Entre Henehar et Pohélis s'étend une très grande forêt, les Hénéhariens l'appellent "Elfstarni" : la forêt des elfes; les Pohéliens la nomme "forêt sombre". Ces deux surnoms résument à eux seuls ce lieu étrange:
La forêt en elle-même est composée, étrangement dans ces lieux froids, d'espèces de feuillus autochtones. Chaque année, elle meurt donc, pour revivre... 10 mois plus tard. En effet, cette forêt bourgeonne, fleurit et meurt en 2 mois. Le reste de l'année elle est balayée par des vents violents et des tempêtes de neiges.

Ensuite, cette forêt abrite des traîtres et des parias Elfes, autant ceux de Gwadh la sombre que ceux de Lebher la brillante. Nul ne sait comment ces Elfes vivent, car ceux qui ont eu le malheur de les croiser ne sont jamais revenus pour rapporter des informations sur leurs mœurs.

Enfin, les sentiers, comme dans toute forêt ils existent. Seulement, ils sont cachés par la neige souvent épaisse. Les Humains les connaissent et les empruntent par deux ou trois lourdement armés, les Elfes les longent, les animaux les fuient.

Si vous les trouvez, vous tomberez peut-être sur des campements de bûcherons ou alors sur des groupements d'Elfes. Si vous les évitez, vous rencontrerez des néligos, des ours ou tout autre animal survivant en ces lieux neigeux.

Deux jours après leurs aventure macabre, Markhus et Aztai pénétrèrent enfin la forêt d'Henehar. Malgré la pénombre constance qu'imposaient les arbres couverts de neige, il y avait quelque chose de rassurant dans ces bois. Lorsque le fauve avait fait part de son sentiment au thorkin, ce dernier l'avait mit en garde: ici demeuraient des groupes d'elfes et d'hommes pouvant faire preuve d'une sauvagerie surprenante. Les cadavres de voyageurs n'étaient pas rares...
Depuis une petite semaine, la compagnie de Markhus avait permit au fauve d'approfondir ses connaissance en matière religieuse: cultes, légendes et pratiques étaient devenus des mots familiers pour le woran. Il n'omettait jamais de prier Meno chaque matins et chaque soirs, en plus des prières quotidiennes. il désirait se rendre à un temple au plus vite et offrir de son temps au dieu du feu par une prière plus concrète. Par chance, Henehar était la seule ville qui en abritait un. Apparemment plus petit que celui de Kendra Kâr, il avait pour fonction principale d'élever l'escadron de la Lance Ardente du continent. Le félin espérait peut-être y rencontrer le capitaine, un exemple pour lui...
Après réflexion, Aztai avait aussi décidé d'expliquer sa quête au thorkin. Depuis sa capture par le Monarque, la destruction de sa tribu, la rencontre avec son père et la découverte d'Ambervalle la citée woranne fidèle à Meno. Markhus avait évoqué son intérêt et désirait grandement rencontrer ce peuple, il souhaitait lui rendre hommage pour leur croyance. Lorsque le fauve, non sans tristesse, lui avait conté la venue des troupes d'Oaxaca, du capitaine Raven et du Monarque en personne pour venir marcher sur Ambervalle, une étincelle de colère avait éclatée dans les petits yeux du nain de Mertar. Un élan d'affection avait saisit le fauve en voyant la compassion de son mentor.

-N'imaginons pas le pire, avait répondu Markhus, mais si ton peuple a survécu, ce serait avec honneur de te recevoir toi et les tiens dans les mines de Mertar. Notre fraternité religieuse transcende les races et les frontières.

Aztai enviait déjà son retour afin d'annoncer cette formidable nouvelle à son peuple. A la pensée de son père, Rudy, de son ami Waor et de tous les habitants d'Ambervalle: Gaora, l'Ancien, les frères forgerons Jagd, Kharo le gardien en chef... c'est avec les larmes aux yeux que le woran neige avait pénétré la forêt sombre d'Henehar.

