Inscription: Dim 18 Oct 2009 17:36 Messages: 7555 Localisation: Tulorim
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Portrait subjectif d'un homme sans passé
Émergeant d'un sommeil sans rêves, vous vous réveillez dans ce qui semble être une chambre d'auberge. En effet, l'agencement de la pièce, meublée très simplement d'un lit, d'une table et d'une commode vous rappelle à quel point les aubergistes du monde entier manquent cruellement d'imagination. Outre la vétusté de la piaule, vous remarquez sans peine – de part le bruit qu'il font – une enfant se chamailler avec un genre de bestiole luisante qui lui tourne autour. D'ailleurs celle-ci remarque votre réveil, cesse son petit manège et s'approche rapidement de vous en voletant, s'arrêtant à deux paumes de votre nez. Vu de plus près, vous constatez non sans étonnement que le petit être est auréolé de flammèches émeraudes qui, quoiqu'impressionnantes vues de près, n'en restent pas moins dépourvues de chaleur. Vos yeux se perdent dans le tourbillon ardent, et quant bien même vous tenteriez de focaliser votre regard que vous ne réussiriez pas à discerner son corps physique …
Soudain, une voix nasillarde vous force à reprendre vos esprits. « Hep dis voir, t'as fini de me mater l'entrejambe comme ça ? J'sais qu'j'en ai une grosse mais quant même. » « Uriel ! » La jeune fille s'était écrié d'une voix aiguë devant la réplique obscène du petit démon, s'approchant à son tour du lit pour l'en chasser. Déjà bien plus attentif qu'à votre réveil, vous notez qu'elle arbore une paire d'oreille ainsi qu'une queue ressemblant à s'y méprendre à celles d'un chat. Mais ce qui vous choque bien d'avantage, c'est la monstrueuse épée qu'elle porte dans le dos sans le moindre effort apparent.
Vous sortant une deuxième fois de votre stupeur, l'imp poursuit de sa voix désagréable, esquivant les moulinets de la fillette avec une aisance exubérante. « Ben quoi ? T'as vu comme y me r'garde ? … tu crois que c'est un pervers ? Ouch ! Elle est pas passé loin celle là ! » conclut-il en allant se réfugier à l'abri dans les combles. L'aniathy, impuissante, se contente de le fusiller du regard un long moment tandis que, perché sur une poutre, celui-ci esquisse des gestes obscènes en votre direction. Puis se retournant vers vous, elle vous gratifie d'un sourire enfantin. « Ne faites pas attention à lui monsieur, il finira par se calmer ... » « Compte là d'ssus ... » entendez vous au dessus de votre tête. « Ce n'est qu'une petite peste dénuée de savoir vivre. Je ne comprend pas pourquoi Lel' s'embête à le garder avec lui ... » termine-t-elle d'une petite voix. « Parce qu'il apprécie ma compagnie LUI au moins. Il sait reconnaître un ami de valeur, ce que je suis, assurément. » rétorque-t-il d'un ton hautain, complètement différent de son parlé précédent. L'aniathy, dégoûtée, ne prend même pas la peine de lui répondre, se contentant d'une grimace toute puérile à son encontre.
« Qu … qu'est-ce que j'fais ici ? » La question que vous vous posiez depuis le début avait enfin franchis vos lèvres. Entendant votre voix pour la première fois depuis votre réveil, l'aniathy sursaute en se retournant vers vous, avant de cafouiller une explication. « Ha, je, heu … Lel' … Je veux dire, vous êtes un chasseur de vers non ? Orlyn vous a trouvé non loin de la ville et ... » « T'es fait avoir comme un kobold hein ? Tu débute ou t'es juste bête à manger du foin ? » « Uriel ! » « Quoi ? J'pose des questions j'ai pas l'droit ? » « Cette personne est encore sous le choc, soit gentil, TAIS TOI ! » « Ne crie pas comme ça, tu va déranger notre malade. Est-ce que je crie moi … ? C'est dingue ça, elle donne des conseils alors qu'elle ferait de les appliquer à elle même … Ha ! ça m'apprendra à être compatissant tiens.» marmonne-t-il de façon parfaitement audible. « Excusez moi, ce … cette pustule volante me met parfois dans une colère noire ... » « Pauv' choupinette, il est méchant avec toi le vilain démon ? Tu va aller pleurer auprès de ton prince charmant ?» ricane-t-il. L'ignorant complètement, celle-ci poursuit son récit. « Enfin je disais qu'Orlyn vous a trouvé gisant à deux lieues de Dehant et vous a ramené ici. Étant lui même chasseur, il connait bien la façon de soigner les blessures de ver. Là il est parti chercher des vivres et des médicaments pour vous. Vous feriez mieux de vous reposer à présent. » achève-t-elle d'un ton maternel et sans réplique en vous engonçant d'avantage dans votre lit.
