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 Sujet du message: [Sanssitr] Le temple de Sithi
MessagePosté: Jeu 10 Aoû 2017 19:13 
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Le temple de Sithi


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Le temple Nessimois voué à Sithi fut bâti, voilà près de quatorze millénaires, pour célébrer la prise de Sanssitr aux Shaakts du Naora après une longue et terrible guerre. Il fut érigé, symboliquement, au sein même de la cité souterraine conquise, à l'emplacement exact où se trouvait le temple de la principale divinité vénérée par les vaincus: Zewen. Les traces de ce sacrilège furent toutefois rigoureusement effacées lorsque les Sindeldi nouèrent contact avec certains autres peuples de Yuimen et une version officielle bien différente de la réalité fut concoctée par le Clergé afin de ménager les susceptibilités des fidèles étrangers de Zewen. Ainsi, si vous posez la question, il vous sera doctement expliqué que ce temple prit place sur les ruines du palais royal de Sanssitr, dernière poche de résistance des Shaakts qui, selon la version officielle toujours, avaient attaqué sans raison le peuple Sindel.

L'accès à ce temple n'a rien d'aisé, il vous faudra tout d'abord convaincre les gardes postés aux entrées de l'ancienne cité Shaakte de vous laisser passer, puis vous enfoncer profondément dans les sinistres rues souterraines de Sanssitr avant de parvenir à un gigantesque et ténébreux canyon où coule une puissante rivière. A partir de là, une corniche plus ou moins érodée par le temps vous permettra de longer la rivière vers l'amont, il ne vous faudra pas moins de deux bonnes heures de marche pour parvenir enfin aux abords du temple. Là, c'est un spectacle à couper le souffle qui vous accueillera, éclairé par un artefact Sindel qui répand une lueur étrangement mystique sur les lieux: deux immenses statues sculptées dans les parois, représentant les deux principaux héros de la prise de Sanssitr, semblent veiller sur une porte titanesque surmontée d'une pleine lune gravée dans le roc.

Malgré cet accès peu commode, nombreux sont les Nessimois qui viennent régulièrement se recueillir dans ce temple, en particulier les soldats car, ici plus que partout ailleurs, c'est surtout l'aspect protecteur de Sithi qui est mis en avant.

L'intérieur du temple n'a par ailleurs rien en commun avec les autres sanctuaires Naoriens de Sithi, généralement outrageusement fastueux. Ici, le décor est résolument austère, c'est dans une vaste nef aux murs de roche nue et aux plafonds en voûtes ogivales que vous arriverez une fois la porte franchie. Nulle statue merveilleusement sculptée non plus, seul un autel monolithique trône au fond de la salle, simple bloc rocheux gris pâle et sommairement dégrossi. La légende officielle raconte que ce bloc provient des étoiles et que c'est à partir de cette même matière que Sithi créa les Sindeldi. Elle l'aurait confié aux prêtres afin qu'ils le gardent à l'abri et en fassent le symbole de leur autorité sur son peuple une fois qu'elle aurait disparu.

Une autre version de cette légende, considérée comme hérétique par le clergé, dit qu'une fois son oeuvre créatrice achevée, il lui serait resté ce morceau qu'elle aurait soigneusement gardé des millénaires durant. Ne pouvant rester sur Yuimen du fait de la dualité de ses fluides en ce monde, elle aurait elle-même placé ce rocher dans ce temple, afin que les Sindeldi se souviennent d'elle et de leurs racines. Cette même légende évoque une prophétie disant que c'est sur cette pierre qu'elle apparaîtra lorsque le temps sera venu pour elle de reprendre place parmi les siens. Mais seul un inconscient parlerait de ce mythe à voix haute, il n'en faut pas tant pour se voir offrir un aller simple pour Raynna.

Il n'y a qu'un unique prêtre en charge de ce temple, et encore est-ce un bien étrange prêtre. Son nom est Valyan Niaëvë, il serait le descendant d'une Sindel légendaire, Rinthale Niaëvë, une farouche combattante qui aurait, selon certains, causé la chute de Sanssitr et qui serait tombée à Xaoranh lors de la bataille contre les Hafiz. Néanmoins le rôle de cette mythique guerrière a été largement occulté concernant la prise de Sanssitr, au bénéfice des deux Ithilausters qui dirigeaient l'armée et qui sont représentés par les deux statues gardant l'entrée du temple. Certains prétendent qu'elle était la fille d'Othëlion l'Intrépide, l'Ithil Taerym à la tête du clergé lors de l'Exode, mais qu'à la fin de sa vie elle s'est laissée corrompre par des théories hérétiques et a tenté de s'opposer au clergé. Quoi qu'il en soit, Valyan est un très vieux Sindel de haute taille aux traits empreints de noblesse, toujours vêtu comme un guerrier d'une très belle armure de plates en mithril bleu et armé d'un puissant tsalion runique. Bien qu'en public il suive fidèlement les diktats du clergé, celui ou celle qui saurait gagner sa confiance découvrirait un sage bien moins dogmatique que la plupart de ses confrères, connaissant moult légendes antiques et fort mal vues des autorités ecclésiastiques.

Enfin, il se murmure que ce temple recélerait bien des mystères et qu'il ne se limite pas à une unique nef jouxtée de simples appartements réservés au gardien des lieux. Les plus audacieux prétendent même que les plus précieux objets récupérés lors du sac de Sanssitr y seraient toujours dissimulés, mais qui peut savoir ce qu'il en est vraiment?


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 Sujet du message: Re: [Sanssitr] Le temple de Sithi
MessagePosté: Sam 4 Aoû 2018 20:40 
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Localisation: Nessima, Naora
Les portes étant toujours ouvertes, et cela depuis le jour de son inauguration s'il faut en croire les histoires, je les franchis sans m'arrêter et pénètre dans l'austère temple Nessimois de Sithi. Il est tel que dans mes souvenirs, immense nef immuable avec ses parois de roche nue et ses hautes voûtes ogivales, il ne contient aucune statue, seul un grand monolithe de roche brute gris clair posé au sol au fond de la salle rompt le vide des lieux. Je souris intérieurement en songeant que c'est aussi le dernier temple de Sithi dans lequel je suis entré, près de quarante ans plus tôt. Mais bon, je n'ai jamais éprouvé le besoin de me trouver dans un temple pour prier la Déesse de l'Astre Nocturne, au contraire, j'ai toujours préféré le faire dehors en contemplant la voûte céleste.

Il n'y a que deux portes, identiques, perçant les murs de cette salle: l'une donne accès aux appartements du prêtre, quant à l'autre, je n'ai jamais pu la franchir et j'ignore tout de ce qui se trouve derrière, un mystère qui m'a fasciné et fait rêver, enfant. Je me dirige vers la porte de la demeure de Valyan et, espérant qu'il ne me tiendra pas rigueur de l'heure indue, y frappe quelques coups légers. Elle s'ouvre quelques instants plus tard sur la haute et noble silhouette de l'Ithilauster, revêtu comme toujours de son armure de plate en mithril bleu et armé de son éternel tsalion, une très belle arme soit dit en passant. Sourcils froncés, il m'observe durant une poignée de secondes avant de prendre la parole:

"Il est tard. Que puis-je pour vous, Fils de Sithi?"

Je m'incline légèrement avant de lui répondre avec gravité, les yeux dans les yeux:

"Navré de vous importuner à cette heure, messire Valyan'tar Niaëve, mais mieux valait qu'on ne me voie pas. J'ai besoin de votre aide."

"Hum. De mon aide, dites-vous. Nous nous connaissons?"

"Nous nous sommes déjà rencontrés, oui, il y a quelques décennies. La dernière fois que nous nous sommes vus, vous tentiez de m'inculquer les bienfaits d'un mariage arrangé à la demande de mon père, si je me souviens bien. Et la fois d'avant, vous m'aviez attrapé alors que je me faufilais en douce dans vos appartements pour y trouver la clé de la porte mystérieuse et découvrir les trésors qu'elle devait forcément dissimuler."

Le vieux prêtre m'observe plus attentivement durant un instant, puis son regard s'éclaire soudain:

"Par Sithi! Je me souviens maintenant! Le fils Ithil! Comment était-ce déjà... Tanaëth? Eh bien mon garçon...vous avez changé. L'enfant est devenu le guerrier qu'il rêvait d'être, semblerait-il."

"Votre mémoire est excellente. Quant à mes rêves d'enfant, ma foi, j'ai appris depuis que les idéaux étaient inaccessibles, mais je fais de mon mieux pour les réaliser. Puis-je vous parler en privé? C'est important."

"J'imagine que ça l'est, en effet. J'ai eu vent de votre retour, il y a quelques mois de cela, et de votre combat contre la jeune 'tar Thinel pour obtenir sa main. Certains m'ont assuré que vous aviez échoué, d'autres que vous avez en réalité épargné Sylënn juste avant qu'elle ne vous terrasse, et donc remporté son défi. Entrez, je suis curieux de connaître le fin mot de l'histoire."

Il s'écarte afin que je puisse entrer puis referme la porte avant de me conduire dans une petite alcôve où se trouve une table entourée de deux bancs. Les appartements du prêtre ne sont pas loin d'être aussi austères que son temple pour ce que j'en vois, mais je ne suis pas venu étudier sa demeure et m'installe donc sans prêter grande attention aux lieux. Une fois Valyan assis en face de moi, j'entreprends de répondre à ses questions:

"Sylënn a reconnu sa défaite à la fin du combat et voulait l'annoncer sans détour, c'est moi qui lui ai demandé de laisser planer le doute. J'avais besoin de temps pour achever une mission que m'avait confiée la milice de Tahelta."

"Ah. Malgré tout vous jouez un jeu dangereux, mon jeune ami, en revenant ici. Vous avez été banni de la ville après cette fameuse histoire de mariage arrangé qui ne s'est jamais fait, si mes souvenirs sont bons."

"C'est exact. C'est précisément pour faire lever ce bannissement et récupérer mon héritage que je suis revenu et que j'ai défié Sylënn."

"Vraiment? Expliquez-moi donc ça."

"C'est une plainte du père de Sylënn qui a engendré mon bannissement, déposée parce qu'en refusant d'épouser sa fille cadette je n'ai pas honoré le marché qu'avait scellé mon père avec lui. Mais il accepté celui que je lui ai proposé, à savoir qu'il lèverait sa plainte si je parvenais à vaincre sa fille aînée rebelle afin qu'elle m'accepte pour époux."

"Je vois. C'est adroit. L'a-t-il levée, cette plainte?"

"Il est censé l'avoir levée, oui, mais je n'en ai pas confirmation, j'ai quitté Nessima la nuit même du combat avec Sylënn et je reviens à l'instant."

"S'il l'a fait, votre bannissement n'a plus de raison d'être et l'héritage de vos parents vous revient de droit, alors pourquoi vous cacher encore?"

"Parce que j'ai un ennemi mortel en la personne d'Averenn et qu'il fera tout ce qui est en son pouvoir pour s'opposer au rétablissement de mes droits. Et comme il est puissant et influent, je crains que ma sanction n'ait pas été levée, même si plus aucune plainte ne la justifie."

