(((ATTENTION: un passage de ce RP peut choquer les âmes sensibles !)))« Allez, Avance ! »
Un homme criai cela dans les couloirs de l'arène de la ville d'Exech. Il avait tout de ces personnages que l'on trouve dans les taudis : propre tout ce qu'il faut, un mauvais caractère, et un regard vous disant que si vous laissiez quelque chose à sa portée, il le prendrait, quoi que cela puisse être. Ce n'était pas un homme connu, il était citoyen lambda et il n'est pas rare de voir des hommes crier sur un esclave. Alors, pourquoi les passants se retournaient ils sur son passage ?
Pourquoi ? C'est à cause de cet esclave, justement, moi. Je ne ressemble à personne ici. Tous ici ont de la chair sur leurs os, ce qui n'est pas mon cas. Les regards se posent sur mon écorce grisâtre, générant en moi une envie de me cacher sur mon manteau, bien qu'il ne couvrira rien grand chose de mon corps.
Soudain, je me prends un coup sur le visage. Mon maître me vociférait d'avancer, et je n'avançais pas, trop concentré sur cette envie de me cacher -cette gêne d'être différent. Je ne réagis pas, les coups volaient depuis ma naissance. J'avais appris à obéir. Mais cette gêne qui m'ordonnait de courir... un deuxième coup. Je fis un pas en avant, puis un autre, suivant un maître certainement frustré d'avoir accumulé un léger retard par ma faute. Au détour d'un couloir, je vis une petite irrégularité dans le mur dans laquelle je pourrais me terrer pour échapper à ces regards ; mais l'envie de ne plus recevoir de coup fut plus forte, et je ne donnai alors à la cachette qui petit regard de biais.
« Heureusement que tu es un Oudio ! Les gens paieront cher pour te voir en combat. Ton espèce n'est pas si rare. Même si je ne t'attends pas à survivre, fais de ton mieux, que je puisse gagner plus ! »
Il sétait mis à rire. Le même rire que son grand-père. Le rire d'un homme sur le point d'obtenir ce qu'il voulait. Le rire d'un homme prêt à faire n'importe quoi.
« Tu as compris ? Tu es mon gagne-pain ! C'est à toi de me rapporter des Yus ! Et tu as le rôle facile, moi je dois trouver comment le dépenser. Alors... »
Mon maître avait commencé à énumérer ce qu'il pourrait bien faire une fois les Yus empochés. Si cela vous intéresse, il compte dépenser la plupart de ses gains dans des tavernes et des bordels. Son énumération ressemble plus à une liste de noms féminins qu'à autre chose.
(Je suis son gagne-pain ? Hier encore, il me disait complètement inutile...)
Cette pensée traversa très rapidement mon esprit, mais je la chassai tout aussi sec. Il n'est jamais bon de questionner ses maîtres quand on est esclave.
« Ah ! Monsieur ! Vous êtes là. »
Un autre homme venait d'apparaître, et il interpela mon maître.
« Monsieur Ronceprison ! Que c'est un plaisir de vous voir. J'espère que vous avez passé une bonne nuit, après notre petite discussion d'hier soir ? »
« Certes, certes. Mais ne faites pas autant de mystère, il n'y a pas honte à parler de cela en ce lieu. C'est donc lui, l'attraction du jour ? »
L'homme se tourna vers moi. Plus petit et rondouillard que mon maître, il arborait une calvitie avancée. Je ne l'avais jamais vu, mais il est certainement une connaissance de boisson de mon maître. Un lueur de folie perfide et avare était perceptible dans le fond de son oeil. Vraiment, les humains sont tous les mêmes.
« Oui, un Oudio, comme promis. Tu pourras l'utiliser pour animer le spectacle d'aujourd'hui. D'ailleurs à ce propos, quel est le thème ? »
« Le thème ? C'est « un aventurier gobelin à l'assaut ! ». Je me suis dégoté un petit spécimen, bien hargneux, ton Oudio fera le troisième combat -mais je doute qu'il ne gagne s'il n'a jamais été formé »
« Il n'a jamais combattu que l'ennui et la paresse. Franchement, je me sentirais mieux si tu pouvais me supprimer cet héritage empoisonné. »
Les remarques peu flatteuses de mon maître ne m'atteignaient pas. Il n'avait pas totalement tort, mais était loin d'être dans le vrai : j'ai déjà combattu. Son grand-père -mon acheteur- m'avait formé au maniement du bâton, et à la dure. Mais cela fait presque quatre-vingt ans maintenant que je n'avais plus tenu une arme. Je n'ai pas du tout confiance en ma capacité de m'en sortir si l'adversaire a un tant soit peu d'expérience de combat.
« Au pire, s'il est toujours en vie après le combat, je peux te l'acheter pour un montant égal à la prime de compensation en cas de mort. »
À ces mots, il sortit un bourse qu'il donna à mon maître. Celui-ci l'ouvrit et l'accepta sans discuter.
Puis, se tournant vers moi, le chauve annonça :
« Il est temps de passer aux choses sérieuses. Ton combat commence dans au moins un quart d'heure, tu ferais mieux de te préparer »
Et il me montra un ratelier -en très mauvais état. Dessus, on pouvait trouver diverses armes, et je devais choisir l'une d'elles. Je préférerais ne pas me battre, mais je n'ai pas le choix. Dessus, on trouvait une épée, une hache et un arc.
