"Mamie Isulka, mamie Isulka, raconte nous une histoire! -Oh oui, une histoire avec la terrible Aglaeka! -Non, non, comment tu as vaincu les paladins fous! -Et les elfes des marais! -Non pas les elfes des marais, ils font peur eux! -Mamie Isulka, raconte nous une histoire de Noël!"
"Du calme les enfants, du calme. Je vais vous raconter une histoire, mais avant, allez donc me chercher une tisane au miel... Et un peu de liqueur de cerise. Sinon ma gorge va être toute sèche et je pourrai pas finir..."
"Hum merci, ça fait du bien! Alors où j'en étais... Ah oui, une histoire de Noël. Il y a longtemps, bien longtemps, avant que les hordes d'Aglaeka la sauvage ne réduisent les hommes en esclavage; avant que les créatures infâmes que sont les Gueimastaires ne se révèlent au monde; avant que Silmeria la tueuse ne se fasse dévorer par des sauterelles; avant que Kaeras la grande ne fasse une sur-consommation de... Non ce n'est pas de votre âge tout delà. "
"A cette époque Daio le grand shaakt invincible n'avait pas encore été vaincu par David, le hobbit boutonneux; le maître des glace Iscarote portait encore le nom de fille qu'est Lillith; et il y avait ce capitaine Heartless: il n'avait pas encore commencé sa longue carrière et très loin était le naufrage sur des rives de cannibales qui le conduirait à sa perte; Lothindil n'était pas encore devenue un arbre et, quant à Cromax, il profitait de ses dernières aventures avant de devenir le seul moine chaste de Yuimen."
"Dans ces temps reculés, personne n'aurait pensé que derrière le mystérieux assassin Akihiko se cachait une femme. Pomme Étoile était encore un garçon, avant qu'Aglaeka la sauvage ne le croise. Yvain Maindargent n'était pas le chef de la terrifiante secte des donneurs de câlins. Miha Sirén ne s'était pas faîte martyre de Kendra kâr, distribuant des morceaux de son corps à tous les habitants affamés."
"Non, mon histoire se déroule bien avant, dans un monde qui avait encore un semblant de sens. C'était l'hiver, un hiver froid et glacial, comme on en fait plus. C'était dans les contrées de Nosvéris, un lieu que même les flammes ne sauraient réchauffer. Et pourtant j'y étais. Ce n'était pas mon choix cela dit: de maudits pirates avaient abordé mon navire, tuant tout mon équipage d'une manière absolument... terrifiante. Comme j'étais une femme, le cruel capitaine Barbe Cendrée m'avait faite prisonnière. J'avais une peur de tous les instants les enfants, mais j'étais une jeune femme pleine de ressources."
"Une fois sur le port, j'ai attendu que personne ne regarde et j'ai enflammé les voiles du bateau. Malgré le froid les flammes ont pris, car il s'agissait d'un feu magique. Et oui, dans ce temps j'étais une grande Mageresse. Vous voulez voir à quoi cela ressemblait? Oui? J'en étais sûre... Regardez la cheminée... Regardez bien... Et voilà! C'est joli n'est-ce pas? N'aie pas peur petit, les flammes ne vont pas sortir de la cheminée. Regarde, c'est déjà fini. "
"Le bateau des pirates a continué de bruler un certain temps lui et j'ai pu m'enfuir. Malheureusement la ville était minuscule et le port tout autant. Je ne pouvais pas repartir par la mer, car comme les pirates étaient bloqués ils n'allaient pas me laisser la chance de filer. Du coup je n'ai pas eu le choix, je suis partie, seule et à pied vers les plaines givrées. Avec les années je me dis que j'ai eu tort, j'aurais mieux fait de rester prisonnière et de m'enfuir plus tard, mais j'étais jeune et pleine d'énergie. Je n'avais pas encore atteinte la sagesse que j'ai aujourd'hui. Tiens petite, va me remplir mon verre de liqueur s'il te plait."
"J'en étais où? Ah oui la sagesse. Comme je le disais, à l'époque je n'étais pas encore le modèle de maturité que je suis actuellement. Pour preuve, je n'avais même pas pensé à voler la moindre peau de bête pour le voyage, qui s'annonçait bien frisquet. Cela dit, j'avais plus d'un tour dans mon sac. Voyez vous les enfants, j'ai récité une formule magique et je me suis transformée, tenez vous bien, en renarde! Grâce à ça j'ai pu aller très vite très loin, sans avoir trop froid. Quand la nuit tombait, je me trouvais une grotte où je me cachais. Quand j'avais faim je pistais des lièvres des neiges. Je m'en sortais plutôt bien, mais je n'avais pas envie de finir mes jours dans la toundra. J'étais d'ailleurs plus que perdue, n'ayant aucune idée d'où aller. Je ne savais même plus où était le port des pirates, c'est pour dire."
