La tête penchée légèrement sur le côté, Virina s’attarda quelques instants à observer l’étrange comportement du petit homme, puis haussa les épaules. Gepsy, comme il s’était lui-même présenté, était un personnage assez particulier, il se parlait à lui-même et semblait éprouver une certaine crainte face à ses deux nouveaux compagnons qui s’avéraient beaucoup plus grands que lui. Cependant, toutes ces particularités n’intéressaient pas Virina, sa seule préoccupation, pour l’instant, était l’exploration de cette grotte afin de retrouver la sépulture du grand Aman.

Franky qui n’avait pas parlé beaucoup depuis leur arrivée au tertre semblait s’être désintéressé du hobbit, mais demanda malgré tout à la guerrière ce qu’elle comptait en faire. Celle-ci n’y avait pas pensé et n’avait pas l’intention de réfléchir à cette question. Faire des plans était contraire à ses convictions. Elle avait constatée depuis nombre d’années que des imprévus pouvaient survenir à tout moment faisant ainsi échouer même les plans les mieux élaborés. C’est pourquoi, elle répondit tout simplement :

« On verra bien ! »

Jugeant qu’ils avaient assez perdu de temps en discussion, elle se retourna vers la première galerie et s’y engagea. Virina se doutait bien qu’elle aurait de la compagnie. Étant la seule porteuse de lumière, les deux hommes n’auraient pas le choix de la suivre pour éviter de se perdre dans l’obscurité.

Dans l'obscurité pesante, annulée en un lieu par une pierre luisante, il se sent beaucoup mieux. Maintenant, il est debout, prêt à affronter les dangers du souterrain. Les deux autres êtres ont parlé du sort d'un autre, dont lui n'a aucune idée qu'il est ce même autre. Ignorant donc leurs paroles, il avance vers la lumière.

La lumière, et donc la créature verte et effrayante, disparaît en partie. C'est cinq secondes plus tard que le hobbit comprend que l'ogresse vient de s'engager dans un tunnel auxiliaire.

Deux choix s'offrent à lui : suivre ou ne pas suivre. Le problème s'étudie facilement. S'il ne suit pas, il se retrouve dans le noir, à la merci de monstres invisibles. S'il suit, il sera à la merci de deux géants visibles.

Le noir commence à gagner la cave quand il se décide enfin. Il s'élance à corps perdu vers là où la lumière fut. Manque de visibilité et d'agilité, le sinari multicolore fonce dans la paroi de pierre. Malgré le courant d'air qui voulut prévenir, le benêt prend le mur tête en tête, et retombe lourdement à terre sur le derrière.

Se relevant pathétiquement, il cherche où la lumière est, et court à sa rencontre. Sa chute inopinée lui ayant endolori le crâne aussi bien que l'arrière, sa course est déséquilibrée, bancale et désorientée. Après trois où quatre coups de murs, c'est contre une surface beaucoup moins solide qu'il finit par tomber.

Jet d'observation : 84 réussite pour Gepsy, 39, échec pour Franky, 13, échec pour Virina...

Dans le tertre

C'est bien contre le sol qu'il s'est étalé. À nouveau cet hobbit vient de s'empaffer sur terre. Le terme est bien choisi, car à quelques centimètres de là où est sa tête se tient debout, droite et fière, une vieille hallebarde ayant connu les guerres. Pour un peu, il se serait empalé ! Quoiqu'au vu de la qualité de ces armes ...

Toujours est-il que ce pauvre empoté au cul bordé de nouilles peut enfin, après s'être relevé, commencer à se déplacer à nouveau en observant les alentours. Il n'a pas le temps de remarquer la deuxième torche enchâssée dans le mur d'arrière-scène qu'il s'empierge sur une ... sur un ... ben, sur rien, en fait. Ce malhabile hobbit choit encore une fois, et celle-ci sur une jarre.

"Rha ! Bidouille ! Mais c'est pas vrai !"
"Écoutez-moi quand je dis de regarder où on met nos pied !"
"J'ai mal !"
"Moi aussi, corne de bidouille !"
"On a le même corps, c'est normal."
"Oh, regardez ..."
"Mais qu'est ce que ... Didiou ! C'est quoi ça ?"

