Tathar a écrit:
Une brise légère soufflait sous les frondaisons couvertes de lichens et de mousses de cette forêt de chêne vert. De-ci de-là, des touffes de fougères venaient égayer ce paysage déjà sublime. Ce devait être la fin du printemps car les oiseaux, pour la plupart, avaient déjà pondu leurs œufs et couvaient à tour de rôle. Au beau milieu des arbres facilement centenaires, un ruisseau ou plutôt un torrent s’écoulait fougueusement entre des rochers, eux aussi couverts de mousses d’un vert tendre. Je marchais, paisiblement, dans ce lieu enchanteur, porté par le babillement de l’eau, les gazouillis et le bruissement des feuilles sous mes pas.
J’appréciais particulièrement ce genre d’endroit où toute la beauté de la nature se manifestait et vivre ici aurait été l’accomplissement de toute une vie. A mesure que j’avançais en aval du ruisseau, ce dernier se gonflait de plus en plus, son débit allant toujours en s’accélérant, ce qui voulait forcément dire que j’allais trouver une cascade non loin. Et je ne m’étais pas trompé. A quelques toises de là, un splendide rideau d’une blancheur immaculée plongeait dans un bassin à plusieurs mètres en contrebas.
D’en haut, la vue était magnifique, mais elle devait l’être tout autant de sur les rochers affleurant à la surface. C’est pourquoi je pris la peine de dévaler la pente, bien que j’aurai préféré plonger, pour rejoindre le bassin et me poster au bord où de fines gouttelettes émanant de la cascade venaient me rafraîchir le visage pour mon plus grand plaisir. C’était décidé.
J’allais m’installer ici et faire une petite pause, voir même une longue pause. Déposant tout d’abord ma besace, je me rendis vite compte, ou plutôt, seulement compte, que mon équipement avait changé, le moins important étant mon pantalon qui était de nouveau complet. En effet, je n’avais plus mon long naginata sanglé dans le dos mais seulement un bouclier fait à partir du crâne de crocodile que je possédais. L’épée de Rotob était toujours à ma ceinture, ainsi que l’athame et un sabre inconnu rangé dans on fourreau ouvragé, gravé de blanches fleurs de lys. Comment avais-je pu perdre une arme aussi grande que celle de Yuimen en personne ? Pire, comment aurais-je pu échanger cette magnifique arme contre un simple katana ? Tout cela avait de quoi laisser perplexe...
Une sensation de vide et d’insécurité vint m’étreindre. Je m’en rendais seulement compte mais la puissance de l’arme m’avait donné un peu plus confiance en moi et le danger me paraissait minime avec cette dernière dans les mains. Maintenant que je ne l’avais plus, c’était un peu comme si tout basculait… Retirant le bouclier de dans mon dos et le posant au sol, je m’apprêtais à rebrousser chemin pour comprendre comment une telle chose avait pu se produire mais je fus rapidement stoppé.
Crevant le ciel, pourtant sans nuage, un énorme éclair vint frapper les rocher au bas de la cascade, m’aveuglant presque complètement, le tonnerre s’en suivant faisant trembler le sol sous la puissance du choc. Il me fallu quelques instants pour recouvrer la vue, ce phénomène venant s’ajouter à la liste des choses incompréhensibles qui se passait depuis peu.
Quelle ne fut pas ma stupeur lorsque je vis une silhouette élancée, harnachée d’une armure blanche comme neige et duveteuse comme les plumes d’un cygne, en face de moi. L’apparition portait également un casque ailé de la même couleur immaculée et s’appuyais sur sa longue épée dans une position de défi. Qui cela pouvait-il être ? D’où venait-il ? Etait-il apparu avec l’éclair ? N’y tenant plus, j’interrogeais la personne qui me faisait face.
« Holà ! Qui êtes-vous ? Enlevez votre casque que je vois votre visage ! Et pourquoi avez-vous dégainé votre arme ?! »
Un rire d’abord résonnant, comme les roulements du tonnerre, puis cristallin comme le tintement de la pluie sur le métal fut la seule réponse à mes questions puis le silence retomba. La nature s’était comme figée, le temps également puis au bout de ce qui parut une éternité, l’étrange personnage enleva son heaume laissant apparaître un visage d’ange.
Des yeux d’un bleu presque transparent me fixaient, me donnant presque l’impression de lire en moi. Une longue crinière rousse dévalait sur les épaules du guerrier qui était en fait une femme d’une beauté inimaginable, quasi divine. J’en étais totalement subjugué, en totale admiration face à cette créature de rêve si bien que je ne réagis que juste à temps pour tirer mon nouveau sabre et parer son coup d’un même geste. Avec effarement, je constatai qu’elle venait de parcourir une vingtaine de mètres en quelques fractions de secondes.
