Lelma a écrit:
L'être semble réfléchir à me proposition puis avec un petit sourire me répond.
"Hmm... J'hésite... Hmm... Bien... Je vais vous montrer la direction en effet. C'est sûrement la seul chose pour le bien qu'il me sera donné de faire, alors de toute façon..."
Il a une petite grimace à peine perceptible, il ordonne au monstre de se rendormir, ce dernier grogne mais obéit, reposant ses yeux devant lui et se figeant dans la même position qu'à notre entrée dans cette pièce.
Je reprend la parole : "Je vous remercie Seigneur de..." d'un signe de son doigt il nous invite à le suivre, me coupant dans mes remerciements. On passe alors par la porte d'où il est entré. Il marche vite, sans un mot, nous le suivons tous sans oser lui adresser la parole. Les pièces défilent, les couloirs succèdent aux couloirs, les salles aux salles. Un véritable labyrinthe d'où on ne serait jamais ressorti. Nous le suivons un long moment, sans savoir quand nous arriverons à destination. Puis brusquement il s'arrête face à une porte rouge capitonnée. Il nous regarde pour la première fois depuis notre départ de la salle à manger et tout en souriant il pose sa main sur la poignée. Il abaisse la poignée et tire la porte vers nous... Un souffle entre avec force, la porte dévoile un énorme escalier, semblant sans fin.
"C'est par là bas... Vous verrez un étrange anneau enflammé au loin. Dirigez vous vers là-bas, et on viendra vous chercher... Bon courage !"
Nous passons tous la porte et avant de nous retourner pour remercier encore une fois l'être qui vient de nous aider, la porte claque violemment.
"Sympa... Il était si pressé ?" demande Seldell un peu désabusé.
"Ne tardons pas, il faut descendre ces escaliers pour voir où ils mènent, j'espère qu'il ne nous a pas trompé."
Nous commençons la descente, la petite à un peu de mal vu la taille des marches, Seldell lui propose de monter sur son dos, adoptant ce que j'ai déjà fait pour Seyra. Elle dort toujours, mais est apaisée. Pourtant je sais qu'il ne faut pas tarder. L'escalier de pierre s'enfonce loin, si loin que nous ne voyons pas où il débouche. Large de plusieurs mètres il est entouré des immenses murs du château, construit dans la continuité d'une gigantesque falaise. Il y a plusieurs mètres de vide entre les murs et l'escalier, des deux cotés, tant et si bien qu'il semble que cet escalier flotte dans les airs. Une simple démarcation de pierre protège les inconscients du vide.
"Aller, on accélère, il faut partir de ce lieu au plus vite. Trouvons un anneau enflammé !"
Tous les deux on descend les escaliers en grandes enjambées, sans penser ou regarder au vide qui nous entoure, quand tout à coup un grondement retentit, des bruits de chutes de pierres. Continuant la descente je demande à Aakia.
"Vas voir d'où vient ce bruit..."
Elle vole rapidement vers le haut de l'escalier et revient très vite.
"L'escalier s'écroule ! Il va vous rattraper !"
Sans un mot on accélère tout deux courant maintenant alors que le bruit s'accroît et se rapproche derrière nous.
"Gargouilles derrières vous, baissez vous !"
Mais impossible de se baisser en pleine course, je sens un violent souffle nous passer deux fois juste au dessus, en regardant je vois deux créatures ailées à l'allure monstrueuse. Je sais que je ne vais rien pouvoir y faire, avec Seyra sur mon dos, m'interdisant tout combat. D'un souffle :
"On continu jusqu'en bas, taches de les éviter !"
Aakia se permet de faire une comparaison dont je ne comprends pas le sens.
"J'ai connu dans le temps des escaliers aussi long, je suivais de loin l'aventure de jeunes hommes qui devaient monter tout en haut pour sauver une jeune princesse... Sauf qu'il y avaient plusieurs maisons et dans chaque un gardien à l'armure d'or à vaincre..."
C'est vraiment le moment de nous dire ça Aakia... Si encore cela était utile... Les deux créatures ailées tentent plusieurs fois de nous approcher, mais nous sommes rapides et parvenons à les éviter tout en courant. Le bruit assourdissant des chutes de l'escalier se rapproche, au loin nous voyons une sorte de porte bloquer notre progression. Nous continuons notre course, c'est en fait une ancienne porte de bois à deux battants, massive, elle est fermée, empêchant tout passage, nous sommes condamnés. Les deux créatures arrivent, l'une derrière l'autre et fonce sur nous, au raz des escaliers, non loin derrière on voit le vide s'approcher inexorablement et ce bruit s'amplifier.
