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 Sujet du message: Re: Chapitre 2: L'Echangeur
MessagePosté: Sam 23 Mai 2009 07:02 
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Une brute, cet elfe noir n’est qu’une brute. Aux paroles d’Anarazel qui se voulaient apaisantes, il rétorque d’abord par un grognement plein de hargne, pour ensuite poursuivre par un avertissement.

« Si on m’cherche, on m’trouve…Retenez bien ça! »

Aucune présentation, ni savoir vivre, il daigne à peine lever les yeux pour me regarder, ce qui au lieu de m’affecter, m’arrange : je n’aurai pas à endurer cet être taciturne à mes côtés. Si cet elfe ne porte pas les Kendrans en estime et bien soit, j’aurai tout de même la compagnie de cette douce Rosie et de ce susceptible Anarazel. Mon réparateur de nez, je l’ai froissé intentionnellement et pour cause, j’étais mécontent. Anarazel a osé mettre ce drow revêche au même niveau que moi en lui donnant le statut d’ami. Ma colère, je l’ai exprimé par une petite vengeance et c’est son nom qui a écopé.
Pas un geste, ni un souffle, pas même un regard dans ma direction ne laisse paraître la réaction du démon face à mon intervention. Ce court moment de silence, cet imperceptible arrêt dans la discussion est pourtant révélateur; je l’ai vexé. C’est du moins ce que je ressens ou crois deviner; il m’avait clairement formulé son avertissement et je l’ai ignoré sciemment. Il ne m’appellera plus son ami de sitôt et c’est mieux ainsi. Il ne faut pas abuser des mots. On ne devient pas ami simplement en le prononçant. Ce serait trop facile. Pour n’avoir vécu qu’une seule vraie relation amicale de toute ma vie, je sais oh combien il est difficile de la mériter et de la conserver.

« En amitié, il ne suffit pas de recevoir, il faut aussi donner ».

Ces paroles ne sont pas de moi, mais de ma précieuse Angélie qui n’a pas cessé de me les répéter au cours de ces années passées en sa compagnie. Égoïste, je suis et je ne cherche pas à m’en cacher, encore moins à changer. Si je ne pense pas à moi qui le fera? Le qualificatif ingrat par contre ne me correspond pas. Au moment venu, j’acquitterai ma dette envers Rosie et Anarazel.

Le guerrier à l’armure de cuir me tend maintenant la main que je serre à mon tour fermement. Sorti quelques secondes de son mutisme pour se nommer et exprimer son éventuel collaboration pour calmer le shaakt, cet homme a tout d’un vaillant guerrier.

« C’est noté. Dans tel cas, votre aide sera appréciée!»

Incapable d’en dire plus, je me retire après un signe de la tête, le laissant à ses cordages pour m’en aller seul sur le pont. Cet homme m’intimide. Devant lui, je me sens petit et minable, ce qui n’est pas dans mes habitudes, puisque je suis d’ordinaire très confiant et fier de mes nombreuses qualités. On dit même, exagérément bien sûr, que je suis prétentieux. Pourquoi prétendre qu’on est mauvais alors que ce n’est pas le cas? Dans mon esprit, la modestie rime avec hypocrisie.
Ma réaction envers Ruméus pourrait être qualifiée de jalousie. C’est peut-être un peu vrai, mais je crois surtout que cet homme représente l’image que mon père se faisait d’un fils guerrier; il est ce que j’aurais dû être et que je ne suis pas parvenu à devenir. Je possède ce que mon père appelait, sans dédain mais avec une légère déception, un petit côté féminin.

Pour ma part, ayant effectué la besogne assignée par le second en respectant rigoureusement les consignes, je peux me permettre de visiter cet imposant navire. J’accélère le pas avec l’idée bien arrêtée de me rendre à la vigie. Un regard en direction du mat principal me suffit pour constater que discrètement Rosie m’a devancé. Je la comprends de s'être éclipsée si silencieusement, son face à face avec cet elfe bilieux a dû la contenter, elle ne voulait sans doute pas y goûter une fois de plus. L’idée de les rejoindre me tente bien, mais je me retiens. Tout d’abord, la place là-haut sera trop restreinte, non pas que leur proximité m’embête, et puis, je ne serais probablement pas le bienvenu. Je laisse les dames entre elles et me cherche un endroit tranquille afin d’examiner mon butin.

À l’avant du navire, assis par terre, je bénéficie de la compagnie de Pirate, pelotonné à mes pieds, un cadavre de petit rongeur entre ses pattes. Ana plus indépendante, ne dois pas avoir terminé sa chasse. Bien installé à l’abri des regards indiscrets, je plonge ma main dans ma poche; je me sens comme un gamin qui déballe ses cadeaux d’anniversaire. Bien sûr, j’ai une vague idée de ce que mes mains ont tâté, mais mes yeux sont meilleurs juges pour évaluer la qualité des objets volés. Première prise : une bague ornée d’une pierre fine, une opale de feu. Ce bijou a une valeur certaine, je pourrai sûrement en tirer un bon prix. Tout stimulé, je compte les yus extorqués, j’en ai ramassé cinquante six; jolie cueillette que je m’empresse de mettre dans ma bourse. Pour terminer, une arme, un lance-dard que je peux dissimuler dans ma manche ainsi que plusieurs dards empoisonnés. Je réprime un frisson à la pensée que j’aurais pu me piquer.

Satisfait de ma récolte, je me relève et porte mon attention sur les autres navires, ils sont tous nez à nez, à l’exception du Croissant de lune qui bien que d’allure profilée traîne derrière accompagné du navire des nains. Ce qui m’arrache un sourire, ces elfes arrogants ne sont pas les meilleurs dans tout après tout.

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Dernière édition par Mathis le Mar 26 Mai 2009 03:19, édité 1 fois.

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 Sujet du message: Re: Chapitre 2: L'Echangeur
MessagePosté: Dim 24 Mai 2009 20:57 
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Je restai silencieux suite aux paroles de Khamsin. Embarqué que j'étais sur ce navire aux couleurs noires et blanches d'une ville lointaine, devenu second d'un capitaine patriote mandaté par son conseil à se lancer corps et âme dans une quête mystérieuse, je ne pouvais m'enlever de l'esprit comme le spectre d'une intuition néfaste...

