L'Univers de Yuimen déménage !


Nouvelle adresse : https://univers.yuimen.net/




Poster un nouveau sujet Répondre au sujet  [ 5 messages ] 
Auteur Message
 Sujet du message: Mane, maître magicienne de l'eau
MessagePosté: Mer 20 Avr 2011 12:52 
Hors ligne
Admin
Avatar de l’utilisateur
 Profil

Inscription: Dim 26 Oct 2008 15:46
Messages: 13910
Mane, maître magicienne de l'eau

Image


Mane est une elfe blanche originaire d’Hiridain. Son père protecteur l’empêcha toujours de voyager, pour la soustraire aux méfaits qui règnent dans les pays humains. Sa vie de recluse l’étouffa et elle ne put jamais aller voir la mer, un rêve qu’elle a toujours couvé.

Il n’y eut pas un jour où elle ne pria pieusement Moura de lui exaucer son rêve. Et Moura fut sensible à ce dévouement. Et comme elle ne pouvait pas venir à l’océan, c’est l’océan qui vint à elle. Elle développa des dons d’aquamancie, spécialement dans l’invocation de l’eau. Il n’était pas rare qu’une fontaine déborde après qu’elle ait joué avec les poissons y vivant ou qu’un puits à sec reprenne une nouvelle jeunesse grâce à la main délicate de Mane posée sur la pierre granuleuse couverte de lierre.

Elle est de nature taciturne et timide, si bien que ses dons sont restés longtemps rumeurs et ragots. Mais de terribles incendies de forêt se déclenchèrent suite à une canicule anormale. Menaçant non seulement les bois, mais aussi une partie de la cité.

Mane sortit de chez elle, sous les hurlements apeurés de son père, puis se dirigea vers le feu, rentrant dans le brasier. Elle réapparut quelques heures plus tard, au milieu des cendres. Le feu avait été étrangement confiné, mais l’origine de ce sauvetage fut vite mise à jour. Au centre de ce qui avait été le sinistre avait jaillit une grande source d’eau. Mane avait invoqué une eau pure et abondante pour en finir avec ce feu destructeur.

On la surnomma Mane d’eau douce, en référence à son pouvoir lié à l’eau mais non à la mer. Un temple pour Moura fut construit sur la source, dans la forêt, et devint le lieu de résidence de Mane.

Elle y passe le plus clair de son temps à nager dans les bains qui sont parfumés par des brassées de fleurs trempés dans l’onde transparente.

Quand elle ne se baigne pas, elle apprend à ses disciples les secrets des arcanes de l’eau, voyant en cet élément la base de la vie et la source de toute chose. Pour les plus doués, elle dévoilera quelques uns de ses secrets.

La maître magicienne vend tout ce qui peut vous être utile pour pratiquer les arts magiques de son élément avec vous :

Potions :

Grande potion de soin (redonne 20PV) 110 yus
Potion de soin divine (redonne 40PV) 250 yus

Grande potion de mana (redonne 8PM) 110 yus
Potion de mana divine (redonne 16PM) 250 yus

Grande potion mixte (redonne 20PV et 8PM) 550yus

Parchemins de sorts :

Sorts évolutifs (400yus) uniquement de l'élément eau.
Sorts de classes secondaires (500 yus) sauf ceux demandant des PMs autres que eau.

(((Cliquez sur les liens pour avoir accès aux listes des sorts qui sont classés par éléments pour connaître leur effet ! Pour plus de précision sur les sorts, rendez-vous à la règle des sorts !)))

Fluides magiques d'éléments :

Fluide 1/16e (50yus), 1/8e (110yus) et 1/4e (250yus). Uniquement de l'élément eau.

(((SI VOUS VOULEZ ÊTRE SERVI DANS DES TEMPS RAISONNABLES, N'OUBLIEZ PAS DE DEMANDER AUX GMs DANS LE SOS GM! DE S'OCCUPER DE VOS ACHATS POUR QU'IL JOUE LE PNJ ET VALIDE. Nous ne faisons pas le tour des boutiques... merci de votre compréhension )))

_________________
Chibi-Gm, à votre service !


La règle à lire pour bien débuter : c'est ICI !
Pour toutes questions: C'est ici !
Pour vos demandes d'interventions GMiques ponctuelles et jets de dés : Ici !
Pour vos demandes de corrections : C'est là !
Joueurs cherchant joueurs pour RP ensemble : Contactez vous ici !


Haut
 

 Sujet du message: Re: Mane, maître magicienne de l'eau
MessagePosté: Dim 14 Juin 2015 01:01 
Hors ligne
Avatar de l’utilisateur
 Profil

Inscription: Jeu 26 Fév 2015 21:51
Messages: 6796
Localisation: Nessima, Naora
Je marche ainsi dans la sylve enténébrée durant plus d'une heure, et si elle pourrait sans doute sembler inquiétante ou lugubre à certains, j'ai pour ma part l'impression de me trouver dans un lieu enchanté, et je savoure chaque minute de ma ballade. Au bout d'un moment, le sentier se met à longer une petite rivière dont le discret murmure accroit encore la magie présente, je me suis rarement senti aussi "elfe" qu'aujourd'hui! Assez rapidement, la forêt change, les arbres me semblent plus jeunes, leurs panaches feuillus moins denses laissent passer davantage de lueur lunaire et la végétation du sous-bois se fait plus variée, plus inextricable aussi. Néanmoins, le sentier est aisé à suivre, bien que peu fréquenté selon toute apparence, et je n'éprouve pas la moindre difficulté à poursuivre ma route, jusqu'à ce qu'un contour me dévoile une scène tout à fait surprenante qui me fait m'arrêter tout net, yeux grands ouverts de surprise: devant moi se distingue un magnifique temple aux formes fluides, visiblement bâti au-dessus de la source de la rivière que je viens de suivre!

Un discret bruit d'éclaboussures attire soudain mon attention, je m'avance de quelques pas pour tenter de voir ce qui le produit, écartant en douceur les quelques branches gênant ma vision. Quelques bassins probablement creusés d'après leurs formes à peine trop régulières, mais artistement sertis dans la végétation comme s'ils étaient naturels, se dévoilent à ma vue, et dans l'un de ces bassins...

Ma gorge se noue lorsque j'aperçois la créature féminine qui se baigne, parée de voiles diaphanes qui soulignent son corps bien plus qu'ils ne le dissimulent, et nage avec une grâce surnaturelle dans les eaux limpides. Il me faut quelques instants pour réaliser que c'est certainement une Hinïone, et non quelque esprit issu des contes, mais à la voir, je peux imaginer qu'une telle vision fasse naître un mythe. J'ai beau être un elfe, j'ai l'impression d'être un vulgaire mortel piégé dans une ronde de fées après avoir eu l'audace de contempler un spectacle interdit. Je me secoue sans complaisance en réalisant subitement que je suis en train de jouer au voyeur, un rôle qui ne me plait guère, et après une brève hésitation sur la conduite à tenir, je décide d'avancer de manière ostensiblement visible, me dirigeant droit vers elle d'un pas que je rends volontairement moins discret que de coutume. Le craquement sec d'une branche qui cède sous mon poids l'alerte immédiatement, elle tourne vivement la tête vers moi, visiblement surprise mais nullement effrayée.

Alors que je parviens au bord du bassin, elle en sort fluidement, apparemment inconsciente du fait que ses voiles trempés ne la dissimulent en rien, et qu'elle est assez belle pour faire tourner la tête de n'importe quel mâle normalement constitué. Sa chevelure est longue, couleur d'or blanc à la lueur de Sithi, son visage forme un ovale délicat aux contours épurés et ses grands yeux d'un vert très pâle, printanier, me détaillent des pieds à la tête, légèrement brillants d'un éclat amusé et intrigué. Je lui souris, pas dupe de la raison de son amusement, elle sait qu'elle me trouble et attend avec curiosité ma réaction, qui lui en dira long sur moi.

Je m'incline légèrement, puis tend une main comme une invite à y déposer la sienne, ce qu'elle fait en me dévisageant plus intensément, légèrement sur la défensive. Je réprime un frisson au contact légèrement électrique de nos doigts, portant doucement la main de l'Hinïone à mes lèvres pour un très chaste baise-main avant de m'adresser à elle sobrement en rivant mon regard au sien:

"Bonsoir, ma Dame. Veuillez me pardonner d'avoir interrompu votre bain, je ne m'attendais pas à découvrir tel lieu au détour de ce sentier. Je me nomme Tanaëth Ithil."

Je relâche aussitôt l'infime pression exercée par mes doigts sur les siens, pour la laisser libre de retirer sa main à l'instant qui lui plaira, mais elle ne semble pas pressée de rompre le contact et, à ma grande surprise, les resserre au contraire en souriant malicieusement et en déclarant:

"Bien rares sont les visiteurs, à ces heures de la nuit, et plus rares encore sont les Sindeldi dans ces régions. Mais un Sindel courtois venant nous trouver en pleine nuit, c'est une première, très cher. Venez, il y a un banc sous ce bosquet, vous pourrez me raconter ce qui vous amène ici et peut-être me donner des nouvelles du monde, nous en recevons si peu!"