Aakia monte dans le ciel, à la rencontre de ses deux monstres, elle tournoie rapidement autour du premier, le désoriente.
"A couvert Seldell !"
On se met à genou, le monstre frappe violemment la porte qui se brise en plusieurs morceaux. La gargouille repart avec un cris sinistre à glacer le sang alors que la second évite d'un vol ascendant. Le bois tombe en grande planches, certaines glissant le long des marches. La porte est ouverte sur le choc, mais coupée à plus de la moitié. Nous n'avons rien, à peine quelques échardes et bout de bois sur nous, les gros blocs ont basculés de l'autre coté de la porte. Nous passons cette issue. C'est à cet instant que je sens Seyra bouger, et murmurer un "Papa" faible. Elle s'est réveillée, mais nous n'avons pas le temps, la chute de l'escalier va nous rattraper.
"Seldell, j'ai une idée folle, tu es prêt à n'importe quoi pour t'en sortir ?"
"As-t-on le choix ?"
"Non, sautes sur une de ces grandes planches, cramponnes-toi et fais-toi glisser !"
Je pousse une des grandes planches qui glissent bien sur l'escalier régulier. J'y saute dessus, accroupie, avec Seyra derrière moi, qui s'éveille peu à peu, je cherche mon équilibre. Je plante mon épée dans le bois pour m'y cramponner et j'imprime une force de mon pied contre une marche. La structure de bois glisse facilement, je vois Seldell à mes cotés faire de même avec la petite. Je lui crie un "Bonne chance, le premier en bas a gagné !" Je ne me retourne pas, mais sent le souffle de la disparition des marches derrière moi, il faut faire vite, pourvu que cela fonctionne !
La planche de bois prend rapidement de la vitesse, bien plus que prévue, et glisse le long de cet escalier. Le vent souffle et claque contre mon corps, le spectacle est grandiose, j'ai l'impression de voler, le vide nous entoure désormais de toute part, nous voyons enfin la fin de l'escalier qui arrive dans une plaine déserte, les marches défilent, la vitesse s'accroît encore. Les deux monstres volent au dessus et au dessous de nous. Soudain un choc violent, l'escalier disparaît sous nos planches, nous parvenons Seldell et moi à continuer notre course et atteindre une portion encore entière, les planches volant presque de part la vitesse. La peur nous envahit, l'escalier maudit va nous avaler avant que nous arrivions tout en bas ! Le sol s'approche si vite, le choc va être terrible. Je crie à mon compagnon :
"Sellllldeeeeeel ! A l'arrière de la planche ! Prépares-toi au chocccc !"
J'espère, qu'il m'aura entendu et compris. Je me positionne au mieux, protégeant Seyra de mon corps. Nous arrivons...
Un choc terrible, je me sens éjecter de la planche de bois, je vole, je vois le ciel, Seyra dans mes bras. Je retombe sur le dos dans une terre poussiéreuse, protégé par mon bouclier au dos. Je glisse plusieurs mètres, rendant mes vêtements tel des chiffons, s'imprégnant de cette terre rouge.
Douleur. J'ai mal. Tout mon dos est douleur, mais je suis en vie. Seyra n'a rien et me sourie doucement. Nous sommes dans un sale état, couvert d'une poussière rouge. "Papa, ça va ?"
Ca à l'air d'aller, je parviens à me redresser et à me remettre sur pied. "J’en ai bien l’impression." Je lui sourie à mon tour. La poussière vole partout, rendant opaque la vision.
"Seldeeeeeell !!!" Je ne le vois pas. Dans le ciel les cris des gargouilles prouvent qu'elles n'ont pas renoncé à leurs proies. Aakia arrive et m'indique que Seldell a subit un choc bien plus violent et qu'il est inconscient. Je suis Aakia et retrouve Seldell couvert de poussière, la petite s'affairant autour de lui. Je m'affaire aussi autour de lui, finalement il ouvre rapidement les yeux, mais semble encore hagard. La poussière retombe, entre notre choc et celui de l'escalier qui s'est écroulé, les volutes de fumées s'entremêlent.