"- Je veux que tu canalises les aventuriers de ce navire à la cause de Tulorim," dit soudain Khamsin, me sortant de l'ombre de mes idées. "Il faut qu’ils n’aient nul doute ni sur moi, ni sur le bienfondé de cette entreprise. Est-ce bien clair, second ? Et cet ordre s’applique avant tout à toi… "

Une nouvelle lueur dût alors passer dans mon regard rougeoyant, tourné vers l'horizon lointaine masquée des voiles du navire de Kendra Kâr - une luminescence occultée de pensées sans fond.

La joie que j'avais éprouvée quelques dizaines de minutes plutôt, sourire carnassier force de mon nouveau statut, n'existait plus qu'en voile lointain. J'avais cuvé mon plaisir. Et venaient maintenant les tourments dans la sobriété de ma raison empourprée.

"- Capitaine, vous servez le Conseil - et je suis l'esclave de mon dégoût inaliénable envers Kendra Kâr," prononçai-je avec le ton de la franchise. "Nous avons un ennemi commun. Vous avez ma confiance. "

Le silence voilé par le vent sifflant dans les vergues domina un instant le gaillard de poupe.

Ma confiance...?
Ma confiance était un fantôme désincarné, une pierre calcinée ayant brûlé dans les chaudrons de mon emprisonnement. Je n'avais plus de confiance à donner - seule ma méfiance à cultiver.
A défaut de celle-ci, le capitaine avait l'assurance de mon engagement... Pour peu de son respect envers le navire et son équipage.

Je pris congé sans autre cérémonie qu'un salut formel de la tête, puis descendis en longeant le bastingage bâbord sur le pont central, à nouveau plongé dans quelques pensées sinistres, émanations lassantes au besoin intarissable.

Tulorim était une ville sombre où une classe dominante prospérait, vautour d'un marché florissant. Elle puait plus encore que Kendra Kâr, pustule coulante de miasmes humaines. Mais la citée du Conseil avait un atout que sa rivale blanche ne pouvait escompter de la part d'un roi idéaliste : une véritable structure où la force dominait, et où la triste nature des habitants de l'Aeronland semblait respectée dans son intégrité.
L'égalité n'existait pas : après cent cinquante ans passés dans un manoir tourmenté par les sables, lacérés des pics du temps, oublié de ses géniteurs avides de contrôle, ce pôle idéaliste était mort en mon sein dès ses premiers gargouillements.

Ce pôle, c'était celui de la plèbe et de la passivité; lorsqu'il était appliqué, les êtres créateurs aux élans de puissance étaient considérés comme des marginaux, et chassés.
Alors le peuple qui, aspirant à une justice qu'il instaurait, devenait proie de ses propres désirs, s'effondrait sous les coups de la Loi du Talion.

Il fallait plus que celle-ci au service d'une classe dominant non pas sur ses acquis, mais sur sa seule essence. Il fallait une justice où l'égalité des crimes prospéraient, mais non l'égalité des personnes.
Une phrase d'un grimoire d'Ellhar me revint en mémoire :

Volez-moi, et je vous ôterai les mains; insultez-moi, et je vous couperai la langue; attaquez-moi, et j'aspirerai votre vie.

Tulorim semblait l'avoir mieux compris...

*


Le démon sans s'en rendre compte avait monté sur le gaillard d'avant, et contemplait l'océan d'un regard distant, accoudé au bout du pont. Sous lui le bout-dehors se jetait en avant vers la mer, fier éperon d'un sombre galion.

Anarazel se sentait changé, différent. Il servait maintenant un nouveau maître. Et ne cachait plus la nature de son visage : ses cheveux charbon volaient librement dans le vent, son visage était pris sous les assauts du soleil. La mer lui conférait un nouveau sentiment de liberté, de nouvelles craintes dont il nourrissait son cœur assombri.

L'étrave sous lui fendait la vague, et le cri de l'eau crépitait à ses oreilles comme une musique fraîche. Sa Sombre Déesse se ressourçait et pensait ses remords...

Il reprit lentement ses esprits - il n'était en rien pressé. Le soleil au loin déclinait dans sa taciturne descente, et il resta là un moment à le contempler doucement chuter vers l'horizon, où il s'agenouillerait la nuit tombante sur le vaste océan...

Lorsqu'il eut assez d'être ainsi accoudé, il se retourna. Mathis était là également, en compagnie d'un chat. Il soupira à un souvenir : un autre sur ce bâtiment portait son nom en diminué.
Bah, qu'importe! Ils ne survivraient sans doute pas au voyage, finissant aux cuisines, ou plus certainement dans les abysses d'une mer capricieuse.

Un jeune matelot était non loin, enroulant les cordes d'amarrages jusqu'alors laissées sur le pont. Le sang-mêlé l'étudia d'un regard : son corps avait la peau foncée des marins, étalée sur ses os maigres. Un visage émacié dominé par une masse de cheveux bouclés faisait émaner de lui une aura harmonieuse entre application et innocence; et Anarazel se prit à voir comme le reflet du visage du jeune garçon qu'il avait tué quelques heures plus tôt dans le port... Ce suite à une étrange et macabre impulsion de haine commune qui constituait le fond de sa mauvaise intuition. Les dires du capitaine ne l'avaient en rien éclairé, si ce n'était qu'il avait maintenant cerné tout le côté mystérieux de l'affaire.

Il ôta ses bras endoloris par l'inaction du bastingage, puis s'avança vers le jeune marin. Ce dernier rangeait les amarres qu'il avait fini d'enrouler par une petite lucarne menant à la soute à voile.

"- Petit, depuis combien de temps navigues-tu sur ce navire?" Lui lança Anarazel, d'une voix sans intonation particulière.

Le matelot redressa la tête, surpris. Il tressaillit un instant devant le visage du démon, puis se rassura en reconnaissant le second. Il se releva, ferma le capot de la soute.

"- Depuis voilà trois ans, monsieur," répondit-il d'une voix assez aiguë, mais sûre.
"- Tu connais donc bien le bateau. Montres-moi à quoi ressemblent ses entrailles."

Le jeune matelot acquiesça à la demande du second, boucla le capot de la soute, puis se tint prêt. Anarazel, d'un pas lent, s'était entre temps approché de Mathis, observant rêveusement les autres navires.
Le démon lui souffla d'une voix dont le ton posé le fit se surprendre lui-même :

"- Cela t'intéresse-t-il également?"