Face à lui, qui se tient le bras greffé de céramique, faisant tâche au milieu de toute cette déchetterie, est posé à terre un parchemin intact. Ce bout de papier semble l'intriguer, puisqu'il le ramasse et l'observe.

Après plusieurs secondes de vains essais de déchiffrage, Gepsy décrète que ce n'est pas utile, et s'apprête à le froisser pour le jeter derrière lui nonchalamment, mais il se reprends à temps et commence à tendre le bras pour le reposer doucement où il l'avait trouvé.

"Je fais ce que je veux !" décide-t-il d'une voix forte en lançant effectivement le papier froissé derrière son épaule avant de se lever.

Notre petite troupe hétéroclite n’eut pas à marcher longtemps avant de déboucher dans une modeste grotte taillée à la main vraisemblablement par des outils de nains. Tout en balayant la pièce de sa lumière verte, Virina aperçut une deuxième torcheraude bien fixée sur son socle. Sans hésiter, elle s’en empara et déposa la sienne à la place avant d’allumer cette deuxième torche.

Ceci fait, elle pouvait enfin entreprendre l’exploration de ce nouveau recoin espérant trouver les armes du général Aman sans se faire déranger par le jeune sinari malhabile. Notre guerrière avait remarqué les nombreuses chutes de Gepsy. Qu’il les accompagne, elle pouvait le supporter, mais elle n’avait aucunement l’intention de le couver et le protéger comme une mère le ferait pour son petit rejeton. Elle avait éclairé la pièce suffisamment à son avis pour qu’il puisse dorénavant y circuler tout en demeurant debout, elle ne pouvait rien faire de plus pour ce hobbit tout juste sorti de son enfance. Virina avait largement passé l’âge d’être mère, et n’avait jamais ressenti le désir d’enfanter. L’instinct maternel ne l’avait jamais habité.

Après quelques minutes d’exploration, à retourner les vieux vases, à s’emparer de veilles armes décrépies qui tombaient en poussières dès qu’elle osait les toucher, notre vieille orque dut se résigner à admettre qu’elle ne trouverait rien qui en vaille la peine dans cette petite grotte et qu’elle devait rebrousser chemin.

Elle leva les yeux vers le hobbit, et secoua la tête de découragement. Décidément, elle commençait à croire que de traîner ce fardeau avec elle n’était pas la bonne décision.
Virina était cependant de nature très persévérante. C’est ainsi qu’avant de quitter la grotte, elle entreprit une dernière inspection des lieux, cherchant une saillie, une trappe, et qui sait une autre sortie qui aurait échappé à sa vigilance à sa première inspection des lieux.

Dans l'ambiance verdâtre de la sombre caverne, un petit être fixe de ses yeux vitreux une géante grise aux cheveux invisibles. Elle porte une armure d'un argent brillant qui reflète dans la grotte la lumière verte de la torche que tient une autre géante. Gepsy tourne son regard vers la silhouette au sol.

"Mais c'est pas du tout Dhylö." marmonne-t-il doucement. "Qu'est ce qu'elle nous chante que c'est un ami ?"
"Possible qu'elle ne nous parle pas non plus."

Soudain il s'adresse à cette grande silhouette aux oreilles allongées.
"Ne vous approchez pas ! On a un couteau et on sait s'en servir !"
"Ta fiole, toi !" rétorque-t-il aussitôt. "Tu vas nous faire tuer !"
"Mais ... Mais ..."

Tout d'un coup sans prévenir, et sans signe précurseur, Gepsy court ramasser le bout de papier qu'il avait jeté tantôt.

"On est armé ! Vous êtes prévenus !" éructe-t-il en brandissant le parchemin d'une main tremblante.

Sa main droite quitte le manuscrit pour rejoindre sa joue à vive allure, deux ou trois fois.

"Tu vas nous faire tuer, je te dis !" s'exclame-t-il après ses trois auto-claques, avant de s'adresser à la grande nouvelle. "Veuillez excuser mon ami. Il supporte mal les étrangers."

Sur ce, il enfourne le parchemin dans une poche de son grand manteau vert, affiche un grand sourire, et se dirige vers la sortie à grand pas - aussi grand qu'ils pussent être, l'air léger, le teint ... vert de lumière.