"Averenn'tar Thelwë? Dangereux ennemi, de fait, mais cela fait des années qu'on ne l'a pas vu. Pourquoi reviendrait-il justement maintenant?"

"S'il est absent depuis des années, c'est pour nous traquer, moi et quelques amis qui ne partageons pas sa vision du monde et de l'avenir de notre peuple. C'est une longue histoire, mais il reviendra dès qu'il apprendra ma présence ici et fera tout son possible pour m'envoyer à Raynna, soyez-en certain."

"Hum. Je crois qu'il va me falloir entendre cette longue histoire avant de décider si je vais vous aider, ou pas, messire Ithil. Un verre de vin?"

J'opine distraitement tout en réfléchissant vivement à ce que je peux lui dire et à la manière de le dire. Après l'avoir remercié d'un signe de tête pour le gobelet de vin rouge qu'il me tend un instant plus tard et avoir dégusté le breuvage, j'entreprends de lui résumer le drame qui s'est écoulé au travers des quatre-vingts dernières années, prenant simplement soin de ne jamais évoquer les Danseurs d'Opale.

"Tout a commencé avec Lyann'tar Thelwë, la fille d'Averenn qui, alors que j'avais une quarantaine d'années, tomba amoureuse de moi et persuada ses parents d'approcher les miens en vue d'arranger un mariage entre nous. Mon père refusa car, selon lui, cette union aurait amoindri mon statut au sein de la noblesse et n'apportait rien à notre famille. Furieux de ce camouflet, Averenn jura notre perte et entreprit de saper notre puissance en s'attaquant à notre commerce, de manière plus ou moins légale dans un premier temps. Riche et influent, il ne tarda pas à se permettre des moyens plus discutables et parvint si bien à ses fins qu'il ruina presque mes parents et put racheter leurs commerces via des intermédiaires pour une bouchée de pain. Mais je ne savais rien de tout cela, à l'époque, je commençai alors tout juste ma formation d'Hirdam et me souciai fort peu des affaires, comme vous pouvez l'imaginer.

Tandis que j'apprenais les dix meilleures manières de tuer un ennemi avec un bâton, mon père parvint à redresser le cap en trouvant moyen de se fournir en métaux rares à Mertar grâce à l'aide d'Asuran, au grand dam d'Averenn qui trouva aussitôt une nouvelle manière de nuire. Il persuada Asuran que mon père avait une lourde dette morale envers lui, ce qui était vrai, et qu'il tenait là l'occasion rêvée d'élever sa fille cadette au plus haut de la société Sindel. Et quand Asuran demanda ma main pour sa fille cadette, bien que ce soit une "mésalliance" pire encore que celle avec la fille d'Averenn, mon père fut contraint par l'honneur, mais aussi par souci de conserver son nouveau fournisseur, de la lui accorder.

Ignorant tout de ce marché, je suis tombé amoureux d'une Sindel durant ma formation, à tel point que je me suis engagé envers elle. Averenn l'a appris et, craignant pour ses plans, a mis en scène la mort de mon amie, soi-disant tuée par un dévoreur des sables en maraude, juste avant les cinq années de passage. Effondré, j'ai tout de même réussi mon apprentissage, mais à peine fus-je de retour à Nessima que mon père m'annonça qu'il m'avait contracté un mariage avec Tsirith, la fille cadette d'Asuran. J'ai été incapable de l'envisager et ai donc refusé, ce qui a permis à Averenn de faire pression sur Asuran pour qu'il pose plainte contre moi et exige mon bannissement en guise de réparation.

Une trentaine d'années plus tard, j'ai rencontré en Imfitil une Sindel qui me cherchait, une certaine Moraën, membre de la garde militaire de Nessima et soeur de l'un des gardes de mes parents. Elle m'apprit que son frère avait été assassiné, comme la plupart des gardes de ma maison, et que mes parents avaient disparu. Elle avait mené son enquête et cette dernière l'avait conduite à la plage de Nessima, où elle avait vu des traces indiquant que des captifs entravés avaient été chargés dans une grande barque par une douzaine d'hommes. Espérant que je l'aiderais à éclaircir la mort de son frère, puisque mes parents étaient impliqués dans la même affaire, elle s'était mise à ma recherche et avait fini par me retrouver.

C'est aussi à cette période qu'Averenn a quitté Nessima puisque, quelques jours après ma rencontre avec Moraën, il était à Tulorim pour engager des assassins afin de nous éliminer. Non sans succès d'ailleurs, car Moraën a bel et bien été tuée et moi laissé pour mort. J'ai eu de la chance et je m'en suis tiré de justesse, si bien qu'une fois remis je me suis mis à la recherche de nos assassins dans le but de leur extirper le nom de leur commanditaire et de leur faire payer la mort de ma nouvelle amie. Cela a été une longue traque mais j'ai fini par apprendre que c'était bien l'un des séides d'Averenn qui les avait payés, à bord d'un navire lui appartenant, le Veilleur. Navire qui a aussi été vu au large des côtes Naoriennes, au delà de la barrière de corail en face de Nessima, la nuit où mes parents ont disparu, comme par un malheureux hasard.

Peu de temps après, une banshee me tomba sur le dos. Vous savez ce qu'est une banshee, je suppose? Eh bien je l'affirme catégoriquement: c'était Jaëlle, la Sindel prétendument tuée par un dévoreur de sables trente ans plus tôt que je voulais épouser. Comment tout cela a-t-il simplement été possible? Je veux dire par là que je me suis renseigné depuis, la création de ces atrocités semble être l'apanage de l'un des séides d'Oaxaca, alors comment une jeune Sindel suivant sa formation d'Hirdam à Nessima a-t-elle pu atterrir entre ses mains et être transformée en une telle chose? Quel marché Averenn a-t-il passé pour entrer en sa "possession"? Et en quoi constituais-je un danger suffisant pour qu'un tel moyen soit employé contre moi? Je n'ai pas de réponses à ces questions, mais le fait est que j'ai été contraint d'affronter cette créature qui avait été Jaëlle. Elle a été vaincue, mais si je n'avais pas eu l'aide de deux magiciennes cette nuit-là, vous n'auriez jamais entendu cette histoire.

Quelques temps plus tard, une bande de Shaakts de Khonfas semant le trouble dans la région où vivent ces deux magiciennes, je me suis décidé à leur donner un coup de main pour les traquer. Je me suis vite rendu compte que ce n'était pas une simple troupe de maraudeurs mais des combattants d'élite en mission, ce qui était étrange car la région était hors de leurs terres et peu susceptible de les intéresser du fait de son relief très sauvage et tourmenté. Bref, nous les avons vaincus au terme d'une longue chasse, mais leur cheffe est parvenue à s'enfuir, si bien que je me suis lancé à sa poursuite. Elle m'a conduit, bien involontairement, jusqu'au temple d'un oracle des alentours de Khonfas, et devinez qui j'ai trouvé là-bas? Mon père.

Averenn s'était emparé de mes parents et avait menacé de torturer puis d'égorger ma mère si mon père ne faisait pas en sorte de m'éliminer. Il lui promit qu'ils auraient la vie sauve et retrouveraient leur vie normale s'il accomplissait cette tâche, alors mon père accepta et suivit les directives d'Averenn qui lui colla je ne sais comment une escouade Shaakte dans les pattes pour l'aider à accomplir sa mission. Et pour s'assurer qu'il ne revienne jamais au Naora, je suppose, parce qu'à ce moment là ma mère était déjà décédée, le cri de la banshee m'en avait averti, et mon père perdait toute utilité dès l'instant de ma mort. Les choses n'ayant pas tourné comme prévu, mon père devint comme fou et m'attaqua, moi, son propre fils! C'était sa vie ou la mienne, alors je me suis défendu.

Quelques années plus tard, j'ai appris qu'Averenn allait se faire attribuer mon héritage sous prétexte de dettes impayées, dont il est responsable par ses malversations, justifiant que tout devait lui revenir puisque j'avais été banni et que j'étais le seul héritier de mes parents. Voilà donc les raisons pour lesquelles il s'opposera à moi de toutes ses forces: il souhaite l'anéantissement de ma maison et s'approprier ce qui reste de ses biens. Assez pour avoir assassiné ou causé la mort d'une dizaine de Sindeldi, dont trois membres de la haute noblesse. Assez pour s'être acoquiné avec des Shaakts et avoir accepté qu'une Sindel soit torturée durant des décennies afin de devenir sa puissante créature.

Alors je suis venu demander justice, messire Valyan'tar Niaëve. Justice et réparation. J'entends défier Averenn dans le cadre d'un Jugement de Sithi afin qu'il réponde des crimes dont je l'accuse. Mais pour cela, il me faut au moins une preuve concrète de mes dires, et donc du temps pour la trouver. C'est la raison pour laquelle je suis venu vous demander votre aide, vous êtes l'un des rares à pouvoir me fournir le temps et l'appui dont j'ai besoin."


"Eh bien, voilà une bien étrange histoire. Mais que me demandez-vous, au juste, messire Ithil?"

"De m'héberger discrètement pendant quelques jours, de faire parvenir la nouvelle de mon retour à Sylënn et de m'arranger un rendez-vous à l'abri des oreilles indiscrètes avec elle, principalement. Et de me fournir des habits avec lesquels je puisse passer inaperçu en ville, accessoirement."

Le vieux prêtre réfléchit en silence de longues minutes durant en me scrutant de son regard perçant, puis il finit par lâcher:

"Vous pouvez passer la nuit ici et je vous arrangerai ce rendez-vous dès que possible. Mais comprenez ceci: je ne peux héberger un banni, pas sans risquer de très gros ennuis. Si la plainte d'Asuran n'a pas été levée comme prévu, ou que votre bannissement est toujours effectif, vous devrez partir."

"Très bien, je comprends. Sylënn nous apprendra ce qu'il en est. Merci pour l'aide que vous m'accordez néanmoins, messire, je l'apprécie à sa juste valeur."

"Disons que c'est en souvenir de certain garnement qui m'a bien fait rire voilà de ça quelques années. Enfin, j'ai du travail. Venez, je vais vous montrer où vous installer en attendant que Sylënn puisse avoir le message et se libérer. Oh, et évitez de vous montrer dans le temple, il peut y avoir du monde à toute heure."


Dernière édition par Tanaëth Ithil le Dim 14 Oct 2018 08:51, édité 1 fois.

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 Sujet du message: Re: [Sanssitr] Le temple de Sithi
MessagePosté: Mar 7 Aoû 2018 11:12 
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A ma plus grande surprise, Sylënn n'est pas seule lorsqu'elle fait son entrée dans les appartements de Valyan quelques heures plus tard: son père, Asuran'tar Thinel, armurier Royal de Nessima, l'accompagne, un air déterminé sur le visage. Perplexe de cette présence que je ne comprends pas, je m'incline légèrement devant lui et le salue aimablement avant de me tourner vers sa tigresse de fille que je gratifie d'un léger baise-main:

"Vous êtes resplendissante, ma chère, si je puis me permettre. Je suis heureux de vous revoir."

Impénétrable, elle me dévisage de la tête aux pieds durant quelques instants, puis remarque d'un ton détaché:

"Vous avez maigri."