Problèmes concernant le déplacement d'Anar & les chats de Mathis corrigés.

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 Sujet du message: Re: Chapitre 2: L'Echangeur
MessagePosté: Lun 25 Mai 2009 12:29 
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Plus je regarde ces navires et plus je suis intrigué, nous participons tous à une chasse aux trésors certes, mais que sait-on de plus? Où allons-nous? Quels sont les enjeux ? Tant de questions qui ne peuvent trouver réponse qu’auprès du capitaine. Lorsque j’aurai fait le tour du bateau, j’irai le questionner.

Khamsin, c’est ainsi qu’il s’est présenté. Malgré sa peau repoussante, abîmée sans doute par la maladie, ce capitaine m’a laissé une bonne impression. Sans perdre de temps, il a affirmé son autorité et ma chère Rosie, il a protégé de l’haineux Shaakt à demi rasé.

Les bouquins nous livrent beaucoup d’informations utiles, je constate par contre que ce qui est raconté n’est pas toujours vérité. Dans ce petit roman tant épluché que les pages étaient toutes écornées, il était mentionné que les femmes n’étaient pas admises sur les vaisseaux, question de superstition. La présence de Rosie et de la demi-elfe à demi-vêtue n’a pourtant pas affecté notre capitaine.

Un matelot s’affaire non loin de moi sans que je lui prête attention. Je préfère observer le vent jouer dans les voiles des navires, modeler les nuages selon son gré et fouetter mon visage en laissant sur son passage l’odeur de la mer qui contre toute attente s’avère assez plaisante.

La voix d’Anarazel attire cependant mon attention, tout en demeurant attentif à leur discussion, je fais mine d’ignorer leur présence et d’être perdu dans la contemplation du paysage, ce qui était vrai avant l’arrivée de l’être sans nez.

« Tu connais bien le bateau. Montre-moi à quoi ressemblent ses entrailles. »

En tant que second, sa demande est bien légitime.

(J’aimerais bien visiter ce bateau moi aussi, je dois m’immiscer dans la conversation et m’inviter à les accompagner)

C’est à ce point de mes pensées qu’Anarazel, furtivement s’approche de moi.

« Cela t’intéresse-t-il également? »

Après un léger sursaut, je le regarde songeur.

(S’est-il aperçu que j’espionnais leur entretien?)

Le capuchon du second est à présent rabattu sur ses épaules, exposant ainsi son visage tout entier. Sans dire un mot et sans scrupule, j’examine cette face singulière et je me surprends même à le trouver un peu moins repoussant.

(Je dois commencer à m’habituer à ce facies. Hum…, tant que je ne le trouve pas séduisant, il n’y a pas lieu de s’inquiéter.)

Petit sourire en coin, je réponds finalement au second :

« Oui, effectivement, je veux bien. »

Après s’être levé la tête dans ma direction, Pirate demeure couché par terre préférant sans doute terminer son repas. C’est une des raisons pour laquelle je préfère les chats aux chiens, contrairement aux canins, notre présence ne leur est pas toujours requise et on peut partir à notre guise.

Je suis donc silencieusement ces deux hommes.

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Dernière édition par Mathis le Mar 26 Mai 2009 02:55, édité 2 fois.

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 Sujet du message: Re: Chapitre 2: L'Echangeur
MessagePosté: Lun 25 Mai 2009 18:15 
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Le jeune matelot les attendait sur l'escalier menant au pont principale, visage inexpressif tourné vers les deux aventuriers comme seul emblème de son attente, les yeux plissés par les rayons du soleil qu'il recevait en pleine face. Il observa Mathis suivre le second qui voulait découvrir l'intérieure du navire.

Anarazel, l'éternel sourire en coin légèrement adouci, n'était pas mécontent de tourner le dos au ciel : son visage trop longtemps présenté à l'astre solaire risquait des brûlures - et elles seraient mal venues sur sa peau blafarde; peau qui, il le savait, ne pouvait que légèrement prendre la tinte foncée des journées passées au grand air, au milieu des voiles et des mats. Les brûlures et les cloques, il connaissait, et pour cause : s'évader d'un manoir perdu en plein désert, à défaut d'avoir laissé des traces sur sa peau, l'avait fait dans son cœur.

Il fit signe au jeune marin, qui acquiesça d'un signe de tête, puis descendit les marches du gaillard de proue. A sa suite venaient Anarazel et Mathis, nouvelles recrues d'un navire de guerre lancé dans une quête mystérieuse au nom de sa lointaine patrie.
Le matelot fit comprendre de la tête à quelques marins qu'il était occupé. Il s'engouffra alors dans le navire par des escaliers descendant à l'étage inférieur, sous le gaillard.

Ils arrivèrent à un large couloir fait de cloisons, qui devait parcourir le navire de la poupe à la proue. Au bout de celui-ci, une petite porte se dessinait. Il devait s'agir de la soute à voiles dans laquelle le matelot avait fait descendre les amarres rendues inutiles. Ce dernier ne jugea pas pertinent de le relever, et, contournant l'escalier, leur fit signe.

"- Voici les quartiers de l'équipage, " leur dit-il en leur montrant un vaste dortoir où se mélangeaient couchettes et hamacs. "Et si vous continuez à tribord, les latrines quotidiennement soignées. "

Anarazel eut une drôle d'impression, mélange indistinct entre répugnance de la proximité, et soulagement de savoir que la moitié des marins occupant autrefois ces lits ne reviendraient plus : ils étaient morts pour leur Conseil sur les quais d'une ville blanche éclaboussée de sang.

"- Et je suppose que là-bas sont les cuisines, " chuchota vaguement le démon en montrant du doigt une large porte à doubles battants. Le jeune garçon opina de la tête, puis leur fit signe de le suivre.

Ils traversèrent le dortoir en silence, puis passèrent la porte entrebâillée, pour arriver dans une salle assez grande remplie de tables vissées au sol. Important, en cas de gite ou de gros temps...
Mais le navire ne faisait pour l'instant que quelques rares embardées, avançant paisiblement au gré d'un vent tempéré.

"- L'équipage mange ici, " leur expliqua le jeune matelot. "Au fond là, derrière cette cloison, il y a la cuisine. Derrière encore, la réserve, mais elle est fermée à clef, et seules quelques personnes ont la permission d'y entrer. Et là... "

Il leur montra un escalier fin qui descendait à l'étage inférieur du galion, où nulle lucarne et nulle lampe ne brisait l'uniformité des ténèbres.

