Ainsi, tout s’achevait… Ou alors était ce simplement un recommencement, celui d’un cycle d’erreurs qui finiraient de nouveau par amener une aventure où nous perdrions compagnons et espoir, et d’où nous sortirions convaincus de ne jamais plus faire les même erreurs alors qu’un nouveau cycle s’enclencherait ? De cela, je n’étais pas convaincu malgré mon cynisme de voir tant d’immoraux personnages oser grimper sur ce navire noir en laissant mourir cet homme qui, malgré mes préjugés, s’avérait être l’un des plus sages hommes que j’ai pu rencontrés.
Marionnettiste, je ne t’ai que trop souvent insulter et juger. Aujourd’hui, je tiens à reconnaître dans la sagesse de ma déesse que tu es un homme bon et que tu ne mérites pas le sort qui t’attends. Qu’enfin la mort te libère pour que tu puisses goûter à cette jouissance qu’est la liberté, même si elle sera un peu différente. La vie devait elle donc toujours être aussi triste ? Je n’avais pas envie de vivre dans un perpétuel renoncement, renoncement à des choses qui aurait pu être sauvés par la lucidité des hommes. Hommes stupides, voilà ce qu’il fallait dire ! Une fois rentré, je partirais loin de ce peuple vaniteux et futile…
En parlant d’hommes, mes anciens compagnons vinrent se joindre à Jena et moi, silencieusement, déboussolé par les événements. Les choses étaient allés trop vite, nous n’avions même plus la mort de Jerth en tête. La mort d’Antariasi avait été éclipsée… Dans quel monde d’oublis, vivons-nous. La mémoire est un bien précieux mais ô combien difficile à acquérir.
De leur côté, les traîtres s’était regroupés entre eux, les plus tristes d’entre tous et je plaignais ces hommes qui avait su comprendre le nécromant et sa pureté bien avant que nous ne nous voilions la face par des préjugés ineptes. La seule chose intelligente est le discours de l’elfe aux cheveux de feu qui fait preuve d’une grande sagesse dans ces instants sinistres. Le nain aussi, avec une fraternité bourrue mais franche et sincère. Voilà qui méritait une grande admiration, ces êtres même à bout de forces parvenaient à engager des hauts les cœurs pour leurs compagnons complètement abasourdis… Moi, je restais humain, je n’avais plus aucune envie de parler dans ces instants. Mes sentiments vagabondaient entre l’envie terrible de tout détruire et celle d’éclater en sanglots.
Comment avions nous pu en arriver à un tel fiasco ? Tant personnel que communautaire, j’avais tout perdu. J’avais été un moins que rien. Darek, Torald, les marins, Jerth, Antariasi, tous était mort alors que mon rôle était de soigner et de veiller à la sécurité de chacun. Nous n’avions rien réussi, et tout raté, avec tant de morts sur la conscience.
Voilà qui faisait réfléchir tant à l’efficacité d’une lutte du bien contre le mal. Mais pourtant, j’étais convaincu que combattre ces morts-vivants, cette force sombre avait été le bon choix mais que le dénouement avait été tronqué par l’imbécilité humaine. Nous avions été exemplaires durant la bataille et plus bas que des détritus lorsque nos cœurs et notre tête avaient été sollicités pour sauver la vie de cet homme.
Quelle horreur, quel gâchis, quel sinistre aventure nous venions de vivre !
( L’optimisme est une valeur lumineuse, pourtant, Nécromant, ta mort n’apporte que tristesse dans mon cœur. Je n’ai plus envie de me battre pour des causes justes si c’est pour qu’elles soient détruites par la stupidité… Je m’excuse pour le tort que j’ai causé, tu auras acquis le respect d’un homme de bien avant ta mort… Du moins, si j’en suis un… Rien n’est moins sûr )
Ainsi, mes adieux étaient faits. Sobre et franc, comme rarement. Et la solennité de l’instant fut rompue par deux choses de plus ou moins grande importance. Tout d’abord, le navire démarra son ascension vers le maelstrom, dirigé d’une main calme par notre sauveur à tous. Puis, Jena finit par enfin rompre le silence pesant pour s’expliquer de manière peu claire sur ce qu’il s’était passé.
