Lorsque ce fut au tour de l'homme à la moustache brune et aux cheveux touffus, qui était le docteur qui avait soigné la "prétendue victime" de Sump, il avait essayé d'annoncer son diagnostic de façon neutre :
"Gossuin Passô souffre de deux blessures causées par le silex de l'accusé. Une dans l'épaule droit et une autre sur la pommette droite, toutes deux assez profondes et...hum...il a un morceau d'oreille en moins." Sa dernière phrase fut accompagné de quelques expressions choquée.
Ce fut ensuite au tour d'Evroult d'annoncer le résultat de l'analyse de son client. Il réussit beaucoup mieux que son prédécesseur à s'exprimer de manière impartiale.
Il décrivit les blessures et leurs causes avec monotonie. Cela ne semblait pas être sa tasse de thé mais lorsqu'il passa à l'analyse mentale, il eut l'air beaucoup plus passionné et regarda même le Gobelin dans les yeux pendant quelques secondes.
"Niveau mental, maintenant : La vie solitaire et en forêt que l'accusé menait jusqu'à présent semble avoir fait de lui un Gobelin très renfermé sur lui même, très sauvage également et très sensible aux endroits clos. Cela peut se voir, par exemple, à la sueur sur son front et à sa respiration haletante. Il n'en reste toutefois pas moins calme et assez curieux.
Néanmoins, on peut s'attendre à des comportements instables du au fait que ce n'est pas le mode de vie habituel de son espèce et que, d'après ce que je sais, la génitrice de l'accusé ne l'a pas couvée pendant les cinq années habituelles, lui faisant rater, pour le coup, plus d'un an d'éducation."Evroult fit une pause pour regarder le Gobelin et reprendre son souffle et ajouta :
"Même s'il est vrai que je n'ai pas ausculter beaucoup de Gobelin dans ma vie, en sachant que le dernier que j'ai examiné, à Eniod, m'avait mordu la main et avait cherché à s'enfuir de la salle d'examen, celui-là fut particulièrement tranquille et docile pendant pendant que je l'auscultais."Sump n'aimait pas beaucoup qu'on parle de lui. Et encore moins de son enfance. Mais il en fut également reconnaissant à Evroult d'avoir révélé ces qualités que n'avaient pas les autres Gobelins.
La mère de Gossuin, quant à elle, raconta ce que lui avait raconter son fils. Et ça ne colla pas du tout avec ce qu'avait dit les autres.
Quant aux deux Elfes bleues, elles annoncèrent que Sump s'était tenu tranquille pendant le trajet et que les deux Hobbits qui avaient escorté l'accusé jusqu'ici avec elles, étaient partis se coucher, ce qui fit bruyamment soupirer Quopa Poy.
Erban demanda ensuite à l'accusé de raconter sa version des faits.
Le Gobelin, qui commençait à s'endormir, se frotta les yeux et dit simplement :
"C'est comme Luda a dit." Il préférait ne pas se mouiller et laisser les autres gérer tout ça à sa place, ne comprenant pas grand chose à tout ceci.
On lui demanda alors de raconter un peu sa vie et à contrecœur, Sump dut finalement mettre la main à la pattes, lui aussi.
Il dut dévoiler le massacre de son clan par des Orques, son errance dans un monde inconnu, parfois dangereux et enfin, la trouvaille de ce petit coin de forêt tranquille.
Il dut aussi relater les années de chasses, de pêches, de trocs avec le village proche de sa forêt et de tranquillité qu'il avait vécut jusque là. Lui qui n'aimait pas beaucoup parler, il dut s' y mettre cette fois.
Il avait essayé de ne laisser transparaître aucune émotion dans son récit mais n'avait pu empêcher le soupçon de nostalgie de se glisser dans sa voix... ni les fautes de langage.
L'histoire peu ordinaire de ce Gobelin solitaire plut au représentant des Earions qui se leva, fit quelques pas devant l'assemblée et dit :
"Bien, je vais résumer un peu si vous le voulez bien. Nous avons donc là un Gobelin qui a vu sa famille et ses amis se faire tuer et massacrer par d'horribles Orques.
Il a ensuite dut survivre à ses dépens, se nourrissant comme il le put et vivait jusque là tranquillement. Il ne dérangeait personne et même au contraire, il aidait parfois des villageois en leur offrant une partie de sa chasse contre des yus et/ou des cours de langues, témoignant une envie et une volonté de s'intégrer socialement.
Ce même Gobelin a décidé d’abandonner cette petite vie tranquille pour porter secours à une petite fille alors qu'il aurait pu tout simplement la tuer et ensuite la voler sans que jamais personne ne sache qui avait fait le coup. Car, à mon avis, c'est le collier qui l'a attiré, et non pas la vulgaire envie de tuer une Humaine.