Docile, vous vous laissez faire, réfléchissant aux propos de la petite fille et -malheureusement – à ceux du démon mesquin. « Orlyn … ? » La question vous intéresse. N'est-il pas votre sauveur après tout ?
« Oui oui, Orlyn. Vous le connaissez ? » Un hochement de tête. Au contraire, vous aimeriez bien savoir de qui il s'agit. Cela fait longtemps que vous êtes à Dehant et vous connaissez tous les chasseurs du désert ainsi que les vers par leurs petits noms. Cependant vous n'avez jamais ouï dire à propos de cet Orlyn. « Qui est-ce ? »
La fillette se gratte distraitement une oreille. Elle semble réfléchir un instant à ce qu'elle pourrait bien dire, mais c'est le démon qui prend la parole du haut de son perchoir. « Orlyn ? C'est un p'tit gars un peu à l'ouest. Oh, s'pas qu'y soit fou – loin s'en faut – il est même plutôt futé pour un bâtard d'elfe mais il a l'air carrément ailleurs avec ses yeux vides. Et puis il sourit tout le temps d'un air niais, mais niais ! Qu'est-ce que ça peut m'exaspérer ce truc ... » « Ne l'écoutez pas ! Ce petit poison passe son temps à dénigrer Lel' qui est pourtant une personne adorable. Il est gentil et attentionné. Et il est très très courageux ! Il m'a souvent sauvé la vie vous savez … c'est même à cause de moi que … qu'il a … sont bras ... » L'aniathy se tait un instant. Elle est l'image même de la culpabilité et semble au bord des larmes, mais après quelques secondes d'effort elle parvient à reprendre d'une voix blanche. « Il a beaucoup changé depuis la dernière fois que nous nous sommes vu, au cours de ce … ce «voyage» en Nosveris. Il n'est plus très loquace, même avec moi … C'est vrai qu'il sourit tout le temps mais en réalité il est très triste, je le sais, même s'il le cache. Je l'aime beaucoup et je voudrais qu'il ne soit plus triste mais très joyeux comme avant …»
De nouveau, l'aniathy marque une pause. Elle semble lutter contre un nouveau débordement de larmes. Vous respectez ce silence, et – étonnamment – Uriel en fait de même. Celui-ci, d'ordinaire si caustique, semble lui aussi éprouver une certaine gêne quant au passé d'Orlyn …
Quelques secondes de sanglots étouffés plus tard, elle reprend d'une voix qui se veut plus enjouée. « En fait, je l'ai retrouvé il y a peu à Henehar, quelques mois après la prise de Pohélis. J'étais avec ma maîtresse, nous luttions contre les armées orques d'Oaxaca. Il ne m'a pas reconnue, ça m'a rendu très triste aussi. Mais en fait, il avait perdu la mémoire presque un an auparavant, alors je ne lui en ai pas voulu … En fait, bien qu'amnésique, il a gardé toutes ses qualités. » « Et mes fesses c'est du poulet ? Ses qualités ? Parlons en tiens, celles-ci semblent se borner à une stature avantageuse et un belle gueule. Nan mais j'dis ça parce que pour le reste ... »
Coupé dans son élan, le démon se tait alors qu'un homme sombrement vêtu ouvre la porte et rentre dans la chambre. Celui-ci vous regarde un instant. Son visage aux traits fins ne trahit aucune expression, de même que ses magnifiques yeux mordorés qui paraissent voir plus loin que le lit où vous êtes. Une aura de solitude presque palpable émane du personnage malgré un petit sourire timide figé sur son visage. Apparemment, il ne souhaite pas prendre la parole, et en effet, il tourne les talons pour aller s'asseoir à l'autre bout de la pièce, suivis de près par l'aniathy qui saute alors sur ses genoux. Tandis qu'il lui caresse la tête d'un air nonchalant, celle-ci, telle une grande sœur dénonçant les bêtises de son petit frère, commence son réquisitoire. « Orlyyyyn tu sais quoi ? Uriel, il n'arrête pas de dire des méchancetés et puis... » « Hooo l'aut' ! Même pas vrai d'abord, j'dis que ... » « Des calomnies ! » « La vérité. »
Laissant ses deux comparses à leur chicane, l'homme s'approche de vous. Son visage au teint pâle est encore relativement juvénile. Lorsqu'il s'assied à côté de vous, vous remarquez ses oreilles pointues qui, quoique moins longues, trahissent ses ascendances elfiques.
