Lillith a écrit:
Nous reprenons la marche en laissant Lothindil un peu en arrière alors qu’elle est occupée à méditer ou quelque chose dans le genre.
(Elle discute avec des plantes.)
(Elle sait faire ça ?)
Je suis très étonné de cette capacité. J’avais déjà entendu parlais de personnes communiquant avec les animaux, mais les plantes… Je n’ai jamais pensé qu’une plante pouvait avoir un esprit.
(J’aurais fait un bien piètre druide… Je suis vraiment à des lieues de comprendre la nature, je n’ai pas vraiment ce rapport avec elle)
(Pas juste avec la nature, mais la vie en général)
(Qu’est-ce que tu raconte ? Je n’aime pas la mort !)
(Pourquoi tu parles de la mort alors que je parle de la vie ? Ce détournement est révélateur ! Ks ks ks… Il y a une subtile nuance entre dire « je n’aime pas la mort » et « j’aime la vie », non ?)
(Ne joue pas sur les mots.)
(J’essaye juste de te faire rendre compte que tu as un point de vue bien spécial face à la vie et le mort, qui se forge lentement dans ta petite tête)
Pour illustrer son propos, Kristal me donne un petit coup sur le crâne avec son museau.
(Pas la peine de palabrer, tes histoires sont toujours trop compliquées…)
(Tu préfère ne pas les comprendre plutôt… Bien, nous aurons tout notre temps pour en reparler plus tard...)
Lothindil nous rejoint et nous fait par de ses discussions avec les arbres. A l’annonce de survivants potentiels, je me surprends à n’éprouver aucune émotion. Kristal est dans le vrai, à mon grand damne.
(Je suis donc insensible et sans cœur ?)
(Non, ton cœur est voué à autre chose, mais ta sensibilité est juste différente.)
(Voué à quoi ?.. oh, la glace… mon cœur appartient Yuia ?)
(En quelque sorte. C’est trop simplificateur de parler d’une exclusivité pareille, mais c’est l’idée.)
Ces idées m’embrouillent l’esprit et je reste silencieux le reste du chemin. Nous arrivons dans une plaine et les autres s’arrêtent, regardant intensément l’horizon. Je mets quelques secondes à comprendre que l’aynore est écrasé au beau milieu de la lande. Mais de loin, je n’y vois que des fines distorsions de la température ambiante. D’un coté, j’envie les autres d’admirer la situation, mais en même temps je suis soulagé que certaines choses ne me soient pas visibles. La scène doit être fascinante mais prompt à remplir les futures nuits de cauchemars…
Je vois alors une tâche blanche bien nette au loin, longue et fine. Elle disparaît après quelques instants et je me rappelle alors du « fantôme » de la hutte qui avait fait la même trace thermique.
(C’est réellement des fantômes ?)
(Je ne sais pas, mais ils me fichent la chair de poule.)
(Tant qu’ils restent loin de nous…)
(Justement, des créatures qui observent, et suivent peut-être, le groupe au loin, ça ne laisse présager rien de bon.)
Sur le chemin, Bogast nous explique avec précision les plans de l’aynore. Je suis vite perdu dans toutes ses histoires de couloirs et d’étages. Mais de toute façon, nous devons explorer chaque recoin pour trouver des survivants donc il suffira d’aller partout. Quand nous arrivons près de l’appareil éventré, Keynthara montre une certaine résistance à vouloir entrer. Elle n’a pas tord.
(A quoi cela sert qu’on y aille. Ce charnier est dangereux et les deux survivants ne retourneraient sûrement pas ici. L’aynore était notre but à la base mais au final, sachant que les survivants ont fait un camp qu’ils ont ensuite déserté, l’intérêt du cadavre de la machine volante est nul.)
Je songe à rester comme elle dehors, mais ma fierté, avec sûrement un once de machisme et surtout une peur de décevoir, encore, me convainc d’y aller. Nous escaladons la paroi défoncée pour atteindre la porte à l’étage. Quand c’est mon tour, je progresse lentement, cherchant patiemment les prises, mais sachant à peu près les bonnes prises grâce au passage de mes compagnons.
La première chose qui m’assaillit quand je pénètre à l’intérieur, c’est l’odeur. La putrescence et la mort ont souillé l’atmosphère et les relents de pourriture affectent l’air. Je retiens ma respiration inutilement pour me soulager quelques secondes du musc de ce charnier. Je prends finalement la décision de respirer par la bouche, limitant l’influence de l’odeur sans toute fois l’enlever de mon esprit.