« Jolie parade ! Un conseil, toujours rester concentré sur son adversaire et ne jamais baisser sa garde ! »
Et sur ces mots, elle me fit faire un vol plané d’un simple coup de poing dans les côtes. Ce n’était pas seulement sa beauté qui était immense, mais également sa force. Heureusement pour moi, le tapis de feuilles mortes amortit ma chute et je m’en sortais sans trop de dommages. Mon assaillante, quand à elle, se contenta de rire, attendant que je me relève pour continuer le combat.
« Qui es-tu ? Ai-je au moins le droit de savoir ce que tu me veux ?
Me regardant de haut pendant un instant, elle me répondit enfin :
-Je suis l’envoyée de Yuimen, jeune druide. Tu as fièrement combattu, que ce soit à Hidirain où même sur l’île sacrée de Kers, mais ton chemin s’arrête ici et je suis là pour emmener ton âme au palais des Dieux où tu y attendras le jugement dernier avec d’autres guerriers de ta trempe.
Sa voix résonna comme un coup de tonnerre, vibrante et puissante, et ses dires furent comme une douche froide. Elle avait l’intention de me tuer ! Il fût un temps où je désirai mourir, où la vie me priva d’un être plus cher à mon cœur qu’aucun autre et que tout était bon pour tenter de le rejoindre. Mais ce n’était plus le cas. Cela m’effrayait même plus qu’autre chose. J’avais déjà vu la mort de si près et tant de fois, qu’au plus profond de moi, je tremblais à l’idée de voir mon heure arrivée et bien que cela me répugne de combattre une femme, je n'avais pas vraiment le choix si je voulais sauver ma peau... Une vague de question me submergea alors. Pourquoi Yuimen voulait-il que je meure ? Pourquoi m’avoir repris le Naginata ?
« Tu as l’intention de rester là à te laisser faire ou bien ? »
Son assaut fut aussi fulgurant que le premier et je l’évitai de justesse par une roulade sur le côté, coupant court à toutes ces questions qui resteraient probablement sans réponses. Un sourire se dessina sur les lèvres fines de la Walkyrie. Elle avait bien compris que je défendrais ma peau et elle avait raison, c’était même sûrement ce qu’elle attendait de moi. Prenant le peu de courage dont je disposais à deux mains, je me relevais donc et tirai l’épée de Rotob de mon autre main, épée qu’elle éjecta aussi facilement que si je ne l’avais pas tenue. Mon athame ne pouvant me servir efficacement, il ne me restait plus que le sabre aux lys et son fourreau.
Le combat qui suivit alors fût incroyable. Je ne me serais jamais cru capable de telles passes d’armes. Parant une nouvelle attaque à l’aide de la gaine ouvragée, je repoussai la jeune femme et enchaînai les coups, gagnant peu à peu du terrain sur mon adversaire. Se dégageant devant une fente rageuse, elle fit quelques bond puis s’arrêta un sourire radieux illuminant son visage : Elle prenait du plaisir à combattre… Profitant de ce petit moment de répit, je concentrai mon énergie pour la relâcher d’un cri bestial, le sort de colère de la bête décuplant ma puissance. C'était comme si une aura en forme d'ours massif m'entourait et accompagnait chacun de mes mouvements devenus plus rapides.
Si j’avais réussi à prendre l’avantage sans ce sort, ce serait beaucoup plus simple avec ma magie. Rugissant comme un lion, je me jetai à l’assaut, frappant d’un coté avec le sabre, parant de l’autre avec le fourreau, effectuant toujours les mêmes gestes instinctifs pour habituer l’adversaire à mon rythme, puis au moment où elle s’y attendait le moins, j’échangeais les deux armes de mains. Elle para mon coup de fourreau mais réagit trop tard pour éviter la lame tranchante du sabre qui entama son armure et la chair de son épaule.
Je ne compris pas sa réaction. Plutôt que de s’éloigner, elle chargea tout en riant me lacéra la poitrine de sa lame, me faisant tomber à la renverse. Son aura combative se mit alors à croître de manière terrifiante. Moi qui pensais avoir pris le dessus, je me retrouvais malmené par la jeune femme. Malgré le fait que je parvenais encore à suivvre ses mouvements, chacun d'eux étaient de plus en plus puissant et je ne pouvais que reculer devant la fureur dévastatrice de mon adversaire. La peur m'envahit. Je ne voulais pas mourir. Malheureusement, c’était évident, je ne faisais absolument pas le poids face à elle et la fuite était la seule solution qu’il me restait. Parant un coup d'estoque si puissant qu'il brisa la lame de mon katana, je pris mes jambes à mon cou et filai à toute allure dans la direction opposée. Elle allait me suivre, c’était sûr mais je ne pris même pas la peine de jeter un regard en arrière. Sa voix en disait long sur ce qu’elle pensait de moi.
« Lâche ! Pleutre ! Tu ne mérites même l’attention de ton dieu ! Je vais te tuer, mais ton âme errera à tout jamais sur cette terre !! »
Elle s’élança à ma poursuite, gagnant du terrain à vue d’œil. J’étais perdu…tout était fini…quand soudain...