"- Là, c'est pour aller en-dessous, " acheva-t-il, froidement.

Ils avancèrent encore un peu, puis rencontrèrent un nouvel escalier, plus large, qui remontait vers la lumière du jour. Le jeune matelot leur fit signe de grimper, puis il s'engagea avec le Sang-mêlé à la suite de Mathis, finissant ainsi la visite.
Une fois sur le pont, ce dernier pris congé de l'humain et de l'être sans nez, retournant à sa besogne quotidienne de marin. Il y avait toujours à faire sur un tel navire, qui s'il n'était pas de toute première jeunesse, n'en restait pas moins grand et rapide.

Sur le pont, Anarazel monta sur le bastingage, s'accrochant aux échelles du grand mât, les cheveux virevoltant dans son sillage libéré. L'écume brisée par la coque s'écoulait rapidement autour du navire en une corole blanchâtre que suivait le Rubis-Sanglant, toutes voiles sales dehors. C'était un navire débraillé ne se reconnaissant d'aucune allégeance.

Le sang-mêlé fut surpris en relevant l'étonnante proximité des navires : devant, décalé au vent, l'Aigle des Océans battait pavion Kendran seulement à quelques longueurs.
Les trois navires se tenaient au coude à coude : tous suivaient le même cape mystérieux, ne menant pour l'instant qu'à l'océan lointain. Mais l'horizon, Anarazel le savait, pouvait cacher sous ses douces courbes bien des cadeaux et des malédictions...

Il ne s'agissait pas d'une chasse au trésor ordinaire : les puissances du monde s'y étaient engagées. Et le capitaine le lui avait dit : l'issue de cette quête pouvait avoir de grandes conséquences. Progressivement, le démon accepta l'idée d'être utilisé sans le savoir. En son for intérieur, où sa Sombre Déesse Haine semblait apaisée par les couleurs et les parfums marins, il réitéra la promesse de sa vie maudite : un jour, ce serait lui qui tirerait les ficelles, et il ferait du monde un paradis de puissance où elfes noirs et gris ne seraient plus que de lointains souvenirs, passés en poussière emportée par les ouragans de ses caprices...

Soudain il se rendit compte, émergeant de l'irréel de ses pensées, qu'il restait une aventurière auprès de laquelle il ne s'était pas présenté: la belle guerrière à l'aigle, dont la demi nudité dévoilait ses courbes pleines recouvertes de symboles d'encre.

Il sauta sur le pont, hésita, puis se ravisa.
Il attendrait que celle-ci descende du nid-de-pie la à la nuit tombante. Rosie lui tenait compagnie; cette jeune demi-elfe tout de rouge vêtue lui simplifierait la tâche.

Pour l'instant, il n'avait mieux à faire que de se reposer, de se nourrir du claquement des voiles, des râles de vagues et des cris du bois : il se sentait étrangement libre de lui-même...

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Dernière édition par Anarazel le Mer 27 Mai 2009 15:34, édité 1 fois.

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 Sujet du message: Re: Chapitre 2: L'Echangeur
MessagePosté: Mar 26 Mai 2009 12:27 
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Sur le nid de pie, l’après-midi passe lentement. La demoiselle à l’aigle est très peu causante, voire même un peu froide avec Rosie. Elle se contente d’observer les flots et les autres bateaux sans rien dire, caressant quelques fois la tête de son aigle… C’est au crépuscule, rougeoyant à l’horizon, qu’elle perçoit une chose qui change totalement son attitude. Elle voit les manœuvres du Rubis-Sanglant, et en informe aussitôt l’équipage, du haut de son poste d’observation. D’une voix claire et aigüe comme celle d’un aigle, elle crie :

« Hé ! Les pirates font des trucs louches ! On est les cibles, ça va bouger, d’ici peu ! »

Khamsin se tourne alors vers les pirates et grommelle un juron. Il crie à son tour de sa voix rauque à l’intention de l’équipage survivant et des aventuriers présents :

« Leur navire est plus souple que le notre, rien ne sert d’essayer de fuir ! Armez-vous, et préparez-vous à défendre l’Echangeur contre ces vauriens ! Tulorim ne doit pas perdre ! »

Sur le pont, chaque membre d’équipage quitte son poste, rabattant les voiles pour cesser l’avancée, désormais inutile contre cet ennemi plus rapide et plus agile. Tous vont s’armer d’armes hétéroclites, sabres, épées, lances et arbalètes, attendant l’assaut des pirates avec nervosité… Les tulorains sont moins nombreux, et moins habitués au combat. Ils ont accumulé plus de fatigue que les pirates du fait de leur nombre réduit… Et ils le savent. Les mines sont graves…

L’elfe noir, lui, semble se réjouir de ce combat prochain, et saisit sa hache avec un sourire sadique et nerveux. Il donne l’impression d’une boule d’énergie prête à éclater… Le guerrier casqué, Ruméus, s’empare de son arc, tout comme la demoiselle en haut du mât.

Le capitaine cherche Anarazel du regard, et quand il le trouve, l’interpelle.

« Second, tu t’occupes de la stratégie de combat pour les aventuriers, moi pour mon équipage ! »

Puis, après un instant, plus calmement…

« Je compte sur toi, le Sans-Pif… »

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 Sujet du message: Re: Chapitre 2: L'Echangeur
MessagePosté: Mar 26 Mai 2009 15:04 
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"- Hé ! Les pirates font des trucs louches," cria une voix féminine depuis le nid-de-pie. "On est les cibles, ça va bouger, d’ici peu !"

Un étau de froid enferma l'esprit rêveur d'Anarazel, crispant les muscles de son cou, de ses jambes en un éveil brutal. Il se retourna d'un bloc, les yeux plissés en deux minuscules fentes luttant contre la lumière du couchant. Puis, remontant sur le bastingage, il suivit le regard du capitaine. Les deux rubis pourpres brûlèrent la coque du navire aux voiles sales, dont l'agitation trahissait des préparatifs rapides.

Et il comprit, plissant son front de dégoût et de haine. Trois mots lui vinrent à l'esprit, s'imposant à lui comme les fleurs du mal qu'il voyait se dévoiler à l'horizon : chiens sans honneur !