Ensuite, je commence à discerner quelques petites choses à l’intérieur. Des barres suspendues au plafond produisent une douce chaleur grise anthracite, d’origine magique sûrement. La vague thermique en émanant se dépose sur le reste du couloir me donnant une vision générale des volumes. Quelques tâches sombres volètent ici ou là, manifestant la présence de mouche et autres insectes parasitaires qui se réjouisse de cette carcasse…
Suivant les indications de Bogast, j’empoigne fermement la hampe de mon bâton, puis prends le premier couloir à gauche, commençant la fouille des chambres. La première semble vide et je m’empresse d’enchaîner avec la suite.
(Tu as bien fait, il ne restait plus grand-chose des cadavres dedans…)
(Plus grand chose ?!)
(Les charognards. Le spectacle est loin d’être réjouissant.)
(J’en viens à bénir la vision différée que tu m’offres.)
La seconde chambre est verrouillée et je reste coincé devant la porte. J’essaye d’appeler mais le silence pesant bloque ma voix en un murmure disgracieux. Résolument touché par cette ambiance lourde, je finis par simplement taper contre la porte et attendre une réponse qui n’arriva pas.
(Essaye de voir si quelque chose est encore vivant à travers le mur.)
(A travers le mur ! Je ne peux pas faire, non ?)
(Si tu te concentres assez)
Je fixe alors la porte intensément, cherchant à effacer de mon esprit la présence de la porte et de sa légère chaleur gris pâle. Tout ce qui importe, C’est la chaleur que pourrait dégager un corps un peu plus loin. Pendant plusieurs minutes, je me concentre mais en vain.
(Toujours ma paroi grise… C’est impossible !)
(Ks ks ks ! Je t’ai surestimé dans ce cas.)
(Je ne peux PAS. Aucun homme ne pourrait y arriver.)
(Aucun homme… euh, c’est une possibilité… Je me souviens plus si la chose ayant déjà réussit s’apparentait à un être humain.)
(Tu le fais exprès ?)
(Bah, si c’est le cas, c’est juste pour détendre l’atmosphère.)
La troisième porte laisse peu de résistance et j’entre dans une nouvelle chambre. Je scrute rapidement les environs puis me dirige très vite vers une lueur d’espoir. Une silhouette humaine est assise contre le mur. Sa chaleur corporelle, bien que faible, me fait espérer à un survivant inopiné. Son tronc a gardé une chaleur encore suffisante. Chanceux mais chancelant, je m’accroupis auprès de lui en chuchotant d’une voix pressée et tremblante.
« Ca va aller. Tenez bon. »
Son coma ne faisait aucun doute, mais lui parler me faisait du bien. Je l’allonge délicatement au sol. Il ne respire pas et je commence à désespérer malgré sa chaleur. Je cherche alors son pouls à la carotide.
(Rien… Pas de respiration, pas de pouls. Il va mourir si je ne fais rien !)
Faisant fis de toute logique sur les possibilités de survie de cet homme pendant 20 jours et son malaise juste avant notre arrivée, je cherche à le réanimer.
« Arévoès, vite ! ICI ! »
Serrant mes mains l’une sur l’autre, je les pose sur sa poitrine et commence un massage cardiaque. A chaque impulsion, j’ai l’impression d’écraser de la gélatine, mais je continu. Arrivé au dernier coup avant de lui insuffler un peu d’air, mon appui se fait trop imposant et son ventre craque, dans un déchirement sec suivit d’une régurgitation immonde de ses boyaux. Les chairs putréfiées et dégoulinantes giclent à grand renfort d’un liquide chaud que je ne pense pas être vraiment du sang, dégageant au passage des gaz puants à l’air libre.
La vision de ce corps est désormais une monstruosité. J’ai l’impression de voir une salade d’entrailles qui grouillent et gigotent, comme dans un cauchemar où la non-vie anime des corps mutilés. Lentement, je comprends l’étendue de mon erreur et le comble de l’horreur.
(Cet homme est mort depuis longtemps. Il est devenu l’habitat de cette pourriture de ver qui le consomme à petit feu… La chaleur venait des gaz et de l’animation des vers. C’est immonde !)
Arévoès est arrivé dans l’encadrement de la porte. Je sens sa présence mais n’ose le regarder. Je n’arrive pas non plus à me relever et quitter ce qu’il reste du cadavre. Je suis toujours figé, les mains en position pour le massage. Sans plus savoir ce que je fais, je recommence mes pressions sur sa poitrine, plus forte cette fois-ci, avec une fougue extrême, une sorte de frénésie de folie pure. Mes nerfs lâchent suite à l’horreur de la situation et les larmes commencent à couler à flots.
