Inscription: Mer 27 Oct 2010 20:28 Messages: 6658 Localisation: :DDD
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- Et après il a fait quoi ?Après... Heartless est revenu au village et il a assisté à la mort brutale de son ami. - Quoi ? - Il est mort ? - Et il a rien fait ?!Quoiqu'on puisse en dire, il n'était pas du genre à ignorer les dernières volontés de l'homme qui lui avait administré son savoir. - Moi j'dis, il avait peur ! - Ouais, les chocottes ! Ça aurait été moi, j'aurais volé à son secours !Et bien, vous savez... parfois on ne fait pas tout ce que l'on a envie de faire. - Il a fui, c'est un lâche ! - Ouais, j'suis sûr que Cromax il y s'rait allé ! - Nan, Lothindil ! - Nan, Cromax !Calmez-vous les enfants ! Certes, Heartless craignait Zuèngguõ, mais dire qu'il est parti sans demander son reste, c'est mal le connaître... Juste après la mort de Miyash, il a mis les pieds dans l'arène pour défier Zuèngguõ. ~~~ Dans son esprit s'entrechoquaient des pensées et des sensations insupportables. Heartless réalisa que la mort de Miyash ne l'avait pas affecté, pire, il lui semblait avoir regardé au travers des événements. Lorsque Zuèngguõ brisa ses os entre ses biceps increvables, Miyash étouffa son cri comme si il désirait que personne ne l'entende. Lorsque son ennemi le dépouillait de tous ses biens, de ses bijoux, ornements, de son couvre-chef symbolisant la tête du loup Fenris, l'albinos n'avait pas réagi. C'était comme si il était déjà mort, mais pourtant bien vivant : son regard vide se perdait dans ce monde affreux où chaque homme, femme, ou enfant hurlait "A mort" à tue-tête et sans convictions, tout ça parce qu'ils craignaient le tyran qui l'avait mis au tapis. Il vit les gens qu'il croyait être ses compagnons les plus fidèles le huer, le trahir à cause de la peur, puis ses yeux fixèrent celui de Sirius, qui le contemplait comme une glorieuse statue tombant de son socle. Miyash ressentait un profond désespoir, et Sirius une rage sans bornes, devant cette allégorie du monde des hommes. Zuèngguõ se vanta et se para de la coiffe du chef de tribu alors même que l'ancien n'était pas encore mort.
Le message que Sirius décodait entre les lèvres tremblantes du vaincu était : "Vois, vois la vraie nature de notre race.".
Pourtant, ce que Miyash hurlait dans son âme jusque dans le blanc des yeux d'Heartless lors de son agonie , c'était : "Ne m'oublie pas."
Il y avait d'un côté la haine d'un monde de rapaces sans honneur ni morale et de l'autre, la peur de disparaître de la mémoire de ces êtres abjects. Le professeur s'était bien occupé du faible étranger qu'était le borgne, mais il était impuissant face à ses propres gens, son cours n'était pas passé. A ce moment là, le Cyclope pensa que si le meneur de la tribu et le dicteur des lois était Zuèngguõ, alors autant qu'il n'y ait pas de chef du tout. De son point de vue, l'anarchie était préférable à la tyrannie. C'était la raison qui l'avait conduit à enjamber la dépouille de son maître pour avancer sur le champ de bataille.
Sirius se dévêtit de son manteau et montra son corps qui luisait à la lumière du soleil couchant. Le ciel du crépuscule était tellement proche de ces lieux que la neige s'illuminait et semblait de sable. Voyant cet adversaire, cet insecte imprudent qui pourrissait dans son domaine, la brute sanguinaire eut des envies de meurtres. Le monstre des montagnes pointa Heartless du doigt avec un rictus qui laissait présager mille tortures. Ses moqueries étaient réverbérées par les moutons du troupeau terrorisé.
- Hahahaa ! Moyà muyà tèklokpçét moyà !