Les gargouilles continuent à tourner dans le ciel, tel deux vautours, attendant notre mort prochaine. Seyra vient à mes cotés, me prenant dans ses bras. "On y va papa, on les combat ?" Elle a déjà vu le danger des deux créatures... Elle a déjà compris qu’elles ne nous lâcheront jamais et que le paysage autour de nous n'accepte aucun refuge ni cachette. Seldell se propose aussi timidement pour nous aider. Mais aucun des deux n'est en état, je tire mon épée et la pointe vers le ciel. "Restez là, accroupis... Je m'en charge, vous n'êtes pas en état."
"Mais..."
"Pas de mais... A tout de suite."
Mon ton n'accepte aucune réplique, elle le sait et obéit, sans doute consciente de son état de faiblesse toujours présent. Je vais vers l'endroit de notre choc, récupérant les sacs en sale état et nos équipements dispersés dans la poussière. Je retire du sol les 3 épées que nous avons récupérés des squelettes et va les planter à trois endroits différents. Les trois autres me regardent étrangement, se demandant ce que je prépare. Calmement je m'éloigne d'eux, me préparant mentalement à un combat titanesque. Aakia m'interpelle.
"Qu'est ce tu fous Lelma ? Il faut y aller ! Partir de cet endroit, ces monstres sont trop forts !"
"Dans ce monde je n'ai pas de limites, j'ai appris bien plus ici que durant ma vie entière. J'ai enfin compris ce que je peux être. J'ai compris la force dormant en moi. Je dois le faire, pour les protéger, je me dois de combattre et de vaincre ces deux créatures."
Je suis étonnamment calme, la douleur au dos se calmant déjà. Je pointe à nouveau ma rapière vers le ciel et crie aux gargouilles. "Créatures ! Je suis votre adversaire, venez me combattre !"
Je reste quelques instants dans cette position, observant le ciel, une des deux créatures décroche de son cercle et plonge vers moi, visiblement elle a compris mon défi. Je me concentre, attendant le moment, l'air de cette plaine chassant la poussière qui volette encore autour de moi. Je n'aurai pas beaucoup de chance, je ne dois pas être touché par cette chose ! Il vole rapidement, tombant en flèche vers moi je commence à mesurer la taille de cette chose, ses ailes gigantesques brassent l'air alors qu'elle rase le sol, reprenant une courbe plus horizontale. Lancée à pleine vitesse, elle fait mine de m'attraper avec ses serres, je me décale au dernier moment, essayant de la toucher à son passage. Le coup va dans le vide. Je suis trop lent. Je mets ma rapière à la ceinture, courant attraper une première épée plantée dans le sol, la rapière ne m'aidera pas dans cette sorte de combat. Une fois cette épée en main, je cours vers cette créature, mais elle remonte dans le ciel pour mieux redescendre et me surprendre sur mes cotés. Sacrement rapide ! Mes réflexes sont là, je saute de coté, mordant la poussière une fois de plus. La créature dessine une fois de plus un cercle vertical pour mieux reprendre de la vitesse, elle arrive face à moi. Je l'évite au dernier moment en me faisant chuter vers l'arrière tout en portant un coup sur le poitrail de la chose. Un sang sombre m'éclabousse et se transforme immédiatement en poussière noire. La créature touche sol avec fracas. Je l'ai eu. Un cris terrible sort de sa gueule, elle est blessée. Je me remets sur pied, un coup d'œil vers le ciel pour voir que la seconde a commencé sa descente vers moi. La blessée agite les ailles projetant la poussière derrière elle, elle semble vouloir repartir.
D'un coup de folie je saute sur elle, me positionnant sur son long cou, avant ses ailes. Elle devient folle, s'envolant avec moi dessus, elle vole anarchiquement, tentant de me désarçonner. Aakia vole autour de moi et me cris :
"Lelma, tu es inconscient ! Tu vas y rester !"
"Regardes!"
Je tranche légèrement ma monture au cou et celle-ci pour se protéger vole du coté coupé. Nous sommes dans le ciel, volant au dessus de la pleine. Je peux voir à des kilomètres alentours. J'aperçois en contrebas un nouveau combat, mes compagnons sont aux prises de la seconde créature. Je dois les aider, les savoir autant en danger décuple ma colère. Je tranche à nouveau le cou de ma gargouille, le sang coule et s'évapore au contact de l'air en cette poussière sombre. Sommairement je contrôle la course de cette chose, je m'accroche du mieux que je peux, alors que les cris terribles et discordant déchirent mes tympans. La créature est sous mon contrôle, totalement aveuglée par sa folie. Je vais à la rencontre de l'autre, qui voyant sa congénère au prise d'un grand danger, abandonne ses proies pour venir à sa rescousse. Elle vole vite, je dois en profiter. Mon épée fortement maintenue dans ma main, j'attends le moment idéal pour frapper. Le choc avec l'autre sera terrible !