Arévoès me rejoins et me bloque les bras. Je lui oppose une résistance vaine et ébranlée à laquelle il met fin en me serrant contre lui, à la manière d’une mère.
« C’est trop tard Lillith, arrête… c’est finit… »
Je mets quelques minutes à me calmer mais décide de poursuivre, m’opposant à l’avis du médecin qui me propose de rejoindre Keynthara et Seldell.
(Je ne dois pas craquer et être au dessus de ça.)
(Bien dit !)
(… Oh non ! …C’est pas vrai !)
(…)
(Tu savais mais tu m’as laissé faire ! Je n’arrive pas à y CROIRE ! COMMENT PEUX TU ME FAIRE CA ?!)
(Ne fais pas l’idiot, tu sais très bien pourquoi ! Je suis là pour te guider dans ta vie, pas t’éviter de la vivre !)
(Et j’avais vraiment besoin de voir les carnages de la mort !)
(Du point de vue des vers, cela semble être tout le contraire, tu ne crois pas ?)
(Inepties !)
Ses paroles ne sont pas dénuées de sens mais je suis trop énervé sur le moment pour le reconnaître. Etant arrivé au bout du couloir, je fais face au vide, par la cassure de l’aynore. Le passage est bloqué par des débris, mais l’air passe et j’en profite pour en respirer une bonne goulée bien fraîche, avant de revenir sur mes pas. Je retombe sur le croisement par où nous sommes arrivés et je suis les autres qui se dirigent vers les profondeurs du vaisseau. Nous atteignons un escalier qui mène à la salle des machines à l’étage inférieur.
Avant même de descendre, je sens la chaleur émaner de la trappe. L’air devient suffocant en plus d’être nauséabond. Nous descendons un à un dans l’escalier étroit dans une fournaise où les cadavres macèrent et exaltent une odeur de mort plus que forte.
(Je ne serais pas étonné que l’endroit soit rougeoyant et qu’un émissaire de Phaistos à la queue fourchue nous accueille !)
(Tu n’as pas tort en plus)
(Quoi ?!)
(Je parle de la couleur des lieux. Les lumières magiques sont rouges.)
(Ca doit être joyeux pour les autres.)
Je soupire intérieurement.
(Enfin, j’ai pensé à pire quand tu m’as confirmé ma pensée !)
(…)
La canicule est pour moi plus que gênante, outre mon malaise en milieu chaud. Pour ma nouvelle vue, les lieux sont envahis d’un brouillard épais, un gris sombre où se perdent les silhouettes de mes compagnons si ils sont trop éloignés de moi. Au moins, mes déplacements sont plus aisés : les machines forment des murs noirs et un dédale de couloirs pâles où se détachent les formes qui avaient été autrefois des êtres vivants.
Le crash a du être terrible et ce charnier est une atrocité qui ne devrait pas exister. Personne n’est d’humeur a parler et les cris d’appel pour d’éventuels rescapés sont tus depuis un moment. Je commence à me demander pourquoi on continu.
Après quelques sinuosités dans le labyrinthe de machines, nous atteignons la fameuse salle de verre. Des petits courants d’air passent dans les débris à l’autre bout, rafraîchissant quelque peu la pièce chauffée par l’air brûlant de la salle précédente. Le fond de la pièce est remplis de bon nombre de formes ovoïdales qui dégage un peu de chaleur.
(Des cocons d’araignées.)
(D’araignées géantes vu la taille… Des œufs ?)
(Non, des réserves de nourritures… Des cadavres.)
Comme pour imager le propos de ma faera, Fizold s’avance courageusement et déchire un premier cocon. Alors que sa lame fend la soie, un liquide tiède fumant s’écoule en grandes gerbes et un corps le suit, rachitique et décomposé. Fizold semble sous le choc et manque de vomir. Ensuite, il continu son œuvre funeste en ouvrant un second cocon.
(C’est trop tard, il ne va trouver que des cadavres…)
(Attends… Non ! Il y en a un encore en vie !)
(C’est vrai ?)
(Je le sens. Et tu dois pouvoir le sentir aussi… vraiment cette fois.)
J’examine alors les ovoïdes et constate que l’un d’eux dégage une chaleur légèrement différente. Alors que j’allais avertir les autres de ma découverte, je remarque que les courants d’air s’intensifient. Et jetant un coup d’œil à Bogast, j’en comprends vite la cause. Son visage est pâle et des taches sombres parcourent ses joues… des larmes. Il hurle alors en pointant ses bras en avant.