À l’aide de sa torche, Virina examina minutieusement tous les pans de mur de la grotte espérant en vain trouver un artéfact. Elle allait se résigner à abandonner ses recherches et à sortir de cette galerie pour en explorer une seconde lorsqu’une voix féminine étrangère se manifesta.

Notre exploratrice se retourna rapidement pour constater que cette agréable voix appartenait à une grande elfe. Notre guerrière eut tôt fait de jauger cette jeune demoiselle. En fait, elle ne s’intéressait pas particulièrement aux gens, et n’était pas portée vers l’amitié. Son premier réflexe devant un étranger était toujours de le voir comme un ennemi potentiel. C’est pourquoi, elle observait attentivement cette archère afin d’être prête à riposter le cas échéant. Ainsi, Virina ne remarqua pas, la coiffure en queue de cheval, ni l’élégance de la nouvelle venue tout de gris vêtue, pour s’attarder plutôt sur ses armes bien entretenues et ses moyens de protection.

Cette prudence s’avéra cependant inutile puisque la grande et jeune dame leur adressa la parole plutôt aimablement. Commençant tout d’abord par se nommer, et leur expliqua ensuite la raison de sa présence. C’est ainsi que Virina apprit que les étranges rêves qu’elle avait fait et qui l’avaient légèrement troublée (surtout le dernier), étaient en quelques sortes des messages pour les faire venir à cet endroit précis. Elle fronça légèrement les sourcils lorsqu’elle entendit toutes ces explications.

(Ainsi, je ne suis pas la seule à avoir fait ces mystérieux songes ! Nous sommes combien dans cette situation ? )

Notre guerrière prudente garda pour elle ces interrogations, se disant qu’il était inutile de se répandre en questions, le temps lui apporterait sûrement les réponses.

Or, Les propos de Lüva l’agaçaient légèrement, elle aurait préféré demeurer dans cette grotte afin d’explorer les deux autres galeries qui s’y trouvaient.

L’orque réfléchissait encore à la décision qu’elle devait prendre lorsque l’hinion assomma, d’un coup de poing dans le ventre, leur compagnon Franky.

Le petit hobbit remit alors en marche son moulin à paroles, s’obstina avec lui-même encore une fois, pour finalement se diriger vers la sortie. Notre créature verte pour sa part, émit un grognement de mécontentement. Franky gisait par terre et ils ne pouvaient pas partir et abandonner ainsi un éventuel allié. Virina s’était aperçu que le jeune mage n’était pas hostile à son égard et qu’il pourrait peut-être lui être d’une aide quelconque dans un futur assez rapproché.

Ne vous méprenez pas, la contrariété qu’éprouvait Virina, n’était en aucun moment de l’inquiétude pour l’état de santé du jeune homme habillé de rouge. En fait, Virina, venait tout simplement de réaliser que c’était à elle que viendrait la tâche de le porter, le sinari ayant toute la peine du monde de se déplacer par lui-même.

C’est ainsi que dans un soupir, Virina éteignit sa torche en la secouant, puis la rangea dans son sac avant de se pencher vers l’homme inconscient. Possédant une force considérable, comme tous les orques, elle le souleva aisément pour le mettre sur son épaule droite comme un vulgaire sac de patates.

Jugeant qu’il était temps de quitter les lieux, la femme chargée déclara :

« Je suis Virina. Je vous suis ! »

Ce disant, elle prit elle aussi le chemin vers la sortie.

Une fois sortie de la petite grotte abritant les outils dépéris par le temps, Virina s’arrêta quelques instants pour regarder les deux autres cavernes qu’elle aurait bien aimé explorer. Si les paroles de Lüva ne l’avaient pas intriguée, notre guerrière ne se serait pas préoccupée de ses compagnons et serait partie seule à la recherche de la sépulture du grand général Aman. Cependant, les propos de la grande elfe blanche au sujet d’un éventuel danger attirèrent son attention. Qui dit danger, dit aussi combat, et pour notre vieille guerrière, les batailles étaient une source de plaisir et d’accomplissement qu’elle avait peine à se passer.

C’est ainsi qu’elle gravit les quelques marches de pierres usées pour retrouver la clarté extérieure. Après avoir laissé ses yeux s’acclimater à ce brusque changement de luminosité, la vieille orque emprunta le petit chemin que leur avait désigné leur guide à la face boudeuse, en prenant les devants de la petite troupe.