Il le savait : l'équipage de l'Échangeur était réduit - et la moitié restante, fatiguée. Fatiguée d'avoir déjà lutté. Après l'assaut des habitants de Kendra Kâr, se dessinait une nouvelle menace, celle de la piraterie.

"- Leur navire est plus souple que le notre," tonna le capitaine," rien ne sert d’essayer de fuir !"

Puis tout s'enchaîna très vite dans l'esprit du démon, reflet de l'agitation du pont, à une vitesse exacerbée par la fatigue - cela faisait longtemps qu'il n'avait pas dormi.
Et il semblait que les dieux n'avaient pas fini de le tourmenter depuis son crime sombre où il avait appris à tuer : inlassablement, de nouvelles épreuves, de nouvelles proies s'offraient à sa Sombre Déesse.

Il avait tué, pour apprendre. Puis avait ôté la vie à un petit garçon, avait détruit l'innocence incarné. Il avait souillé le pur - et devant lui se présentait cette fois les incarnations de l'ingratitude et du non-respect, les plus sombres renégats du monde.
Le blanc, puis le noir...
Mais il oublia violemment la comparaison : qu'importe quel sang saignait - la mort restait rouge...

"- Je compte sur toi, le Sans-Pif," dit Khamsin, le décidant définitivement à prendre les armes, fort de la toute-puissance de sa haine, dont la flamme brûlait à nouveau, tel un brasier redoublé.

Il acquiesça d'un signe bref de la tête, puis se retourna, et distribua ses propres ordres avec le feu de la passion macabre qui l'habitait:

"- Ruméus, je te veux sur la hune basse du grand mât, prêt à quitter ton arc et à sortir ton sabre d'un bond." Puis il tourna sa fureur fanatique vers Rosie : "toi la-haut, descends de là! Viens défendre le gaillard d'arrière avec Mathis. C'est le cœur du navire, il nous faut en rester maîtres!"

Le démon aux sens éveillés grimpa quatre à quatre les marches de la poupe, sortit ses chaines, vérifiant les attaches de ses nouveaux brassards, où une trace de sang qu'il n'avait pas relevée restait présente.
Il espérait qu'ainsi surélevé sur le gaillard, il serait plus à même de contrôler la situation, et, surtout, de préserver sa vie.
Puis il se retourna, prêt à affronter les assaillants, et ordonna d'une voix rauque :

"- Le Shaakt, devant dans la mêlée, cause la même pagaille que sur les quais!"

C'était là un ordre à double sens : ainsi, peut-être aurait-il également la chance de le voir tomber au combat...

Les mains d'Anarazel ne tremblaient pas. Il sentait au fond de lui poindre une nouvelle force, une force qu'il connaissait, mais ne savait reconnaître, doux mélange entre amour de la peur, et sombre désespoir. Il ricanait presque sous les coups de ses folies.

Le navire pirate s'approchait irrémédiablement. Le choc viendrait, les navires alors se rencontreraient, bord à bord, déchaînant sur les ponts la mort et la terreur, la souffrance et la haine.

En tant que second, il sentait qu'il risquait gros. Il avait donné son engagement au capitaine.
S'il n'avait été le deuxième puissant de l'équipage, sans doute se serait-il terré dans un coin, attendant que la tempête humaine passe. Mais pour la pérennité de son honneur, il restait là, prêt, sur, empli d'une peur qu'il ne refoulait pas, et dont il se délectait étrangement - une peur, mais un désespoir qui le déchirait intérieurement sans qu'il put le reconnaître, au risque de se remettre en cause.

Que pouvait-il faire de plus, maintenant, si ce n'était attendre le déchaînement brutal?
Il passa en revue ses connaissances maritimes, cherchant une quelconque faille à exploiter chez le navire ennemi. Puis une aura de rires sordides grimpa du fond de ses souvenirs et vint auréolé son visage d'un sourire macabre. Il avait trouvé.

"- Restez tous sur l'Échangeur : notre but principal est de nuire à leur navire à défaut de pouvoir défaire leur équipage," cracha-t-il d'une voix sardonique. "Visez leur gouvernail. Réduisez le en charpie, coupez les chaînes de la barre : enlevez-leur tout contrôle. Il nous faut l'avantage."

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Dernière édition par Anarazel le Mer 27 Mai 2009 15:37, édité 1 fois.

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 Sujet du message: Re: Chapitre 2: L'Echangeur
MessagePosté: Mer 27 Mai 2009 03:12 
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« Hé ! Les pirates font des trucs louches ! On est les cibles, ça va bouger, d’ici peu ! »

(Quoi, les pirates nous attaquent ?)

Incrédule, je lève la tête vers l’origine de ces paroles, l’expression du visage de la femme tatouée ne dément pas ses mots; nous sommes vraiment menacés. Je ne comprends rien à rien. Pourquoi nous attaquent-ils alors qu’on a encore rien trouvé? Pourquoi n’attendent-ils pas qu’on découvre le trésor pour nous piller par la suite ? Voler, c’est leur spécialité pourtant!

« Leur navire est plus souple que le notre, rien ne sert d’essayer de fuir ! Armez-vous, et préparez-vous à défendre l’Echangeur contre ces vauriens ! Tulorim ne doit pas perdre ! »

C’est vers le capitaine que je me tourne à présent. Je suis ahuri. Fatigués, exténués du combat sur le quai, nous n’avons aucune chance de rester en vie si nous combattons. Ce navire attaquant appartient à des pirates, rien à voir avec les simples habitants envoutés de ce matin; ce sont des guerriers aguerris, des assoiffés de violence et de sang de la même trempe que notre drow à crête hérissée.

Sous les ordres du capitaine, les membres de l’équipage n’ont pas traîné, ils ont quitté l’occupation en cours pour rabattre les voiles. Le pont grouille de matelots qui tels des fourmis organisées ont exécuté en peu de temps l’action demandé pour ensuite s’armer. L’elfe noir semble heureux de combattre sans réaliser qu’on s’en va tout droit à l’abattoir.

Je suis comme dans un rêve, tous et chacun s’affaire et moi je demeure immobile, incapable de réagir me contentant de regarder la scène sans y participer. Et voici qu’une troisième voix pénètre dans mon songe, mais je ne distingue que des bribes, en fait j’ai de la difficulté à comprendre les mots tant mon cœur battant à tout rompre m’assourdit.