Mon bras est presque arraché, j'ai frappé la tête avec force, perforant le crâne, mais abandonnant mon épée sous le choc. Elle m'a désarçonné de la première quand elle m'est passée dessus, je suis dans ses griffes, à plusieurs dizaines de mètres de hauteur, des douleurs au bras, sans doute blessé. La créature plane, ses ailes de chauve-souris gonflées par le vent. Elle tombe, je suis collé sous elle, m'apprêtant à mourir de la chute. Elle est morte, si on peut appeler cet état ainsi, petit à petit elle perd de son corps en poussière, modifiant sa chute. Par miracle ses ailes sont toujours là, gonflées naturellement, et amortissent la vitesse. Le sol arrive toutefois à bonne vitesse et le choc est rude, je me roule en boule pour éviter de me faire trop mal. Je mords la poussière encore une fois. Mes jambes ont pris un sacré choc, j'ai peur un instant de me les avoir brisées. Mais je peux me relever. Derrière moi la créature est entrain de disparaître, j'en reviens pas d'en avoir eu une !
Mais la dernière est toujours là et elle ne se laissera pas avoir aussi facilement que sa compagne. Je récupère l'épée qui s'était bien fiché dans le crâne de la créature, maintenant devenant poussière.
Je suis vivant, une telle aventure est incroyable, je pense rêver ! J'ai volé et vaincu une créature du ciel, monstrueusement grande et forte. Sans doute la chance est-elle avec moi. Mais je ne dois pas m'endormir, je repère déjà la suivante dans le ciel, et mes compagnons atterrés qui arrivent vers moi aussi vite que possible.
"Restez à l'écart, je vais bien." Leur dis-je.
Ils ne doivent pas être blessé par ce monstre. Ma colère est là, puissante, terrible. Je me reconcentre, amenant à mes muscles l'énergie dont ils ont besoin, tant physique, que psychique. Il ne me reste plus tant de force, le prochain coup sera le dernier. Une sorte d'aura m'entoure, prenant mon corps et mon épée, la poussière entoure cette bande d'air autour de moi. Jamais je n'ai senti une telle décharge de puissance. Je prends mon épée à deux mains, voyant le monstre commencer son approche d'un arc de cercle. Elle va arriver à pleine vitesse...
Et cette fois-ci je ne me pousserai pas ! Elle arrive, je frappe avec une force démesurée, me sentant partir vers l'arrière avec un choc terrible qui me coupe le souffle. Je retombe lourdement, et glisse à nouveau sur ce sol chargé de poussière rouge. Je suis à moitié assommé. Je vois les autres arriver autour de moi très inquiet. Seyra se baisse et me prend dans ses bras.
"Papa ça va ?"
Elle est très inquiète. Je me redresse et regarde autour de moi sans comprendre. J'ai mal partout.
"Tu l'a eu Lelma, tu l'as eu !" La petite aniathy saute partout, semblant très joyeuse.
"Comment ?" Je ne comprenais pas, toujours dans le brouillard.
"On a eu si peur ! Tu n'as pas bougé alors qu'elle te fonçait dessus, tu as frappé juste au moment du choc, c'était extraordinaire, tu l'as arrêté de ton épée ! Et tuée sur le coup, sa tête a éclaté en éclat de pierre ! J'ai même vu des étincelles lors du choc de la lame contre la créature !" Ma fille était encore sous le choc de ce qu'elle avait vue. J'ai donc réussis !
"Et bien... Je crois que l'on peut continuer ! Mais je suis un peu fatigué !"
"On va t'aider, jamais je n'ai vu pareil exploit !" me dit Seldell. Je me lève, il me soutient quand je veux marcher.
On est tous les quatre en vie, dans un état approximatif, couverts de cette poussière rouge, d'hématomes, de blessures incertaines, de traces de sang, de sueurs, les cheveux désordonnés. On récupère nos affaires, nos armes dans ce champ de bataille. Puis on repart vers lueur rouge au loin, clopin-clopant... Vers le monde des Vivants, ou du moins l'espérons-nous.