Je ne peux m'empêcher d'éclater d'un rire un peu rauque à ces mots, a-t-elle seulement idée des conditions de vie à Raynna ou dans le désert de Sarnissa? Mmm. Oui, sans doute, compte tenu de son poste, peut-être bien que c'est de cela que vient une partie de sa dureté, d'ailleurs? Mais j'aurai tout le temps d'apprendre à la connaître plus tard, pour l'heure je refais face à Asuran et lui souris calmement:

"Je suis étonné de vous voir ici, messire."

"Moi de même, sire Ithil. Je me demandais si l'histoire allait se répéter, allez savoir pourquoi. Cela fait plus de trois mois que vous êtes parti", me rétorque-t-il fraîchement en me fixant droit dans les yeux.

Je prends sur moi pour demeurer imperturbable face à cet accueil des plus acides et, soutenant son regard sans vaciller, lui réponds d'une voix ferme:

"Je pourrais me poser la même question, messire tar'Thinel. Mais je pensais que nous avions tous deux convenu d'aller de l'avant plutôt que de ressasser de vieilles rancunes. Je n'ai qu'une parole et suis devant vous pour l'honorer, désolé d'avoir du vous faire patienter mais j'avais une mission urgente à accomplir pour la Milice de Tahelta et cela n'a pas été sans mal. Mais dites-moi, vous-même, avez-vous respecté votre part du marché?"

Il incline du chef et, après en avoir demandé l'autorisation à Valyan d'un coup d'oeil, nous invite à nous asseoir autour de la seule table des lieux pour poursuivre cette conversation. Une fois que nous avons tous pris place, il sort un rouleau de vélin scellé à la cire, cacheté des armoiries de la ville de Nessima, et le dépose devant moi:

"J'ai levé ma plainte aux premières heures du jour qui a suivi votre départ. Votre bannissement a été levé près de deux mois plus tard, les amis d'Averenn s'étant efforcés de ralentir la procédure, mais c'est chose faite. Ceci est le document officiel qui l'atteste et qui définit la part d'héritage de vos parents vous revenant."

Le coeur battant, j'incline le visage pour le remercier, puis je tends la main pour prendre le rouleau scellé que je contemple quelques instants avec une profonde émotion avant d'en briser le cachet puis de le dérouler afin de prendre connaissance de ce qui y est écrit. Ainsi que l'a affirmé Asuran, mon bannissement est levé et c'est le principal, mais côté héritage c'est un choc pour moi de découvrir la réelle ampleur de ce qu'Averenn a réussi à s'approprier. Des nombreuses possessions et commerces de ma famille, il ne reste plus que notre demeure, ce qu'elle contient et les revenus peu consistants de quelques petits commerces annexes que le fourbe Ithilauster n'a pas jugés dignes d'intérêt. Enfin, cette fois, je suis vraiment de retour chez moi et, réintroduit dans mes droits, j'aurai désormais la possibilité de défier Averenn comme je l'espérais, pour autant que je trouve des preuves évidemment. Je soupire doucement, autant de soulagement de ne plus obligé de me cacher que de dépit pour ce que nous avons perdu dans l'affaire, les vies essentiellement, puis repose le vélin sur la table tandis qu'Asuran reprend la parole en déposant devant moi un deuxième rouleau, non cacheté celui-ci:

"Voici le contrat qui vous liera à Sylënn. La cérémonie de Samsin aura lieu ici-même à la prochaine pleine lune, soit dans sept jours. Celle de Maniël se déroulera deux mois plus tard, conformément aux usages."

Je remarque du coin de l'oeil que Sylënn a légèrement pâli à la mention de nos prochaines fiançailles, ses mains sont crispées sur les gardes de ses armes et elle regarde le sol, sourcils froncés, mais je fais comme si je n'avais rien vu et m’attelle à la lecture du document sous les regards attentifs d'Asuran et de Valyan. Au bout de quelques instants, je relève la tête et l'incline légèrement:

"Tout est conforme à notre accord, cela me convient parfaitement."

J'aurais préféré avoir plus de temps avant les fiançailles, histoire de pouvoir m'y préparer et d'avoir eu le loisir de reprendre possession de la demeure de ma famille, mais je ne peux prendre le risque d'offenser une fois de plus Asuran en tergiversant. Sept jours, donc. Bon sang! Sept jours et je serai lié à vie à ce glaçon de Sylënn, une femme plus hargneuse qu'un Garzok que je ne connais pour ainsi dire pas... j'en frémis. Étais-je vraiment obligé de l'épouser pour retrouver ma place à Nessima? Cela valait-il vraiment un engagement aussi éternel? Je n'en suis plus très sûr, ce soir, mais je n'ai plus le choix, le vin est tiré et il faut le boire.

"Bien, alors si nous en avons terminé... Sylënn, j'aimerais que nous parlions un peu. Accepteriez-vous de m'accompagner jusqu'à la demeure de ma famille?"

Elle se crispe et me jette un regard noir mais, avec un profond soupir, elle acquiesce d'un petit hochement de tête sec et se lève pour me lancer sans fioritures:

"Alors finissons-en pour aujourd'hui, j'ai du travail."

Douce et tendre Sylënn...Ô Sithi, dans quoi me suis-je engagé?! Il n'y a plus qu'à assumer, quoi qu'il en soit, si bien que je me lève et salue les deux Sindeldi en remerciant chaleureusement Valyan de son hospitalité. Après avoir rapidement récupéré mes affaires, je me dirige vers Sylënn qui m'attend avec impatience dans la salle principale du temple, presque vide à cette heure, et lui propose mon bras avec galanterie:

"Si mademoiselle veut bien me faire l'honneur..."

"Ha! Cessez donc ce jeu stupide, je peux marcher sans être accrochée au bras d'un homme, sieur Ithil!"

"Je n'en doute pas, mais soyez compatissante: il faut que je m'exerce en vue des cérémonies", lui rétorqué-je, pince sans rire.

"Vous vous fichez de moi?!"

"Écoutez, Sylënn, dans peu de temps nous serons unis pour la vie. Ni vous ni moi ne l'avons vraiment voulu, mais...laissez-moi au moins une chance? Allons, venez."

Je lui prends le bras d'autorité et l'entraîne sur l'interminable corniche bordant un rugissant torrent qui nous ramènera à la surface. Au bout de quelques minutes, je romps le silence en demandant sur le ton de la plus banale conversation:

"Je me demandais, où aimeriez-vous que nous fondions notre foyer, lorsque nous serons mariés?"

Elle se tourne vers moi avec la vivacité d'un félin et riposte d'un ton écoeuré:

"Vous êtes vraiment obligé de poser ce genre de questions?"

"Eh bien, elle se pose, non? Deux mois et une semaine, cela passe très vite."

"Je vis à la caserne, sire Ithil."

Évidemment. L'armée lui fournit un logement approprié à son grade, si bien qu'elle n'a jamais eu besoin de se trouver une demeure à elle. Mais comme nid douillet pour un couple, difficile de faire pire, les baraquements étant aussi froids et gris que ma future épouse.

"Dans ce cas, que diriez-vous de nous installer dans ma demeure familiale?"

Elle me jette un regard perçant et me demande avec méfiance:

"Vous êtes conscient que je ne quitterai pas mon poste et que par conséquent je ne serai que très rarement dans votre...foyer?"

"Il n'a jamais été question que vous quittiez votre poste, Sylënn. Moi-même ne serais sans doute que rarement à Nessima, nous en avons déjà parlé. Cependant, nous devons accomplir nos devoirs envers nos familles et satisfaire aux convenances. Autrement dit, nous plier de bonne grâce aux cérémonies qui nous attendent, fonder un foyer commun digne de notre rang où nous résiderons officiellement et nous comporter ensuite en bon couple de la haute noblesse en engendrant des héritiers."

"Je connais nos traditions, merci. Mais soit, va pour votre demeure familiale. Quant aux héritiers..."

"Nous en reparlerons en temps voulu, nous sommes encore jeunes, Sylënn. Parlez-moi plutôt de vous, des aventures que vous avez vécues, de ce qui vous a amenée à devenir commandante des troupes d'élite de Nessima, voulez-vous?"

Comme il faut près de deux heures pour atteindre l’extrémité du canyon souterrain et une heure de plus pour traverser une partie de Sanssitr avant de rejoindre l'air libre, nous avons le temps de converser assez longuement. Il me faut lui tirer les vers du nez, mais je finis par obtenir un résumé plus ou moins lapidaire de sa vie. Elle riposte à ma curiosité en évoquant les points qui lui ont semblé curieux dans le bref récit de ma vie que je lui avais fait avant de partir pour Raynna. Points hautement sensibles pour certains, car les blancs qu'elle cherche à combler sont pour la plupart liés aux Danseurs d'Opale dont je ne peux lui parler. Elle se doute bien que je lui cache quelque chose, mais elle n'insiste pas lorsqu'elle voit que je ne lui apporte que des réponses vagues et évasives.

Je lui conte en revanche ce qui m'est arrivé à Raynna et dans l'Akuynra, curieux de voir ses réactions à l'évocation de tout cela. Mais, fidèle à elle-même, elle se contente de rétorquer froidement qu'elle m'avait prévenu des risques, avant d'avouer à mi-voix qu'elle était au courant qu'une importante attaque d'Eruïons allait avoir lieu puisque une bonne partie de la garnison avait quitté Nessima pour aller s'embusquer aux frontières. Cela n'avait bien évidemment pas été rendu public, mais Sylënn avait vu l'équipement qu'ils emportaient en partant, en particulier nombre de toiles de camouflage, et en avait conclut qu'ils allaient tendre un piège aux Elfes Bruns. Mais pas plus que moi elle ne voit qui pourrait être derrière ces manigances retorses, en cela le mystère demeure total.

Lorsque nous débouchons enfin dans les rues de Nessima, quelques deux heures avant l'aube, Sylënn m'annonce que son devoir l'appelle et nous nous quittons après avoir convenu de nous revoir le surlendemain, en présence de son père, pour organiser les fiançailles, la fameuse cérémonie de Samsin.


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 Sujet du message: Re: [Sanssitr] Le temple de Sithi
MessagePosté: Mar 16 Oct 2018 11:41 
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L'heure est venue. Dans le ciel, la première pleine lune d'automne éclaire le monde de son pâle éclat argenté et, ce soir, conformément à l'engagement que j'ai pris, je vais lier mon existence à celle d'une Sindel pour qui je n'éprouve aucun amour. Samsin, la cérémonie des fiançailles... oh, ce n'est certes pas encore le mariage, il n'aura lieu que deux mois plus tard, mais il n'en reste pas moins que c'est un pas que je n'aurais jamais imaginé franchir, surtout au nom de seuls intérêts politiques. Je ne peux m'empêcher de repenser à Ethëll, l'Hinïonne que j'ai rencontrée des années plus tôt à Hidirain et que j'ai véritablement aimée. Que j'aime toujours, pour être honnête avec moi-même. Ce soir, je vais trahir la promesse que je lui ai faite et cela me noue le ventre mais, en acceptant de devenir le champion de Sithi sur Yuimen, j'ai renoncé à une partie de ma liberté, tout comme j'en ai abandonné une autre en prenant la tête des Danseurs d'Opale. Ma vie ne m'appartient plus, plus vraiment, je suis devenu l'instrument d'une cause séculaire qui, à mes yeux, justifie tous les sacrifices. Je repense aussi à Isil, cette autre Hinïonne devenue si chère à mon coeur que j'aurais pu renoncer à la plupart de mes buts pour rester à ses côtés. Mais elle aussi je l'ai abandonnée, sous prétexte de ne pas la mêler à la danse infiniment risquée que je suis en train de livrer. Mais ce n'était que cela, un prétexte.