« Ruméus, je te veux sur la hune basse……toi la-haut, descends de là!...... le gaillard d'arrière avec Mathis »

(Le gaillard arrière avec Mathis…)

On m’interpelle, je dois y aller. Telle une marionnette à fils, je me dirige vers Anarazel, mon épée toujours dans son fourreau.

Le second, sans doute pris de folie se met soudainement à ricaner; pourtant le navire approche et notre fin aussi. Avec un sourire mauvais l’elfe sans nez crache ses ordres :

« Restez tous sur l'Échangeur : notre but principal est de nuire à leur navire à défaut de pouvoir défaire leur équipage.Visez leur gouvernail. Réduisez le en charpie, coupez les chaînes de la barre : enlevez-leur tout contrôle. »

(Enlevez-leur tout contrôle, enlevez-leur tout contrôle.)

Pris au piège. Comme une souris dans les pattes d'un chat, comme un lapin dans les serres d'un aigle, comme un Kendran sous la lame de l'elfe noir, nous sommes vraiment pris au piège.

(Enlevez-leur tout contrôle, enlevez-leur tout contrôle.)

Je ne veux pas mourir. Au royaume des morts, je ne veux pas rejoindre mon père, je veux vieillir; je veux voir ma chevelure devenir toute blanche, des rides devront se former sur mon visage, des poils indociles apparaîtront dans mes sourcils et dans mon nez, ma vue faiblira, mais je serai vivant. Je désire demeurer en vie.

(Enlevez-leur tout contrôle, enlevez-leur tout contrôle, enlevez-leur tout contrôle.)

Je répète sans cesse ses dernières paroles dans l’espoir de voir une idée germée. Hélas, le contrôle, c’est le vent qui le détient, c’est lui qui joue dans les voiles et les gonfle.

« Et si… »

Enfin sorti de ma torpeur, je m’adresse à Anarazel.

« Et si on lui enlevait son jouet! »

À peine prononcée, je réalise que mes paroles ne seront comprises que si je prends le temps d’expliquer mon idée. Du temps, je n’en ai pas et personne n’en aura jamais plus si je ne me dépêche pas.

De retour à la vie, mon cœur est toujours sur le point d’exploser, mais l’espoir retrouvé et l’idée que je pourrai peut-être m’en sortir me permet de mieux canaliser mon énergie. Sans ajouter un mot, je tourne les talons et me dirige vers le pont pour m’engager ensuite dans le grand escalier, celui-là même que nous avons utilisé pour remonter lors de notre visite ultérieure.

Quelques secondes d’arrêt me sont nécessaires pour me concentrer sur le chemin emprunté, je devrai effectuer le trajet en sens inverse cette fois. Ceci fait, rapidement, je descends les marches et pénètre dans la grande salle qui est meublée de tables fixées au plancher et me dirige tout droit vers la cuisine. Sans façon, sans question, sans un regard vers le seul employé qui est au fourneau, je m’empare de la chaudière de suif qui se trouve par terre.

Contournant une fois de plus les tables de bois, je franchis la porte menant au dortoir et agrippe la première couverture que je trouve. Sans me soucier de sa propreté, je l’enroule autour de mon cou évitant de cette manière de piler dessus. Ainsi affublé, je traverse une dernière fois la salle à manger ramassant au passage une lampe allumée. C’est au pas de course que je gravis le grand escalier. Sans ralentir mon allure, je retourne à la poupe rejoindre le second.

Tout mon fatras à mes pieds, avec mes mains aidées de mes dents, je déchire sans difficulté en lanière le drap fortement usé. Tout ce faisant, je me risque d’expliquer ma folle idée.

« Et si on empêchait le vent, de faire avancer le Rubis sanglant »

Les mains maintenant plongées dans la graisse, j’enduis généreusement les bouts de tissus lacérés.

(Il faut vraiment que ma fin soit proche pour que j’encrasse mes mains de gras animal.)

Tout en m’adressant à Anarazel, je désigne Ruméus du regard.

« Il ne reste plus qu’à enrouler ces bouts de chiffons autour d’une flèche, d’y mettre le feu et les misaines, huniers et perroquets du navire ennemi partiront en fumée. »

Cette dernière phrase ponctuée d’un clin d’œil se veut ferme, mais amicale. Mon plan est bon, j'en suis persuadé, les flèches enflammées détruiront leurs voiles ce qui devra stopper la progression de leur vaisseau.

Fébrile, je poursuis le graissage des bouts de draps, attendant avec impatience qu’il ordonne à l’archer de s’exécuter.

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Dernière édition par Mathis le Dim 5 Juil 2009 14:27, édité 3 fois.

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 Sujet du message: Re: Chapitre 2: L'Echangeur
MessagePosté: Mer 27 Mai 2009 07:27 
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Rosie sentit un certain dédain de la part de la femme aux tatouages face à la race humaine lorsqu’elle louangea le bon jugement des animaux.

( Plus sensés… où plus simple d’esprit? )

Rosie ne répondit pas se contentant de hocher de la tête pensive. Là haut, la vue en était imprenable.

( C’est magnifique. )

Elle en profita donc pour se délecté de cette vision magnifique mais aussi pour observé leurs concurrents. La femme à qui elle tenait compagnie ne s’avéra pas très bavarde ce que Rosie ne lui reprocha pas n’était elle-même pas vraiment porter à parler.

Pourtant à un certain moment, alors que les lueurs du crépuscule commençaient à teinter le ciel d’orangé, l’adolescente réalisa qu’elle ignorait toujours le nom de cette nouvelle alliée, mais elle n’eut pas la chance de le lui demander car au loin, la femme aperçut quelque chose d’inhabituel.

« Hé ! Les pirates font des trucs louches ! On est les cibles, ça va bouger, d’ici peu ! »

Rosie plissa les yeux. Évidemment, des choses se tramaient à bord de ce navire sale et c’était certainement rien de bon. Sentant qu’elle serait plus utile en bas que là haut, Rosie ne perdit pas une seule seconde et entreprit de descendre sans prononcer un seul mot à l’intention de la femme. De toute façon, l’adolescente en était sûre, elle n’aurait même pas répondu. Il y avait mieux à faire en ce moment que d’engager la conversation. Accrochée aux cordages, la jeune semi-elfe jeta un regard au loin pour constater la progression un peu trop rapide du bateau aux voiles sales, celui les pirates. Il était clair qu’ils ne s’approchaient pas d’eux pour échanger quelques poignés de mains amicales. Non, aux paroles que le capitaine vociféra à se sujet, on pouvait nettement comprendre les intentions hostile des pillards des mers. Rosie pesta, oubliant la hauteur inconfortable à laquelle elle se trouvait. Des choses plus importantes se tramaient.