« Ce qui s’est passé… Je ne sais si j’ai la force de vous l’expliquer. Nous… nous l’avons vaincue, cette entité maléfique servante de Thimoros, suivante Oaxienne. Mais ce n’est pas moi qui ai mis fin à ce terrible combat. Pas moi seule… »
( Ainsi donc, tu as connu l’expérience de Jerth et toi aussi, amie, tu as compris la vraie et bonne nature de cet homme de l’ombre… Merci pour lui, merci de l’avoir gracié. C’est un petit geste mais qui a une grande valeur, Jena !)
« Je n’aurais pu y arriver seule… Il nous a tous sauvés. »
( Comment… Mais ce n’est pas possible une telle abominat…)
Je fus interrompu par un bruit terrifiant qui retentit dans mon dos, la salle venait de céder déversant dans une colère toute la puissance d’une eau trop longtemps contenue. Telle la tempête, elle ravageait tout et plus sur son passage, terrifiante et bruyante, l’eau reprenait son droit et rappelait à tous qu’elle seule était la maîtresse des mers…
Et dans le même temps, je ne pus que voir la mort du nécromant alors que nous étions sauvés, traversant peu à peu le maelstrom. Cette horreur était sans nom. Comme toutes les autres que j’avais dénoncée, je ne pouvais rien faire…
Le choc fut éprouvant, ce passage étrange n’était pas de tout repos, du moins pas tant qu’il l’aurait laissé supposé. Je fus cloué au sol pendant ce qui aurait autant pu durer dix secondes que trois heures totalement incapable de faire le moindre mouvement. Nulle parole ne pouvait sortir de ma bouche et je ne parvenais même pas à mettre en place une quelconque trame de réflexion pour penser et repenser encore ce qui venait de se passer. La traversée de ce genre de …machin était vraiment décoiffante.
L’arrivée cependant, était moins douce. Chuter d’une dizaine de mètres dans un navire de guerre sur de l’eau presque solide, c’était… impressionnant. Mais la gerbe d’eau qui nous avait tous rafraîchie faisait du bien aux esprits endoloris. Une forte impression d’avoir un testicule au niveau du gosier me fit presque défaillir durant toute cette descente vers le flot rugueux. Pourtant, un peu d’action ne me faisait pas de mal, elle me permettait au moins d’avoir la tête vide de toute pensée et de tout sarcasmes. Vous excuserez volontiers la vulgarité, il faut bien parfois justifier son âge.
Sur le pont, tout le monde semble sonné mais indemne, le choc avait été brutal mais tout le monde s’en tirait à merveille. Une dernière protection de la part de celui qui restera l’homme le plus valeureux que j’ai pu rencontrer. Il mériterait que je parte en chasse de son faux maître. Perhaillon était mauvais et l’avait châtié, si un jour je pouvais venger ce nécromant, je le ferais. Nous avions été misérables…
Une bande de gobelins apatrides et violets auraient sans doute fait bien mieux que nous… Pourquoi violets ? Je ne le sais pas. J’avais simplement envie de penser à une connerie maintenant que ça fait dix minutes que je déblatère sur le pourquoi du comment on est stupide… En fait, tout ne va pas si mal. Les hommes qui sont morts sont comme ceux de l’infirmerie, des inconnus partis trop vite et auxquels je m’étais attaché. Mais la déesse ne m’avait pas envoyé pour oublier ces hommes. Cependant, j’avais l’intime conviction qu’il ne fallait pas regretter d’avoir été soi-même un bon à rien notable mais qu’il fallait respecter la mémoire de ces hommes et les honorer. Retrouver le goût de vivre pour eux… Sans doute.
Vous avez déjà imaginé un gobelin violet ?
C’est là que vinrent les dernières paroles de notre sauveur, du guide spirituel que nous devions suivre pour atteindre les vraies voies de la justice lumineuse :
« Aventuriers de tous bords et de toutes contrées, c’est la dernière fois que vous m’entendez. Voici un long périple qui s’achève, et je ne reviendrai pas sur les choses passées. Vous aviez cru participer à une chasse au trésor, vous aviez cru partir au devant de richesses, et je vous présente mes excuses pour ce mensonge, le seul que j’ai proféré. J’espère que dans toute cette histoire, vous vous êtes aperçu que le plus grand trésor que vous pouviez trouver n’était pas fait de pièces d’or ou de pierres précieuses. Ce trésor, ces richesses, c’est vous qui les possédez, au fond de votre cœur. Courage, fidélité, foi, espoir, persévérance, pardon… C’est ce qui fait de vous des êtres uniques, des héros de votre temps. Et chacun de vous en est pourvu, sans exception. Vous êtes l’étincelle de lumière qui jaillit dans les ombres pour les repousser, vous êtes l’avenir, et moi le passé. Pour cela, et pour tout le reste, merci… »
( Vous nous avez appris à aimer la vie, à aimer les autres. Vous nous avez appris à mener en héros des situations désespérées. Vous nous avez appris à connaître le prix de la vie, par la votre notamment. Alors ne nous remerciez pas, c’est à nous de vous dire Merci. Nous vous devons tant… Allez en paix nécromant !)