Elle exerce une légère pression sur ma main pour m'inviter à la suivre, ce que je fais sans réfléchir, tout à mon étonnement de cette situation totalement imprévue. Nous faisons ainsi quelques pas, côte à côte et main dans la main puis, à l'instant précis ou je réalise qu'elle ne m'a pas dit son nom, elle tourne son beau visage vers moi et me dit avec une petite nuance taquine dans la voix:

"Vous n'avez pas de chance, voyageur. Vous auriez pu apercevoir Mane, notre maitresse, en train de se baigner, mais vous voici tenu de satisfaire la curiosité de l'une de ses jeunes disciples avant de la rencontrer, j'espère que cela ne vous dérange pas trop?"

Leur maîtresse? Mane? Disciples? Je n'y comprends pas grand chose, ignorant tout de l'endroit dans lequel je me trouve, ou presque. L'emplacement très particulier de cette bâtisse que j'ai d'instinct qualifiée de "temple", les bassins, la rivière, tout prête à supposer que je me trouve dans un lieu dédié à Moura, auquel cas l'Hinïone qui me guide vers ce banc serait une prêtresse. Pourtant elle ne m'évoque pas vraiment une religieuse, mais peut-être les circonstances de notre rencontre faussent-elles mon jugement? Elle hausse un sourcil un peu moqueur devant mon silence, et je ne peux m'empêcher de rougir légèrement en lui répondant avec une assurance que je suis loin d'éprouver:

"A vrai dire, je suis ravi que ce soit vous qui vous baigniez lorsque je suis arrivé, Dame, je ne saurais imaginer plus charmante rencontre que la vôtre. Me feriez-vous l'honneur de m'apprendre votre nom?"

"Courtois et galant, décidément la rivière m'a apporté bien étonnante surprise ce soir! Mon nom est Ethëll Findaryë, ce qui signifie..."

"Étoile du solstice d'été..."

Elle s'immobilise pour me faire face, interloquée, et me demande en Hinïon:

"Vous parlez notre langue?!"

Je lui réponds dans son langage, souriant doucement alors que je la dévisage plus directement que je ne me le suis permis jusque là:

"Oui. C'est un très beau nom, qui vous va à ravir, si vous me permettez ce compliment."

C'est à son tour de rougir, ce qui me fait rire légèrement et ajouter en mode taquin:

"Vous aviez parlé d'un banc?"

Elle rit à son tour, m'entraînant de plus belle vers un bosquet derrière lequel je découvre en effet un banc de pierre sculpté fort étrangement de motifs marins, qui offre une vue splendide sur le temple et une bonne partie des bassins, ainsi que sur les montagnes en arrière-plan. Nous prenons place, dans un silence imperceptiblement gêné, ni l'un ni l'autre ne sachant trop comment aborder la suite de la discussion après ce bref échange badin. Je réalise soudain que nous nous tenons toujours la main, comme deux amoureux en train de flirter au clair de lune, et cela alors que nous nous sommes rencontré moins de cinq minutes auparavant! Je m'efforce de supprimer de mes pensées toute idée déplacée, ce n'est là qu'un geste anodin et amical, assurément. Pourtant il fait battre mon coeur trop vite, et je sens dans ma main les discrètes pulsations de celui d'Ethëll qui tambourine au même rythme que le mien, en parfait contre-temps. Nous nous dévisageons, et prenons la parole en même temps:

"Je me demandais..."

"Dites-moi..."

Nous nous sourions l'un à l'autre, amusés, puis éclatons de rire comme des enfants. Toute tension désormais dissipée, nous parlons un bon moment de tout et de rien, de nous, de notre passé, de ce lieu. J'apprends ainsi que je me trouve dans le domaine d'une magicienne de l'eau, Mane, qui forme quelques disciples dont Ethëll fait partie. Le lieu a vocation de temple de Moura, bien qu'il ne soit pas à proprement parler le siège d'un clergé et ne forme pas de prêtres, mais des mages aquatiques. La jeune Hinïone me conte la légende liée à cet endroit étonnant, et me révèle qu'elle est la fille cadette de l'un des tribuns d'Hidirain, qui en compte douze, tous descendant des fondateurs de la cité. Je lui parle du monde extérieur, des endroits que j'ai visités, je lui conte brièvement l'aventure de l'arc des glaces, puis ma récente rencontre avec le Woran Sha'ale et ce qui nous a amenés ici, mais je n'évoque ni Jaëlle ni Moraen, je n'en ai nulle envie. Je ne cesserai jamais de penser à elles ni de les aimer, mais elles appartiennent au passé et je suis tout entier tourné vers le présent dans l'immédiat, je ne désire pas partager ces souvenirs avec Ethëll, pas maintenant du moins.

Alors que j'évoque Sithi, parlant du rai de lune qui m'a incité à emprunter le sentier m'ayant amené ici, l'Hinïone s'appuie sur moi avec spontanéité pour lever les yeux au ciel et observer la voûte céleste, majestueuse en ces lieux dépourvus de toute source lumineuse. Je retiens mon souffle quelques secondes, incertain et emprunté à ce contact infiniment troublant, me demandant si elle est simplement d'une innocence rare, ou si au contraire elle joue de son charme avec une maestria remarquable, telle une femme rompue aux courtisans, capable de jouer sans la moindre vergogne avec les sentiments qu'elle fait naître. Je ne la connais pas, ou si peu, mais son geste était si naturel que je ne peux croire à cette dernière hypothèse, aussi je me détends en reprenant ma respiration en douceur et l'entoure de mes bras, prenant garde de rester dans les strictes limites de la décence. Elle soupire d'aise et se blottit plus confortablement dans mon étreinte, murmurant pour elle-même plus que pour moi:

"C'est vraiment une belle nuit..."

Je m'apprête à lui répondre sur le même ton lorsque une voix atrocement grinçante et suintant de malveillance déchire littéralement l'atmosphère paisible du temple, nous faisant brutalement sursauter, toute proche de nous, beaucoup trop proche:

"Que vois-je? Mon "bien-aimé" dans les bras d'une autre femme?"

Un effroyable hurlement d'une stridence insoutenable retentit dans la nuit, glaçant jusqu'à la moelle de nos os, il nous mettrait à genoux si nous n'étions pas assis. Un hurlement que je reconnaitrais entre mille. Je sais ce qu'il signifie, chaque fibre de mon corps et de mon âme le sait: la Banshee qui fut Jaëlle m'a retrouvé...


Haut
 

 Sujet du message: Re: Mane, maître magicienne de l'eau
MessagePosté: Dim 14 Juin 2015 06:59 
Hors ligne
Avatar de l’utilisateur
 Profil

Inscription: Jeu 26 Fév 2015 21:51
Messages: 6796
Localisation: Nessima, Naora
[:attention:] Ce texte comporte des scènes violentes susceptibles de heurter certaines sensibilités. [:attention:]

*****


Ethëll me jette un regard horrifié avant de tourner les yeux vers la source de cet abominable hurlement, elle se fige de stupeur en pressant ma main avec force puis s'exclame avec effroi:

"Déesse! Une banshee!!"

Oui. Une banshee. Et pas n'importe laquelle. J'en ai la nausée, avec en prime l'impression excessivement désagréable que mon coeur dégringole d'un sommet frôlant les cieux aux abysses les plus insondables sans marquer la moindre pause. Durant un bref instant qui me parait durer une éternité, je garde les yeux rivés à Ethëll, gravant dans ma mémoire ses traits magnifiques. Une enclume d'angoisse et de désespoir a trouvé demeure dans les tripes: je sais que la proie de l'atrocité, c'est elle, la jeune Hinïone qui a eu le seul tort de croiser ma route au mauvais moment, pire, de se trouver dans mes bras sous le regard ignoblement perverti de celle qui fut ma compagne. Et je ne me souviens que trop clairement de ma totale impuissance lors de notre précédente rencontre, réduit à la merci de la damnée sans avoir seulement une bribe d'espoir de lui échapper, encore moins de la contrer. J'en pleurerais de rage...pourquoi juste maintenant? Mais poser la question c'est y répondre, quel meilleur moment pour souiller ce qui est pur, pour tenter de me briser moralement, puisque c'est apparemment ce qu'elle cherche à faire?

Je me sens envahi d'une colère glaciale, meurtrière, qui submerge à mon plus grand soulagement le désespoir qui menaçait de s'emparer de moi. Syndalywë me murmure qu'elle est désolée, qu'elle n'a pas senti la créature arriver, sur un ton qui trahit une profonde angoisse. Je tente de la rassurer d'une pensée, mais je n'en mène pas large et je ne peux pas le lui cacher.