« C'est donc vous Orlyn ? L'aniathy m'a parlé de vous. Il paraît que vous m'avez sauvé d'un funeste trépas.» Il ne vous regarde pas, se contentant d'observer la dispute un long moment, puis lorsqu'il s'adresse enfin à vous, c'est d'une voix posée et douce, de celles qui peuvent rassurent et réconfortent. Pourtant, la désinvolture qui point dans ce ton vous fait frémir … « Ce n'est rien. » La réponse - courte - vous surprend quelque peu, mais l'aniathy vous avait prévenu ... « Non ce n'est pas rien. Il s'agit de ma vie, et j'y tiens beaucoup vous savez. Je ne saurais jamais vous remercier assez pour ce que vous avez fait. »
Silence. Manifestement, le demi-elfe ne semble pas doué pour le bavardage. Il vous observe sans rien dire, et son regard insistant vous met mal à l'aise. Comme s'il voyait à travers la couverture, ses yeux s'attardent sur votre ventre, à l'endroit de la blessure. « Je ne souffre pas, si c'est ce que vous voulez savoir. Je pense que ce sera guérit d'ici deux ou trois jours ... » « Vous pensez mal. » vous coupe-t-il soudain d'une voix égale. « Je ... quoi ?! Qu'avez vous dis ?» « J'ai dis que vous pensez mal. » « Pourquoi dites vous cela ? » « La blessure est grave. Si vous n'éprouvez aucune douleur, c'est grâce à l'antalgique que je vous ai administré. » Plus que la mauvaise nouvelle sur votre état de santé, c'est la brutalité et le détachement de votre interlocuteur qui vous fait défaillir. Soudainement, vous ressentez bien moins de sympathie à l'égard de votre sauveur ...
« Comment … c'est … à quel point ? » « J'ai soigné le poison. Vous n'en mourrez pas. » Soulagé, vous ne pouvez cependant pas vous empêcher de demander : « Dans ce cas … pourquoi dites vous que c'est grave ? » « Vous ne pourrez plus marcher, et encore moins combattre. »
Pour la première fois depuis votre réveil, vous relevez la couverture afin d'examiner l'étendue des blessures. Un instant vous vous sentez soulagé en constatant le peu de pansements qui ceignent vos hanches, mais vos illusions s'envolent bien vite lorsque vous tentez de vous redresser.
« Ma … ma jambe ... » « En effet. Vous avez l'articulation éclatée, entre autre. » « Je suis navrée, je n'ai pas réussi à vous soigner complètement ... » L'aniathy avait cessé depuis un moment de se chamailler avec le démon et observait votre échange avec Orlyn. Lorsque vint la question de vos blessure, celle-ci ne put s'empêcher de s'excuser.
« Je vous ai ausculté brièvement mais je pense que votre fémur est brisé, et qu'il a sectionné un nerf. Je ne peux pas soigner les os, ni les nerfs … Seul un archiprêtre de Gaïa pourrait vous rétablir ... » Ses paroles communiquent un tel désolement pour vous même que vous ne parvenez même pas à éprouver de colère ou de rancœur. Seule la fatigue et l'apathie s'emparent de vous, et vous songez que ce n'est pas plus mal. Dormir, voilà ce qu'il faut faire. Dormir, car la vie est parfois cruelle. Dormir, parce que l'oubli est dans le sommeil …
Tandis que vous sombrez doucement dans l'inconscience, les trois comparses quittent la chambre sans bruits, probablement en quête de nouveaux vers à occire …
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