Les portes de la cité

Pohélis a été construite dans une curiosité géologique, une falaise sur la mer. D'immenses pans de cette falaise entourent la ville, la protégeant comme un immense rempart.

A l'intérieur les hommes l'ont creusée, plaçant là toutes les défenses contre un monde sauvage et dur. Une unique porte tunnel rejoint l'extérieur de la ville, fermée par sept portes et herses de métal. En temps normal le trafic est dense, mais les gardes veillent.

[Dirigé de Saric]

Saric était arrivé aux portes de Pohélis. Elles étaient immenses, et une foule d’êtres chaotiques défilaient en de noirs bataillons, entrant ou sortant. Des orques, des gobelins, des hommes, et même des elfes. Des soldats, des esclaves, des serviteurs. La ville avait dû être belle, autrefois, mais n’était plus désormais qu’un agglomérat de décombres. Les bâtiments qui avaient survécus étaient souillés et mis en péril par le manque cruel d’entretien des habitants de la cité, les serviteurs de la sombre Reine Oaxaca.

Deux grands gardes orques armés de lourdes haches gardaient l’entrée, mais ne semblaient porter aucun intérêt à la foule qui passait devant eux. Le zèle n’était pas de rigueur, apparemment. Sans doute Oaxaca n’était-elle pas présente depuis un certain temps, pour qu’ils puissent se permettre une telle négligence.

(((Jet de dé : 40)))

À ton passage, un des gardes te regarda avec les sourcils froncés, mais n’intervint pas, et te laissa passer. Les rues de la cité étaient à toi… Il ne restait plus qu’à décider par où tu allais commencer tes recherches… Dans ce dédale de ruelles rendues presque impraticables par les huttes orques, les décombres non nettoyés, et les zones de crasses puantes.

Les derniers kilomètres étaient toujours les plus longs. Hrist commençait à ressentir toute l'ampleur de sa faiblesse et de temps à autre, trébuchait sans raison. Les gobelins aussi, commençaient à se soucier de l'état de cette femme qui disait être un assassin au service d'Omyre. Le troll devant eux trainait la carcasse du cheval qui, à mesure que le sol lui dispersait les morceaux, parut moins grande.

Pohélis était déjà visible, dissimulée derrière le roc et la glace enneigée. Cette barrière naturelle la rendait imprenable et majestueuse. Des feux tout autour crachaient une fumée sombre qui montait jusqu'aux cieux étoilés sous la voute lardée d'aurores boréales. Au loin, la forme d'un oiseau de proie se distinguait, tournant autour d'un pic qui perçait le ciel.

" Allez, encore quelques lieux jusqu'au premier bastion. On passe l'bébé à ces pourris d'orques et on retourne chasser. "

La tueuse massait son poignet droit. La peau couverte de croute de sang commençait à suppurer et avait mal supporté le bandage humide. Ses doigts aux ongles noircis restaient crispés dans une position inconfortable. Son poignet pouvait toujours bouger mais ses doigts restaient sans réponse, comme du bois mort. La blessure qu'elle avait à la jambe n'était pas dramatique mais le poids du cheval avait lésé le muscle déjà éprouvé et c'est en boitant qu'elle atteignit enfin l'avant poste de Pohélis, juste devant les portes de la ville.

Un garzok vint à leur rencontre, le visage sombre et des peintures de guerre sur tout le corps, il pointa du doigt la femme devenue méconnaissable et demanda qui elle était ce à quoi, les gobelins répondirent d'une seule voix : " Hrist. "

L'orque ne répondit rien, il était difficile de savoir ce que signifiait les expressions de son visage tant la guerre l'avait défiguré. Il s'approcha d'elle et la toisa de haut en bas tandis qu'elle faisait de son mieux pour rester digne face à celui qui aurait très bien pu lui asséner un coup de Kikoup qu'elle était maintenant incapable d'éviter.

Son regard s'arrêta sur la vieille rengaine et le serpent noir puis il déclara :
" Venez, assassin. Hors de question de faire votre rapport à nos maîtres sans être soignée. "

Il saisit la jeune femme d'une main et la guida fermement. Les orques en armure étaient de plus en plus nombreux comme s'ils se préparaient à un affrontement sur les plaines. L'avant poste s'arrêtait un peu devant les portes mais elle fut d'abord conduite à un petit cabanon dont la porte avait été fracturée et laissée tel quel.