Je serre brièvement la main de l'Hinïone en me détachant d'elle pour me lever de toute ma vivacité, puis je la relève à son tour d'une traction hâtive et la force à passer derrière moi de façon à me trouver entre la banshee et elle. Cette saleté ne la touchera pas, pas sans me passer sur le corps. Ce qui ne sera pas forcément pour lui déplaire, je ne me fais aucune illusion sur la question. Je n'ai que peu de chances de parvenir à la vaincre, j'en suis douloureusement conscient, et je ne peux m'empêcher de frémir alors que je pose enfin mon regard sur les traits atrocement mutilés de la damnée, toute ma résolution vacillant alors que je revois ces yeux d'azur extraordinaires qui m'inondent de malveillance en lieu et place de l'amour dont ils irradiaient jadis. Je crois que c'est ce regard qui me ravage le plus, c'est à cela que j'ai reconnu la femme derrière l'abjection, cette femme aimée à la folie devenue mon pire cauchemar par une ignominie sans nom dont je connais maintenant l'origine.

Entre mes dents serrées, je murmure à l'Hinïone tout en gardant les yeux rivés sur la banshee et en dégainant lentement mes deux rapières:

"Fuis Ethëll! J'ai un vieux différend à régler avec cette saleté..."

"Pas question. Je suis chez moi ici. On l'affronte ensemble."

Je retiens de justesse une répartie cinglante, mais ce n'est guère le moment de discuter et je me contente de lui rétorquer d'un ton qui n'admet pas de réplique:

"Soit, mais tu restes derrière moi."

"D'accord."

Notre bref échange amuse visiblement beaucoup la banshee, qui se tord les mains en une parodie de pâmoison admirative avant de siffler:

"Comme c'est mignon! Si romantique! La petite putain blanche et son minable toutou gris, j'en ai presque la larme à l'oeil!"

Elle pointe ensuite vers moi un doigt déformé, griffu, et éructe d'un ton plaintif et accusateur:

"Je t'avais prévenu de ne pas me décevoir à notre prochaine rencontre, mon délicieux amant, et voilà que je te trouve dans les bras d'une autre femme...ne suis-je plus assez belle pour toi?"

Elle se tortille en se pourléchant odieusement les lèvres de sa langue bifide, soulignant ses formes immondes de gestes lubriques, mime le geste de recoiffer la masse verte aux allures de moisissure qui constitue sa chevelure, ne parvenant qu'à en arracher quelques touffes qu'elle jette négligemment à mes pieds, accompagnées d'un crachat de bile noirâtre. Un éclat insane de gourmandise terrifiante traverse son regard, et c'est d'une voix avide et râpeuse qu'elle chuinte ensuite:

"Tu m'as abandonnée, maudit! La seule fois où j'ai vraiment eu besoin de toi, tu n'étais pas là! Vois ce que je suis devenue à cause de toi! Je vais te réduire à l'impuissance, oh, tu vivras encore, assez pour me voir déchiqueter ta catin à pleines dents et m'en rassasier! Peut-être même pousserais-je le plaisir jusqu'à t'en faire goûter un morceau. Tu aimerais ça, pas vrai mon bel elfe?"

J'ai réussi à garder le silence face à ses insultes jusque là, mais cette fois c'en est trop, et je lui rétorque de ma voix la plus glaciale:

"Cette nuit, je vais renvoyer ton âme souillée vers ton créateur, charogne putride. Cesse de bavasser, mes lames ont soif de te délivrer de ton tourment, et moi de pouvoir contempler les étoiles en pensant que celle que j'ai aimée est désormais aux côtés de Sithi."

"Ha, mais c'est qu'il serait courageux, le petit clébard du crépuscule! Tu l'étais moins la dernière fois. C'est le joli cul de cette traînée pâlichonne qui te rend si brave, toi le lâche qui as abandonné tous les tiens?"

"Non. C'est la laideur de ton âme qui me rend brave. Viens maintenant, je t'offre une mort propre, saisis ta chance, Jaëlle."

La créature hurle de rage à l'évocation de ce nom qui fut le sien et bondit à une vitesse effroyable sur moi, toutes griffes dehors! J'aurais éventuellement le temps de l'esquiver car la distance qu'elle doit parcourir est suffisante, mais Ethëll se trouve juste derrière moi, et je n'ai aucune certitude qu'elle soit assez rapide pour éviter l'horreur. Je jure intérieurement contre l'obstination de l'Hinïone, et bondis à la rencontre de la banshee en pointant mes deux lames vers elle pour l'obliger à rompre, sous peine de s'embrocher en beauté! Je cille en la voyant balayer d'un bras mes deux armes, indifférente à la coupure que ce geste lui inflige, et n'ai que le temps de replier mes bras devant moi pour absorber une partie du choc lorsque elle me percute de tout son poids! C'est loin d'être suffisant toutefois, elle est plus lourde que moi et autrement plus forte, et je suis brutalement projeté à terre, salement sonné. Mon bras blessé récemment par une flèche me fait en outre souffrir le martyre, je l'avais presque oublié celui-là, mais pour le coup il se rappelle à mon bon souvenir sans la moindre douceur, je ne doute pas que mes plaies se soient rouvertes sous la force de l'impact.

J'encaisse comme je peux la douleur, bénissant mon armure qui a protégé ma chair des vicieuses griffes de la bête, et je me relève précipitamment, mortellement inquiet en réalisant qu'Ethëll est maintenant à sa portée! Et de fait, la banshee se précipite vers elle alors que je ne suis pas encore debout, je n'aurai pas le temps de m'interposer, sauf si...

Mon énergie interne explose littéralement en traçant une onde de choc visible qui percute durement la maudite à l'épaule, pas de quoi la tuer, mais largement assez pour lui faire manquer sa cible! L'Hinïone réagit instantanément, je n'ai pas la moindre idée d'où elle tire l'eau qui frappe comme un jet sous haute pression la banshee, mais le résultat est là, le côté droit de la damnée est lacéré par le sort aquatique comme si plusieurs lames venaient de l'atteindre! Ce qui ne semble pas la perturber outre mesure, à voir à quelle vitesse elle fait volte face pour bondir à nouveau sur ma comparse qui recule dans ma direction en toute hâte. Mais cela m'a donné le temps de me relever entièrement et je n'hésite pas à foncer pour contrer l'assaut de la créature de mes lames qui fendent l'air rageusement pour venir se positionner en une défense peu orthodoxe, surtout due au fait que mon bras droit ne répond pas correctement. Mais ma tentative reste assez efficace pour que la damnée préfère les éviter d'un saut de côté tout en sifflant haineusement! A mon grand soulagement, Ethëll repasse derrière moi, elle est plus vive que je le supposais et visiblement pas totalement démunie au coeur d'un combat, mais le sort qu'elle a déployé a dû lui en coûter car elle semble plus fatiguée qu'elle ne le devrait après ces quelques secondes de bataille. Elle doit percevoir mon inquiétude, car elle me fait un rapide signe de la tête pour me dire que tout va bien, je voudrais lui répondre mais notre attaquante ne m'en laisse pas le loisir, hurlant une nouvelle fois à pleine gorge.

Je titube sous la force de l'onde sonore, levant à l'instinct ma rapière gauche pour dévier la fourbe attaque de griffes qui prolonge le détestable cri! J'y parviens de justesse, mais déjà la créature pivote habilement pour enchaîner avec son autre main et tenter de m'estropier le bras déjà blessé, à peine trop découvert par ma parade imparfaite. Je me rappelle juste à temps que j'ai un nouveau protège-bras de ce côté, et plutôt que de chercher à esquiver hasardeusement un coup trop rapide pour que je sois certain d'y parvenir, je lève le coude et avance l'épaule brusquement pour donner la bonne orientation à ma protection. Cela suffit, les griffes ripent sur le cuir sans parvenir à trouver mon sang, et malgré la souffrance issue des plaies infligées par cette maudite flèche deux jours plus tôt, j'en profite aussitôt pour tenter de lui administrer un redoutable coup de pointe de ma rapière gauche revenue en bonne position après la première parade. Mais je suis légèrement déséquilibré par le choc contre mon bras douloureux, et la banshee évite mon arme d'une contorsion adroite.

Dans mon dos, Ethëll m'ordonne soudain d'une voix étrangement rauque:

"Tanaëth, bouge à droite!"

Je réagis sans réfléchir, et me décale d'un rapide entrechat dans la direction souhaitée, à l'instant même où l'affreuse se décide à revenir à la charge d'un coup de pied bas vraiment vicieux! J'ai le temps de réaliser que ses pieds crasseux et verruqueux sont eux aussi dotés de griffes répugnantes avant de me faire bousculer sans douceur par un...geyser d'eau?! Je ne dois qu'à mon obéissance aveugle à l'injonction d'Ethëll ainsi qu'à mon entrainement guerrier de conserver un semblant d'équilibre, car sous les pieds de la malveillante, de puissants jets d'eau ont jailli de la plus incompréhensible façon, me frôlant de beaucoup trop près à mon goût! La banshee est jetée à terre, bien secouée si j'en juge à son air surpris et vexé, ce qui me procure une sourde satisfaction car c'est la première fois que je la vois vraiment déstabilisée!