Ainsi, il avait raison et rejoignais mon point de vue. Il fallait garder cet optimisme et cette joie des cœurs qu’il faut pour parvenir à atteindre la sagesse réelle. C’est dans la légèreté que se trouve parfois la vraie profondeur. Savoir garder l’esprit serein et amusé même dans les pires situation permet de garder lucidité et sang-froid… Cet homme était un sage, un preux chevalier. Nous avions manqué, et nous devions désormais garder la certitude d’être en étant à la hauteur de ses aspirations. Pas sûr que nous y arrivâmes.
C’est alors que j’aperçus les côtes. Nous revenions à Kendra-Kar, sur le port de la ville blanche où désormais il n’y avait plus une once du sang laissé par les combats. Quel dérision, nous avions fait tout ça pour ça… Mais malgré tout, je me sentais grandi par cette aventure, je savais désormais ce qu’était l’aventure. J’avais désormais vu la mort, le combat, le sang et j’avais prouvé ma quelconque utilité en toute sorte de situation. Il ne fallait plus regretter, mais au contraire profiter de cette expérience pour devenir à mon tour un emblème capable de transmettre de telle valeur.
La vie était souvent trop triste pour la laisser partir à une tristesse trop grande. Il fallait la vivre avec mordant et hargne, même à s’en casser les dents. Je voulais devenir un représentant des valeurs de cet homme. Je voulais représenter le courage, la lumière, l’espoir, le guide à travers l’obscurité pour rêver un monde meilleur où l’homme serait enfin humain. Je voulais éliminer cette menace qu’était Oaxaca. Je voulais tout et rien, je me sentais immortel, enivré de jeunesse et d’un espoir naissant. Les leçons de mes erreurs, je les avais tirées, maintenant, il ne fallait plus s’attarder aux pleurs et au regret. Il fallait rebondir et avoir des projets.
Je voulais représenter tout cela et les idées germaient en moi. Une compagnie, une force d’action réunies autour de quelques membres durs qui se battraient pour promouvoir les valeurs sociales et la lumière face à l’oppresseur Oaxaca… Maîtriser l’électricité… Voilant tant de projets qui trouvaient un écho en moi, comme l’espoir d’une vie nouvelle, une vie à la hauteur de mes morts. C’est ainsi que la traversée passa, me laissant à mes rêveries et à ma solitude intérieure.
… … … … … …
( Déjà ?)
Nous venions de toucher terre et le bateau était gentiment amarré par des marins du port. Une troupe de soldats officiels de la ville nous attendait accompagnée d’un général des armées. Il semble réjoui de nous accueillir en grande pompe. Quelle perte de temps !
Et alors que Jena n’hésite pas une seconde à s’engager sur le quai, le général nous interpelle :
« Bienvenue dans notre belle cité kendrane, aventuriers ! Alors, ce trésors ? »
Je me demandais bien à quoi rimait cette question. Mais il fallait bien répondre… Je lui fis, en suivant Jena de près, cette réponse :
« Ce trésor est inestimable mais vous ne l’enviez pas. C’est la seule chose qui est à votre portée et vous refusez de l’embrasser. Mon trésor, je le garde précieusement. »
Pour suivre mes paroles, je me tapote du poing sur le cœur, dans un mouvement glorieux de compassion pour cet imbécile.
Arrivé sur le quai, je rattrape Jena non loin, un peu déboussolé, pour qu’elle puisse enfin m’aider :
« Et maintenant, que vas-tu faire ? Cela me semble hypocrite de retourner à ma vie après tout ça… »
((( C’est le dernier post pour moi, On commence le dirigé par ta réponse sur le topic du port ? )))
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Terminator des cours d'écoles ! Théurgiste en formation, prêt au combat ! Près de mourir !
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