de là, jeune merdeux, rhhaaa !"
Je me releva, la tête haute.
"Hey Ho ! Je ne vous permets pas de me parler comme ça !"
Il me tourna le dos, moi aussi, en murmurant tous les deux.
"Petit con..." "Vieux con..."
Je m'éloignais donc de la maison du dit-monsieur en marchant tranquillement. Bon, tant pis, si ce vieux ne veut pas sa lettre, qu'il aille se faire foutre, j'ai d'autres chats à fouetter aujourd'hui. Il se fait tard, le soleil couchant, je dois rentrer sinon, je vais encore me faire engueuler. Connaissant Maître, il va encore me demander si je suis allé aux putes...pourquoi croit-il encore que tous les jeunes adultes vont forcément aux putes ? Hein ? Quoique, quand on y repense, il n'a pas tord...on y est tous allé au moins une fois, et une fois, c'est peu dire pour moi...Ah, va savoir ce qui se trame dans la tête des jeunes de nos jours...
M'enfin, aujourd'hui a été assez chiant pour moi donc je mettrais volontairement de côté l'inefficacité de mon travail quotidien et la possibilité de me faire savonner en rentrant pour aller siroter une bière à la Taverne des Faux Frères avec ma meilleure amie. On s'y rend presque tous les soirs avant de rentrer et on se raconte nos journées, comme un vieux couple sénile des bas-quartiers.
A part cela, que dire ? Je fréquente la ville depuis ma naissance, autant dire que j'en connais les moindres recoins, là, on est dans une ruelle étroite du quartier Ouest, et le monsieur qui vient de me refouler de chez lui, est apparemment un ami de longue date de Maitre Akil, qui, d'après ce dernier, est un charment vieil homme inoffensif, oui inoffensif, vous avez bien entendus, à la retraite de son métier de forgeron pour la ville.
Nyr'Eylïem est mon nid, ma maison, et mon épanouissement. Elle regorge de vitalité, de bonheur, et de tendresse. Les gens d'ici sont pacifiques, orientés vers la mixité des peuples. Oui, dans cette petite ville, on croise toutes sortes d'humains, d'elfes, de worans, et même une grosse population de demi-elfe. Ils viennent ici car ils savent très bien qu'ailleurs, ils se font martyriser...et Maitre Akil, qui est demi-elfe lui aussi, est pour eux un symbole, un modèle à suivre pour chacun. Les enfants apprennent ses récits à l'école, les adultes racontent son histoire dans les rues, les commerçants font l'éloge de son passé, les paysans le subliment à tout bout de champs. Il est comme mon père, et il est officiellement mon Maitre, qui me donne des travaux à réaliser pour compenser le fait que je dors encore chez lui...
Mon boulot actuellement, depuis quelques temps, consiste à livrer des lettre d'invitations dans toutes la ville à tous les gens que le Maitre aimerait inviter. En gros, ca représente un peu près toute la ville, car oui, Maitre est exigeant et ambitieux ! Il veut faire un anniversaire digne de son nom, en souvenirs de ses plus belles batailles. Il a 300 ans, ce n'est pas tous les jours que l'on a cet âge là. Moi-même, je ne l'atteindrai jamais...Ô grand désespoir...A part cela, je ne connais pas trop la vie de mon Maitre, ni son passé, il est assez secret et tous ce que je sais de lui, c'est quelqu'un d'autre qui me l'a dis. Les rumeurs sont nombreuses à propos de ce personnage énigmatique, même si chacun sait qu'il fut un très grand soldat, et que malgré son âge avancé, il reste très bon dans le maniement des armes. Il a essayé de me refourguer certaines de ses traditions, de ses compétences, de ses idées, en vain, je suis coriace surtout depuis mes 18 ans. Toutefois, ça ne m'a pas empêcher d'apprendre à lire et à écrire, d'aller à l'école comme tous les gamins du village, d'apprendre à manier l'épée, et en étant coursier, ça aide fortement, je ne parle pas de l'épée hein.
Le soleil se cachant de plus en plus, l'obscurité dans les ruelles fait place et laisse derrière elle un sentiment de vide, que chaque citoyen voit comme un appel au lit...ou à la bière, chacun ses goûts. Personnellement, je prendrais la deuxième option.
Après quelques minutes dans la ville, la tête légèrement baissée, le regard à droite à gauche pour observer les quelques jeunes filles, ou pas, qui passent par là, je fis face à l'imposante taverne, lieu de vie de tous les ivrognes, fêtards, et autres troubadours. Magnifique bâtisse située dans le quartier des humains, les plus gros clients de ce genre d'établissement. Tout simplement le coin où faire la fête, la maison où se rendre si l'on souhaite draguer, picoler et danser.
Je suis encore dans la rue, mais je sens déjà l'odeur de l'intérieur, l'odeur de la bière servie au bar. J'entend même les musiciens, chantant et dansant à tour de bras les musiques de la ville, que certains encore un peu près sobres, répètent avec eux les douces paroles. Et comme à mon habitude, je me rapproche de l'entrée, que personne ne pourrait rater si ce n'est l'aveugle du village. Et oui, devant la porte, il y a un grand monsieur baraqué, ayant développé ses muscles au détriment de son cerveau, que l'on appelle tous 'Grand Con', de son nom 'Grankon' qui lui va à merveille d'ailleurs. Il ne boit pas d'alcool malgré les apparences, mais il ne montre pas non plus un fort signe d'intelligence...il est payé par les propriétaires de la taverne pour éviter tout incident devant l'entrée et à l'intérieur de leur établissement. Le genre de type qui n'intervient que quand ca part en vrille, sinon, c'est une statue, immobile et insensible.
"Salut Grand Con ! La forme ce soir ?"
"Oui, ca va bien."
"Tant mieux, parce que ce soir, c'est le grand soir !"
"Tu dis ça tous les soirs."
"Merde, je perds déjà la mémoire..."
Il me dévisage. Il fait ça avec tous les clients.
"Jvais aller foutre le merdier là dedans rien que pour déclencher une baston, ca te va ?"
Il me regarde et reste impassible, ne me répondant pas. Et comme il me connait bien, il sait que je le charrie, et me laisse entrer dans la taverne.
_________________
Dernière édition par Ased le Dim 12 Mar 2017 15:37, édité 4 fois.
|