[Depuis les habitations]Progressant à taton dans la galerie, Rasliak finit par apercevoir une ouverture. Sans doute l'autre extrémité de la galerie, mal fermée. Il jeta un coup d'œil furtif dans la salle derrière la fausse cloison, et découvrit ce qui devait sans doute être le bureau d'Yvanov. À l'aide du miroir qu'il avait trouvé chez ce dernier, il vérifia que la salle était réellement déserte, avant de s'y glisser en silence. Il repéra rapidement le bureau même d'Yvanov, un meuble en chêne imposant, derrière lequel trônait un lourde draperie accroché au plafond servant de décoration. Sur le côté, un énorme fauteuil en velours, de très mauvais goût. Mais sans doute très cher. Rasliak résista à l'envie de l'éventrer d'un coup de dague... Décidément, il avait du mal avec le mobilier tape à l'œil de cet Yvanov...
(C'est pas la peine de lui laisser ma carte de visite... Mais par contre, il lui faudrait celle d'un décorateur...)Avisant la lourde tapisserie, séparée de la chaise du bureau par une cinquantaine de centimètres seulement, il décida de s'y dissimuler. Ainsi, il pourrait facilement surprendre Yvanov lorsque celui-ci serait seul. Il se glissa en discrétion derrière les draps, vérifiant qu'aucune partie de son corps ne dépassait. Il n'eût pas à attendre longtemps: à peine eût-il replacé la draperie que des bruits de pas se firent entendre derrière la porte du bureau. Celle-ci s'ouvrit en grinçant, et les bruits de pas de plusieurs hommes résonnèrent dans la pièce vide... Rasliak pria pour que les battements de son cœur ne s'entendent pas... Il n'avait pas vraiment peur, il était bien trop excité pour cela, mais son cœur battait la chamade du fait de la dangerosité de sa situation. Bougeant le moins possible, il rentra la tête dans le col de sa tunique, pour atténuer le bruit de sa respiration.
" Bon, les gars j'espère que vous m'apportez de bonnes nouvelles! Je n'ai aucune envie de donner la moitié de mes gains à ce sombre imbécile de Longinus, mais encore moins envie de le voir rappliquer ici pour venir les chercher lui-même. Erwan, on en est où avec la banque?" prononça une voix grave.
Rasliak l'attribua à Yvanov. C'était sans doute lui qui dirigeait ici, et en plus de cela la voix semblait venir de l'immonde fauteuil de velours derrière lequel il se trouvait, dissimulé derrière la draperie. En tout cas, il venait d'éclaircir un point qui titillait le voleur depuis quelques temps, et Rasliak lui en était fort aise... Si Longinus avait un accord avec Yvanov pour lui extorquer de l'argent, alors le but de sa mission devenait beaucoup plus clair.
"On avance bien, patron" répondit une voix quelque peu bourru.
"On a réussi à obtenir de Kilke qu'il nous aide à brouiller les comptes du Tripot légal avec celle de vos activités. Du coup, impossible de savoir d'où proviennent les différentes sommes d'argent.""Bon. Ça risque de ne pas suffire, mais ça ira pour l'instant. Et pour toi Nirm?" répondit Yvanov.
"Pour nous c'est plus compliqué... Leur arrivée correspond pas trop mal avec un tas d'affaires pas claires, et plusieurs témoins ont vu Longinus se débarrasser en quelques secondes d'un Ronin très réputé. Du coup aucun de nos hommes ne me semble à la hauteur de la besogne. Et c'est tout aussi difficile de trouver un assassin compétent en ville. Surtout depuis qu'on à commencé à retrouver des cadavres de plusieurs hommes de main dans les ruelles l'autre jour... Aucun de nos contacts n'a envie de nous prêter un homme pour qu'on le lui renvoie en plusieurs fois... " Lâcha l'homme, d'une voix faible. Sans doute craignait-il la réaction d'Yvanov face à cette mauvaise nouvelle
Yvanov resta silencieux quelques secondes, avant de soupirer longuement...
" Je m'y attendais... Il n'est pas de ces hommes dont on peut se débarrasser facilement... Je vais peut être devoir faire jouer mes contacts personnels, mais je préfère attendre encore un peu... Cherchons encore un peu de manière plus traditionnelle quelqu'un qui puisse nous en débarrasser définitivement."Il marqua un temps de pause, avant de reprendre, plus sèchement:
"Bien, maintenant laissez moi seul. J'ai des missives à rédiger et plusieurs affaires complexes à traiter. Remontez vous occuper de la sécurité dans la salle."Les deux hommes s'exécutèrent, comme en témoignèrent leur bruits de pas, qui s'éloignèrent avant de disparaitre après le claquement de la porte...