La véritable raison est que ma vie appartient à Sithi depuis l'instant où ma Faera a partagé ses souvenirs avec moi et me l'a montrée en train de faire de mon lointain ancêtre le premier Danseur d'Opale. Sur sa joue elle a tatoué sa marque, un fin croissant de lune à peine visible, pour sceller un pacte éternel. Un tatouage que j'arbore également depuis le jour de ma naissance et qui fait de moi l'héritier d'une danse qui a commencé quelques vingt-trois millénaires plus tôt. "Ullume au oialë". Pour toujours et à jamais. Un serment si puissant qu'il a traversé les âges et les générations sans s'éroder, un serment qui m'engage aussi totalement qu'il l'a fait pour mon aïeul. Je croyais, après que Sindalywë ait partagé avec moi ses souvenirs, que tout serait plus simple, plus facile, que la voie tracée serait droite et limpide. Je souris aujourd'hui de ma naïveté: rien n'est tout blanc ou tout noir, il n'y a que d'infinies nuances de gris. Et l'heure est venue d'honorer ce pacte inaltérable.

C'est droit et fier que je franchis les gigantesques portes du temple de Nessima et pénètre dans la non moins colossale nef aux voûtes ogivales qui en constitue le coeur. Austère cathédrale de roc brut et sombre, elle n'est que partiellement éclairée par les lueurs vacillantes de quelques grandes torches, plantées dans les appliques de fer noir qui parsèment les murs à intervalles réguliers. Cet éclairage quasiment mystique laisse la part belle aux ténèbres qui représentent le côté obscur de Sithi, accroissant encore l'impression d'ancienneté et l'aura de mystère se dégageant naturellement de ce lieu à nul autre semblable. S'il y a souvent quelques Sindeldi épars en train d'y prier, c'est une salle presque comble qui m'accueille aujourd'hui. Il y a là passablement de nobles bien évidemment, pour rien au monde ils ne manqueraient d'être présents afin de s'afficher et de s'attirer les bonnes grâces de la puissante famille des tar'Thinel. Mais la majeure partie de l'assemblée est constituée de soldats en armures lourdes étincelantes dont les tabards indiquent sans fard qu'ils appartiennent presque tous à la garde militaire. Ce n'est pas pour moi que cette foule est venue bien entendu, si j'avais épousé une Sindel inconnue il n'y aurait presque personne; mais Sylënn est l'une des personnalités majeures de la cité et je mesure une fois de plus avec un certain étonnement à quel point elle est respectée de ses troupes.

Elle-même est déjà là d'ailleurs, debout aux côtés du prêtre et de son père devant le légendaire monolithe gris pâle qui trône au fond de la salle, tous trois armés de pied en cap comme s'ils s'apprêtaient à partir en guerre, ainsi que je le suis moi-même. Dans n'importe quelle autre ville du Royaume de Sarindel chacun aurait revêtu ses plus beaux atours pour cette cérémonie, mais nous ne sommes pas dans n'importe quelle cité. Nous sommes au sein de la rude Nessima, symbole de la puissance militaire Sindel et gardienne des plus antiques traditions martiales de notre peuple.

Le silence se fait alors que j'avance vers le trio, mon impressionnant Ithilarthëa trottinant sans bruit à mes côtés. Je sens les nombreux regards posés sur moi, certains admiratifs, d'autres simplement curieux, mais je n'ai certes pas que des amis dans cette salle et il en est aussi bien quelques-uns qui ne dissimulent pas leur hostilité à mon égard. Je ne m'en soucie pas toutefois, toute mon attention va à Sylënn qui me fixe de ses prunelles vert pâle. Pâle elle l'est aussi, bien plus que de coutume, et je la devine tendue comme un arc malgré l'air impassible qu'elle s'efforce de conserver. Son père, l'Armurier Royal Asuran'tar Thinel me scrute également, un infime sourire aux lèvres. Lui au moins se réjouit de cette union...

Je rejoins le vieil Ithilauster Valyan'tar Niaëvë, vêtu comme à son habitude de son armure de mithril bleu et équipé de son magnifique tsalon, et prends place à ses côtés de manière à faire face à l'assemblée lorsqu'il me l'indique d'un petit signe de la main. Il s'avance alors de quelques pas et prend la parole d'une voix puissante et parfaitement modulée qui trahit sa longue habitude de s'adresser aux foules:

"Nous sommes ici en cette nuit de pleine lune pour sceller les fiançailles de la noble Sylënn'tar Thinel, commandante de la Garde Militaire de notre cité, et de Tanaëth'tar Ithil... première Lame du Crépuscule de Yuimen et Héraut de Sithi. Si quelqu'un s'oppose à cette union, qu'il le dise maintenant ou se taise à jamais!"

Je ne peux m'empêcher de tressaillir et de laisser une expression de profonde surprise apparaître sur mon visage à cette présentation. J'ai certes jeté ces titres à la foule lors de ma confrontation avec Sylënn, je les ai évoqués lorsque je lui ai raconté mon histoire pour obtenir son appui et il n'y a donc rien d'étonnant à ce qu'il les connaisse; mais, n'ayant rien de concret pour les étayer, je n'aurais pas imaginé une seule seconde qu'il les prenne pour argent comptant, encore moins qu'il me les attribue dans cette cérémonie officielle. Il a d'ailleurs imperceptiblement hésité avant de les énoncer, mais qu'est-ce qui a bien pu le décider? Perplexe, je demande mentalement à ma Faëra:

(Bon sang, quelle mouche l'a piqué?!)

Je fronce les sourcils devant le silence des plus inhabituels de ma petite compagne de fluide, que se passe-t-il par Sithi?

(Sindalywë? Tu es là?)

(Évidemment. Où veux-tu que je sois?)

(Aucune idée, mais tu ne répondais pas...)

(Oh, je bavardais), me rétorque-t-elle comme si c'était la plus normale des choses.

Sachant fort bien qu'elle ne "bavarde" pas avec les êtres de chair et de sang sauf exception rarissime, j'en déduis qu'il y a une autre Faëra dans les parages, mais aux côtés de qui est-elle? Je poursuivrai bien mon interrogatoire afin d'en avoir le coeur net mais, soudain, l'un des nobles présents fend la presse et répond aux paroles de Valyan en clamant avec virulence:

"Je m'y oppose! Cette histoire de "héraut de Sithi" n'est qu'une honteuse mystification, une évidente imposture qui prouve une fois de plus que ce misérable n'est qu'un hérétique! C'est un blasphème éhonté!"

Bordel! J'avais espéré que l'absence d'Averren nous épargnerait ce genre d'intervention, naïf que je suis! Envahi d'une sourde colère j'esquisse le geste de m'avancer pour lui rétorquer vertement mais Sylënn, qui s'est rapprochée de moi sans que je ne le réalise, me saisit le poignet avec force et me souffle froidement:

"Reste tranquille toi!"

Je lui jette un regard noir et m'apprête à de dégager sèchement de sa prise, mais je me fige net lorsque Valyan intervient d'une voix doucereuse:

"Dois-je comprendre que vous m'accusez de blasphème, sieur Lareth'tar Syrëas?"


Dernière édition par Tanaëth Ithil le Dim 21 Oct 2018 09:22, édité 2 fois.

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 Sujet du message: Re: [Sanssitr] Le temple de Sithi
MessagePosté: Mar 16 Oct 2018 11:48 
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Le noble, un Sindel d'assez petite taille aux cheveux blancs coupés courts et vêtu d'une armure si ornementée et tarabiscotée que ce serait une folie que d'aller avec sur un champ de bataille, recule d'un pas en blêmissant légèrement:

"Non, bien sûr que non messire Valyan'tar Niaëvë! Je... je crains toutefois que vous ne vous soyez laissé abuser par cet hérétique et..."

"Ah, c'est donc mon jugement que vous remettez en question? Supposeriez-vous que j'ai été assez naïf pour avaler les dires du seigneur Ithil sans effectuer les plus rigoureuses vérifications?"

Un sourd brouhaha s'élève de la foule à ces paroles et je parviens de justesse à retenir le sourire qui menace d'ourler mes lèvres en voyant celui que je reconnais désormais comme l'un des principaux alliés de mon pire ennemi pâlir encore un peu. Valyan fait preuve d'une habileté diabolique en détournant l'accusation sur lui, même Averren ne se risquerait pas à une confrontation directe avec le vieil Ithilauster, mais une chose m'échappe totalement: pourquoi s'implique-t-il autant? Pour quelle mystérieuse raison prend-il aussi ouvertement mon parti? Il semblait plutôt sur la réserve la dernière fois que je l'ai vu, alors pourquoi ce subit et radical changement? Quoi qu'il en soit le noble est maintenant dans de sales draps et je vois aux rapides regards atterrés qu'il jette derrière lui, comme pour quêter un éventuel soutien, qu'il en est parfaitement conscient. S'il ne se rétracte pas il s'oppose de front à Valyan, et s'il le fait il passera pour un imbécile aux yeux d'assez de personnalités pour que son influence en pâtisse notablement. Piégé comme un rat, le sieur Lareth'tar Syrëas! Au bout de quelques secondes, il finit par bredouiller:

"Ce...ce n'est pas ce que je voulais dire, messire. Mais je... j'ai reçu une lettre du seigneur Averren'tar Thëlwë voilà trois jours. Il est en chemin pour revenir et il affirme avoir des preuves de la culpabilité de ce... Tanaëth Ithil."

Et merde! Plus adroit que je ne le voudrais ce sieur, avec ce qu'il vient de dire Valyan est quasiment contraint de temporiser et d'attendre le retour de mon ennemi afin d'examiner ces prétendues preuves avant de pouvoir sceller nos fiançailles. C'est au tour de l'Ithilauster d'hésiter, la situation échappe à son contrôle et si je ne la reprends pas en main immédiatement elle pourrait fort bien tourner au vinaigre et me conduire tout droit devant un tribunal du Clergé pour y être jugé. Tribunal qui sera dirigé par une relation d'Averren, je n'en doute pas un instant, un tel procès ne sera qu'une farce dont l'issue aura été déterminée avant même qu'il ne commence. Valyan a de l'influence à Nessima, mais fort peu en dehors, contrairement à mon ennemi qui sera certainement en mesure de faire en sorte que mon "jugement" ait lieu à Tahelta, hors de la juridiction de mon seul soutien dans le clergé. La mort dans l'âme, je force mon visage à se modeler en un impénétrable masque de pierre et me dégage de la poigne de Sylënn pour m'avancer vers mon accusateur:

"Vous parlez bien de ce même Averren'tar Thëlwë qui a kidnappé une certaine Jaëlle durant ma formation d'Hirdam et qui a mis en scène sa soi-disant mort afin de me briser, avant de me la renvoyer sous forme de Banshee afin qu'elle prenne ma vie? De ce sire qui a orchestré la ruine de ma maison et fait assassiner mes parents et nombre de leurs gardes, sieur 'tar Syrëas? Vous me parlez de ce sieur qui a engagé des tueurs à Tulorim pour mettre fin à mes jours et à ceux d'une représentante de la Garde Militaire nommée Moraën? Qui s'est acoquiné avec des Shaakts aux alentours de Khonfas afin de causer ma perte après que sa première tentative ait échoué?"

