>>>Précédemment.<<<18. La dernière fois.Sump et Wace durent traverser la partie Humaine de Dehant pour arriver à la porte Ouest de la ville de ces derniers. Les gardes les laissèrent sortir sans problème dès qu'ils reconnurent le blason de la milice sur l'armure de la jeune femme.
Ils suivirent la route pavée qui serpentait à travers des champs de blé et de légumes, les vertes plaines s'étendant à perte de vue tout comme le ciel.
Les riches plaines du Comté de Nelys rendaient l'agriculture très productive, aussi, nombreux étaient les habitants de Dehant qui y travaillaient.
Wace salua de nombreux Humains, et quelques Hobbits, aux teints basanés par le soleil et par le grand air, qui suaient sang et eaux dans les champs chaque jour. Elle avait essayé plusieurs fois d'entamer une conversation avec son compagnon, mais ce dernier répondait toujours par monosyllabes ou par des grognements.
Moins de dix minutes plus tard, lorsque les champs atteignaient leurs limites, le Gobelin, qui commençait à avoir mal aux fesses, sortit de la piste, dont les pavés laissaient place à de la terre battue, et s'approcha du rebord d'une petite vallée située à gauche de la route. Il descendit de sa monture et, tenant les rênes avec une main, se passa l'autre sur le front et son crâne rasé luisant de sueur sous le soleil déjà ardent (son crâne commençant peu à peu à se teindre de la couleur rouge sang de bœuf de ses cheveux à mesure que ses derniers poussaient. Il serait bientôt temps de raser).
Puis, il pointa du doigt la petite forêt au creux de la vallée :
"C'est là." Dit-il, laconique.
Sans plus d'introduction, il tira son poney vers la pente douce couverte d'herbe tendre et commença à s'approcher des bois.
Wace, elle, ne descendit pas de son cheval mais elle l'arrêta à son tour en tirant légèrement sur les rênes. D'ici, elle apercevait un petit hameau à la lisière de la forêt qu'elle n'avait jamais vue auparavant. Il était vraiment minuscule avec sa dizaine de maisons collées les unes à côté des autres, séparées parfois par des arbres feuillus. Il y avait aussi un petit enclos à mouton et elle pouvait distinguer quelques poules.
Sump se retourna et vit le regard brillant que la milicienne portait sur le petit village. Il la contempla quelques instants.
Il la trouvait...il ne connaissait pas le mot. Il y' avait quelque chose de spéciale dans son visage aux pommettes hautes, encadré de boucles blondes. Il se rendit compte qu'il aimait la regarder. C'était une des rares personnes qui était gentille avec lui. Sans qu'il n'ait rien fait pour. Il s'ébroua comme s'il s'en voulait de penser à cela et lui dit à la milicienne de sa voix rocailleuse :
"C'est eux qui m'ont appris à parler."La milicienne tourna la tête, baissa les yeux vers lui et lui sourit.
"Ils sont gentils." Dit-elle en entamant la descente de la pente douce.
Sump se remit lui aussi à avancer, tenant toujours son poney. Il se concentra quelques secondes sur ce qu'il allait dire puis lâcha :
"Moi, je leur apportais des lapins et des fruits. Ils faisaient de la confiture avec."C'était la plus longue phrase que le Gobelin avait formulée à Wace jusqu'à présent.
Cette dernière, remarquant qu'il était plus bavard quand il parlait du petit hameau, en profita.
Le temps qu'ils atteignent la forêt, elle lui posa plusieurs questions auxquelles il répondit comme il put, mais toujours moins laconiquement que quand ils étaient sur la piste.
Ils arrivèrent à la lisière de la forêt. Elle était assez dense et il n'y avait aucun sentier ou chemin, impossible donc de pénétrer dans les bois avec les chevaux. La milicienne descendit alors de sa monture et montra au Gobelin comment faire pour attacher rapidement son poney à un arbre. De sorte à ce que l'animal se sente assez attaché pour ne pas bouger, mais qu'en cas de problèmes, il puisse aisément défaire le nœud en tirant dessus.
Les bêtes se mirent à brouter goulument l'herbe fraîche et savoureuse pendant que leurs maîtres se frayait un passage parmi les buissons touffus et autres plantes aux larges feuilles.
A mesure qu'ils s'enfonçaient dans les bois, Wace regardait de plus en plus autour d'elle.
"Je me demande quel genre d'endroit je n'ai pas encore visité..." Dit-elle en soupirant devant la beauté du lieu.