Chose étonnante, j’arrive à voir le vent qu’il crée. Les volutes fraîches sont comme un balayage de courbes blanches dans le paysage gris. Mais je ne peux m’appesantir sur la beauté de son sort car l’apesanteur elle-même vient m’emporter. Contrairement à mes compagnons qui semblent fixés au sol, je suis en train de m’élever dangereusement.
Je sens mon armure vibrer et certains cristaux émettent une lueur bleutée. Mais très vite, ces vibrations augmentent jusqu’à me faire souffrir.
(Qu’est-ce qu’il se passe ?)
(L’armure absorbe la magie, tu te rappelles ?)
(Oui, mais seulement les sorts qui m’attaquent.)
(Bogast invoque les vents d’une puissance extrême. Il maîtrise une magie ultime. C’est un cas un peu particulier. Bien qu’il protège le groupe par une pesanteur intense, le vent déferle partout, d’où la confusion de ton armure.)
(Mais les vibrations ?)
(La magie ultime doit être trop puissante pour être absorber entièrement. Malheureusement, elle a déjà absorber l’effet de pesanteur.)
L’armure ne supporte plus la charge de magie et je suis emporté par le vent. Je me cogne au plafond dans lequel quelques piques de mon armure se fichent, ralentissement mon déplacement furieux. Les débris volent autour de moi, déchirant les cocons et rebondissant contre les murs dans d’horribles bruits métalliques.
Je finis par être envoyé au loin, et retombe lourdement sur le sol au milieu des cocons éventrés. Cherchant à reprendre mes repères, je vois alors un grand nombre de silhouettes massives arrivant par l’ouverture faite par le dégagement des débris. Trop massives pour être amicales.
Je me relève le plus vite possible pour rejoindre les autres, suivant Bogast qui a ramassé un enfant qui m’est inconnu. La druide pousse un cri incompréhensible dans le tumulte alors que les autres commencent à fuir. Mais nous ne sommes pas au bout de nos peines. Des formes étranges parcourent les lieux. Des membres en sortent de toutes parts et je conclus que les araignées n’ont pas déserté leur nid.
Dérangées par le sort de Bogast, elles sont énervées et attaquent les perturbateurs, ne faisant aucunes différences entre nous et les orcs. Plusieurs d’entre elles me foncent dessus, avec le rythme effréné des cliquetis de leurs 8 pattes sur le sol composite. Pointant mon bâton Fl’benk dans leur direction, je concentre ma magie en un rapide et effilé pic de glace, jaillissant du cristal pour aller se ficher dans le corps de la première araignée et l’envoyer en arrière d’un ou deux mètres. Je souris un bref instant en voyant filer cet éclair blanc pour transpercer le gris foncé de la vermine et l’éclaircir mortellement.
(Pas le temps de contempler, dégage de là !)
Réagissant à l’ordre de ma faera, je me retourne prestement et court dans la direction de la salle des machines. Je dépasse Lothindil qui frappe le sol de son bâton et entends alors le fracassement du sol que je venais de quitter. Je tourne la tête par réflexe pour vérifier que Lothindil est ma suite. Mais quand je me remets dans le bon sens, j’ai la surprise de voir une forme sombre juste devant mes yeux, à quelques dizaines de centimètres.
(A droite !)
Pliant les jambes pour avoir une meilleure impulsion, je me jette à droite et heureusement ne rencontre aucune machine. Kristal m’avait indiqué le bon moment pour prendre un couloir sur le coté. Je me faufile entre les moteurs et chaudières, cherchant du regard le prochain piège. Il arrive peu de temps après alors qu’une araignée me fait face. Pour l’éviter, je saute au dessus en m’appuyant sur mon bâton qui avec un peu de chance se plantera dans la bestiole. Mon bond fonctionne pour l’éviter mais me fait aller droit dans une rangée de tuyaux que je ne peux éviter. Avec un certain fatalisme, je vois les cylindres d’un noir profond face à moi. Pour ne pas m’aplatir contre ce que je sais brûlant, je m’apprête à faire fonctionner un peu ma magie.
(Non ! Autant de froid sur un tuyau aussi chaud, c’est dangereux !)
Faisant confiance à Kristal, j’abandonne mon idée et me réceptionne avec les mains qui réagissent immédiatement en envoyant une vague de douleur dans mes bras. Un coup d’œil à droite, me dissuade rapidement d’emprunter ce passage, où les araignées sont si nombreuses qu’elles se chevauchent. Je prends donc à gauche sans même vérifier si la première arachnée avait été touchée par mon épieu cristallin.