"Calomnies! Tout ceci n'est que mensonges éhontés! Tout le monde ici sait que le Seigneur Averren'tar Thëlwë est un loyal serviteur de Sithi et qu'il suit religieusement les lois édictées par le Clergé! Vos accusations sont ignobles et sans le moindre fondement, vous n'êtes qu'un misérable imposteur!"

Un nouveau tollé agite la salle à ces répliques et, si j'entends quelques personnes prendre la défense de mon ennemi, beaucoup semblent plutôt enclines à mettre en doute le soi-disant respect des lois dont ferait preuve Averren. Aurait-il trop tiré sur la corde? Rien d'impossible en y songeant, d'autant plus que sa longue absence n'a pu qu'affaiblir son influence au sein de la noblesse. Mais cela sera-t-il suffisant pour me permettre de l'emporter? Peut-être, à la condition expresse que je ne fasse pas l'erreur de le sous-estimer. Après que Valyan ait ramené le silence d'un geste autoritaire, je reprends froidement:

"Vraiment? Je crois que vous ne mesurez pas très bien la situation dans laquelle vous vous trouvez, sieur. Averren ne rapportera aucune preuve, il n'en existe pas puisque je suis innocent de ce dont vous m'accusez. En revanche, gageons qu'il existe des témoins de la culpabilité de votre cher maître et que, lorsqu'ils parleront, vous serez considéré comme son complice dans tous ces assassinats. Êtes-vous bien certain de vouloir persister dans cette voie, messire Lareth'tar Syrëas?"

Je bluffe bien sûr, je n'ai aucun témoin ni même l'ombre d'une preuve, mais je sais aussi qu'Averren n'en aura pas davantage contre moi. C'est cette absence de preuves qui devrait me permettre de le défier légalement, mais au train où vont les choses je réalise que je n'en aurais peut-être jamais l'occasion. Mon ennemi est assez retors et vicieux pour me faire directement convoquer à Tahelta plutôt que de se risquer à se confronter à moi ici s'il apprend que j'ai le soutien de Valyan, et je suis raisonnablement sûr qu'il le saura dans les plus brefs délais. En attendant il me faut impérativement parvenir à contrer ce maudit Lareth et faire en sorte que les fiançailles soient entérinées aujourd'hui même, sans quoi je perdrai le peu de crédit que je suis parvenu à récupérer depuis mon retour. Malheureusement cela ne s'annonce pas sous les meilleurs auspices car il ne se laisse pas perturber par mes menaces:

"Oh que oui! Vous êtes un hérétique et un traître à notre pays, vos dires ne sont que fables inventées de toutes pièces! Je ne tolérerai pas que vous souilliez la noble famille 'tar Thinel et soyez en mesure de vous emparer de ses possessions en vous laissant vous unir à son héritière Nessimoise!"

Allons bon! Voilà qu'il se pose maintenant en garant de l'honneur de la famille de ma promise? C'est d'un ridicule achevé à mes yeux, mais je suis bien obligé de reconnaître que c'est adroit de sa part. Il détourne ainsi la conversation d'Averren et instille un doute dans l'esprit de ceux qui apprécient Sylënn et son père.

(Putain de politique! Bon sang que je déteste ça!)

(Calme-toi! La colère te fera commettre des erreurs et là tu n'y a plus droit), rétorque durement ma Faëra.

(Je sais. Mais il ne me laisse pas le choix et je vais perdre mon seul avantage sur Averren...)

(Cela vaudra toujours mieux que de perdre tout court maintenant. Si tu laisses passer ça tu le paieras très cher, Bien-aimé.)

Je sais qu'elle a raison, comme toujours, mais en perdant l'effet de surprise prévu je sais aussi que vaincre Averren sera nettement plus difficile et je n'ai pas la moindre idée quant à la manière dont je pourrai y parvenir dans ces conditions. Je dompte sévèrement les craintes et la colère qui menacent de me submerger et, malgré mon moral en berne, rétorque enfin de mon ton le plus glacial:

"Vous me qualifiez de traître et d'hérétique sans la moindre preuve, sieur 'tar Syréas, ce sont de très graves accusations. En vertu de nos lois ancestrales, il est de mon droit de demander réparation. J'exige que nous nous soumettions au Jugement de Sithi séance tenante."

Et voilà, c'est dit. Je viens de sacrifier mon meilleur atout alors que la mortelle partie d'échecs m'opposant à mon véritable ennemi n'a pas encore vraiment commencé...


Dernière édition par Tanaëth Ithil le Dim 21 Oct 2018 09:26, édité 1 fois.

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 Sujet du message: Re: [Sanssitr] Le temple de Sithi
MessagePosté: Jeu 18 Oct 2018 12:13 
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Le sieur 'tar Syréas tique sévèrement à mes paroles, mais là encore il ne se laisse pas décontenancer et rétorque avec morgue:

"Le...jugement de Sithi? Qu'est-là? Encore l'une de vos piteuses inventions? Le seul jugement qui aura lieu c'est celui que le Clergé ne manquera pas de vous infliger!"

Je m'apprête à riposter vertement, mais le vieux Valyan me prend de vitesse et intervient avec autorité:

"Vous faites erreur, messire. Cette loi existait déjà du temps où notre peuple vivait sur Eden et elle n'a jamais été abolie. Sans doute ce droit n'est-il plus guère utilisé à la cour de Tahelta où vous avez passé la majeure partie de votre existence, mais ici les antiques et nobles traditions martiales sont encore vivaces. Vous avez porté de graves accusations sans aucune preuve à l'encontre d'un membre de la haute-noblesse, l'heure est venue d'en assumer les conséquences."

Je devine au ton de l'Ithilauster que la situation n'a rien pour lui déplaire, comme c'est le cas pour les nombreux soldats de l'assemblée qui approuvent bruyamment le discours de Valyan. Peut-être cette approbation est-elle en partie due au rappel des origines Taheltiennes du sire, les rudes guerriers de la cité militaire du Royaume de Sarindel n'ayant guère d'estime pour les nobles pomponnés et oisifs de la capitale. A contrario je suis un Hirdam natif de Nessima et j'ai prouvé mon courage en affrontant Sylënn, ce qui joue indubitablement en ma faveur à cet instant ainsi qu'est en train de le réaliser Lareth'tar Syréas.

"Je...il conviendrait alors que vous m'expliquiez de quoi il retourne, messire 'tar Niaëvë...", marmonne-t-il d'un air aussi inquiet qu'ennuyé.

"C'est très simple en vérité: il s'agit d'un duel judiciaire, qui constitue par ailleurs l'une des seules exceptions à la loi disant que nul Sindel n'est autorisé à prendre la vie d'un autre Sindel. Je me dois d'ajouter que vous êtes en droit de faire appel à un champion pour vous représenter. Toutefois, s'il perd, votre vie appartiendra au seigneur 'tar Ithil."

Le noble pâlit notablement aux premiers mots de Valyan, ce qui n'a rien d'étonnant: il n'a rien d'un guerrier et même le dernier des sots ne parierait pas un yu sur lui dans un combat contre moi. Mais il se reprend à l'évocation de la possibilité de nommer un champion et laisse un sourire mauvais qui ne me plaît pas du tout ourler ses lèvres:

"Fort bien. En ce cas, veuillez informer messire Athyërel que je requiers son aide pour défendre mon honneur."

Par tous les dieux! De tous les combattants de Nessima, Athyërel est sans aucun doute l'un des plus dangereux. Sans compter que même si je parvenais à le vaincre cela me vaudrait certainement de sérieuses rancunes car ce sire n'est autre que le redouté bras droit du général Gaëren'tar Ethariël. Cet enfoiré de petit noble vient de retourner la situation et c'est maintenant moi qui suis pris au piège! Je frémis imperceptiblement alors que quelques gouttes de sueur froide coulent lentement le long de ma colonne vertébrale, je savais bien qu'Averren et ses amis avaient de solides soutiens dans la cité, mais à ce point... Enfin, le vin est tiré et il va falloir le boire, si aigre soit-il.

D'un air sombre, Valyan ordonne à l'un des soldats d'aller quérir le sire en question puis s'adresse à la foule en l'informant que la cérémonie reprendra après le duel, lequel ne débutera que dans quelques heures, le temps d'aller chercher Athyërel et de le ramener ici. Profitant du relâchement de l'assemblée qui se met à discuter des événements et à pronostiquer sur l'issue du combat à venir, je me rapproche de Valyan et lui demande discrètement:

"Pourquoi avoir clamé ces titres dont je me réclame, messire? Je ne pensais pas que vous y accorderiez foi..."

Le vieil Ithilauster m'adresse un sourire rusé et murmure en retour:

"Je suis féru d'anciennes légendes, vois-tu, en particulier de celles qui n'ont pas été trafiquées par mes pairs. Je me souvenais avoir lu quelque chose à propos des "lames du crépuscule", mais de là à m'attendre à ce qu'un Sindel se réclame de ce titre ayant disparu avec notre monde d'origine... Bref, il fallait que j'en aie le coeur net et tu n'es pas le seul à avoir une petite compagne qui en voit beaucoup et ne ment jamais, jeune Sindel."

Ah. Voilà qui explique les "bavardages" précédents de ma Faëra, à qui je grommelle mentalement:

(Tu aurais pu me prévenir de tes manigances, quand même!)

(Et me priver du spectacle de ta tête quand il l'a annoncé? Pour rien au monde), rétorque Sindalywë d'un ton moqueur qui me fait grimacer intérieurement. Plus gravement, elle reprend: (Tu es devenu un rude guerrier mon Bien-aimé, mais en matière de politique et de diplomatie tes compétences laissent sérieusement à désirer. Tu as pris un risque colossal en te dévoilant sans aucune manière de prouver tes dires lors du combat contre Sylënn, je fais en sorte que cela ne se retourne pas contre toi.)

(Mouais, admettons...)

Revenant rapidement à Valyan qui me dévisage d'un air amusé, je lui demande pensivement:

"Ne craignez-vous pas d'être à votre tour accusé d'hérésie, si d'aventure je perdais ce combat?"

L'Ithilauster me fixe droit dans les yeux durant un instant, puis il hausse les épaules:

"Si je me souviens bien, j'ai prêté serment de servir Sithi et le peuple Sindel, pas une bande d'assoiffés de pouvoir qui a trahi tout ce qui est sacré en affirmant à tort que notre Créatrice a disparu. Je suis vieux et las des mensonges, mon jeune ami."