La discrétion fut leur meilleure amie pour traverse la gigantesque forêt. Troquant la vitesse pour la prudence, les deux aventuriers mirent près de trois jours pour atteindre la lisière opposée et apercevoir Henehar. Respectant les tours de gardes pendant leurs pauses, il durent chasser pour subvenir à leur faim, les talents du fauve leur furent d'une grande aide. Sans cesse les sens aux aguets, ils n'aperçurent que quelques ours (non sans appréhension) circuler à travers les bois, sans pour autant s'attirer des ennuis.

Lorqu'ils quittèrent les bois, Markhus posa un genou au sol et remercia Meno d'avoir veillé sur eux. La moitié du voyage était faite, mais le plus dur restait à venir. Pour l'instant, le woran et le thorkin s'étaient mit d'accord pour se reposer un jour afin de trouver un guide compétent pour trouver Lictaria. Markhus avait aussi évoquer son désir de passer à la forge afin de polir correctement Barzûr', son marteau de guerre. Après un coup d'oeil, le félin avait décidé de faire pareil avec ses deux lames. Il repéra même une large éraflure sur son estramaçon... il risquait de se briser au moment le moins propice et de provoquer la mort de son propriétaire. Oui, c'était primordiale, il fallait passer à la forge de la ville d'Henehar, et au temple de Meno! Mais ce dernier point allait de soi...

Le froid, la morsure cruelle et tranchante de la glace sur la chair, ce fut la première sensation qui perça la brume de son esprit. Les yeux d'Akulf s'ouvrirent lentement, son visage gisait dans la neige et ses lèvres gelées lui faisaient mal. La douleur de sa peau congelée n'était rien face à celle, plus profonde, que lui causait la bosse à l'arrière de son crâne. Son œil droit, celui qui s'était difficilement ouvert dans la poudreuse semblait voir flou, surement abimé par le froid.

Il se redressa avec difficulté sur son séant, visiblement, la milice l'avait abandonnée avec une couverture de fourrure, un sac de peau et quelques rations de nourriture à l'intérieur, de quoi tenir une semaine, son plastron de cuir gravé et rembourré, une gourde d'huile végétale, une gourde d'eau et deux silex pour le feu en accompagnement. Cela c'était donc bien déroulé, il était à présent un banni, sans famille, sans village et sans armes.

Un regard autour de lui, malgré le brouillard de son œil gelé, des arbres, des congères, des butes, des souches et de la neige. Du blanc, du grisâtre, du blanchâtre, du gris pierre, du blanc cassé, du grès, du lait, 50 nuances de blanc. Un lieu perdu dans une forêt sans age, dont même le son semblait s'être échappé.

La situation, le lieu et l'ambiance aurait dû prêter à la contemplation, l'introspection, les pleurs ou à l'abandon suivant le caractère. Mais chez Akulf, elle ne fit d'abord naitre que colère et vengeance. Il se redressa sur ses deux jambes encore engourdie, laissant la couverture de fourrure glisser de sa peau nue et avança de quelques pas, malhabiles.

Il Leva les yeux au ciel et hurla ! Il hurla comme une bête enragée, blessée, donnant autant que sa jeune voix d'adulte pouvait donner, il hurla pour briser le silence et rappeler à ceux qui l'abandonnaient là, qu'il n'oublierait jamais .

"Priez Zewen et Thimoros ! PRIEZ LES POUR QUE JE NE SURVIVE PAS !!! CAR SINON... JE REVIENDRAI ! VOUS M'ENTENDEZ FILS DE CHIENNE ! JE REVIENDRAI !!!" ses imprécations fillèrents dans les arbres, chassant peut-être quelques lapins cachés là, pour finalement disparaître dans les bois, laissant à nouveau le jeune phalange seul.

Il tomba à genoux et sentit une chaleur désagréable piqueté le coin de ses yeux, surtout là ou son œil s'était engourdie. Sa gorge se serra et son cœur, d'ordinaire si brulant, se nimba de la froide tristesse de la solitude.

Les larmes coulèrent et personne n'était là pour le voir, ou les essuyer...