Yvanov soupira à nouveau:
"Tsss... Enflure de Longinus... J'avais réussi à monter un petit commerce rentable, et voilà que tu viens y fourrer ton nez... Jusqu'où as tu l'intention de me pourrir la vie hein?" Lâcha-t-il, se parlant à lui même, tout en retombant lourdement dans son fauteuil, qui recula de quelque centimètres. Risquant un regard, Rasliak s'aperçut que la tête d'Yvanov n'était plus qu'à quelques centimètres de lui. Avec vitesse, précision et silence, il passa sa dague sous la gorge de l'homme, tout en lui répondant:
" Apparemment, beaucoup plus loin que vous ne l'imaginiez. C'est justement sire Longinus qui m'envoie. À propos de vos comptes, fort peu clairs, figurez-vous. Je n'en doute plus d'ailleurs, après tout ce que je viens d'entendre. Dommage pour vous que tout cela ne soit pas tombé dans l'oreille d'un sourd. Mais, vous auriez du le savoir: les murs ont des oreilles dans cette ville. Et des trous aussi, n'est-ce pas? " Lâcha Rasliak, avec un clin d'œil moqueur
Yvanov eut un sursaut de surprise en entendant la voix du voleur: à aucun moment il n'avait imaginé que quelqu'un d'autre puisse se trouver dans la pièce. Et surtout juste derrière lui. Il tenta de se dégager, mais Rasliak lui saisit l'arrière du crane, collant sa dague contre la peau de sa gorge pour le contraindre à se rassoir.
"Qui êtes-vous? Co...Comment êtes-vous entrés?""Mais, certainement pas par la porte mon brave! Et peu importe qui je suis, seul compte qui m'envoie pour l'instant... Comme je viens de vous le dire, sire Longinus m'a chargé de vous transmettre un message... Enfin, plutôt une recommandation... Il n'aime pas vraiment que l'on cherche à le doubler ou à le duper... Pour votre sécurité, il vaudrait mieux garder cela en tête. Vous devriez recontacter rapidement ce Kilke, afin qu'il s'occupe de clarifier vos comptes à nouveau... Il serait fort dommage pour vous que sire Longinus décide de passer lui même s'assurer de l'exactitude de votre service de comptabilité, ne pensez-vous pas?"Le silence d'Yvanov était révélateur, et la couleur de son visage, ainsi que la sueur qui ruisselait sur ses tempes indiquèrent à Rasliak qu'ils étaient bel et bien d'accord sur ce point.
"Bon, je pense que nous nous comprenons bien. J'ai pour ordre de ne pas vous brusquer physiquement, mais gardez bien en tête que si je suis entré aussi facilement une fois, je pourrais tout aussi bien revenir un autre jour, à l'improviste. Avec de nouveaux ordres... Enfin, dans l'hypothèse peu probable ou sire Longinus n'aurait pas lui-même envie de régler cette petite affaire."Le voleur contourna Yvanov, maintenant sa dague sous son coup, afin de se placer face à lui.
"Bien, après cette amusante discussion, je vous quitte. Je regrette toutefois de vous voir si peu loquace. Mais je dois dire qu'à votre place, je n'en mènerais pas bien large non plus..." remarqua-t-il avec un sourire moqueur.
Sans quitter l'homme des yeux, il recula avec souplesse jusqu'à la porte. Il l'entre-ouvrit, s'assurant que personne ne montait la garde derrière puis, avec un dernier regard pour Yvanov, toujours tétanisé par le fait que quelqu'un ait pu s'introduire jusqu'ici et le menacer de mort avec une telle facilité, Rasliak s'engouffra dans l'ouverture. Il se retrouva dans la pièce principale du tripot, ou régnait comme toujours une agitation assommante. Il n'eut aucun mal à se mêler aux clients habituels, puis à quitter la pièce. L'atmosphère du tripot était malsaine, pour lui plus que pour quiconque.
Il ne doutait pas qu'Yvanov retrouverait rapidement ses esprits, et s'il allait sans doute tenir ses comptes de manière plus claire dés à présent, il allait sans doute vouloir laver l'affront que venait de lui faire le voleur. Il était peu probable qu'il sache comment Rasliak avait réussi à s'introduire dans la pièce dérobée, mais nul doute qu'il ferait tout de même renforcer la sécurité... Mais tout cela importait peu. Rasliak avait eu pour mission de faire comprendre à Yvanov où se trouvait ses intérêts...
Il réalisa soudain qu'il n'avait aucune idée de comment contacter Longinus pour lui annoncer qu'il avait accompli ce qu'il attendait de lui. Il réalisa également qu'il ne savait pas trop pourquoi il lui avait obéi. La missive n'avait mentionné aucune récompense, simplement l'éventualité d'une nouvelle proposition. Or, Rasliak n'avait plus pour habitude d'agir sans raison... Sans doute le souvenir de l'aura écrasante de Longinus lors de ce combat en pleine rue l'avait-elle impressionnée.Il avait eu l'air d'être de ceux qui ne tolère pas qu'on lui tienne tête, sans pour autant donner l'impression d'être un assassin sans foi ni loi... Un personnage dur à cerner s'il en était.
(Et je n'ai absolument pas les moyens de me faire des ennemis comme lui pour l'instant... Mieux vaut essayer de lui être utile, ça ne pourra que me rendre service... Et puis après tout, c'était quand même bien marrant, la tête qu' Yvanov à faite en réalisant que j'étais derrière lui depuis dix minutes! )D'un geste mécanique, il replaça son capuchon, dissimulant son visage, avant de s'enfoncer dans la nuit. Il n'avait plus qu'à retourner à l'auberge, à la recherche d'une proie à détrousser.
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Watch the shadows, watch the walls,
For there he lurks, and there he crawls
His dagger quick, his dagger sly,
To cut your throat, to pierce your thigh.