J'en profite aussitôt, il serait criminel de laisser passer une telle occasion! Je rassemble mon Ki d'une profonde inspiration, puis je le relâche soudainement en bondissant en avant avec mes deux armes tendues devant moi, fendant littéralement les airs et la distance grâce à l'aide de la bienveillante Rana! Mon adversaire déboussolée réagit une fraction de seconde trop tard, pour une fois, et si elle parvient à éviter ma première lame qui visait approximativement sa gorge d'une inclinaison du buste, la deuxième mieux orientée plonge profondément dans son abdomen, lui infligeant une blessure conséquente mais sans doute pas mortelle. La maudite hurle de douleur autant que de rage, et d'un geste hargneux tente de saisir mon poignet, celui qui tient la rapière fichée dans son ventre! Je n'ai pas trente-six options, si je veux éviter de me faire taillader par les ongles recourbés, je lâche mon arme gauche comme si elle était portée au rouge et recule d'un bond!

J'évite les griffes, mais dans ma retraite empressée, j'ai omis un détail: les trombes d'eau qui ont fait chuter la banshee ont détrempé le sol, le rendant boueux, et c'est avec une balourdise que je trouverais cocasse en d'autre circonstances que je glisse, et chois brutalement sur mon séant! Danseur d'Opale, je disais? Mouais, eh bien il va falloir que je travaille encore un peu avant de me risquer à le prétendre ouvertement...

Le temps manque pour les divagations cependant, et la vue de l'horreur qui se relève déjà m'incite à me presser de faire de même! Elle est blessée, mais sa résistance est telle que je n'ai pas l'impression que cela fasse une grande différence pour l'instant, pas plus que je ne suis certain de pouvoir faire durer le combat assez longtemps pour que l'affaiblissement fasse son oeuvre. Un rapide coup d'oeil à l'Hinïone me vaut un signe de tête négatif, et profondément désolé, de sa part: les sorts lancés l'ont épuisée, elle est très pâle et des cernes d'épuisement soulignent ses yeux. Il va falloir que je me fasse à l'idée d'achever ce combat seul, mais d'un côté, seul j'avais prévu de l'être dès le départ, aussi cela ne me trouble pas plus que ça. L'aide apportée a déjà été précieuse, bien plus efficace que je ne l'aurais imaginé, ne connaissant que très peu les capacités des mages. Malgré tout, il faut que je me concentre pour donner le meilleur de moi-même si je veux espérer survivre, et surtout protéger Ethëll qui n'a rien à voir dans cette histoire.

J'aperçois du coin de l'oeil quelques silhouettes qui jaillissent du temple et courent en notre direction, mais je n'ai pas le temps de m'en préoccuper, l'atrocité arrache rageusement ma rapière de son ventre, la jette avec mépris dans le bassin le plus proche et se rue sur moi en zébrant les airs de ses griffes acérées! Ses mouvements n'ont rien de désordonné, contrairement aux apparences, son attaque est calculée, méthodique, ne laissant aucune ouverture et lui permettant de frapper d'un grand nombre d'angles différents. Je transfère vivement la rapière qui me reste dans ma main valide et rassemble une nouvelle fois mon énergie interne dans l'idée de déployer un mur d'acier pour me protéger, mais Syndalywë me souffle à cet instant:

(Non! Il faut deux armes pour ça!)

Et merde! Elle a raison. Je recule hâtivement pour me laisser un instant de réflexion, mais pas tout à fait assez rapidement pour éviter la furie déchainée! J'esquive un premier coup de bas en haut visant à m'atteindre à l'aisselle, au défaut de l'armure, mais son attaque suivante me surprend, elle s'est accroupie avec une grâce tout à fait déplacée venant de telle entité, et au terme d'une courbe sinueuse, ses griffes ignobles tracent quelques beaux sillons sur ma cuisse! C'est à mon tour de hurler de douleur et de rage, j'abaisse brutalement mon arme dans l'intention de lui trancher son maudit bras, mais peine perdue, elle esquive d'un petit saut ricanant et susurre après avoir porté une griffe sanglante à sa bouche:

"Une petite douceur pour se mettre en appétit, mon mignon, le banquet s'annonce plus copieux que prévu, c'est tout le lupanar qui est de sortie ce soir!"

Elle me désigne d'un mouvement de son hideuse caboche les nouveaux arrivants, deux Hinïons visiblement tirés du lit, indécis et apeurés, ainsi qu'une Hïnione à l'air taciturne qui me parait examiner froidement la situation. Peut-être cette Mane dont Ethëll m'a parlé, vu que cette dernière se précipite à sa rencontre. Je ne me laisse pas distraire pour autant, je commence à connaître la fourberie de mon ennemie et je ne tiens pas à me laisser surprendre une nouvelle fois, il ne me reste plus que deux membres intacts! Bien m'en prend, car la banshee tente une nouvelle fois de profiter de la situation en fondant sur moi, s'efforçant avec un bel enthousiasme de me déchiqueter la joue gauche! Je me plie en arrière pour éviter le coup, tout en levant mon bras gauche d'un geste circulaire pour parer au cas où mon esquive ne suffirait pas. Et je fais bien, car mon avant-bras percute durement le poignet de l'ignoble, l'empêchant in extremis de me défigurer proprement!

En revanche, je n'ai pas vu venir le coup de poing qui me cueille en pleine poitrine. J'entends mes côtes craquer sous l'impact, juste avant de m'envoler.

(Rana, si tu m'entends, je veux bien une paire d'ailes...ou un coussin d'air bien moelleux.)

(Hey! On est dans un temple de Moura,) me fait remarquer Syndalywë!

(Ah, oui. Eh bien de...)

...l'eau. J'amerris donc, dans le plus total désordre. C'est froid. Et mouillé. Vous vous en doutiez? Moi, un peu, quand même, mais je n'avais pas prévu de prendre un bain dans l'immédiat. Notez que ce n'est pas un luxe, après deux journées de marche et un combat, mais j'aurais préféré pouvoir me déshabiller avant. Ne serait-ce que parce qu'on nage beaucoup moins bien en armure et lesté de quelques armes en bon acier. Enfin, à tout prendre, c'est moins dur qu'un sol de pierre, alors je ne me plains pas trop, et je remercie Moura d'une pensée. Elle doit être particulièrement bienveillante cette nuit, parce qu'après une seconde de panique, je réalise que j'ai pied dans le bassin. Je me hâte donc vers la berge, non sans voir l'Hinïone que je suppose être Mane faire face à la banshee sans manifester la moindre crainte, ce que j'admire à sa juste mesure. Mais la damnée est aussi imperméable à la peur que la magicienne, et n'hésite pas un instant à se précipiter sur elle.

Je viens de voir une magicienne lancer un sortilège de geysers d'eau, mais ceux que produit la nouvelle venue sont d'un tout autre calibre. La banshee est projetée à plusieurs mètres dans les airs, ce qui me fait grogner:

"Bien fait, ça t'apprendra!"

Et Moura ne veille visiblement pas sur les banshees, car cette dernière s'écrase lourdement sur le sol dallé du chemin menant au temple un instant plus tard. Mais lorsque la magicienne s'avance, sans doute pour porter une nouvelle attaque magique, je lui crie impulsivement:

"NON! Sa mort m'appartient!"

L'Hinïone me regarde d'un air surpris, hésitant brièvement, puis elle hausse les épaules et me fait signe de me dépêcher. Pas besoin de me le dire deux fois, je clopine avec célérité vers mon écoeurante ennemie, remodelant le Ki que je n'ai pas pu utiliser auparavant dans un but légèrement différent. Je m'efforce de le lier à l'unique arme que j'ai en main, et à ma science du combat, me concentrant à l'extrême pour affiner ma technique et porter des coups précis, quitte à y perdre un peu de force. Je veux l'achever rapidement, l'immonde, sans lui laisser le temps de se reprendre cette fois.

Je me sais affaibli, je parviens à surmonter la souffrance grâce à mon entraînement pour l'instant, mais c'est une capacité à double tranchant car la douleur est une alarme, et lorsque on ne l'entend plus, le corps est susceptible de lâcher sans qu'on le sente venir, subitement. Je me connais suffisamment pour savoir que ce stade n'est plus très loin, d'autant plus que j'ai très peu dormi ces derniers jours, la fatigue commence à se faire rudement sentir. Mais je dois le faire, je dois mettre un terme à cette abomination moi-même. Non par fierté, mais parce que je sais avec la plus absolue certitude que Jaëlle n'a jamais souhaité devenir cette monstrueuse créature, et qu'elle m'aurait supplié de mettre un terme à sa vie de mes propres mains si elle avait pu deviner ce qui lui serait infligé.

J'arrive donc rapidement à portée de la créature, totalement concentré sur ma technique, et je l'attaque avec une sauvagerie glaciale et calculée que je n'ai plus manifestée depuis la fin de mon apprentissage. Mais même sérieusement blessée, la banshee reste une adversaire redoutable! Elle évite plus ou moins habilement mes premiers coups, tente de m'en porter quelques-uns également, que je pare méthodiquement de ma lame, lui infligeant au passage quelques profondes coupures sur les bras. La douleur l'enrage, elle redouble de virulence et parvient à faucher ma jambe blessée, je chute à nouveau, roulant aussitôt au sol pour me mettre hors de portée et me redresser! J'y parviens, mais son agressivité terrifiante me contraint à esquiver d'un nouveau bond de côté. Le coup ne me touche pas, mais ma jambe entaillée cède sous moi et je me retrouve un genou en terre, grimaçant de douleur alors que la banshee fonce sur moi de plus belle. Je positionne mon pied valide de manière à avoir un bon appui, guettant l'instant propice de toute mon attention, et soudain je me propulse en avant, rapière pointée vers le coeur, ou du moins son emplacement présumé, de la maudite!