( Ces lâches profitent de notre faiblesse tandis qu’il en est encore temps. )

L’équipage avaient subit de lourde perte lors du combat effroyable sur les quais. Il restait encore plusieurs bras vaillant pour défendre, au péril de leur vie, l’honneur de l’Échangeur, mais certainement pas assez pour vaincre leur assaillant. Même en sachant que cela ne ferait pas vraiment une énorme différence, Rosie tenait à offrir le concours de sa lame à l’équipage, leur prêter main forte, faire sa part. Toujours dans les airs, elle avait l’impression que cela lui prendrait une éternité pour atteindre le sol. Elle sentait la menace s’approcher toujours plus et pour l’instant elle se sentait dans l’impuissance la plus complète.

« Toi là-haut, descends de là! Viens défendre le gaillard d'arrière avec Mathis. C'est le cœur du navire, il nous faut en rester maîtres! »

Nerveuse, l’adolescente laissa tomber un grondement d’impatience. Elle allait vite et pourtant elle avait l’impression que ce n’était pas encore assez.

« Mais c’est ce que je fais aussi! »

Sa voix était emplie de détresse, il fallait qu’elle aille plus vite. Dans son empressement, elle perdait souvent pied, se brulant les mains contre le cordage alors qu’elle tentait à chaque fois d’éviter une chute fatale, mais elle ne s’en soucia même pas, son esprit étant plutôt occuper par les pirates vils et sanguinaires qui ne feront qu’une bouchée de L’Échangeur. Sans plan, sans tactique, ils étaient perdus. Engager le combat, prendre les armes, ça ne ferait que ralentir, que repousser le moment fatidique alors qu’une stratégie bien roder pouvait se résulter par un succès. Le seul problème demeurait qu’il fallait commencer par trouver ce qu’il en était.

N’étant plus bien loin du pont, l’adolescente se laissa tomber. Enfin elle se sentait utile, elle était maintenant sur le pont. Sans perdre un instant, elle se dirigea d’un pas déterminer vers le lieu que lui avait indiqué le second du capitaine, qu’elle que soi son nom. Elle dégaina son arme, en l’attente des pirates, prête à se défendre jusqu’à son tout dernier souffle. Elle aurait voulu qu’il en soi autrement. Elle aurait voulu ne pas avoir à faire couler du sang de plus qu’elle avait l’impression que se battre serait vain et que tout cela se résulterait par la mort sordide et injuste. Malheureusement, ses idées étaient trop flou pour qu’elle puisse seulement trouver une solution, une stratégie. L’elfe sans nez demandait de détruire le gouvernail de leur assaillant, mais comment pouvait-on réellement y parvenir? On ne réduisait pas ce genre de chose en morceau à une telle distance et surtout de cette façon. Mais qu’avait-elle de mieux à proposer après tout?

C’est alors qu’elle remarqua l’agitation de Mathis. Il parlait à l’être sans nez, tout en s’acharnant à déchirer frénétiquement un drap usé en lanière. Curieuse, Rosie s’approcha d’eux discrètement. L’humain avait-il trouvé la solution? Tendant l’oreille, elle écouta attentivement ces paroles.

« Il ne reste plus qu’à enrouler ces bouts de chiffons autour d’une flèche, d’y mettre le feu et les misaines, huniers et perroquets du navire ennemi partiront en fumée. »

Au bout de ces explications, la jeune femme entrouvrit la bouche, impressionnée.

( Ce n’est pas bête du tout. )

Elle vit dans cette stratégie leur seule chance d’empêcher un nouveau bain de sang. Mathis paraissait complètement convaincu de ce qu’il avançait et continuait sa besogne.

« Je crois… »

Elle hésita un instant, puis plongea ses yeux d’émeraudes dans les orifices de rubis du second elfique. Elle savait que c’était à lui de décider, à lui de donner des ordres, mais ce plan demeurait être la meilleure solution jusqu’à maintenant.

« Je crois que c’est une bonne idée. »

Sans faire plus de cérémonie, Rosie s’empara de la couverture que l’humain avait délaissée, pour plutôt travailler à recouvrir les lanières d’une graisse animale, et continua cette tache abandonné. Elle commença à déchirer des lanières de tissus pour son allié. Le monde tout autour n’existait plus. Seul l’image du feu rougeoyant hantait ses pensés, déterrant par la même occasion ce souvenir flou d’incendie mortelle qui n’avait rien d’accidentelle. Les flammes grugeaient la maison, ne se rassasiant jamais de leur festin, continuant de la dévorer férocement. Elle se revoyait couverte de sang, à demi-consciente, le sable brulant contre sa joue, hypnotisé par le mouvement du feu. Puis là, un monstre, une masse sombre et velu, finissant d’étendre les flammes dans la pièce. Rosie se souvenait encore de ce sentiment de haine et de vengeance qui l’avait animé ce soir là. Elle aurait voulu le bruler vivant pour ce qu’il avait fait… mais qu’avait-il fait au juste. Ça elle l’ignorait toujours. Elle fini son ouvrage le regard noir.

Puis soudain, la tête légèrement inclinée sur le coté avec un léger sourire naïf perché aux lèvres, elle murmura d’une douce voix :

« Pourquoi on se contenterais des voiles? »

Si le bateau au complet se voyait être réduit en cendre ce serait d’autant plus satisfaisant. Ces vils pirates sombreraient dans l’abîme de ces eaux profondes. Ses yeux s’arrondir. Elle réalisa ce qu’elle venait de dire. Elle secoua la tête pour se sortir chasser ces idées horrible.

( Mais qu’est ce que tu radotes? Qu’est ce qui t’arrive? )

Brulé ce bateau au complet, c’était leur donné la mort. C’était cruel et inhumain.

