Prologue : La vie est faite de surprises
Nous étions sur le plateau du Rathar, à l’heure ou le soleil descend. Le vent s’amusait à soulever des amas de neige et à les animer en quelques tourbillons ou ruisseaux de flocons. Notre maigre campement, installé en contrebas, avait été monté en hâte dans la matinée pour nous garantir un temps de chasse convenable.
Chasse qui avait été décevante. Ce n’était cependant pas la première fois, et le village ne manquait pas de nourriture. Toutes les journées ne peuvent pas êtres des succès.
Les loups quant à eux, marchaient aux cotés de leurs maîtres.
Notre village, Waï’orgard, avait été construit à une quinzaine de kilomètre de la, sur un plateau que les anciens avait jugé apte à abriter notre clan. Une soixantaine de yourtes et une salle commune. Nous aurions pu passer plus de temps à élaborer notre lieu de vie, si nous n’avions pas à constamment élaborer notre stratégie défensive visant à éviter que les raids Alakoïaf ne nous détruisent tous.
Alakoiäf. Un de nos anciens avait du passer quelque moment de qualité avec l’épouse d’un de ces gars ou quelque chose comme ça. En tous cas, nos relations étaient quelque peu entachées de sang. Ils nous ont pillés, nous les avons pillés formant un cycle de meurtres et de barbarismes tournant depuis bien avant ma naissance.
Pour supporter ça, mieux vaux avoir le ventre plein. Nous, les 20 chasseurs désignés pour cette partie, avions quitté Waï’orgard 5 jours plus tôt, dans l’objectif de ramener de quoi nourrir notre population. Même si les réserves sont bonnes, une mauvaise surprise peut vite arriver.
Il était temps de rentrer au campement pour préparer le voyage de retour, prévu pour le lendemain. Le blizzard commençait à se lever.
Je distinguai une silhouette s’approcher de moi. C’était Orgat, le jeunot. Il accomplissait sa première partie de chasse.
« Bah alors Arkaris, on fait la gueule ? Ca doit t’arriver souvent de ne rien choper non ? »
Je me souviens, une crevasse ouvrait sa gueule béante juste à notre gauche.
« Ce n’est pas avec ta marmotte que tu va m’impressionner Orgat. Reviens plus tard. Et ne t’approche pas trop du bord, on y vois de moins en moins par ici »
« Ne t’approche pas trop du bord ? Ecoute, ce n’est pas parce que j’en suis à ma première partie que tu dois me cajoler comme un nourrisson ! Vieille branche ! »
« Dégage du bord Orgat ! » beuglais-je. Il commençait à me taper sur les nerfs.
« Oh la belle crevasse… je n’en ai jamais vu d’aussi grande », dit-il d’une voix mielleuse, emplie de provocation.
Suite logique. Il devait se tenir sur un promontoire perché au dessus du vide, rendu invisible par les conditions météorologique ou quelque chose dans ce genre la. La glace sous ses pieds lâcha prise.
« Orgat ! »
Mon cris attira les autres, jusqu’alors désintéressés par notre conversation.
Sharakur, le chef de la partie, s’approcha le premier.
« - Il est tombé ?
- Oui, répondis-je, mais il doit y avoir moyen de descendre. Sans doute »
- Tu as perdu la tête Arkaris ? Ce jeune fou à eu ce qu’il méritait… et puis regardez moi cette crevasse. Les chances de survie ? »
Je dois bien vous avouer qu’il avait raison. Les chances de survie étaient nulles.
Le retour au campement se déroula dans le silence. Mais le même silence que précédemment, comme si rien ne s’était passé.
L’atmosphère du lendemain était entraînante et joyeuse. Nous rentrions au bercail.
Le voyage se déroula comme tous devraient se dérouler.
Le soir, quelques derniers kilomètres de chemins de montagnes escarpés nous séparaient de nos foyers et de nos femmes.
Désolation. Voila qui nous attendais réellement. La désolation.
Nous avions aperçu un nuage de fumée, mais nous avions pensé à un feu augurant un bon repas.
Nous avions perçu l’odeur de chair brûlée, mais nous avions pensé que nous festoierions avec de la bonne viande.
Jusqu'à ce que nous percevions l’odeur de la mort. Le village avait été incendié. Les corps entassés au détour des yourtes. Les têtes de divers camarades, femmes, loups ou enfants avait étais plantés sur des piques réparties un peu partout dans le village.
L’horreur nous frappa. Certains s’agenouillèrent en hurlant de colère ou de tristesse. Certains cherchèrent tous de suite des rescapés. D’autre, moi y compris, ne firent rien, car ils avaient compris que la recherche étaient vaine.