La forêt était majoritairement composée d'arbres feuillus, comme des manguiers, et de sapins. Étant en plein été, il n'y avait pas de fleurs sur les végétaux et le tout donnait un dépaysant mélange de verts de toutes sortes et de bruns avec lequel le Gobelin se fondait presque parfaitement. Seul son crâne rouge-brun jurait avec le tableau.
De par l'opacité du feuillage que le soleil n'arrivait que très peu à traverser, la température était plus fraîche en ce lieu.
Sump ne se formalisa pas de la pensée de la milicienne. Il s'était de nouveau renfermé sur lui-même. Il avait vécu pendant des années dans cette forêt. Des années durant lesquelles il avait mémorisé le moindre terrier de lapin, le moindre nid d'oiseau. Des années durant lesquelles il avait retenu le moment de l'année où des fruits poussaient sur certains arbres, des années durant lesquelles il avait vécu tranquille. En paix.
Et tout cela était fini maintenant. C'était la dernière fois qu'il venait ici.
Sans qu'il ne s'en rende compte, ses oreilles pointaient légèrement vers le bas et il remarqua qu'il ressentait sensiblement la même chose que lorsque Luda l'avait serré dans ses bras.
L'estomac serré, une boule dans la gorge. Et même une douleur dans les yeux.
Il n’aimait pas trop ce sentiment.
Ils marchèrent pendant moins de cinq minutes. Wace, qui avait deviné que son compagnon avait la mort dans l'âme, n'essayait plus de discuter. Elle se contentait d’observer cet étrange et magnifique paysage qu'elle avait rarement vu et écoutait le chant des oiseaux.
Ce n'était pas étonnant que le Sekteg eût choisi cette petite sylve pour y vivre. Elle était magnifique et semblait extrêmement tranquille.
Le Gobelin s'arrêta devant un arbre mort au tronc grisâtre, qui contrastait avec le reste du paysage, autour duquel poussaient quelques mignons petits champignons mordorés.
Wace, quelques mètres derrière lui, le regarda s'agenouiller devant le creux de deux racines et creuser un trou qui avait d'ors et déjà été rebouché.
Une fois avoir éjecté quelques mottes de terre, il plongea sa main dedans et en sortit un petit sac marron fait en fourrure de lapin. C'était les villageois qui lui avaient fabriqué ce baluchon.
A l'intérieur, il y avait tout ce qu'il possédait : un bouclier rond, un casque gris en forme de casquette et deux cent neuf Yus. Tout cela, il l'avait acquis à l'époque ou il vivait dans la grande forêt au Nord de Dehant, au pied de la montagne qui séparait le Comté de Nelys et le Royaume de Yarthiss.
En effet, le Gobelin avait vécut presque deux ans dans cette forêt mais avait décidé d'y mettre les voiles. Elle était trop dangereuse pour lui.
Par exemple, tous les Yus qu'il possédait venaient d'aventuriers s'étant trop approchés de la grotte dans laquelle vivait un clan de Trolls. Ces derniers, points intéressés par l'argent et les vêtements, avaient déshabillées leurs victime avant de les conduire dans leur grotte et se servir d'eux pour grossir leurs réserves de nourriture destinées à leur faire tenir l’hiver qui s'annonçait rude.
Le casque et le bouclier, eux, Sump les avaient dérobés à un Squelette Boiteux errant sans but dans les bois.
Comme le gobelin tardait à se relever, la milicienne le prévint à voix basse :
"Il faut se dépêcher. Si on est en retard, Kronh va râler..." En poussant un long soupir, Sump se releva, mit le sac sur ses épaules. Dur retour à la réalité.
Il avait vécu dans beaucoup de forêt, mais n'était jamais resté aussi longtemps que dans celle-là.
"Je sais ce que tu penses de Kronh." Ajouta-elle, en voyant la mine dépité du Sekteg en étant persuadé que le milicien était à l'origine de ça.
"Mais il faut quand même que tu saches que malgré ces méthodes et manières violentes...et son parfait crétinisme, il n'en reste pas moins le meilleur milicien de Dehant, et de loin. Beaucoup disent que ce sera lui le prochain Capitaine."
Sump la regarda, surpris par l'admiration qu'il y avait dans sa voix et haussa les épaules. Il s'en fichait de ça. Dans tous les cas, ce soi-disant "meilleur milicien" ne l'aimait pas et c'était très réciproque.
La suite.