Mon attaque est bien minutée, et je me glisse entre ses bras à l'instant précis où ils sont assez écartés pour m'offrir la faille espérée. Aurait-elle été en pleine forme qu'elle aurait certainement eu le temps d'éviter le coup, mais les blessures et les chocs répétés qu'elle a subi l'ont ralentie, et ma rapière soigneusement affutée se fraye un chemin sanglant entre ses côtes. Les forces conjuguées de sa course vers moi et de mon assaut font qu'elle traverse le torse de part en part, la garde de mon arme venant buter contre une mamelle velue à en rebuter un singe. Une expression étrange de panique et de soulagement envahi le regard de la créature, ce regard qui fut celui de Jaëlle, alors qu'elle réalise qu'elle va mourir. Dans un dernier sursaut, elle m'enlace pour me broyer d'une ultime étreinte, mes côtes déjà molestées hurlent leur désaccord profond avec ce traitement, et la force de la banshee est telle que je me sens défaillir! Au moment où je songe que je vais l'accompagner dans la mort, l'étau se relâche peu à peu, me permettant de prendre une respiration sifflante et douloureuse, mais ô combien savourée! Je tente de m'extirper du carcan formé par ses bras, et je finis par y parvenir à force de contorsions et d'insistance, reculant de quelques pas trébuchants avant de tomber à genoux par terre, à bout de forces.

La créature agonisante me dévisage intensément, les yeux plissés comme si elle faisait un redoutable effort de concentration. Une mousse sanglante perle au coin de ses lèvres cadavériques alors qu'elle tente de dire quelque chose, que je ne comprends pas. Elle fait une ultime tentative, à peine un vague croassement, mais cette fois j'en perçois le sens:

"Merci...Tanaëth..."

Je puise dans mes dernières réserves pour me relever et m'approcher d'elle, occultant le corps pour me fixer sur son seul regard, que ne souille plus aucune malice à cet instant. Je lui souris tristement, puis cédant à une impulsion je prends l'une de ses mains atrocement dénaturée et la presse avec douceur en lui murmurant:

"Je t'en prie, Jaëlle. Vas en paix, il est temps pour toi de rejoindre Sithi, Elle t'attend."

Elle acquiesce d'un pauvre sourire, serre faiblement mes mains, puis s'éteint. Et moi je retiens mes larmes, sans trop savoir si elles sont de joie ou de peine. Je me redresse lentement, comme un vieillard perclus de rhumatismes, et je sens que, malgré ma volonté, quelques perles humides roulent sur mes joues. Je n'en ai pas honte, pas cette fois. Je me tourne vers les habitants du lieu, juste à temps pour voir la magicienne que je ne connais pas congédier les deux hommes d'un simple signe de tête, puis se diriger vers moi, accompagnée d'Ethëll. Je sens que je vais avoir quelques explications à donner...


Dernière édition par Tanaëth Ithil le Lun 15 Juin 2015 00:39, édité 6 fois.

Haut
 

 Sujet du message: Re: Mane, maître magicienne de l'eau
MessagePosté: Dim 14 Juin 2015 17:57 
Hors ligne
Avatar de l’utilisateur
 Profil

Inscription: Jeu 26 Fév 2015 21:51
Messages: 6796
Localisation: Nessima, Naora
Je m'incline un peu gauchement devant la magicienne, tout mon corps rouspétant à cet exercice pourtant si simple. Elle me dévisage d'un air sombre, et pourtant je décèle dans son attitude une certaine timidité qui n'est pas sans me surprendre venant d'une mage si puissante. Je me décide à prendre en premier la parole, imperceptiblement gêné par son regard perçant:

"Bonsoir, Dame. Je me nomme Tanaëth Ithil. Je suis navré de tout ce dérangement..."

Je jette un bref coup d'oeil vers le bassin le plus proche, le moment n'est peut-être pas très bien choisi mais il y a des priorités dans la vie, aussi je rajoute, contrit:

"Si vous le permettez...je souhaiterais récupérer ma rapière...avant qu'elle ne rouille."

Après avoir longuement scruté mon visage sans dire un mot, elle laisse ses yeux parcourir mon corps, avec une telle acuité que j'en rougis malgré moi. Je remarque tout de même qu'elle observe en particulier mes blessures, du moins celles qui sont visibles. Elle finit par soupirer doucement, puis détache une petite fiole de sa ceinture et me la tend:

"Buvez ceci avant, je ne tiens pas à me baigner dans votre sang, Sindel. Et enlevez vos frusques souillées, tant qu'à faire."

Je grimace, rougissant de plus belle, mais je prends avec gratitude la fiole et en avale aussitôt le contenu. Mes blessures se referment en quelques instants, mais par Sithi que c'est désagréable! Enfin au moins le désagrément est bref, et le soulagement immense, la potion est extrêmement efficace, bien plus que celles que j'ai déjà eu l'occasion de boire. Je remercie la mage d'un sourire et de quelques mots:

"Soyez remerciée, ma Dame, je suis votre obligé."

Elle répond timidement à mon sourire, un brin moqueuse lorsqu'elle me rétorque en fronçant le nez:

"Je vous ai donné cette potion pour préserver la pureté de notre eau, sieur. Allez donc récupérer votre arme, et profitez-en pour vous décrasser. Vous m'expliquerez ensuite par quel déplaisant "hasard" cette créature damnée s'est retrouvée ici, puisque vos paroles semblent indiquer que vous l'avez attirée dans la région."

Nouvelle grimace discrète, elle a le don de me mettre mal à l'aise cette Hinïone! Je ne suis pas vraiment pressé de lui raconter comment il se fait que la banshee m'ait suivi jusque ici, mais je ne crois pas avoir vraiment le choix, et une baignade me donnera le temps de réfléchir à la manière de lui apprendre ce qu'elle veut savoir. Je suis tout de même soulagé de la voir tourner les talons pour regagner le temple, me laissant à nouveau seul avec Ethiëll qui, elle, ne semble pas décidée le moins du monde à s'en aller. Sa présence ne me dérange pas, ne l'ai-je pas moi-même vue presque nue quelques instants plus tôt? Je retire donc armes et armures, puis mes vêtements, qui je dois bien l'admettre sentent un peu le fauve. L'Hinïone n'en perd pas une miette, un petit sourire au coin des lèvres, sourire qui se mue en éclat de rire devant ma réticence à me défaire de mon pagne! Sans la moindre pudeur, elle retire ses voiles diaphanes et plonge aussitôt dans le bassin avec une grâce qui me laisse pantois. Bon, après tout...je dénoue mon pagne sans plus de façons et plonge à mon tour, beaucoup moins fluidement, dans l'onde bienfaisante, me dirigeant tout droit vers ma rapière que je récupère et dépose soigneusement sur la berge.

Les deux Hinïons mâles aperçus précédemment reviennent à cet instant, les bras chargés de grandes corbeilles d'osier remplies de pétales de fleurs qu'ils déversent dans l'eau. Si le spectacle de la magnifique naïade dénudée les trouble, ils n'en montrent rien, jetant à peine un regard sur elle avant de s'en retourner vers le temps, nous laissant profiter d'une sorte d'intimité qui n'est pas pour me déplaire. Je m'empare d'une poignée de fleurs parfumées et entreprends de me décrasser en bonne et due forme, tournant pudiquement le dos à Ethëll que je ne peux décemment regarder dans cette "tenue" sans que mon trouble ne devienne par trop évident. Je sursaute en sentant soudain l'une de ses mains se poser sur la peau de mon dos! Diablesse, je ne l'ai pas entendue approcher! Je n'ose me retourner, incertain de ses intentions et quelque peu gêné par la force du désir qui m'envahit à sa simple présence. Elle ne dit mot, se contentant de frotter mon dos avec douceur, aussi je m'apaise peu à peu, du moins en pensées, et savoure cet instant de bonheur avec simplicité. Je frissonne légèrement de temps à autre, sous la légère caresse de sa chevelure humide contre ma peau, trop conscient aussi de la délicate fragrance florale qui émane d'elle, et se mêle à celle, subtilement différente, des pétales répandus dans le bassin. Il y a des moments dont on voudrait qu'ils durent éternellement, et celui-ci en est un. Lorsque elle interrompt sa besogne, considérant sans doute que je suis assez propre comme ça, je souris soudain, à la pensée loufoque qui me traverse l'esprit, et murmure, mi-figue mi-raisin:

"Je dois vous avouer que j'ai rarement eu envie d'être crasseux, Ethëll, mais ce soir je regrette de n'être pas tombé plus souvent dans la boue que vous avez créée avec vos sorts d'eau..."