« Non… les voiles. Juste les voiles c’est bien. »

Elle recula de quelques pas et surveilla d’un mauvais œil la progression du vaisseau pirate. En plus d’éviter un affrontement injuste, en brulant les voiles, ils les retarderaient dans la chasse au trésor, voir les stopperait définitivement. Elle voyait déjà les flammes lécher sans pitié les voiles sales du navire pirate.

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Rosie Skufita
Une Coureuse des plaines semi-elfique accompagnée par l'ours Mérové
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 Sujet du message: Re: Chapitre 2: L'Echangeur
MessagePosté: Mer 27 Mai 2009 15:30 
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Les aventuriers se mettaient en mouvement d'un même élan fatigué et désespéré. Ils savaient le danger qu'ils courraient, et, pire encore, sentaient au fond de leur tripes qu'ils ne pouvaient en réchapper qu'au prix de leur sang, et de leur sueur. Certains laisseraient leur vie s'épandre dans la mer, à jamais dissolue dans l'éternité. D'autre geindraient comme des mouettes derrière un pêcheur, espérant ramasser un peu de clémence - mais il n'y avait pas de place pour celle-ci sur les mers, où tout équipage se dressait comme un seul homme solitaire.

Anarazel observait d'un œil les aventuriers suivre ses ordres - Mathis approchait, comme sortit d'un rêve, Rosie rejoignait le pont en une descente chaotique, dont les hoquets devaient lui enflammer les mains, laissant des traces brûlées sur sa douce peau.

Le feu, sur l'océan, ne tarderait pas à ce déchaîner; et qu'importait sa forme, tous les cœurs s'embraseraient en une plainte partagée, tellement intime qu'elle en devenait terrifiante. L'équipage entendait ses échos avant même que le brasier ne commence...

Mathis était maintenant aux côtés du démon, sabre toujours au fourreau, mais il semblait prêt à en découdre, forcé de faire face à la cuisante vérité.

"-Et si..." Prononça-t-il en une phrase se perdant en longueur. "Et si on lui enlevait son jouet!"

Le sang-mêlé, proie enchaînée de ses folies nouvellement réveillées, cligna des yeux, faisant un instant disparaître l'éclat rougeoyant de ses orbites enfoncées.
Mathis avait-il perdu la raison? Ou était-ce lui qui nageait définitivement dans l'océan de l'absurdité, projeté par les derniers traits de sa conscience?

Puis l'homme partit sans ajouter mot, descendit d'un pas précipité les marches menant aux quartiers de l'équipage, idée en tête.

Anarazel le laissa faire, à la fois curieux, incrédule et figé. S'il avait une solution, il fallait qu'il se dépêche de l'expliciter, par des mots, ou s'il en était incapable, en agissant.
La gorge blafarde d'Anarazel émit un raclement rauque, déterminé. Ils n'avaient le choix. Mathis non plus. L'idée que ce dernier fut parti se terrer de peur, ne l'avait même pas effleurée.

Quelques instants s'écoulèrent, suintant longuement avant de tomber dans l'oubli du passé; et Anarazel n'eut que vaguement conscience de l'agitation de l'équipage - seuls Mathis, Rosie qui arrivait, et l'abordage proche le préoccupaient. Puis l'humain resurgit de l'escalier, muni d'un attirail hétéroclite.

Feu. Graisse. Tissus. Le sang du démon ne fit qu'un tour. Mathis venait d'avoir une idée magistrale, qu'il voyait se dessiner dans ses pensées, de plus en plus distinctement au sein de son esprit glacé. Oui...

"- Il ne reste plus qu’à enrouler ces bouts de chiffons autour d’une flèche, d’y mettre le feu," reprit Mathis. "Et les misaines, huniers et perroquets du navire ennemi partiront en fumée."

Rosie s'était entre temps approchée, et mise à s'affairer après quelques paroles furtives. Elle aussi, avait compris : le stratagème était ingénieux. Très ingénieux : il ne leur resterait plus qu'à voir les voiles si vite embrasées se consumer, se transformer en fumée, emportant du même coups les immondices dont elles étaient imprégnées.

"- Pourquoi on se contenterait des voiles," questionna-t-elle alors, ajoutant à sa phrase une touche de naïveté et de douceur qui la rendait sinistre, et sinistrement belle...

Le sourire du démon, disparût quelques instants pour laisser place à la surprise, renaquît, redoublé. La semi-elfe venait de remonter dans son estime, tout comme Mathis, qui pourtant lui avait manqué de respect.

*


L'aura impie, emplie d'une joie macabre qui de mes pensées avait prises possession s'intensifia. Nous les tenions : l'avantage pouvait basculer, à défaut d'être totalement renversé.

Ruméus attendait les ordres du second - il attendait mes ordres, les ordres de ma Sombre Déesse soudain si raffermie, si sensible et prête à faire se déchaîner les flammes.

Feu. Graisse. Tissus... Il ne manquait plus qu'un arc, et une myriade de flèches pour enflammer le bois d'un navire étonné, brandir haut dans le ciel la vengeance des assaillis : cent traits de feu devaient s'élever de l'Échangeur.
Et pas seulement de l'arc de Ruméus...

Je me retournai, regard flambant d'une lueur malicieuse. Ce dernier ne serait pas le seul à brûler...

"- Ruméus, prête à cette graisse tes flèches et ta précision," dis-je d'une voix emplie d'une sombre joie, n'entendant que vaguement Rosie souffler quelque chose. "Enflamme leurs voiles dès que tu le peux, puis leurs cordages."

Je fis volteface vers la nid-de-pie: l'arc de la demoiselle ne serait pas de trop. Je lui fis un signe rapide de la main, tout en tournant mon attention exacerbée vers le Khamsin.

"- Capitaine, si vos marins ont des arcs, il serait grand tant qu'ils les prennent. Nous tenons la solution." Une pause rapide. Le temps était compté. "Et les voiles doivent être prêtes : une fois la surprise passée, s'ils ne nous abordent pas, ils répondront par la réciproque. Il faudra alors éloigner l'Échangeur, de mon point de vue."

Mes cheveux ondulèrent dans le vent tandis que je me tournai vers Mathis, le sourire satisfait :

"- Belle initiative, l'ami," conclus-je d'une voix adoucie.

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Ecrire, c'est tuer, prier, délirer. Pour combler l'écart. Abolir l'Entre. Et n'y parvenir jamais. [Michèle Mailhot]


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