« Tathar ! Arrêtes-toi !
Une voix fraîche retentit alors dans mon esprit, une voix ferme mais tout à la fois apaisante. Elle me dit de m’arrêter et j’y obéis sans même m’en rendre compte. La Walkyrie s’arrêta également, se demandant ce que je faisais ainsi, tournant le dos à mon adversaire. La voix revint alors.
«c'est y est? Tu te résigne enfin à mourir?
« Qu’est-ce que tu fais ? Tu es seul et ton adversaire est seul ? De quoi as-tu peur ? Il risque autant d’y passer que toi.
- Qui es-tu ? Montre-toi !
Une jeune femme à la peau brune et striée comme du bois apparu en face de moi, de longs cheveux verts cascadant sur ses épaules, retenu au front par une couronne de lys immaculés.
Bien que c’était la première fois que je la voyais, j’avais l’impression de connaître cette femme depuis un bout de temps déjà. Tout ce que je pouvais avancer, était que cette jeune femme était une dryade et son regard flamboyant était dur à soutenir.
- Tu comptes toujours fuir comme ça ? Veux-tu te battre ? Veux-tu gagner ? Veux-tu vivre ??
- Oui ! Je veux vivre !
-Très bien, alors retourne toi ! Fait face à ton adversaire et hurle mon nom !
- Hein ?!
- Fais ce que je te dit et ne réfléchis pas !
Lothid, Rosfeandil !!! » *
Et tandis que ces mots sortaient de ma bouche, le sabre, ou ce qui en restait, et le fourreau se joignirent, dans une explosion d’énergie, pour former mon naginata qui avait disparu. Mes cheveux flottaient en l’air, portés par les flux d’énergie qui émanaient de mon corps et de mon arme plus resplendissante que jamais. Je n’avais pas tout compris mais j’avais la certitude que les explications viendraient plus tard. Les yeux de la Walkyrie passaient du naginata à moi et de moi au naginata, une lueur de crainte respectueuse dans le regard. Elle se lança de nouveau à l'assaut et le combat reprit. Quelque chose avait changé… bien que ce soit la même arme, sa puissance était décuplée. Me protégeant d'abord, je gagnai en confiance à chaque attaque bloquée et à ma grande stupeur, il ne me suffit que d'un coup pour éjecter la guerrière. Un second coup, qu'elle para, brisa son épée et l'armure qui lui protégeait le bras. Enfin, un dernier assaut la projetta violemment contre un arbre... Elle ne se releva pas. Le combat étant finit, mon naginata se mit à briller et je retrouvai, dans chacune de mes mains, le fourreau gravé de lys et le katana redevenu complet. J'étais comme abasourdi par ce qui venait de ce dérouler. D'abord mon impuissance, puis un regain de vitalité qui m'avait laissé entrevoir la victoire, puis la chute et la fuite et enfin, cette puissance immense qui m'avait envahit et m'avait permis de gagner...
Mon adversaire, que je croyais sonnée se mit alors à rire.
« Tu crois que tu as gagné jeune druide ? Tu as peut-être découvert l'un des secret de larme de Yuimen mais je n'en ai pas fini avec toi ! »
La femme s'immola alors, le souffle de l'explosion dévastant une large zone de forêt. Projeté sur un bonne trentaine de mètre, je me relevai pour constater avec effroi que la combattante ne s'était pas vraiment faite exploser... Elle s'était en fait métamophosée et ce qui en résultait n'avait plus rien de la sublime jeune femme. Pour sur, il lui restait un bonne part de majesté et sa puissance n'en finissait pas de grandir.
Des longues ailes membraneuses remplaçaient ses bras, ses jambes étaient devenus pattes griffues, son visage une gueule reptilienne qui vommaissait des flammes. Autant dire qu'elle s'était changée en Dragon flamboyant. Ce dernier prit son essort bombarda la zone de boules de feu. Je ne pouvais absoluement rien faire. Je tentai bien de fuir mais la bête plongea sur moi et m'innonda de son souffle délétère. Je sentis mon corps se désintégrer, morceau par morceau, organes par organes. Ce fut mon visage qui fût detruit en dernier...
« Nooooooooon !!!!»
Me redressant d’un coup, le corps trempé de sueur, la respiration saccadée, j’émergeais de mon rêve qui avait eu l’air plus vrai que nature sous le regard intrigué de Max. Il me fallu quelques instants pour reprendre mes esprits jetant des regards inquiets à chaque recoins de la salle où nous nous trouvions.
Soupirant un grand coup, je me rallongeai lorsque je sentis une chose longue et rigide dans mon dos. Je fus frappé de stupeur lorsque je réalisait enfin ce que je tenais dans mes mains : C’était le katana au fourreau gravé de lys… Le naginata quand à lui, n’était plus là…
[[[Transformation de l’arme acceptée par Sawy ]]]
(* « Fleuris, Rosfeandil »)