Elle éclate d'un rire cristallin, me poussant avec force pour me faire choir dans l'eau et y parvenant sans mal. Je ressors la tête de l'onde en riant, m'ébrouant facétieusement avant de la contempler sans plus de détour. Dieux qu'elle est séduisante! Plus encore que sa beauté remarquable, c'est son charme qui me frappe, je le trouve...magnétique. Les petites fossettes qui se dessinent sur ses joues lorsqu'elle sourit, l'éclat vif et enjoué de son regard couleur de jeune feuille, les légères moues que forment ses lèvres lorsqu'elle réfléchit, sa façon presque enfantine de repousser une mèche de cheveux qui lui tombe devant les yeux, la grâce inconsciente et spontanée de chacun de ses gestes...elle est simplement...naturelle. Il n'y aucun artifice dans sa façon d'être, tout est fluide, vrai, et pour moi, c'est là quelque chose qui surpasse de très loin la banale beauté.

Je réalise subitement qu'elle me scrute avec un sourire franchement sarcastique, un sourcil levé comme pour me demander si mon examen trop prolongé est concluant! Atrocement gêné soudain, je marmonne en rivant mon regard au sien:

"Hum. Désolé...vous êtes la première Ondine que je croise..."

Le sourire sarcastique d'Ethëll se mue en une moue amusée et imperceptiblement rougissante, mais elle me répond avec aplomb en jetant un coup d'oeil appuyé sous la ceinture que je ne porte pas:

"Apparemment je ne vous déplais pas trop. Nageons un peu, voulez-vous? Cela refroidira vos ardeurs, il ne serait guère convenable de vous présenter ainsi devant Mane."

J'inaugure cette nuit une nouvelle race: l'elfe écarlate. L'Hinïone m'asperge d'une grande gerbe d'eau, moqueuse, puis se met à nager avec aisance, fendant rapidement l'onde du bassin au moyen de gestes économes et efficaces. Je plonge à sa suite, heureux de cet effort qui me distrait de mes pensées érotiques, et c'est avec un plaisir mutuel que nous nageons ainsi de concert, jusqu'au moment où elle s'interrompt pour sortir gracieusement du bassin, ruisselante beauté aquatique parée de mille perles de lumière scintillant sous l'éclat de la lune et des étoiles. Syndalywë me souffle, sardonique:

(L'excuse de l'ondine ne fonctionnera pas deux fois, Tanaëth.)

Je détourne aussitôt le regard, sortant de l'eau à mon tour pour aller m'habiller. Mais alors que je sors des vêtements propres de mon sac et me prépare à les enfiler, la malicieuse Hinïone s'allonge sur l'herbe et déclare d'un ton faussement sévère:

"Par Moura, les Sindeldi ne se sèchent donc pas avant d'enfiler leurs habits? A moins que la nudité ne vous perturbe trop? Détendez-vous, nous avons le temps."

Tant pis pour l'ondine. Je me tourne vers elle et l'admire ostentatoirement des pieds à la tête, avant de lui répondre avec sérieux:

"Votre nudité me trouble, en effet. Nous ne nous connaissons presque pas, et pourtant..."

"Pourtant?"

"Pourtant je vous apprécie déjà énormément, et je ne voudrais pas rendre impossible une amitié pour n'avoir su maîtriser le puissant désir que vous m'inspirez."

Elle se relève sur un coude, m'observant avec attention durant d'interminables secondes avant de remarquer à mi-voix:

"Je vous aime bien aussi, Tanaëth. Vous êtes direct, et franc. J'apprécie. Sans compter que vous êtes...bel elfe."

Je rougis légèrement à ce compliment et m'apprête à lui répondre, mais elle me coupe en ajoutant:

"Nous naissons nus, et en ce lieu voué à Moura, à la vie, nous n'avons pas honte de ce que nous sommes. Ceci dit, je pense que cela ne vous a pas échappé, vous me plaisez. Mais je ne veux pas d'un amant de passage. Je me réserve pour celui qui partagera ma vie, ainsi que le veut notre coutume."

Je plisse les yeux à ses mots, non parce qu'ils me déçoivent, au contraire, mais ils me surprennent tout de même un peu, assénés ainsi avec une franchise désarmante. Je songe que si je suis là, en sa compagnie, c'est parce que Sithi m'a indiqué un sentier auquel je n'aurais pas même prêté attention en temps normal. Sentier qui m'a conduit vers ce temple, mais également à rencontrer pour la dernière fois la banshee qui fut mon premier amour, et à la délivrer de sa malédiction. Quelque part, je réalise que c'est moi-même que cet acte a délivré. Inconsciemment, savoir que Jaëlle me traquait sous cette forme souillée au delà de toute mesure me pesait lourdement. Reste que je ne suis pas capable d'interpréter à coup sûr les signes envoyés par l'Astre nocturne, et que je n'ignore pas à quel point il est facile de se fourvoyer en suivant en réalité ses propres désirs plutôt que la voie indiquée. Ai-je été guidé ici pour affronter la banshee? Pour rencontrer Ethëll? Mane? Pour une autre raison que je ne discerne pas encore? Pour plusieurs de ces raisons? Je n'en sais fichtre rien. Un profond soupir d'incertitude soulève ma poitrine alors que je lève les yeux vers le croissant qui s'apprête à franchir la crête des montagnes, et ne tardera plus à nous être dissimulé.

(Sithi...sois remerciée de m'avoir permis de libérer l'âme de Jaëlle...merci aussi pour ces instants merveilleux que je viens de vivre, de tout coeur. Mais je suis dans le doute, m'as-tu guidé vers cette Hinïone, ou n'est-ce là que mon propre désir qui parle? Je pensais voici quelques heures que ton peuple n'avait pas tissé de liens avec les dieux de ce monde, et me voici dans un temple de Moura en compagnie de cette Elfe...Je viens d'apprendre le sens profond de ce serment que se prêtent les Sindeldi en se mariant, et voilà que cette même Elfe me parle de sa volonté de s'unir dans les formes. Plus encore, je me sens chez moi ici, dans ces montagnes, et pourtant la tâche que j'ai choisi d'assumer ne me mènera-t'elle pas sans cesse au loin? Je pourrais aimer cette femme, véritablement, j'en suis certain, mais quel genre d'époux serais-je, toujours errant, en admettant qu'elle veuille de moi? Ô Sithi, je t'en pire de toute mon âme, guide-moi, montre-moi le chemin une fois encore!)

Ethëll interrompt ma prière d'une voix étrangement hésitante, timide, sans doute interloquée par mon long mutisme:

"Cela vous déçoit..."

Je secoue négativement la tête, lui souriant avec la plus grande douceur:

"Au contraire, Ethëll."

Le fin croissant de lune se reflète soudain dans son regard, si brièvement que je me demande si je n'ai pas rêvé. J'esquisse le geste de lever les yeux vers lui, mais mon regard s'arrête net sur la surface du bassin dans lequel nous nous sommes baignés. Les montagnes s'y reflètent, auréolées par l'astre nocturne, le spectacle est si magnifique que j'en oublie de respirer quelques secondes. Je murmure de manière audible:

"Merci, Ô Astre bienveillant, et merci à toi également, Moura..."

Je me tourne à nouveau vers l'Hinïone qui me scrute avec curiosité, ne pouvant évidemment pas comprendre le flux de pensées qui m'assaille. Je m'approche d'elle, m’accroupissant souplement à ses côtés pour prendre sa main droite entre les miennes, et la porter à mes lèvres en me plongeant dans son regard envoûtant. Je prolonge un peu plus que nécessaire le léger baise-main, puis sans lâcher ses doigts, je lui dis sur un ton de plaisanterie qui ne dissimule pas tout à fait le sérieux sous-jacent:

"Vous devriez prendre garde, je pourrais penser que vos paroles sont une invitation, Dame."

Elle se trouble, rosissant joliment, mais relève aussitôt le menton en un geste de défi provoquant:

"Et si cela était, Sieur?"

"Ma foi, j'y répondrai sans la moindre hésitation."

"Vous êtes bien audacieux, mon cher. Venez, il est temps de rejoindre Mane. Et faites-moi la grâce de vous vêtir, auparavant!"

Elle éclate d'un rire mutin en se relevant vivement, me repoussant d'une main taquine pour enfiler rapidement sa robe vaporeuse. Son regard ne me lâche pas tandis que je m'habille à mon tour et récupère tout mon barda, fronçant les sourcils en voyant le cadavre de la créature qui m'était presque sorti de l'esprit.

"Nous devrions l'enterrer..."

"Ce sera fait, ne vous inquiétez pas de cela. Songez plutôt que demain, il vous faudra aller rencontrer mes parents, si la fin de la nuit ne vous a pas dessillé."

J'en avale ma salive de travers, la dévisageant avec un air si perplexe qu'elle éclate à nouveau de rire!

"Ah! Voilà qui vous refroidit, monsieur le joli coeur, si j'en juge à votre bouille effarée!"

"Je...non...je suis...surpris. Nous nous sommes rencontrés il y a à peine deux heures, et nous voilà en train de parler...mariage. Avouez que c'est assez inhabituel."

