- HoooooooHAAAAAAAHAAAHAAAAAAH !!
Gisante à nouveau me voilà, roulée au sol tel le serait l’agonisant oiseau qui eût, pour son malheur, voulu quitter le nid avant que de savoir voler.
(Mais, fichtre Oudio en culotte courte, je sais voler, moi !)
Et les larmes de sourdre en torrentielles cataractes, encore et toujours plus puissantes, comme si c’eût pu agir en bien ou en mal sur mon mortel état – disgrâce, ô lecteurs, que de voir ainsi poindre le sang tout bouillonnant de ses ailes meurtries, elles, gages de liberté et de valses rusées, et de superbe, tout autant que d’orgueil !
Présentement se voit ainsi la chose : seule me trouvé-je en cette désormais solitaire cellule, ailes rompues et douleur fulgurante saisissant tout mon corps, adossée à un de ces murs – noirs, désormais, sans la mirifique aura de ce Géant qui m’était compagnon.
Car mes contes vous diront, vous qui ouïssez aveugles, que cette traverse perçant les hauteurs pétrées n’était que piège lancé comme obstacle à mes heures. Lourde fut la chute. Et froid, concevez-le, le fer éreintant les muscles et les os. Infinie cette seconde où je fus arrêtée, entêtée que j’étais, et folle, envolée dans une voie terrible, cette seconde où je rencontrai sans la voir cette funeste claie toute entière de métal, qui m’arracha des plumes, et des chairs, et fit jaillir des veines l’hématie perlant comme pointes rubis.
En eussé-je formé en mon auguste personne des miasmes morbides ? (Ce serait vraiment la cerise sur la crème au beurre...) Je ne puis percevoir quel démon s’emparera de moi si je ne panse point instamment ces mers immenses d’incarnates eaux, qui souillent, peu à peu, l’opalescente neige de mes rémiges impériales…
En mon œil s’érige le triste spectacle qui se peint face à moi, et dans la coupe noire de l’iris, voûte d’un ciel de nuit lacéré de terribles éclairs aux lumières changeantes, s’esquissent à contre-jour les silhouettes macabres – brillantes, sous la tonnelle des pleurs, les figures se succèdent. Et cependant que j’abhorre en mon cœur cette porte béante qui me promet mille maux, encore, et que j’aurais voulue fermée pour n’avoir point à choisir, je m’en remets aux trémulations affaiblies des sanglots réprimés, écoutant d’une sage oreille l’avis de ne point m’y risquer : je reste là, ne serait-ce que quelques instants – instants de répit dans un monde sauvage.
Alors me redressé-je sur mon parfait séant, meurtrie, confuse, et abattue soudain par cette ogive claustrale qui me donnait tant d’espoir. Accablée, plus encore, par le sentiment d’avoir perdu raison et d’avoir mis le pied dans les instances ordonées par Timoros lui-même.
Un pied devant l’autre. Un pied devant l’autre.
Lentement, sur mes gardes, j’use comme tout rampant et déliquescent mortel des routes profanes. Je sais derrière moi mes ailes former une élégante traîne – le vin qui s’en épanche, soudain, s’ajoute aux autres qui s’altèrent depuis des mois... Les vins de ceux vers qui je m’avance.
Mes sens en alerte point ne sauraient par-dessus cette vue ainsi que ces odeurs remarquer l’ennemi qui s’en prendrait à moi – lui qui aurait dans l’ombre attendu que la lame violette s’efface du jour, et qu’il ne reste pour défense que chétive princesse aux forces amoindries.
Mais la terreur de lui, fantasme irréel qui point ne saurait être, ne me gagne pas tout autant que celle de mon mal : lui, d’une ligature je saurai le soigner, et là est-ce ce que sur les dépouilles je m’attache à quérir. Voyez, lecteurs, comme se penche au-dessus de putrescent macchabée la tendre reine que vous connûtes jadis, elle qui savait par d’antédiluviennes merveilles éblouir vos yeux, et qui, aujourd’hui, se noie dans ses cauchemars.
Comme cri d’agonie chante le linge que j’arrache – lui qui, je l’espère, saura par habiles épissures tarir l'effusion sanglante.
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CAHIDRICE ARO. PRINCESSE ALDRYDE, ACTUELLEMENT DANS LA MERDE.
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