Sump, sous qui il avait fallu mettre deux coussins, tout comme à Luda, afin qu'il soit à une hauteur raisonnable de son assiette, observa avec curiosité l'étrange bouillie que la maman de cette dernière avait mis dans son récipient.
Alors que Luda avait déjà commencée son repas à grandes bouchées, lui, malgré la faim qui était revenue et qui le tenaillait, prit le temps de demander :
"Quelle viande ?"La mère de famille mit un certain temps à comprendre que c'était à elle qu'il s'adressait. Son mari lui donna un léger coup de coude pour la faire réagir.
"Euh...c'est du mouton." Répondit-elle précipitamment.
Le Gobelin reporta son attention sur son assiette. Il n'avait jamais mangé de moutons.
Il y en avait plusieurs dans le village près de sa forêt, mais il n'avait jamais pensé à en demander ou à en tuer un. Les habitants avaient déjà assez de mal comme ça à se nourrir, alors que lui, il ramenait très souvent un ou deux lapins de sa chasse et plusieurs fruits, ce n'était donc pas la peine de leur enlever une de leur seule source de revenus.
Ce n'était pas qu'il se souciait de la vie de ses villageois, mais comme il troquait parfois ses lapins de trop et quelques fruits contre des cours de langues et des Yus, il s'était toujours dit que de bonnes relations seraient plus adaptées.
Sans faire attention aux drôles d'ustensiles posés à côté de son assiette, le Gobelin attrapa un gros morceau de viande avec ses doigts et le mit dans sa bouche sous le regard effaré de la mère.
Elle l'informa froidement :
"Ici, on ne mange pas avec ses doigts, mais avec une fourchette et un couteau."Sous le regard amusé de Luda et de celui de son père, le Gobelin baissa les oreilles en terme de soumission, s'empara de sa fourchette et observa comment la fillette la tenait qui, pour l'aider, lui montra au ralentis. Il essaya de la tenir comme elle et, n’y parvenant pas, la serra avec le poing, tel un enfant. Il piqua une carotte et en contorsionnant bizarrement son poignet, la mit dans son bec.
Luda et son père éclatèrent de rire et même la mère de famille eut du mal à retenir un sourire. C'était peut-être un Gobelin sauvage, mais il faisait des efforts et ça, la jeune maman l'appréciait beaucoup.
Le reste du repas se déroula sans encombres. Les parents de la petite fille questionnèrent beaucoup le Gobelin sur sa vie en forêt. Si ce n'était pas trop dangereux, si ce n'était pas trop ennuyant et d'autres questions auxquelles Sump répondit, comme à son habitude, laconiquement. Il préférait en effet se concentrer sur le plat de qualité qui se trouvait dans son assiette plutôt que de raconter sa vie à des, pour sympathique qu'ils étaient, inconnus.
Quand vint l'heure du dessert, Sump remarqua tout de suite que la mère de Luda avait saupoudrée ses pâtisseries de pollen d'Altefiz, leur donnant cet agréable goût sucré. Il était surpris car cette plante était plutôt rare car beaucoup demandée. Pour son pollen justement.
La mère de la famille, elle, fut impressionnée des innombrables connaissances qu'avait le Gobelin sur la flore Imiftilienne. Il avait une réponse à toutes les questions qu'elle lui posait sur elle.
Son seul regret était qu'elle trouvait les réponses du Sekteg trop courtes. Mais elle se dit qu'il ne devait pas être habitué à parler beaucoup et que c'était normal.
Le repas terminé, le milicien vint chercher son prisonnier. Luda aurait voulu qu'il reste dormir mais le milicien refusa.
Déçue et un peu triste, la fillette s'approcha de son Gobelin et lui tripota le bas de sa tunique. Ce dernier, craignant soudain qu'elle allait découvrir son larcin et eut un léger mouvement de recul.
"On va se revoir, hein ?" Lui demanda-elle timidement.
La mère, qui ne voulait pas trop cela, fut soulager de la réponse du Sekteg :
"Non. je vais changer de forêt, une fois mon travail terminé."Les yeux de la petite fille se remplirent immédiatement de larmes de tristesse et de d'incompréhension. Elle chouina :
"Mais pourquoi ? Tu n'étais pas bien avec nous, ce soir ?La mère intervint et prit sa fille dans ses bras :
"Allons ma puce, Monsieur Sump n'est pas un animal de compagnie, tu le sais bien. Et tu savais aussi qu'il ne resterait pas avec nous n'est-ce pas ?"Inconsolable et les poings serrés, Luda lança un regard noir à Sump :
"Mais pourquoi faut-il absolument qu'il change de forêt ?""Parce qu'il a besoin de solitude et de paix, ma chérie. Imagine ce qui se passera une fois que tout le monde saura qu'il est là, tout près. Il ne sera plus jamais tranquille, tu comprends ?" Intervint le père à son tour.