Elle m'adresse un sourire endiablé, posant un index accusateur sur ma poitrine:

"Mariage? Mes parents vous donneront peut-être l'autorisation de me courtiser, s'ils vous en jugent digne. Après quoi il vous faudra me convaincre que vous serez l'époux idéal. Vous ne pensiez pas échapper aussi facilement à une cour en bonne et due forme, j'espère? J'entends bien être couverte de fleurs, de poèmes énamourés et de cadeaux princiers! Je veux être invitée à des diners romantiques, et des ballades au clair de lune, des bains de minuit, bref ne lésinez pas, je suis une Princesse d'Hidirain après tout!"

Nous nous dévisageons un instant en silence. Puis nos lèvres s'ourlent d'un même sourire qui se transforme aussitôt en un immense éclat de rire. Impulsivement, je l'enlace et la serre tendrement contre moi, étreinte à laquelle elle répond sans hésiter. Je ferme les yeux, submergé de bonheur, déposant de légers baisers sur sa chevelure avant de lui murmurer, rieur:

"Vous aurez tout cela, chère Princesse, et plus encore."

Elle se recule un peu pour me scruter dans le blanc des yeux, soudain sérieuse:

"Est-ce une promesse, Tanaëth?"

Je frôle sa joue d'une main, très doux, et mes prunelles rivées aux siennes, je lui réponds:

"C'est une promesse, Ethëll."

Elle sourit à nouveau, rayonnante, et se hisse sur la pointe des pieds pour m'embrasser chastement sur la joue avant de me saisir la main pour m'entraîner gaiement vers le temple, et cette Mane à qui je dois bien quelques éclaircissements sur ce qui s'est produit ce soir.


Haut
 

 Sujet du message: Re: Mane, maître magicienne de l'eau
MessagePosté: Dim 14 Juin 2015 22:15 
Hors ligne
Avatar de l’utilisateur
 Profil

Inscription: Jeu 26 Fév 2015 21:51
Messages: 6796
Localisation: Nessima, Naora
Je prends enfin le temps d'observer le temple en lui-même, alors que nous nous en approchons tranquillement. De taille modeste comparé aux grands édifices de certaines cités, il est bâti avec le même art que les bâtiments de la ville d'Hidirain, il est de forme circulaire, et son toit en forme de bulbe aux proportions parfaites évoque immanquablement une goutte d'eau. Une variété de marbre blanc veinée d'azur a été exclusivement utilisée pour sa construction, à la lueur des étoiles, on jurerait que de menus ruisselets coulent le long de son toit et de ses murs. L'entrée, elle aussi en forme de goutte d'eau, surplombe la rivière qui semble jaillir du temple lui-même, on y accède par deux rampes cintrées situées de part et d'autre de la rivière, que franchit également un petit pont tout en courbes lui aussi. Le bâtiment ne comporte aucun angle, tout est arrondi, fluide. Bien qu'il soit situé en pleine forêt, celle qui l'entoure directement étant plus récente que certaines autres zones, la moitié sud de sa circonférence est bordée de plusieurs bassins remplis d'une eau pure, ce qui donne à l'ensemble une impression bienfaisante de dégagement. Sa moitié nord en revanche est adossée à une pente densément boisée et assez raide, qui parait s'élever d'un trait jusqu'aux sommets où règnent les neiges éternelles.

Si l'aspect général évoque de prime abord la douceur, un regard plus attentif révèle une dureté implacable, ne serait-ce que par la présence sur les murs de fresques marines dont certaines relatent les redoutables colères de Moura. Quelques marques de crues indiquent aussi que la rivière n'est pas toujours le plan d'eau glougloutant paisiblement que j'ai suivi pour arriver jusque là, et qu'il doit pouvoir se transformer en un torrent ravageur en cas de fortes pluies ou de fonte des neiges. Nous grimpons main dans la main la rampe de gauche, la plus proche, et pénétrons enfin dans le temple dont les portes de bois clair et renforcées d'arabesques de mithril rouge sont grandes ouvertes. Je m'arrête une seconde pour examiner de près ce métal légendaire que je vois pour la première fois, ne pouvant résister à l'envie d'en éprouver la texture du bout des doigts. Ha, si j'avais les moyens de m'offrir une armure de précieux matériau...mais déjà Ethëll me tire vers l'intérieur, m'arrachant à mes rêveries martiales, et nous arrivons directement dans une salle hémisphérique de bonne taille où nous attend Mane. Elle est debout, et fronce légèrement les sourcils en avisant nos mains jointes, avant de fixer un bref instant Ethëll d'un regard acéré. Elle finit par sourire imperceptiblement, et nous invite d'un geste à nous asseoir à la grande table ovale entourée de fauteuils artistement ouvragés de scènes aquatiques qui occupe un petit tiers de la salle, percée d'une dizaine de fenêtres et de deux autres portes. J'admire les fresques qui ornent les murs, saisissantes de réalisme, puis je porte mon attention vers la Magicienne, qui attend visiblement avec une certaine impatience que je cesse de m'intéresser au paysage. Dès que c'est le cas, elle attaque d'un ton un peu sec:

"Je voudrais vous souhaiter la bienvenue en ma demeure, messire Tanaëth, mais je m'interroge sur les raisons de votre venue. A peine arrivé, voilà qu'une créature vouée à Oaxaca se déchaine parmi nous, ce qui n'était jamais arrivé jusqu'à ce jour. Puis, si j'en crois ce que je vois, vous séduisez une de mes disciples, et tout cela avant même d'avoir pris la peine de venir me saluer. Alors, sieur, éclairez-moi, je vous prie."

En parlant d'éclairer, je réalise qu'aucune torche, pas la moindre bougie ne brûle dans le temple. L'obscurité ne me dérange pas, j'y vois presque comme en plein jour, mais je me demande ce que mes deux interlocutrices distinguent au juste. Je me reprends rapidement, ce n'est pas le moment de divaguer.

"La raison de ma venue est simple: Arrivé à Hidirain avec un compagnon Woran, je n'avais pas sommeil, et j'ai eu envie de me balader un moment. Voir la cascade sous la lune me semblait une bonne idée, alors je suis sorti de la ville pour l'admirer. Je remerciais Sithi de cette merveilleuse vision, lorsque l'un de ses rayons m'a dévoilé le sentier menant ici. Et comme il serait malavisé de ne pas tenir compte des bienfaits de celle qui veille sur nous, je l'ai suivi, et je suis arrivé aux abords de votre temple. Ethëll m'a accueilli, nous avons discuté un moment, et c'est à cet instant que la banshee s'est manifestée."

Ethëll approuve mes paroles d'un hochement de tête, tandis que Mane réfléchit un instant avant de me questionner:

"Vous connaissiez cette banshee, n'est-ce pas? Comment cela se fait-il?"

"Pour résumer, elle m'est tombée dessus voilà peu de temps, sur la route entre Tulorim et Yarthiss. Elle avait massacré tout un village..."

Je m'assombris, à l'évocation de ces souvenirs qui n'ont rien de plaisant, mais je poursuis tout de même:

"Je l'ai reconnue à ses yeux. La femme qui a servi à créer cette abjection se nommait Jaëlle. Une Sindel qui suivait la même formation que moi. Nous étions...ensemble. Voilà quelques quarante années, avant que nous n'ayons achevé notre apprentissage, on m'a dit qu'elle avait été tuée par un dévoreur des sables. Ce que j'ai cru jusqu'à ce que je la rencontre la première fois sous sa forme de banshee, et qu'une autre Sindel m'apprenne quelques jours plus tard qu'une enquête avait eu lieu après mon départ de Nessima, au Naora. Ces investigations ont révélé que Jaëlle avait été assassinée, mais là encore ce n'était pas l'exacte vérité. Dans le même temps, Moraen, la Sindel m'ayant appris l'histoire de l'enquête, m'a révélé que mes parents avaient été enlevés, au coeur même de leur ville natale."

Je marque une pause, pour lui laisser le temps d'assimiler mon récit, et poursuis lorsque elle m'y invite d'un signe de la main:

"Je connais les légendes qui entourent ces créatures maudites, et je sais ce qu'on raconte de leurs cris. Celui qui l'entend sait qu'un membre de sa famille, ou un proche, va mourir rapidement. Bref, compte tenu de cela, et du fait que j'ai quelques...désaccords avec le clergé de Sithi, je n'ai pas jugé utile de retourner à Nessima. Moraen et moi nous sommes rendus à Tulorim, mais à peine arrivés en ville, nous avons été attaqués. Attaque qui avait été soigneusement orchestrée, comme je l'ai appris par la suite. Moraen a été tuée sur le coup, d'une fléchette empoisonnée, et moi j'ai été laissé pour mort dans le caniveau. La chance a fait que des miliciens en mal de pot de vin me transportent à l'université, où j'ai été soigné. Une fois remis, et après avoir enterré ma compagne, j'ai voulu savoir qui me chassait ainsi, et pourquoi. J'ai retrouvé l'un de mes agresseurs, et je l'ai contraint à parler. Puis j'ai tendu un piège au deuxième, un épéiste bien plus compétent que je ne l'étais, et je l'ai attiré dans les montagnes d'Hidirain. Je l'ai tué au terme d'un duel qui a bien failli avoir ma peau, mais Sithi veillait sur moi et j'ai survécu à mes blessures. Après quoi, je me suis mis en route pour Hidirain que j'avais envie de visiter. En chemin, j'ai rencontré un Woran qui venait d'échapper à l'esclavage et aux Shaakts de Khonfas, je l'ai aidé à se débarrasser de quelques brigands avides d'or qui voulaient le livrer à ses bourreaux en échange d'une récompense, et nous sommes arrivés ensemble à la Perle Blanche."