Je le dévisage avec un respect nouveau pendant quelques secondes, puis j'incline légèrement le visage en lui répondant simplement:

"Merci, Valyan, je n'oublierai pas."

Tandis que le prêtre se met en demeure de faire servir à boire aux personnes présentes, je rejoins Sylënn et son père qui se sont poliment tenus à distance alors que je palabrais avec Valyan:

"Désolé pour ce contretemps..."

"Un contretemps?! Par Sithi, as-tu déjà vu Athyërel se battre" s'exclame Sylënn d'une voix dure?!

"Du calme ma fille", intervient son père Asuran avant de nous faire signe de nous écarter un peu de la foule.

Une fois hors de portée des oreilles indiscrètes, je réponds à ma promise d'un ton neutre:

"Non, mais quelle importance? Ce maudit Lareth ne m'a pas laissé le choix."

"Il dit vrai", remarque à nouveau Asuran avant d'ajouter à voix basse: "Néanmoins cela pourrait tourner à notre avantage. Si vous parvenez à remporter ce combat Averren aura du mal à utiliser contre vous une accusation d'hérésie, puisque c'est précisément l'enjeu de ce duel qui fait appel au Jugement de Sithi."

"Père! Tu connais Athyërel bon sang! Tanaëth ne gagnera pas, pas contre lui!"

"Personne ne pensait qu'il te tiendrait tête, alors qui sait?"

"Quoi qu'il en soit les dés sont jetés, discuter de mes chances de victoire n'avance pas à grand chose", remarqué-je doucement.

Les heures qui suivent sont lourdes d'attente et de silence, du moins en ce qui nous concerne car les spectateurs spéculent avec plus ou moins de passion sur les conséquences de ces événements imprévus et l'issue du duel à venir. Ils n'hésitent pas à parier des sommes parfois importantes, sur mon adversaire pour la plupart; une situation qui n'est pas sans me rappeler quelque peu l'arène d'Omyre, ceux prêts à miser sur ma victoire n'y étaient pas nombreux non plus...


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 Sujet du message: Re: [Sanssitr] Le temple de Sithi
MessagePosté: Ven 19 Oct 2018 18:48 
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L'insoutenable attente prend subitement fin lorsque, dans un grincement de fin du monde, les lourdes portes du temple s'écartent devant mon adversaire, engendrant un courant d'air qui fait dangereusement vaciller les flammes des torches éclairant la nef. Athyërel... les histoires qui courent à son sujet sont nombreuses et souvent bien sombres. On le dit né à Raynna voilà plus de deux millénaires, lieu où il se serait si bien illustré par sa cruauté et sa brutalité qu'il aurait été engagé dans le légendaire corps d'élite des "Fils du Dragomélyn". On raconte aussi que ses exploits macabres dans le désert de Sarnissa auraient été tels que le roi en personne l'aurait nommé à la tête d'une unité de choc parcourant nos colonies afin d'y briser les peuples s'opposant à nos conquêtes; Certains disent qu'il s'y déshonora en massacrant une tribu qui s'était ralliée aux Sindeldi, qu'il fut relevé de ses fonctions et que c'est ce qui le ramena au Naora. D'autres prétendent qu'il n'en est rien et qu'il revint de son propre chef servir Gaëren'tar Ethariël à Nessima. Je ne sais ce qu'il en est vraiment, la vérité le concernant est aussi fuyante que de fins grains de sable, mais il y a assez d'éléments pour me convaincre qu'aucun des adversaires que j'ai combattu jusqu'à ce jour n'était aussi redoutable que cet impitoyable tueur.

Je l'observe avec une extrême attention alors qu'il s'avance dans la salle, cherchant le plus infime déséquilibre dans sa posture, le plus petit signe d'une ancienne blessure qui pourrait constituer une faille exploitable, mais je ne vois rien. Il se déplace avec cette grâce emplie de puissance des combattants-nés et je frémis en réalisant à quel point il est plus grand et plus lourd que moi. Je lui rends une bonne tête et sans doute pas loin d'une cinquantaine de livres, autant dire que je n'aurai pas l'avantage de l'allonge et pas davantage celui de la puissance des coups. Son visage fin, surmonté d'une étrange coiffure auburn retenue par un large bandeau taché de sang, est figé en un masque dur et froid alors qu'il me scrute aussi attentivement que je le fais. Il porte une lourde armure de facture inhabituelle qui forme comme une robe d'écailles le couvrant jusqu'aux chevilles tandis que des plaques d'acier ornementées protègent ses épaules et le haut de son torse. A cela s'ajoute le casque intégral qu'il porte pour l'instant sous le bras et qui semble conçu pour s'ajuster parfaitement avec le reste de ses protections.

(Bon sang, tu as vu cette armure Sindalywë?! Chaque partie recouvre la suivante, il... il n'y a pas de faille... pas de jointures...)

Ma petite compagne de fluide garde le silence, mais elle n'a nul besoin de parler pour que je sente son inquiétude qui fait miroir à la sourde angoisse qui a pris place en moi. Pire encore, Athyërel porte une splendide épée à deux mains à la lame cristalline aussi haute que lui qui accentuera encore la différence d'allonge, une arme qu'il doit d'ailleurs manier d'une seule main à en juger par le puissant bouclier accroché à son dos. Bouclier qui rendra sa défense plus impénétrable encore, comme s'il en avait besoin...

(Je la sens très mal, là...)

Image


(Reprends-toi! Tu es le Champion de Sithi par les enfers! Aucun guerrier n'est invincible, mais chasse cette foutue peur ou il t'écrasera d'une seule main!)

(Plus facile à dire qu'à faire, Sindalywë, foutrement plus facile...)

(Assez! Honore la confiance que Sithi a placé en toi! Tiens-tu vraiment à crever en tremblant comme un lâche? Non? Alors souviens-toi de quelle lignée tu es issu et prouve au monde qu'elle n'a pas perdu sa grandeur!)

Le virulent discours de ma Faëra flagelle si durement ma fierté et mon orgueil que je me redresse instinctivement et prends quelques amples inspirations pour retrouver mon courage défaillant. Pourquoi éprouvé-je une telle terreur devant cet Elfe, au juste? J'ai combattu les pires horreurs d'Oaxaca, j'ai anéanti ses guerriers d'élite et trucidé une Matriarche Shaakte au coeur de son armée. J'ai affronté sans faiblir des Arctosas et une monstrueuse araignée bardée de piques, j'ai terrassé un maître Nécromant ainsi que son colosse d'ossements, j'ai survécu à Raynna et je tremble devant un vulgaire Sindel?! Pourquoi par tous les dieux?! Qu'est-ce qui a changé?

(Tu n'avais rien à perdre, Tanaëth, voilà ce qui a changé.)

Les paroles de Sindalywë me percutent comme un coup de masse tant elles pointent ce qui n'est autre, je le réalise lentement, que la source de ma peur. J'ai vécu en exil durant des années, doutant de jamais pouvoir revenir chez moi et reprendre place parmi les miens, je n'avais rien d'autre à perdre que ma vie. Mais maintenant, après d'innombrables combats et prises de risques, j'ai retrouvé mon pays, mon titre et mon héritage; je m'apprête à épouser une Sindel de la haute-noblesse et à déjouer ainsi toutes les manigances d'Averren. Et c'est cela que je crains de perdre, cette somme de petites choses conquises de haute lutte. Peu à peu, je prends conscience de l'absurdité de cette crainte qui, j'en suis intimement convaincu, fera de moi un être aussi indigne de Sithi que ceux que j'ai juré de combattre si je la laisse envahir mon coeur. Ce n'est pas le pouvoir qui corrompt, c'est la peur.

"Alors petit, c'est toi l'hérétique que je dois massacrer? Je devrais me sentir offensé que l'on m'ait dérangé pour si peu. La rouste que t'a infligée Sylënn ne t'a pas suffit?"

La voix méprisante d'Athyërel me sort brutalement de mes pensées, mais j'ai désormais retrouvé ma sérénité et c'est sans frémir que je relève mes prunelles de jais pour les river au bleu pâle des siennes:

"Espérez-vous m'assommer à coups de pavanes, sieur? Nous avons failli attendre, auriez-vous éprouvé l'urgent besoin de soulager vos intestins avant de m'affronter?"

"Et seriez-vous aussi sot que vous êtes fat? Le seigneur Ithil m'a vaincue, pourquoi pensez-vous que j'ai accepté de l'épouser? Il n'a lâché son arme que pour épargner ma vie", ajoute Sylënn d'une voix forte, à ma plus grande surprise.

Un éclat de colère brille dans le regard de mon adversaire, mais il se contente d'afficher un sourire mauvais en guise de réponse alors que la foule s'écarte prudemment de nous tout en commentant avec plus ou moins de stupéfaction l'aveu imprévu de ma promise. Pourquoi est-elle intervenue? Pour rétablir la vérité au cas où je perdrais la vie dans ce combat? Enfin, cela n'a guère d'importance dans l'immédiat, déjà Athyërel enfile et attache son casque, puis s'empare de son bouclier et l'ajuste rapidement à son bras avant de me demander d'un ton sarcastique:

"Un dernier mot pour la postérité, petit?"

Seul le macabre chuintement de mes lames sortant de leurs fourreaux lui répond, et là j'ai l'ardent plaisir, c'est le cas de le dire, de voir l'arrogant Athyërel tiquer lorsqu'il aperçoit l'impressionnante flamme que dégage ma lame Naorienne. Contrairement à mes habitudes ce n'est pas ma Vorpale que j'ai dégainée en seconde main, mais l'épée de mon ancêtre récemment incrustée de nouvelles runes. J'ai pris soin de tester leur effet ces derniers jours et, même si j'ignore les limites exactes du pouvoir qu'elles me confèrent, peut-être suffira-t-il à me donner un petit avantage au moment crucial? Quoi qu'il en soit l'Ithilauster s'avance alors et impose le silence en levant une main autoritaire avant de déclamer:

"Ô Sithi, Mère Créatrice, Guide et Protectrice des Sindeldi, en cette nuit de pleine lune nous t'implorons de nous éclairer de ta sagesse! Deux de tes enfants se soumettent à ton Jugement, aussi entends notre prière: prête ta force au juste, protège celui de tes Fils qui honore tes enseignements afin que triomphe la vérité! Que nul Sindel ne s'avise de remettre en cause l'issue de ce jugement sous peine de s'attirer ton juste courroux, car au travers du sort des armes c'est ta volonté qui se sera manifestée. Ô Sithi, entends notre prière et montre-nous la Voie!"

Le vieux prêtre se tourne alors vers nous et ajoute sombrement:

"N'oubliez pas qui vous êtes, Fils du Crépuscule, lorsque la fureur du combat se sera emparée de vous. Faites honneur à notre Mère et à vos ancêtres, restez dignes et nobles dans la victoire comme dans la défaite. Que le combat commence!"


Dernière édition par Tanaëth Ithil le Dim 21 Oct 2018 22:32, édité 3 fois.