"Non ma petite, ne t'en fais pas, il n'y avait pas de chasseurs. Il n'y avait pas d'êtres humains du tout. J'étais toute seule... mais au bout de quelques jours, j'ai entendu un bruit étrange. Je me suis cachée et j'ai vu passé un traineau, tiré par six rennes. Qu'est-ce que c'est un renne? C'est une sorte de petit cerf. Moi non plus je ne savais pas qu'ils tiraient des traineaux. En tout cas, ce traineau était spécial: à l'intérieur, il y avait un gros monsieur, habillé en rouge, avec un bonnet rouge et une grande barbe blanche. J'ai tout de suite pensé à un ogre, mais cela m'étonnait, il n'y avait certainement pas assez de nourriture pour un ogre dans la région."
"Je suis sortie de ma cachette, je suis redevenue humaine et j'ai fait des grands signes. Le monsieur m'a vu et a dirigé son traineau vers moi. Il m'a alors dit d'une grosse voix de grand père:
"Oh Oh Oh, que fais-tu là ma petite?"
"Je cherche le chemin le plus rapide vers le continent." lui dis-je, évitant soigneusement de lui révéler que j'étais perdue. Il me fit alors signe de monter à côté de lui, en tapotant le bois du traineau. Je n'avais pas vraiment le choix et il n'avait pas l'air bien méchant, alors je suis allez m'asseoir à côté de lui. Il a fait un grand "huuuuu" et les rennes se sont élancés à toute allure, dans la neige. Je n'y voyais rien, mais ils avaient l'air de savoir où ils allaient."
"Après quelques heures, nous sommes arrivés dans... Non non, pas l'usine du père Noël, tu n'y es pas du tout. Non, nous sommes arrivés dans une ville gigantesque et illuminée de partout. Il y avait de grands bâtiments, plein de couleurs, très riches et décorés. Devant l'un il y avait un flamant rose géant, devant l'autre une carte à jouer de quatre mètre de haut. Le traineau s'est arrête devant une grande battisse tout en longueur, dont l'enseigne représentait une fille bien peu vêtue."
"Oh Oh Oh, bienvenue chez moi petite. Je m'appelle Talas Vegasse et c'est ma ville que voilà! Oh Oh Oh, si tu veux rentrer chez toi, il va falloir travailler! Oh Oh Oh, j'espère que tu es douée au cartes, sinon va falloir écarter tes jolies cuisses de nymphette!"
"Je l'ai suivi dans le tripot, qui accueillait les gens les plus riches et les plus influents de tout Yuimen. Peu importait s'ils étaient amis ou ennemis, en ce lieu ne comptait que les yus qui coulaient à flot, les cartes, les dés, l'alcool et les catins. "
"Je n'étais pas douée aux dés et le vingt et un n'était pas mon truc. Je n'avais pas spécialement envie de servir de prostituée au duc de Tulorim ou à l'un des copains d'Oaxaca. Par chance, je me trouvai un nouveau talent: le poker. La maison me fit crédit et, à force de partis endiablées et alcoolisées je profitais de ma formidable et réputée empathie pour plumer mes adversaires les uns après les autres. Je n'avais jamais été très douée aux jeux d'argent jusque là, mais à présent j'avais trouvé ma voie, et je l'exploitai avec virtuosité."
"Monsieur Vegasse me proposa alors de travailler pour lui, mais je préférais rentrer sur notre bon vieux continent, loin des singeries de la ville de Vegasse, la cité des glaces et des tripots. Il accepta de me raccompagner contre les économies que j'avais récoltées, puis il fit harnacher des rennes ailés. C'est ainsi, en traineau, que nous avons traversé l'océan, en quelques heures à peine."
"Une fois descendue, il me tendit un paquet cadeau, avant de me dire de sa voix grave:
"OH Oh Oh, joyeux Noël à toi petite! Tu pourras repasser chez Vegasse quand tu le voudras! Oh Oh Oh!" Et il partit sur son traineau, tiré par des rennes ailés. J'ai bien sûr ouvert le paquet cadeau: à l'intérieur, tenez vous bien, il y avait un paquet de cartes à jouer. Et ce paquet, il était truqué. Jamais on ne m'avait fait de cadeau de Noël avant, et le premier venait d'un vieux fou sadique. Malgré tout, j'étais contente et j'ai très vite rejoint le tripot local, pour continuer ma bonne fortune!"
"La morale de cette histoire les enfants, c'est que le père Noël n'existe pas, c'est une arnaque et si un gros monsieur vous le fait croire, ce n'est qu'un pervers qui veut vous prostituer. Maintenant du balais les gosses, avant que je ne vous transforme en crapauds!"
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