Derrière la salle commune se trouvait le plus gros charnier. Que des visages connus et parmi eux, le corps a peine reconnaissable de ma femme. Inatrix. Mon loup, Urter gisait aussi inanimé. Je l’avais laissé au village à cause d’une vilaine blessure à la patte.
Pour la première depuis mes 27 ans d’existence, j’était en train de pleurer. J’ai sans doute pleuré tous les larmes que j’aurais du verser jusqu'à ce moment la. Il n’y avait rien. Il n’y avait plus rien.
Je n’avais pas envie d’aller chercher de la compagnie quand l’heure des questionnements arriva. Comment ce massacre a-t-il pu bien arriver ? Nous avions laissé derrière nous bien assez de guerriers pour nous défendre d’une attaque de ces chiens d’ Alakoiäf !
Ces chiens d’Alakoiäf. Il n’y avait que eux.
Sharakur apparu soudain. Lui aussi semblait avoir versé toutes les larmes de son corps, mais avait retrouvé un semblant de calme.
« Tu te poses sans doute la même question que moi. », me lança-t-il.
Je ne répondis pas. Quelle autre question aurais-je pu me poser ?
« Nous avons retrouvé des traces de cercles sur le sol. Certains motifs bizarres ont aussi étés retrouvés sur les corps. Les Alakoiäf n’ont jamais fait ça. »
Je levai la tête :
« Tu avances que ce n’est pas eux ? »
« Non. Je pense plutôt qu’ils n’ont pas étés seuls cette fois.
Arkaris. La blessure est encore fraîche dans nos cœurs, mais il faut rapidement penser à notre avenir. Il ne fait pas bon traîner par ici.
« Qu’a tu à me proposer ? Accouche Sharakur. »
« Ecoute, Targlof à suggéré de prendre la route vers l’Ouest, il aurait entendu qu’une tribu vit sur la crête de Han’jila et que sa population n’est pas non plus en bon terme avec les Alakoiäf. Ce peuple pourrait nous offrir notre vengeance. »
Je restai silencieux.
« Je sais que c’est pas facile, mais nous partons demain à l’aube. Décide toi. »
Quelques heures avaient passées et je m’était installé sur un promontoire rocheux surplombant une vallée imposante.
Vengeance. Tentant.
Notre peuple avait été tué par vengeance, en quelque sorte.
En attaquant les Alakoiäf à l’aide d’une autre tribu, nous allions nous venger.
Nous allions leurs faire subir la même chose.
Désolation.
Voila l’opinion qui avait mûrit dans mon esprit en ces quelques heures de réflexions.
Et c’est cette opinion me fit laisser Targlof partir avec sa troupe vers L’Ouest le lendemain.
Targlof et sa troupe. C'est-à-dire les 19 autres chasseurs.
J’étais désormais seul dans le village. Sharakur avait vu juste. Il ne fallait pas traîner la.
Où allais-je aller ? J’avais entendu parler de « cités » bâties par des humains « civilisés » au sud. Je ne me souvenais plus qui m’avais rapporté ça et je ne savais pas non plus ce que ces deux mots signifiaient.
En tous cas, je saisis mon sac et je partis vers le sud.
Le reste de l’histoire est sans grand intérêt. J’ai découvert une de ces « cités » qui était ma foi impressionnante. Henehar je crois, un nom comme ça. J’ai appris que des gens « comme moi » vivaient ici et qu’ils étaient en quelque sorte des chiens de guerre. Mais respectés parmi tous. J’ai hésité à me joindre à eux, mais j’ai pensé qu’il serait plus profitable de changer radicalement d’air. Après tout, ma connaissance de ce monde semblait être rachitique, et je m’en apercevais un peu plus à chaque discussion, aussi rare fussent-elles.
Ah, j’oubliais, j’ai aussi appris que nous vivions sur ce qu’on appelle une « Ile », et que pour en visiter une autre, il fallait voyager sur de l’eau avec un « Bateau ». Cela me semblait un peu farfelu, mais je décidai d’essayer.
Le petit gars qui semblait s’occuper des bateaux m’indiqua rapidement un bateau dans lequel je pouvais monter. J’avais l’air de l’effrayer. Il faut dire que je trouvais tous ces hommes bien maigrichons et pas bien hauts.
Ce bateau était en partance pour une ville éloignée, nommée Tulorim.
La suite de l’histoire, je ne la connais pas. Sans doute qu’un tournant s’offre à moi. Sur quoi mène ce tournant, je n’en ai aucune idée.