(C’est le bon chemin. Dès que tu peux, reprends à gauche pour rejoindre l’escalier.)
(D’accord… En quoi c’était dangereux de refroidir les tuyaux ? J’ai les mains brûlées !)
(C’est pas le moment de te faire un cours sur le choc thermique mais vu l’état du matériel une grosse différence entre la chaleur présente et ton froid qui est loin d’être négligeable, la conduite de gaz ou vapeur aurait pu sauter !)
(Et c’est juste maintenant que tu le dis !)
Je m’arrête de courir pour me retourner vers la nuée aux milles pattes qui me suit comme une horde de chasseur derrière un renard. Je tends mon bâton et posant le cristal sur les tuyaux courant le long du mur.
« Froid contre chaud, le choc va être terrible pour vous sales bêtes ! »
Je concentre mes fluides, qui parcourent alors le bâton et commencent à geler les tuyaux. Une longue traînée glacée se dessine, pour commencer à disparaître aussitôt en vapeur. Mais je continu en insistant pour que le froid domine. Je vois avec ravissement des réactions étranges au niveau des zones de contacts et très vite, la matière se tord.
Les araignées sont presque sur moi quand les dilatations et constrictions répétitives des métaux viennent à bout de sa solidité. Plusieurs tuyaux se fendent sur une bonne longueur, laissant échapper des volutes sombres qui ébouillantent vivantes la vermine agressive.
(Cela me rappelle une recette de confiserie à Oranan, manque plus que la broche…)
Je poursuis ma route en détalant avant que la vapeur ne me touche aussi. Je tourne à gauche à l’intersection suivante et rejoins le chemin principal. Ravi de voir l’escalier non loin, je tourne à droite sans voir l’orc qui m’arrive de la gauche. Il me donne un coup de pied me faisant tomber au sol tout en fauchant d’une lame Kristal sous forme d’hermine sur mon épaule. Et là tout devient flou. Je perds ma vision thermique et me retrouve dans le noir complet. Ou presque… J’ai l’impression de voir du rouge. Partout, des nuances sanguinolentes de rouge. Mais je ne suis plus apte à rien et un orc doit être au dessus de moi à l’instant.
« Kristal ! »
Je cherche frénétiquement et bêtement par terre, comme un vieillard cherchant ses binocles. Faute de trouver Kristal, je ramasse mon bâton que j’avais lâché et le tends au dessus de moi. Soudain, je recouvre ma vue thermique. Kristal volette près de moi sous sa forme féérique.
(Il n’est pas né l’orc qui pourra me blesser ! Mais quand même, il m’a envoyé bien loin !)
Esquissant un sourire intérieur, je regarde devant moi et voit l’orc aux prises avec une araignée, bien plus grosse que celles que j’ai grillées, essayant de lui briser la nuque d’un coup de crochet. Sans même me relever, je plante mon bâton du coté légèrement pointu de toutes mes forces dans le ventre de l’orc. Il s’effondre en arrière alors que son autre bourreau en profite pour le décapiter.
Non ravi de la mort qu’elle vient de donner, l’araignée tueuse se dirige vers moi alors que je ne suis pas encore relevé. Heureusement pour moi, Lothindil arrive par derrière et la plante d’un savant coup d’épée.
Sans prendre le temps de la remercier même si le cœur y est, je me relève et me dirige vers l’escalier. Je le grimpe maladroitement tout en entendant Lothindil briser quelques machines pour bloquer le passage.
(Elle est vraiment forte celle là ! Elle ne manque pas de possibilités !)
Je passe au dessus de corps de peaux vertes encore chauds et sûrement vivants. Je ne traîne pas pour le vérifier. Avec le stress, je suis complètement perdu et ne doit mon passage sans erreur que grâce à ma faera. J’entends à un moment lothindil crier à l’aide d’une voix gutturale qui m’inquiète sur sa situation mais le temps de la rejoindre elle est déjà repartie, courant vers moi. Je poursuis donc jusqu’à un escalier qui monte à l’air libre, sur le pont. Les autres sont tous là et certains commencent à boucher l’escalier. Je les aide au mieux avant de m’écrouler, le stress retombant.
Certains essayent de panser leurs blessures et j’entends Cromax éclater de rire.
(Le pauvre, ses nerfs lâchent. Comme moi tout à l’heure.)
Dans un élan de compassion, je me dirige vers lui pour essayer de le calmer, tout en écoutant marmonner ma faera, qui reprend un peu tardivement sa forme d’hermine.
(On est à l’abri pour un moment, mais cela ne nous protégera pas éternellement des orcs. Ce n’est pas finit…)