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 Sujet du message: Re: [Sanssitr] Le temple de Sithi
MessagePosté: Sam 20 Oct 2018 14:42 
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Je n'ai que le temps de rassembler massivement mon énergie spirituelle et de la déployer afin d'améliorer ma maîtrise d'armes avant que mon adversaire ne se jette sur moi d'une contre-volte si foudroyante que c'est à peine si mon oeil parvient à suivre son geste. Je relève fébrilement mon ardente afin de dévier le coup tout en essayant de me décaler d'un entrechat afin de me remettre hors de portée de la redoutable épée à deux mains, mais au choc de nos lames je réalise avec effroi que j'ai sous-estimé la force de mon ennemi. L'impact est si brutal que je ne dois qu'à mes réflexes acérés de ne pas me manger ma propre épée en pleine figure et que je manque de peu en perdre l'équilibre. Je parviens de justesse à me reprendre d'une contorsion, mais déjà la puissante lame cristalline vrombit dans les airs en vue de me trancher le bras gauche que ma défaillance a malencontreusement exposé. Atterré, je réalise en une fraction de seconde que je n'ai ni le temps d'interposer l'une de mes lames ni la moindre chance d'esquiver ce coup trop vif pour moi. Par Sithi, ce combat va-t-il s'achever sans que j'aie seulement eu l'occasion de lui porter une attaque?! D'un geste désespéré, je relève hâtivement l'avant bras visé afin que la lame frappe mon brassard de mithril plutôt que mon coude, mais si ma protection ne résiste pas...

Récemment améliorée et renforcée de runes, mon armure encaisse bravement le choc sans céder, mais là encore la force du coup est telle qu'elle me déséquilibre et me fait pivoter bien contre mon gré tandis qu'une douleur sourde jaillit de mon membre durement heurté! Bordel! Pas de plaie ouverte pour cette fois, mais ce foutu Athyërel serait bien capable de réduire mes os en compote au travers de mon armure par la seule puissance de ses coups! Et cette crevure n'a clairement pas l'intention de me laisser la moindre chance car déjà il enchaîne d'une brutale taillade visant mes genoux. Néanmoins, si rapide qu'il soit, je ne suis pas précisément lent et, cette fois, j'ai le temps de tenter un petit quelque chose. Je puise une nouvelle fois dans mon Ki, sans aucune modération car je sais fort bien que le combat ne durera pas assez pour que je risque de l'épuiser compte tenu de ma capacité à l'employer, et le modèle d'un rude effort de volonté afin de conjuguer la Danse de Moura avec celle des Lames Défensives. Pas un instant jusque là je n'ai été en mesure de l'atteindre, son allonge est trop supérieure à la mienne, mais peut-être qu'en esquivant plusieurs de ses coups d'affilée je pourrais trouver une faille dans sa défense?

(Aide-moi Moura, je t'en supplie!)

Il y a bien une petite voix au fond de moi qui me crie que prier Moura dans un temple de Sithi n'est pas forcément la meilleure idée qui soit, mais je me soucierai plus tard de l'éventuelle désapprobation de ma Créatrice, pour l'instant je n'ai qu'une pensée en tête: survivre quelques secondes de plus. Porté par la déferlante d'énergie spirituelle que je viens de déclencher, je parviens à éviter d'un cheveu l'attaque contre mes genoux, puis une autre en direction de ma tête et une encore visant ma main droite. Mais de faille dans la défense de mon adversaire il n'y a pas l'ombre, non seulement il me maintient avec une adresse consommée à distance, mais de plus son bouclier parfaitement positionné constitue un rempart que je ne vois absolument pas comment franchir. Concentré à l'extrême, le corps placé de manière à lui offrir le moins de surface possible, je suis bien forcé de me cantonner à une défense qui, je ne le sais que trop bien, ne fait que m'octroyer un sursis. Ondulant comme la houle sur l'océan ou tournoyant follement pour interposer mes lames, je parviens non sans difficultés à esquiver ou parer la demi-douzaine de coups brutaux que mon adversaire enchaîne avec une férocité croissante; mais toutes les bonnes choses ont une fin, la terrible lame d'Athyërel trouve soudain moyen de franchir ma garde et me percute l'épaule droite avec une violence dévastatrice.

Je suis si brutalement projeté au sol sous l'impact que je n'ai pas même le temps d'essayer d'amortir ma chute, ni celui d'essayer de maintenir ma prise sur la poignée de ma lame flamboyante qui voltige à plusieurs mètres de moi. La vague de souffrance écarlate qui me submerge dans la foulée m'apprend que cette fois mon armure n'a pas tenu le choc, j'entends des clameurs s'élever de la foule, atterrées ou au contraire jubilatoires, mais j'ai l'étrange impression qu'elles proviennent de très loin. Mon esprit est si confus que c'est à peine si je perçois les hurlements mentaux de ma Faëra:

(BOUGE! BOUGE PAR SITHI!)

Au travers du brouillard qui semble s'être abattu sur mes yeux, je distingue vaguement mon ennemi qui s'approche et lève son arme pour m'achever, mais ma confusion est telle que cela pourrait aussi bien n'être qu'un impalpable cauchemar dont je vais incessamment me réveiller. Bouger? A quoi bon? Je n'arrivais déjà presque pas à esquiver ses coups en étant en pleine forme, alors maintenant...

(REMUE TES FESSES FOUTRIQUET DE SINDEL!)

Dieux qu'elle m'agace quand elle hurle comme ça! Ce qui est sans doute son but en réalité, mais sur le moment je n'y songe pas et si je réagis, c'est uniquement pour qu'elle se taise et me laisse partir en paix. Je roule sur moi-même d'un soubresaut hargneux, juste à temps pour éviter que la lame de mon ennemi ne me fende proprement le crâne mais pas assez pour l'empêcher de m'atteindre une nouvelle fois, pile sur mon épaule déjà salement entamée. Je jappe de douleur et manque perdre connaissance, mais un hurlement provenant de je ne sais où parvient de justesse à attirer assez mon attention pour que je surmonte ma faiblesse d'un colossal effort de volonté:

"Tanaëth! NOOON!"

Sylënn? Pourquoi ce cri? Elle devrait plutôt être soulagée, ma mort lui évitera ce mariage qu'elle ne désirait pas, non?

(SOT! BOUGE PAR LES ENFERS!)

Je perçois soudain, au travers du brouillard qui occulte ma vision, une sorte d'éclair argenté que seul mon instinct le plus profond me permet d'identifier comme étant la lame de mon ennemi s'abattant une fois de plus. Et c'est ce même instinct qui me pousse, malgré l'effroyable douleur que cela m'inflige, à croiser mes avant-bras devant mon visage. Le choc est terrible, pour changer, trop pour que ma misérable parade ait une chance de le contrer, sauf que... je suis allongé sur le dos et mes brassards heurtent violemment mon armure de torse. Faute d'avoir assez de puissance pour l'enfoncer complètement ou m'encastrer dans l'inflexible sol de pierre, le tranchant mortel de la lame de mon ennemi s'arrête net à un cheveu de mon visage, si près que j'en sens le souffle glacial sur mes cils!

"Mais c'est qu'il serait presque coriace le petit hérétique", ricane le maudit Athyërel avant de relever sans hâte son arme pour en finir.

Un raz-de-marée de colère me submerge à ces paroles: n'ont-ils que ce maudit mot à la bouche, mes "frères" Sindeldi? Foutus faux-culs de pseudo-fanatiques, de quel droit me qualifient-ils d'hérétique alors que leur putain de clergé affirme depuis des millénaires que la déesse qui justifie son existence est morte?! J'en ai marre. Marre! Cette subite rage qui m'envahit me fait retrouver un brin de lucidité, juste assez pour réaliser que j'ai encore un atout dans ma manche. Mon éthéré tigre runique apparaît à l'instant où mon ennemi entreprend de me fendre en deux et, plus vif que l'éclair, il se jette sous le tranchant mortel! Des cris de stupeur s'élèvent des spectateurs lorsque de la plus incompréhensible manière le redoutable Athyërel est à son tour projeté au sol sous l'impact de sa propre attaque, rudement sonné semble-t-il. Un rictus de souffrance, mêlé d'un peu de satisfaction morbide, ourle mes lèvres alors que je me relève au prix d'un effort qui me laisse un peu tremblant. Je vais peut-être crever, mais mon ennemi se souviendra de moi avec affection...

Malheureusement le choc n'a pas été suffisant pour l'abattre définitivement et il se relève avant que je n'aie eu le loisir d'aller jusque à lui pour l'achever. Nos regards se croisent et je lui adresse un sourire polaire en voyant poindre dans ses prunelles si assurées une bonne dose d'incompréhension délicieusement mâtinée de doute:

"Pas bientôt fini de jouer? Je n'ai pas toute la nuit, une dame m'attend."

Ma provocation, gratuite ou presque, fait naître un éclat de colère dans ses prunelles de glace et c'est avec un indicible mépris qu'il me rétorque:

"Il n'y a que toi qui pisses le sang, petit. Je crois que je vais juste attendre un peu et te regarder mourir."

De fait la riposte de mon tigre n'est pas parvenue à entamer son armure, mais tout comme j'ai pris cher auparavant par le seul impact de ses coups, celui qu'il a reçu l'a ébranlé. Pas assez toutefois, des deux il est évident que je suis le plus mal en point et le sang que je perds effectivement en abondance m'affaiblit de seconde en seconde, mais peut-être qu'en le provoquant encore un peu...

"Tu n'as aucun courage, juste une grande gueule, Athyërel. Fais semblant d'être un vrai Sindel une fois dans ta vie, viens donc achever ce que tu as commencé si tu en es capable!"

Les huées qui jaillissent de la foule viennent à point nommé soutenir ma provocation et il se rue soudain sur moi grondant des imprécations à en faire pâlir un charretier. Je l'attends de pied ferme, enfin, mentalement en tout cas car physiquement c'est à peine si je tiens debout, et puise dans les tréfonds de mon courage la force de ne pas frémir devant sa charge effarante de sauvagerie. Je ne tente nullement d'esquiver ou de parer le monstrueux coup de taille qu'il lance, bien que je décèle parfaitement qu'il a pris soin de le renforcer de sa propre énergie mentale. En temps normal je tremblerai en prévision de l'impact ravageur de ce coup colossal, mais là je m'en réjouis car dans le chaos des derniers instants il a oublié un "petit" détail.

Pour la deuxième fois, mon tigre d'ether, presque invisible mais toujours bel et bien prêt à prendre les coups à ma place s'interpose devant la lame meurtrière. Et cette fois la riposte de mon fauve runique est dévastatrice, le coup qui m'aurait sans doute littéralement fendu en deux percute la poitrine son auteur dans un odieux bruit de métal fracassé et d'os brisés, le projetant violemment contre le monolithe de pierre grise qui sert d'autel. Peu soucieux de lui laisser la moindre chance de se reprendre, je me contrains à ignorer le vacarme produit par les spectateurs et puise une fois de plus dans mon Ki, puis le canalise dans la seule lame qu'il me reste avant de faire décrire à cette dernière un puissant mouvement circulaire évoquant un vent furieux. L'onde de choc issue de ce coup empruntant la force de Rana frappe durement la tête casquée de mon ennemi et la propulse sans douceur contre l'autel, assez rudement pour l'assommer je l'espère, parce que je sens que je ne tiendrai plus bien longtemps debout. Malheureusement...