Il caressa les cheveux de sa fille puis s'accroupit pour être un peu plus au niveau du Gobelin et lui serra la main.
Le Gobelin se laissa faire à regret, n'appréciant que très peu le contact.
"Je ne vous remercierais jamais assez de ce que vous avez fait et apporter à ma fille aujourd'hui, Sump. Si un jour, vous avez besoin de quoi que ce soit, je serais là, d'accord ?"Sump ne répondit rien et se laissa de nouveau menotter par le milicien. En voyant cela, Luda éclata en sanglot dans le tablier de sa mère.
le Gobelin ne comprenait pas pourquoi elle était si malheureuse et pourquoi le père de cette dernière se montrait si généreux envers lui et avait, lui aussi, l'air si triste de le voir partir. Lui ne l'était pas, pourtant. Et la mère non plus..
Ce que Sump ne savait pas, c'était que malgré le fait qu'il ne parlait pas beaucoup, qu'il manquait totalement d'hygiène et qu'il était, d'un point de vue humain, très laid, il restait toutefois quelqu'un de très attachant.
La maman de Luda salua le Gobelin d'un léger signe de tête, tout en caressant les cheveux de sa fille, en pleurs. Elle était satisfaite que le Gobelin s'en aille loin une fois qu'il aurait purgé sa peine, mais en même temps, comme toute mère qui se respecte, cela lui faisais mal de voir sa fille dans cet état.
Et puis elle reconnue qu'elle l'avait jugée un peu vite. Il n’était pas si méchant que ça, en fin de compte.
Le milicien poussa doucement Sump en dehors de la maison et, d'un coup, le Sekteg se rappela les paroles de Rondolfo le nain au moment ou on l'avait sortis de la cellule.
Il se retourna et prononça en essayant de ne pas se tromper :
"Au revoir, Luda."C'en était trop pour la fillette. Elle quitta le doux ventre de sa mère pour aller se jeter au cou du Gobelin, au grand étonnement de tout le monde.
Le père de Luda prit sa femme par la hanche en souriant devant ce rare spectacle.
Le milicien tenta de garder une expression neutre, mais on pouvait lire, malgré tout, l'incompréhension totale sur son visage.
Sump, lui, était immobile, dans les bras de la petite fille. Quelque chose avait changé en lui au moment ou elle l'avait enlacé. Une étrange boule était apparue dans sa gorge et ses entrailles s'était nouées à nouveau, mais différemment que pendant son procès.
Cette fois-ci, il n'avait pas peur. Il était bel et bien triste.
Luda lâcha son ami et, en se bouchant le nez, railla d'un ton que la tristesse et les sanglots rendaient tremblant :
"J'espère que tu prendras plus de bains dans ta nouvelle forêt, gros bêta."Ignorant qu'elle plaisantait un peu, il se dit dans sa tête :
(Bien sur que non, idiote. Cette odeur est celle de la forêt, justement ! C'est elle qui me permet de chasser !)."Et je veut te donner ça." Ajouta la fillette en passant ses bras derrière sa nuque pour détacher son collier pour le donner au Gobelin.
La mère, effarée, regarda toutefois sa fille sans rien faire.
Aussi surpris que tout le monde, Sump prit le collier entre ses doigts, la boule dans sa gorge ayant soudain triplé de volume. C'était à cause de ce bijou que toute cette histoire avait commencée. Il en voulait profondément à ce collier. En une journée, il l'avait mis en danger plusieurs fois.
Mais, au fond, et ce même s'il ne voudrait jamais l'admettre, il lui en était aussi extrêmement reconnaissant.
La petite fille reprit le collier et l'attacha autour du cou de son Gobelin.
"C'est pour pas que tu m'oublies avec ta petite cervelle de Gobelin mal léché."La petite fille émit une sorte de gloussement mélangé à un sanglot, caressa des yeux une dernière fois son ami vert puis retourna se nicher à nouveau dans le ventre de sa mère en pleurant de plus belle.
Le Gobelin se surprit alors à s'en vouloir de leur avoir volé cet objet qu'il avait dans sa poche. Mais il se ressaisit toutefois vite. Même si cela semblait être le contraire, ces Humains n'étaient rien pour lui et de la même façon, il n'était rien pour eux.
Accompagné du milicien, Sump sortit de la maison des Guersonvil et s’enfonça dans la nuit sans se retourner.
((([i]Cher GM qui corrigera cette partie, j'ai lu je ne sais plus ou qu'il fallait préciser les objets que l'on a gagné dans le RP pour vous aider. Si jamais il ne faut pas le faire, et bien je m'en excuse.
Donc :
Le collier de Luda et
un petit objet volé dans la maison de Luda.)))