Un des larbins du nouveau monarque en papier se saisit du trident et le lança au borgne avec un sourire malsain. C'était une insulte de guerrier. Le Cylope regarda brièvement son arme imposante et la planta dans la glace en signe d'insoumission.
- Ooh... Uyîalkléshà ! Orra Orramõ !
Animé d'une envie féroce de verser le sang, Zuèngguõ rejeta la fourrure de loup qu'était censé porter le prochain chef et se mit dans la position de combat de Miyash, c'était là encore une provocation. Sirius y répondait en n'adoptant aucune posture défensive, juste un sourire narquois. Alors, le guerrier titanesque arbora vraiment chacun des muscles de son corps en levant les bras comme si il était prêt à le dévorer tout cru, les Phalanges de Fenris pouvaient être sujettes au cannibalisme. Zuèngguõ avait un de ces corps capables de faire fuir même le plus féroce des miliciens kendrans, et il était haut de plus de deux mètres, si l'on ignorait sa chevelure blanche hérissée. Ses yeux étaient rouges, mais ce n'était pas la même couleur que ceux de Miyash, ceux-là étaient rouges comme le plus rouge des sangs, et les tatouages qui ornaient tout son corps étaient du même rouge, si bien qu'on aurait facilement pu le prendre pour une incarnation de Thimoros.
Heartless reconnut en sa silhouette l'allure de Gallion Thunderhead. Il était au moins aussi grand... Battre Zuèngguõ signifiait être en mesure de vaincre "le Gorille", et donc de se mesurer à sa destinée.
Les deux adversaires se firent face, les acclamations du côté de Zuèngguõ, les insultes du côté d'Heartless. C'était un combat entre un tigre et un serpent, au vu de leurs peintures corporelles, et de leurs modes de vie distincts : Zuèngguõ dévorait cru ses opposants et n'admettait aucune objection, tandis que Sirius prenait ses agresseurs à revers et les narguait grâce à son agilité. C'était aussi un combat entre un puissant être lumineux et un être sombre, étranger et venu de nulle part. Cependant, cela n'était qu'apparences : qui sut dire à ce moment qui méritait d'aller vers la lumière et qui devait rester à jamais terré dans l'obscurité ? Le gong sonna le début d'un combat à mort.
Zuèngguõ hurlait sur Sirius, lui faisant de grands signes pour qu'il fasse le premier pas, c'était peine perdue, le borgne n'était tout de même pas assez idiot pour foncer jusqu'à une mort certaine. Cela n’embarrassait par le tigre, au contraire, qui était dans son élément, l'attaque, et qui se rua vers sa cible. Le poing de son adversaire fut lancé, et Sirius se rappela des piranhas : attaquer sur le flanc, surtout pas de front. Éviter le poing droit en se lançant sur la droite, s'était s'exposer à la main gauche. Suivant cette logique, la couleuvre glissa sur la gauche et bondit en arrière pour rester hors de portée et forcer le fauve à bouger, ce qu'il fit avec enthousiasme. C'était une poursuite acharnée du lion qui cherchait à attraper la vipère entre ses griffes sans y parvenir : à chaque fois, la guivre esquivait sur le flanc, mais le corps de Zuèngguõ était tellement volumineux et vif à la fois qu'il n'avait jamais le temps de se placer derrière lui. Heartless savait qu'il devait rompre à la règle pour se lancer à l'attaque, c'est à dire, se placer en face de lui, entre ses deux bras, mais trop près pour qu'il puisse frapper convenablement à cause de sa propre taille. Ainsi s'enchaînèrent coup du gauche, esquive à droite, coup du droit, esquive à gauche, puis au moment fatidique...