(Mais merde, il est fait en quoi ce mec?!)

Sonné il l'est, ça ne fait pas le moindre doute, mais ce monstre de puissance est encore capable de bouger et d'essayer de se redresser! Je me dirige vers lui en titubant et en jurant intérieurement, douloureusement que mes forces sont en train de me lâcher et que si je ne parviens pas à en finir dans les secondes qui viennent c'en sera fait de moi. Il faut que je l'achève et...

(Tu te souviens de ce qu'a dit Valyan avant le combat? C'était...pertinent.)

(Tu plaisantes?! Tu veux que...)

(Oui. Souviens-toi de celui que tu es, Tanaëth.)

Seule l'absolue confiance que j'ai en ma Faëra est susceptible de me faire entendre raison à cet instant où je ne brûle que d'une envie: plonger ma lame dans le coeur de ce maudit. Au lieu de quoi je me contente de la faire sonner rudement du plat contre le casque de mon ennemi afin de l'étourdir davantage, puis de la glisser sous le rebord de son couvre-chef d'acier afin que le tranchant de ma lame appuie sur sa gorge. Après un ultime instant d'hésitation, je gronde d'une voix hachée par la douleur et la faiblesse:

"Rends-toi et... j'épargnerai ta vie...pour l'amour de Sithi."

Athyërel me jette un regard noir, bien qu'il soit voilé par la souffrance que doivent lui infliger ses côtes brisées, et garde si longuement le silence que je me demande avec une sourde inquiétude s'il n'est pas en train de me préparer un coup tordu. Puis, enfin, il maugrée avec une évidente mauvaise volonté, juste assez haut pour que je l'entende:

"Je me rends..."

"Parle plus fort, je n'entends rien."

"Je me rends! ça te va cette fois?"

J’acquiesce d'un hochement de tête avant de retirer prudemment mon arme de sa gorge. Ce n'est pas que je n'ai pas confiance en lui, mais c'est tout comme et je tenais à ce que d'autres entendent sa reddition pour éviter toute mauvaise surprise. Elle est arrivée juste à temps d'ailleurs, car ma vue se parsème soudain de points noirs et je m'effondre avec cette dernière pensée saugrenue:

(Succomber aux pieds d'un ennemi vaincu par ses propres coups, tu parles d'une fin glorieuse...)


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 Sujet du message: Re: [Sanssitr] Le temple de Sithi
MessagePosté: Sam 20 Oct 2018 20:32 
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J'émerge, je ne sais combien de temps plus tard, sous la délicate caresse d'une paire de gifles assenées d'une main de maître par la douce Sylënn.

"Hey! Reste avec nous bougre d'imbécile! Avale ça!"

Une main me soulève légèrement la tête tandis qu'une autre insinue vicieusement quelque chose entre mes lèvres en profitant de ce que je tente de répliquer à cet accueil chaleureux. Comme bienvenue dans le monde des vivants on a vu mieux, allais-je dire avant qu'un liquide ne manque de m'étouffer en coulant par saccades dans ma gorge. Mais mon envie de me plaindre s'estompe vite lorsque je sens l'intolérable douleur qui me taraude l'épaule refluer, finalement me faire boire une potion de soin n'est pas une si mauvaise idée... Après avoir réussi l'exploit de tousser et grogner de soulagement simultanément, j'entends Asuran, le père de Sylënn, déclarer d'un ton aussi indécis qu'ennuyé:

"Il va falloir remettre la cérémonie à la prochaine pleine lune..."

Prenant sur moi pour me redresser un peu et être en mesure de croiser son regard je lui rétorque un peu plus sèchement qu'il ne le faudrait:

"Pas question! Aidez-moi à me relever et finissons-en!"

"Vous plaisantez? Vous n'êtes pas en état messire'tar Ithil."

Agacé, je tourne le visage vers Sylënn et lui demande d'un ton plus doux:

"Aide-moi à me lever, veux-tu?"

"Tu sais que tu es têtu comme une mule quand tu t'y mets? Crois-tu vraiment que j'ai envie de me fiancer avec un type en sang qu'il me faudra quasiment porter pour qu'il tienne debout?!"

Un rire rauque franchit mes lèvres, puis je lui rétorque avec une sombre ironie:

"C'est toujours mieux qu'un fiancé sans tête, non?"

La rude commandante lève les yeux au ciel, enfin, au plafond, et soupire profondément avant de se résigner à m'aider à me remettre sur mes jambes ainsi que je le lui ai demandé.

"Misère...ça tourne..." grommelé-je en m'appuyant lourdement sur elle. "Où sont mes armes et... que s'est-il passé?"

"A qui la faute? Ha, je m'en souviendrai de ces fiançailles! D'un romantisme rare, vraiment! Tes armes sont dans leurs fourreaux, autrement dit sur toi. Quant à Athëyrël et Lareth...un problème de vue peut-être?"

Elle me les désigne d'une main, le premier étant exactement là où je l'ai laissé et le second au premier rang des spectateurs, étroitement encadré par deux gardes militaires. Humpf. Bon. Autant essayer de dévier quelque peu la conversation:

"Plains-toi, si j'avais seulement émis l'idée de faire des fiançailles romantiques tu m'aurais renvoyé fissa à Raynna!"

"C'est toujours possible..."

Mais... c'est qu'elle serait presque sérieuse, en plus?! Presque car, presque indiscernable, j'aperçois un rare sourire au coin de ses lèvres, qui indique mieux qu'un long discours qu'elle n'en pense rien et que la situation l'amuse plus qu'autre chose. Me penchant à son oreille, je lui murmure d'un ton faussement offensé:

"Bon, fais au moins semblant de ménager mon égo de mâle en me "portant" discrètement et allons-y?"

Dans un silence assourdissant, nous nous approchons de Valyan, qui m'observe d'un air quelque peu dubitatif de sous ses sourcils broussailleux, comme s'il s'attendait à ce que je m'écroule à chaque pas. Ce qui ne manquerait pas d'arriver si ma robuste promise ne me soutenait pas d'une main de fer, d'ailleurs, mais grâce à elle je parviens jusqu'à l'Ithilauster sans me couvrir de honte. D'une voix assez forte pour être entendue de tous, il me désigne les deux sires qui ont tenté d'empêcher nos fiançailles et demande:

"Que doit-on faire des vaincus, seigneur 'tar Ithil?"

Je jette un regard pensif à mes deux opposants, puis je lui réponds calmement:

"Je n'ai aucun grief envers Athëyrël, il a bravement combattu pour défendre une cause qu'il pensait juste. Qu'il soit emmené à l'infirmerie et soigné. Son arme et son armure constitueront le prix de sa vie. Quant au sieur Lareth'tar Syrëas, le Jugement de Sithi a prouvé qu'il était coupable de ce dont je l'ai accusé, à savoir complicité de meurtre sur mes parents et leurs gardes. Qu'il aille méditer ses fautes à Raynna."

"Que...moi?! A Raynna! Jamais! J'ai des amis, des amis puissants, ils s'opposeront à cette injustice et vous le payerez très cher!"

C'est Valyan qui se tourne pour lui répondre durement:

"Nul n'a le pouvoir de s'opposer à un Jugement de Sithi, sieur. Messire 'tar Ithil serait en droit d'exiger votre vie, estimez-vous heureux qu'il n'exige que votre bannissement. En tant que représentant de Sithi et Ithilauster de Nessima, je vous déchois de vos titres et possessions et vous condamne au bagne jusqu'à ce que mort s'ensuive. Emmenez-le."

Pour avoir connu Raynna, je ne suis pas du tout convaincu que cela soit préférable à la mort, mais je m'abstiens bien évidemment de faire part de mon avis et observe froidement le noble qui se met à geindre:

"Nooooonnnnn! Vous...vous ne pouvez pas! J'ai une femme, des enfants et..."

Le garde placé à sa droite lui inflige un rude coup de son poing ganté d'acier sur le crâne pour le faire taire, puis les deux soldats l'entraînent sans plus attendre tandis que quatre autres se mettent en demeure de porter Athëryël jusqu'à l'infirmerie. Le prêtre se retourne alors vers moi pour préciser:

"Selon la loi, les biens du condamné te reviennent. Souhaites-tu exercer ce droit?"

"Non. Je ne plongerai pas des innocents dans la misère, ce serait bien mal honorer les enseignements de Sithi. Qu'ils soient remis à sa famille."

Ma clémence, à dire vrai quelque peu intéressée car je ne tiens pas particulièrement à attiser la rancune de cette famille que je sais puissante au Naora, semble m'attirer l'approbation de bon nombre de personnes dans l'assemblée, ce qui me vaudra peut-être quelques nouveaux appuis dans les prochains temps, qui sait? Quoi qu'il en soit Valyan reprend alors la parole afin de faire connaître à tous l'issue du Jugement et ses conséquences, dont la seule qui m'importe véritablement: j'ai prouvé par ce combat d'honneur que je n'étais pas un hérétique et m'attaquer une fois encore sur ce point risquerait fort de se retourner contre celui qui s'y risquerait, les soldats de Nessima étant très attachés aux traditions martiales. Après ce laïus il reprend enfin la cérémonie, non sans l'abréger notablement réalisé-je vite, mais de cela je lui sais gré, compte tenu de mon état. Une courte mais belle prière plus tard, il nous refait face et nous demande gravement:

"Sylënn'tar Thinel, vous engagez-vous à épouser Tanaëth'tar Ithil dans deux lunes, ainsi que le veulent nos traditions?"

"Je m'y engage."

"Tanaëth'tar Ithil, vous engagez-vous à épouser Sylënn'tar Thinel dans deux lunes, ainsi que le veulent nos traditions?"

"Je m'y engage."

Côte à côte, nous présentons nos poignets à l'Ithilauster lorsqu'il nous fait signe, afin qu'il puisse nous lier symboliquement au moyen d'une bande de tissu argenté orné de motifs lunaires, puis le vieux prêtre que je considère désormais comme un ami achève solennellement:

"Au nom de Sithi je vous déclare désormais fiancés et engagés sur l'honneur à vous unir dans deux lunes. Puisse notre Créatrice bénir ce couple qui se forme aujourd'hui et lui apporter longue vie et prospérité."

Un vacarme assourdissant d'acclamations de toutes sortes ébranle la salle comme un coup de tonnerre à ces derniers mots, mais c'est à peine si je l'entends tant je dois me concentrer pour ne pas m'effondrer comme une poupée de chiffon. Je peine à réaliser que je suis désormais fiancé à cette Sindel que je connais à peine, sans doute cela viendra-t-il plus tard, mais pour l'heure il nous reste encore quelques petites choses à faire avant que je ne puisse m'autoriser à céder à mon épuisement. Toujours liés par le pan de tissu, nous fendons la foule jusqu'aux portes du temple et nous engageons sur la corniche permettant de rejoindre Nessima, un chemin dont la seule idée du temps qu'il va nous falloir pour le parcourir me donne le vertige...


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