Un autre garzok frottait des instruments chirurgicaux pour en nettoyer le sang. Au même moment, on trainait le corps d'un cadavre hors du cabanon. Un ancien blessé ayant succombé à ses maux. Hrist vit la table et retint son pas, à en juger les morceaux qui jonchaient le bois, n'importe quel chirurgien aurait employé l'expression " tartiné " mais la poigne du garzok était trop forte.

" Tiens, elle a audience avec le Lieutenant. Rafistole moi tout ça. "

Il la poussa vers le mestre de fortune, Hrist comprit que le traitement risquait d'être plus douloureux que la torture responsable de ses maux et tenta de se retourner en vain. Le garzok qui venait de la conduire jusque là entrava ses mouvements et lui bloqua le bras dont la main était paralysée. Le mestre prit les doigts fragiles de la femme dans sa paluche cornée aux ongles jaunes et examina de près la blessure. Il ne dit rien et prit un premier doigt blanc entre son pouce et son index et le remit à sa place, arrachant un cri de douleur à la jeune femme. Il recommença et au moment où il remit le dernier en place, Hrist tomba dans l'inconscience...

Nael gesticulait et criait derrière son bâillon, il remuait si fort que quelques liens qui le retenaient à Adèle se desserrèrent et Hrist fut obligée de le maîtriser en écrasant sa gorge sous son genoux de manière à ce qu'il se tienne tranquille. Les yeux vers le ciel, il vit la herse rouillée passer au dessus du chariot et l'entendit tomber brusquement quand ils la franchirent.

" Enfin... " Murmura Hrist.

L'air de Pohélis sentait bon la perversion. Plusieurs patrouilles de Garzoks apprêtés au combat s'entassaient vers les portes. On distribuait de la soupe chaude sous les remparts protégés du vent et de la neige. Neige qui d'ailleurs, n'était blanche que sur les hauteurs car le sol mainte fois piétiné avait été rendu boueux et sale. De nombreux trous jonchaient le sol et faisait un véritable enfer pour tout conducteur de chariot.

" Tu sens cette bonne odeur ? C'est celle de ma récompense. "

Gral avait retrouvé le sourire et arrêta son chariot non loin d'un fourrage sec installé par des Sektegs. Hrist offrit quelques pièces à celui qui voudrait bien installer Nael et Adèle jusque dans les sous-sols de la milice. " Profitez bien de la lueur du jour, c'est la dernière à vos yeux ! " Leur lança-t-elle lorsqu'ils fut conduits brutalement, pour ne pas dire trainés, jusqu'au pas de porte de la milice.

" Fais une dernière chose pour moi mon grand. " Adressa-t-elle à Gral en lui jetant le contenu de sa bourse.
" Trouve moi des chaînes solides, des pinces et des aiguilles... Du matériel. N'importe quoi pourvu que ça puisse être douloureux quand on l'utilise. Garde ce que tu voudras dans ma bourse, rend moi le reste. "

Gral opina du chef et se rendit le pas fatigué vers la forge. Hrist resta non loin du boeuf et s'installa sur une botte de foin et bien qu'elle lui piquait le derrière, la surface tiède et molle lui parut incroyablement confortable par rapport à son régime des jours passés. Très vite, les embruns d'une soupe chaude venaient chatouiller son nez et elle daigna enfin se lever pour affronter les quelques mètres qui la séparait du brouet servi et demanda un bol.

Ce qu'on lui servit n'avait rien d'appétissant, mais la chaleur qui perçait le bol et se conduisait à ses doigts était salvatrice.
" C'est quand on se réchauffe qu'on se rend compte à quel point on a pu avoir froid. " Ironisa-t-elle seule à tremper ses lèvres dans la soupe épaisse et l'avala en un rien de temps, tant est si bien que son estomac devint vite douloureux. Trainant son corps cisaillé de fatigue jusqu'au chariot, elle grimpa à l'arrière de celui-ci et comme une masse tomba dans un profond sommeil.