Pour ne laisser aucune marge de manœuvre à son adversaire, le furieux félin frappa des deux mains en même temps pour prendre le reptile en ciseaux, mais celui-ci avait déjà saisi la ruse, et il s'était faufilé entre ses deux bras pour atteindre son torse. La fine silhouette du borgne glissa entre les deux massues et révéla dans ses poings fermés deux cailloux qu'il cachait depuis le début du combat. Heartless frappa deux fois l'abdomen de son adversaire avant de sauter du plus haut qu'il put et gratifier son visage d'un coup de pied d'une agilité extraordinaire. Cependant, Zuèngguõ, bien que ressentant la douleur, n'avait pas plié sous les assauts répétés du cobra et gardait les réflexes propres à son espèce féline : la jambe du pirate fut interceptée en plein vol en emprisonnée entre sa poigne de fer. Avec la force de dix hommes, la bête enragée souleva le reptilien par la jambe. Le serpent perdit son appui sur le sol et se retrouva la tête en bas, complètement à la merci du carnivore qui savourait déjà sa victoire.
Mais c'était sous-estimer l'agilité du Cyclope qui, au lieu de résister, déplia complètement son corps pour attraper une poignée de neige qu'il jeta aux yeux de son tortionnaire. Étourdi par cet assaut, le fauve ne put empêcher l'anaconda de s'enrouler autour de sa patte. Sirius fit une clé de bras magistrale à Zuèngguõ qui, surpris par la douleur et la sournoiserie de son ennemi, trébucha et, chose inouïe, ses épaules touchèrent le sol. C'était une opportunité en or, Heartless ne lâcha pas le bras du tyran une seule seconde et s'acharna à le tordre dans tous les sens pour lui déboîter l'épaule. De nombreuses et atroces grimaces se dessinèrent sur le visage du marin qui conservait avec grand-peine son sourire emblématique, alors que l'albinos, lui, semblait gagner en confiance en soi de seconde en seconde :
- Graoh ! Pùuryò Fenris rhâthü ! Hõ hèno tasçui thàmigà !
Et le fauve des montagnes dévoila sa force colossale. Lentement, il reprit appui sur ses jambes et, alors qu'il était à genoux, il souleva Sirius au-dessus de sa tête à la seule force de son bras. Terrifié, le borgne se raccrochait encore à l'illusion qu'il avait de pouvoir endommager les os du géant, mais c'était peine perdue : Zuèngguõ le puissant lui renvoya son sourire carnassier. Le dos du pirate souffrit mille tourmentes : la Phalange de Fenris abattit son bras sur la neige grumeleuse et écrasa le corps du petit homme qui refusait de lâcher prise. L'ours des montagnes répéta la manœuvre trois fois avant que le borgne ne devienne qu'un corps mou pendu à son bras, alors il le rejeta au loin, le faisant glisser sur la neige.
Il n'y avait pas besoin de traduction pour le rire mauvais du tigre à ce moment là, devant cette couleuvre affaiblie, exténuée, face contre terre. Acharné à vaincre, Sirius se saisit du premier caillou tranchant à portée de main et se retourna pour repartir à l'assaut, mais le pied du titan le plaqua sur le sol, et là, c'était une prison dont nul ne pouvait s'échapper. Zuèngguõ menaçait de broyer Heartless sous son poids avec un rire mauvais. Le borgne se maudit de ne pouvoir atteindre la tête, voire même l'arrière de la tête ou le cou de ce mur infranchissable pour lui porter un coup décisif. Il serra très fort le petit caillou aiguisé qu'il tenait dans le creux de sa main pour tenter d'oublier la douleur qui tenaillait ses vertèbres et son thorax. Il n'avait qu'une seule arme approprié à cette situation : sa langue.
- Pitié ! Épargnez-moi ! J'implore votre pardon ! pleurnichait-il.