Mane me scrute avec une attention palpable, sourcils froncés, durant de longues secondes. Puis elle me demande d'un ton neutre:

"Si je comprends bien, vous ignoriez que cette créature vous suivait?"

"Oui. Je savais que je recroiserais sa route tôt ou tard, mais ici...j'espérais qu'elle avait perdu ma trace à Tulorim."

"D'après votre récit, il semblerait que quelqu'un vous en veuille à mort. Qui? Et pourquoi?"

Je la dévisage attentivement, hésitant à faire confiance à cette Elfe que je ne connais pas. Un coup d'oeil à Ethëll me vaut un infime hochement de tête, qui me décide à répondre en toute franchise aux questions de Mane:

"Les Ithilausters, les prêtres de Sithi, pensent que je pourrais devenir une menace pour eux. Je suis le descendant lointain d'un Sindel qui n'approuvait pas les ambitions démesurées du clergé."

La Magicienne se penche légèrement vers moi, clairement curieuse, et m'interroge d'une voix un peu moins sèche que précédemment:

"Et vous-même, partagez-vous les velléités de votre aïeul?"

Je la regarde droit dans les yeux pour lui répondre:

"Oui. Je suis ses traces, avec fierté."

"Je vois. Dites-moi...quels sont précisément vos divergences avec ce clergé de Sithi?"

Je cille à cette question pointue que je considère, à tort ou à raison, comme excessivement personnelle. Ma faëra intervient alors en me murmurant:

(N'oublie pas qui t'a mené ici, Tanaëth.)

(Je n'oublie pas, Syndalywë, mais...révéler cela...)

(Ne faut-il pas toujours un premier pas? Que peux-tu, seul? Ne songeais-tu pas voilà quelques heures qu'il 'y avait pas assez de liens entre les Sindeldi et les divinités de Yuimen?)

(Si...eh bien soit, nous verrons bien ce qui sortira de tout ça.)

Je réfléchis un instant à la manière de formuler une réponse simple à une question qui ne l'est pas, puis je me risque:

"Je crois qu'au fond, il serait plus simple d'évoquer les points communs, il n'y en a que deux. Le premier est que nous vénérons Sithi. Le deuxième est que nous voulons voir notre peuple survivre, et prospérer. Et encore ces deux points sont-ils conçus de manière fort différente."

"En quoi sont-elles différentes?"

"Je crois que Sithi aime son peuple, le protège, le conseille, le guide, avec souplesse. Elle ne contraint pas, elle propose ce qui correspond le mieux à chaque Sindel. Ainsi, tous pourraient trouver leur juste place dans le grand équilibre, et ensemble nous pourrions construire un monde meilleur. Le clergé ne propose pas, il ordonne. Il ne tient pas compte des désirs de chacun, il les étouffe. Il se perd en d'innombrables querelles intestines, la plupart du temps sur des points de détail, cela alors que ce monde sur lequel nous avons trouvé refuge est la proie d'une guerre impitoyable. C'est absurde. L'orgueil prend le pas sur le devoir, le dévouement à son peuple, et je ne peux pas cautionner cela."

"Vous me surprenez, Tanaëth. Mais dites-moi alors, si vous ne cautionnez pas les agissements de vos prêtres, et donc de votre peuple en général puisque ce dernier est guidé par ces même prêtres, que faites-vous pour que cela change? Qui êtes-vous? Un rebelle qui fuit pour ne pas avoir à se heurter à une puissance trop grande pour lui? Ou...autre chose?"

"Je suis un Danseur d'Opale."

Et voilà, c'est dit. Mes lacunes m'apparaissent sans enrobage, de même que mes doutes, mes peurs, je ne me suis jamais senti aussi imparfait, insignifiant, qu'en prononçant ces mots. Mais au-delà de ces sentiments...il y a la fierté. Fierté de faire de son mieux pour qu'adviennent les rêves de Sithi, ses idéaux, comment ne pas lui vouer une confiance absolue alors que depuis plusieurs dizaines de millénaires elle veille sur nous, nous guide, nous inspire, nous protège? Le véritable défi de l'histoire, c'est de rester humble, de se rappeler en tout temps qu'on est susceptible de se tromper. J'espère y parvenir...

"Un Danseur d'Opale? C'est un joli nom. Mais cela ne répond pas à la question de savoir ce que vous faites pour que les choses changent."

Je lui souris, serein, en répondant doucement:

"Je change ma manière de voir les choses. J'abandonne les certitudes que l'on m'a inculquées, et je crée les miennes, en m'efforçant de toujours leur garder une souplesse. Le reste suivra. La Danse commence cette nuit-même, en ce lieu."

Mane hausse un sourcil étonné, puis s'adosse pensivement tout en me scrutant. Au bout d'une minute, elle s'enquiert:

"Et...de quelle manière envisagez-vous cette danse. concrètement? Je vous pose la question car je comprends à vos paroles que vous souhaitez la lier à Hidirain. Or, vous l'aurez deviné, je veille sur les miens. Pourquoi ici?"

"Parce que j'aime ces lieux. Cela fait trente années que je parcours le monde, je ne me suis jamais senti chez moi nulle part. Jusqu'à ce soir. Il y a trois heures, il n'y avait "que" le lieu qui m'incitait à y entamer cette danse, mais maintenant..."

Je jette un bref coup d'oeil à Ethëll, qui me sourit largement, avant de revenir à Mane qui incline lentement le visage en répliquant:

"Je crois que je peux comprendre cela. Dites-moi...avez-vous vu la mer? Navigué?"

Je décèle une soudaine passion dans le ton de sa voix, qui ne m'étonne pas vraiment venant de la part d'une Magicienne d'eau. Pas un instant je n'imagine qu'elle ne l'ait jamais vue, je lui réponds donc naturellement:

"Oui, bien sûr. J'ai grandi au bord de la mer, Nessima est une ville côtière. Puis je l'ai parcourue à plusieurs reprises, mais je n'ai rien d'un marin."

Elle me sourit chaleureusement, ce qui constitue un changement notable, et déclare avec enjouement:

"Bien, alors si vous restez quelques temps dans les environs, vous pourriez venir me conter ce que vous savez sur la mer? J'ai toujours rêvé de la voir de mes yeux, mais en attendant ce jour, j'aime entendre les récits qui la concernent."

Je hoche affirmativement la tête, dissimulant ma surprise sous un sourire:

"Avec le plus grand plaisir, Dame. Ceci étant il va falloir que je me remette en route, mon compagnon serait inquiet de ne pas me trouver à l'auberge lorsque le jour poindra. Si vous ne m'en voulez pas de vous abandonner en cette heure indue..."

La dernière réplique de la Magicienne était une sorte de congé très poli, aussi je me lève, aussitôt suivi par Ethëll, et salue Mane d'une petite révérence avant de quitter les lieux. Une fois dehors, la jeune Hinïone m'enlace timidement et pose un fugace baiser sur mes lèvres, murmurant:

"Demain, en début d'après-midi...pouvez-vous venir au fort Endiraë?"

Je la serre avec douceur contre moi, renâclant à la quitter si vite, mais nous avons tous deux quelques obligations à remplir et derrière les plaisanteries à propos de notre relation, je n'ignore pas qu'il y a un aspect rituel qui est important pour elle. Je prends sa main pour y poser les lèvres une fois de plus, lui répondant d'un souffle:

"Oui, bien sûr, Princesse. Il faudra ensuite que je m'absente quelques jours, je me suis engagé à explorer Rock Armath avec mon ami Sha'ale, mais je reviendrai vite. Bonne nuit, Ethëll Findaryë. A demain."

Et je la quitte pour me diriger d'un pas léger vers Hidirain, étonné de constater à quel point la cité est proche au retour!


Haut
 

Afficher les messages postés depuis:  Trier par  
Poster un nouveau sujet Répondre au sujet  [ 5 messages ] 


Qui est en ligne

Utilisateurs parcourant ce forum: Aucun utilisateur enregistré et 0 invités


Vous ne pouvez pas poster de nouveaux sujets
Vous ne pouvez pas répondre aux sujets
Vous ne pouvez pas éditer vos messages
Vous ne pouvez pas supprimer vos messages

Aller à:  
Powered by phpBB © 2000, 2002, 2005, 2007 phpBB Group  

Traduction par: phpBB-fr.com
phpBB SEO

L'Univers de Yuimen © 2004 - 2016