Il a ensuite accompagné la fillette dans une ville ou il était logiquement en danger au vu des opinions qu'ont les gens envers les Gobelin, et a ensuite risqué sa vie en défendant cette même petite fille d'un gredin armé d'un couteau. Mesdames et messieurs, c'est à un héros que nous avons affaire ici !"Le représentant Earion avait raison. Sans le collier, Sump n'aurait sûrement pas agressé la fillette et l'aurait encore moins tuée. Au pire, il l'aurait effrayé pour qu'elle s'en aille et qu'elle arrête de faire fuir ses proies.
Siliba, quant à lui n'était pas convaincu que le Gobelin voulait vraiment apprendre la langue pour s'intégrer et était encore moins sûr du fait que ce dernier était un héros, mais que pouvait-il faire ? Ce Sekteg solitaire lui inspirait de la sympathie...et il voulait le sauver de ce coup du sort. Lui éviter la prison coûte que coûte.
Il en savait assez au niveau psychologie des êtres vivants pour être sur que, dû à son existence sauvage et libre qu'il menait depuis tant d'années, si le Gobelin était enfermé quelques mois à peine dans une cellule, cela suffirait à lui faire perdre totalement la raison.
"Tu oublies qu'il a quand même essayé de la tuée, à un moment, cette petite fille. Qui sait ce qui serait advenue d'elle si elle n'avait pas eu l'idée de lui promettre cette récompense !" Précisa le Hobbit.
"Sans oublier le refus d'obtempérer et la blessure qu'il a causé à ces messieurs de la milice. De plus, monsieur Sump a fait preuve d'une véritable barbarie pour se défaire de monsieur Passô, il faut l'avouer." Ajouta Erban d'un air las.
Ce dernier se leva et informa à l'assemblée qu'il se retirait, lui et ses deux confrères dans la salle d'à côté pour discuter du jugement final de l'accusé.
Quelques minutes plus tard, le représentant des Earions revint dans la salle de procès, s'approcha de l'enclos du Gobelin, l'air grave et lui demanda avec un ton assez bas pour que personne d'autre n'entende :
"Nous avons besoin de savoir, monsieur Sump. Si mademoiselle Luda Guersonvil ne s'était pas retournée à temps et si elle ne vous avait pas promis une récompense, l’auriez vous tuée ?"Pendant tout son procès, Sump avait essayé de ne pas se faire remarquer et il n'avait pas compris grand chose à ce qui se passait. Mais actuellement, il savait exactement ce qu'il devait faire s'il voulait avoir une chance de retrouver son ancienne vie. Faire comme Luda.
Mentir.
Il prit le ton le plus doux qu'il put prendre avec sa voix rocailleuse et tenta de sourire :
"Bien sûr que non, c'était juste pour lui faire peur. Elle avait fait s'enfuir mon petit déjeuner, alors j'étais en colère, C'est tout."L'Earion parut satisfait et repartit dans la salle mystère avec ses deux compères.
Ce dernier s'était attendu à cette réponse. N'importe qui de censé aurait dit la même chose, mais ça lui suffisait.
Pendant les vingt minutes de blanc, Sump s'était encore demandé pourquoi Luda avait fait ça pour lui. Mentir pour le protéger. Il s'en fichait totalement qu'elle mente à des "jurés", mais là, elle avait mentit pour le défendre ! Pour lui c'était très différent. Il ne comprenait vraiment pas pourquoi elle avait fait ça pour lui.
Il se demanda aussi, dans le même genre, pourquoi le dénommé Siliba l'avait traité de héros. Il n'était pas vraiment certain du sens, mais le Gobelin était presque sûr que ça voulait désigner quelqu'un de gentil qui protège et sauve les autres.
Personne ne s'était jamais soucié de lui avant et voila que maintenant, deux personnes qu'il venait de rencontrer le défendaient ! C'était à ne rien y comprendre !
Lorsque les jurés eurent enfin finit leur conciliabule, ils sortirent de leur salle secrète, brisant ainsi le lourd silence qui c'était installé et Erban s'approcha du gobelin, bientôt suivi des deux autres jurés, et lui dit, l'air solennel :
"Votre affaire est compliquée mais nous avons décidé de ne pas vous mettre en prison grâce aux bonnes actions que vous avez faites, bon gré, mal gré. Toutefois, nous n'allons pas vous relâcher tout de suite. Vous avez, en effet, fait ou tenté de faire quelques délits qui restent punitifs." Quopa Poy continua avec un ton qu'il voulut autoritaire et sans appel, mais que le bâillement au milieu de sa phrase gâcha complètement :
"Vous allez nous rendre un ou deux petits services avant qu'on ne vous rende *Ouahhhh* la liberté, compris ?"L'Elfe bleu prit alors à son tour la parole et dit d'un ton enjoué :
"C'est ce qu'on appelle, à Dehant, le juste milieu." Sump ne comprit pas tout, mais il avait saisit l’essentiel : il n'était pas encore sortis de l'auberge.
La suite.