Ces suppliques emplissaient le cœur de la bête féroce d'une cruelle satisfaction. Il devait réserver un traitement de faveur aux lâches et aux idiots. Zuengguõ souleva son pied et saisit la gorge de son adversaire pour le hisser à sa hauteur. Sirius éprouvait une douleur atroce mais il ne se débattait pas, il continuait de supplier, attendant son heure. Soudain, le tigre blanc étreignit les os d'Heartless avec ses bras surpuissants : c'était son attaque fétiche, la prise dont personne n'était jusque lors parvenue à s'échapper. Le cobra n'avait plus pied et les deux adversaires étaient au face-à-face, c'était exactement l'occasion qu'attendait le forban pour sévir. Ses mains prirent appui sur les épaules de son prédateur et son corps glissa hors du piège de l'ours avec une facilité déconcertante.
- Tõmèo yarhîss ?!
Avant de se montrer à la cérémonie sanglante de succession par les poings, Sirius avait enduit son corps d'huile en prévision de cet instant, ce qui expliquait pourquoi il luisait autant à la lumière des torches comparé aux Phalanges. La vipère fit monter sa silhouette véloce au-dessus de la tête de l'animal affamé puis, pivotant sur les épaules de celui-ci, se retrouva derrière lui, à hauteur de sa tête. Ses doigts lâchèrent prise et ses avants-bras pressèrent le cou de Zuèngguõ. Heartless laissa faire la gravité pour porter le coup décisif : il plia ses jambes et ses genoux rentrèrent dans le bas du dos de son ennemi tandis que ses bras compressaient son appareil respiratoire.
Le géant mit les deux genoux à terre et son dos se plia sous l'assaut du borgne qui, après avoir repris appui sur le sol, l'étouffait avec une prise du collier, essayant à tout prix de rompre sa nuque. Le tigre insulté leva les bras et tenta d'écraser la face de son adversaire mais sa tête n'était pas à sa portée, il tenta alors de griffer les avants-bras de l'anaconda jusqu'au sang, pensant qu'il finirait bien par céder. Mais le tigre n'était pas le seul à avoir des griffes : Heartless fit glisser le caillou tranchant jusqu'à l'intérieur de son coude et le pressa de toutes ses forces contre la gorge du despote qui ne parvenait plus à respirer. Il ne pouvait même plus parler pour dénoncer cette tricherie, il était le prisonnier d'un cobra qui s'était enroulé autour de son cou. Son regard rouge et accusateur se porta sur le pirate qui lui murmurait à l'oreille :
- C'est la loi de la jungle.
La salive de Zuèngguõ dégoulina de ses lèvres et sa langue sembla partir en quête d'un peu de souffle, en vain. Heartless, faisant fi de la douleur des griffures sur ses bras, hurlait et serrait son collier de toutes ses forces. Puis, enfin, le corps du fauve des hauts reliefs s'engourdit et se relâcha pour devenir flasque, ses yeux exorbités semblaient vouloir poursuivre son âme qui s'échappait jusqu'aux enfers. Comme un animal sauvage terrifié, le pirate continua de l'étouffer quelques secondes jusqu'à ce qu'il fût à bout de forces. La foule qui, autrefois, n'avait d'yeux que pour Zuèngguõ, se mura dans le silence.
Zuèngguõ le tyrannique, Zuèngguõ l'invincible avait été vaincu par un étranger.
Cet étranger ne clamait pas haut et fort sa victoire, il était à quatre pattes, souffrant, reprenant son souffle avec difficulté. Dans son for intérieur, Sirius savait : il en était capable. Un shaman craintif s'approcha de lui pour lui remettre la peau de loup que portait jadis Miyash Nùùrg, la réaction du borgne fut immédiate : il la prit et la jeta au feu. Personne n'osait bouger car c'était la première fois que la succession avait été rejetée par le vainqueur d'un duel à mort. Silencieux lui aussi, Heartless rassembla ses affaires et partit comme si il ne s'était rien passé. La seule chose que les Phalanges du Gròòth Vallhü avaient trouvé dans son regard, c'était du mépris.
Le Cyclope appela un des enfants à lui, l'un des plus costauds, et lui ordonna de l'aider à monter le corps de Miyash Nùùrg sur son épaule. Après cela, il prit son sac, son manteau, son trident, et disparut dans la nuit.
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