Après avoir quitté Brëanal en vue de Nessima à la fin de notre aventure à Raynna, il me faut un peu plus de deux heures pour retrouver l'entrée secrète de Sanssitr découverte durant ma jeunesse. Non que le paysage ait changé, mais les repères d'un gamin d'un mètre vingt et ceux d'un adulte de près de deux mètres ne sont pas les mêmes et je peine un peu à m'orienter au début. Malgré tout, je finis par repérer le simple creux rocheux, totalement anodin dans le paysage rocailleux, au fond duquel une dalle plate de pierre noire dissimule un étroit passage, tout juste une fissure, donnant accès au fond d'une petite salle oubliée de la ville souterraine.
Un sourd grognement de dérision m'échappe, lorsque je soulève la dalle et redécouvre ma fameuse entrée: elle me semblait large lorsque j'avais le gabarit fluet d'un Sindel de quarante ans, mais là... Aucune chance que je m'y glisse lourdement équipé comme je le suis, peut-être passerais-je juste si j'étais vêtu d'habits fins et encore n'irait-ce probablement pas sans mal. Il faut que j'entre pourtant, je connaissais bien un autre accès mais il a certainement du être muré après que l'une de mes escapades ait si mortellement inquiété mes parents qu'ils en avaient rameuté la moitié de la ville, du moins m'avait-il semblé à l'époque. Force m'avait été de fournir des explications détaillées lorsqu'ils m'avaient retrouvé en train de combattre un monstre imaginaire dans les collines entourant la ville, et je fus bien obligé de leur révéler l'existence du passage souterrain qui m'avait permis de quitter la ville sans que nul ne m'aperçoive. Connaissant mes parents de l'époque, ils avaient fait le nécessaire pour que le passage soit comblé, leur devoir de citoyens de Nessima l'imposait puisque c'est par ces tunnels inconnus qu'arrivaient les Eruïons lorsqu'ils décidaient de s'attaquer à la puissante cité fortifiée. Que cela ne fut pas arrivé depuis des siècles, personne ne s'en souciait, les lois disaient que tout passage non contrôlé par l'armée devait être condamné et ils condamnaient.
Reste ma faille, et sans doute quelques autres passages de petite taille que je n'ai pas découverts. Dubitatif, je reste une longue minute à observer l'entrée sous toutes ses coutures avant de me décider enfin à retirer armes et armure pour tenter de la franchir. Ce n'est vraiment pas large, mais je suis mince, souple et je n'éprouve aucune crainte devant ce genre d'épreuve, ayant déjà franchi mon lot de passages étroits dans les souterrains du Rock Armath et quelques autres, si bien que je parviens sans trop de mal à m'y faufiler jusqu'à atteindre la salle. Faire suivre mon matériel est une autre histoire, en particulier s'agissant de la cuirasse en acier de Maëren et de mon arc. Mais, moyennant une dizaine d'allers-retours dans la faille et un peu plus d'une heure d'efforts et de patience, je parviens enfin à amener l'ensemble de mes affaires à l'intérieur.
Plutôt que de me rééquiper de mon matériel, j'endosse l'armure d'acier récupérée sur le corps de Maëren et me munis du Tsalon pris, lui, au cadavre du sbire d'un Ithilauster véreux de Tahelta. Avec ma cape, je pourrais ainsi espérer passer pour un simple soldat plutôt que pour un noble officier, ce qui devrait limiter l'attention que pourraient me porter mes semblables. J'emballe soigneusement mes reliques avec ma couverture avant de les enfiler dans mon sac afin qu'elles ne soient pas visibles, puis je me remets en route.
(Sindalywë, fais-moi un peu de lumière, veux-tu?)
Elle ne discute pas cette fois et, ravie, elle file se lover dans son médaillon fétiche qui s'illumine d'une pâle lueur crépusculaire, bien suffisante pour que j'y voie clair. A partir de là, m'orienter s'avère moins aisé que je l'espérais mais, après quelques erreurs de parcours, je finis par rejoindre un certain nombre d'heures plus tard la vaste faille qui pourfend l'ancienne cité souterraine en deux et accueille à son extrémité nord le but de mon expédition: l'actuel temple de Sithi.
Ne tenant pas à croiser quelqu'un pouvant me reconnaître sur la longue et étroite corniche fréquentée qui, seule, donne accès au temple, j'attends prudemment les heures de visite creuses de la nuit suivante en me reposant et en réfléchissant à la manière dont je vais jouer la rude partie qui s'annonce. Mais un pas après l'autre, la première étape clé de mon plan est d'arriver à convaincre le vieux prêtre Valyan'tar Niaëve de m'aider, sans son appui je suis bon pour réviser toute ma stratégie.
Enfin, alors que la soirée doit commencer a être bien avancée dehors, les fidèles se font moins nombreux et je me risque sur la corniche longeant l'un des bords de la gigantesque faille au fond de laquelle coule un puissant torrent. Je croise quelques personnes malgré l'heure, mais elles ne font pas attention à moi et c'est sans encombres que je parviens, après environ deux heures de marche, en vue des deux immenses statues qui entourent la colossale entrée du temple, elle-même surmontée d'une pleine lune gravée dans le roc. La scène est éclairée par un grand artefact lumineux qui semble planer magiquement dans les airs et donne une ambiance mystique aux lieux, mais je ne m'attarde pas sur cette vision, l'ayant déjà contemplée à de nombreuses reprises par le passé et étant pressé de rencontrer le prêtre en charge de ce temple inhabituel.
|