(Que choisir ? Ma vie en dépendra... Je ne connais aucune de ces armes. Ah si ! Le deuxième maître avait une épée dans son enfance, mais je n'ai jamais pu y toucher)
Mon regard fut alors attiré par quelque chose. La bare transversalle supérieure étaient déjà à moitié détachée... un petite poussée, et...
Un bruit de bois qui se brise retentit.
« Qu'as tu fait, inconscient ? »
Mon maître s'avança, le poing levé, mais il fut arrêté par le chauve.
« Ne t'inquiète pas, il a juste choisi son arme... n'est ce pas, Hasarian ? »
Je ne savais pas où cet homme avait appris mon nom, mais il ne me restait qu'à acquiescer.
« Bien, direction les coulisses, alors ! »
Plus on s'approchait de l'arène, plus les odeurs du sang et de la sueur étaient fortes et se mélangeaient. Non pas que ça me dérangeait, Exech pue la sueur partout, et je n'ai quitté la ville que très rarement ce dernier siècle. J'étais deuxième dans la file pour entrer dans l'arène, et juste devant moi se tenait une petite créature apeurée, ne portant en tout et pour tout sur lui qu'un bonnet, des bottes et un pagne au niveau de la taille. Il tenait dans sa main une sorte de petit cure-dent de métal, qui par comparaison avec sa taille devait faire office de dague. Il me regardait d'un air effrayé, comme s'il n'avait pas envie d'être ici.
(je n'ai pas non plus envie d'être ici. Mais ce n'est pas pour ça que j'ai peur... pourquoi?)
Alors que cette question tournait dans ma tête, la grille de l'arène s'ouvrit, et le garde, d'un sourire sadique, prit le lutin dans sa main pour le lancer sur le sang encore rouge du combat précédent. Le cadavre d'un loup blanc -encore louveteau- était jeté dans la charette destinée à la fosse commune. Au milieu de l'arène, un gobelin fou sautait sur place, et en voyant sa cible suivante atterir à ses pieds, se jeta dessus. Sa peau était verdâtre, et il ne portait, lui aussi, qu'un seul pagne. Dans sa main, on pouvait observer une hache rouillée par le sang. Il n'était pas très grand -même pour un goblin- mais faisait quand même le double de la taille de son adversaire.
Le lutin esquiva de peu, mais fut quand même erraflé au niveau du bras. Au moins, il n'était pas mort... Et pouvait contre-attaquer. C'est ce que j'aurais fait, mais il est évident que le petit être était trop effrayé pour cela. Le peu de combat que j'avais faits lors des débuts de ma vie m'avaient enseigné que la peur n'était pas un bon moteur pour se battre, elle paralysait la volonté et empêchait tout mouvement. Menant directement à la mort.
(C'est fini pour lui)
À peine avais-je pensé cela que le gobelin coupa le bras du lutin tenant la dague. La créature à peau verte sembla s'en exciter encore plus, et avant même que le lutin ne puisse se rendre compte qu'il avait perdu un bras, il tenta un coup d'estoc sur son ventre. La lame pénètra, écartant la peau du bassin au bas du sternum. Le coup fut mortel.
La grille s'ouvra à nouveau, et on m'ordonna d'avancer. Lentement, le plus lentement possible, je fis un pas dans l'arène, puis un autre. Le garde semblait énervé, mais il ne dit rien. Lorsque je fus suffisamment loin de l'entrée pour que l'on puisse déclarer le combat comme commençant, le corps du lutin avait déjà été placé -plus exactement, jeté- vers la charette. Les deux fossoyeurs chargés de l'arène s'amusaient dans leur coin à voir qui pourrait lancer le petit bout de chair le plus haut possible sur la pile de corps, allant le récupérer quand leur score ne les satisfaisait pas.
(Les hommes... des créatures bien étranges. Ils s'amusent pour un rien, et se construisent sur le malheur des autres. Mais ne suis-je pas différent ? Ce gobelin devra mourir si je veux vivre.)
Franchement, je ne sais pas pourquoi j'avais pensé cela, ni même pourquoi je cherchais absolument à vivre. Mais c'est ce que je ressentais. Une force, au fond de moi, me poussait à avancer, et me donnait suffisamment de conviction pour resserrer mon emprise sur le bâton.
Le gobelin se méfiait plus de moi qu'il ne s'était méfié du lutin, peut être parce que je faisais un mètre vingt de plus que ce dernier, et donc une septentaine de centimètres en plus que lui-même. Et maintenant que j'étais plus proche et que je pouvais voir le blanc de ses yeux, j'y vis la raison du pourquoi il a été choisi. Toute capacité de penser lui avait été retiréé ; dans ses yeux, seule la folie, cette folie que ne connaissent ceux qui passent leur vie à tuer. Jeunesse et folie, les deux ingrédients qui ont fait de lui une attraction au sein de ce temple dédié à la mort elle-même.
L'annonceur commença à parler. Un peu de frustration se faisait sentir dans sa voix, car il n'avait pas eu le temps d'introduire le combat précédent, mais il se rattrapait avec celui-ci. À l'écouter, j'étais le premier adversaire dépassant le mètre dix que ce gobelin a à affronter. Un avantage, bien. Je n'écoutai pas le reste de l'annonce, le risque de laisser l'initiative à un gobelin ayant surmonté ses doutes et sans être préparé était trop grand. Me mettant en garde, j'attendais de voir sa première réaction, bien décidé à survivre à cette rencontre.