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Attention, passage pouvant être relativement violent.
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REVE DEMANDE DANS LE CADRE DU DIRIGE
Lilie ne voulait pas que le Taurion la laisse seule, pas maintenant qu’elle avait compris qu’il s’agissait de l’Ermite qu’elle était venue chercher ici-même à Dehant. Elle avait su à la minute où elle l’avait aperçu, qu'il était important pour elle de l'aider. Le destin ne l’avait pas placée sur le chemin de son frère de race par hasard. Craignant ainsi de le perdre sans avoir réussi à lui transmettre le lourd message qu’elle portait, elle essaya de prendre la parole une fois encore, sans succès.
« Non, restez, je dois… vous… Je veux… vous… parler. Nous courrons un… grand… »Elle était attirée dans le sommeil par des bras auxquels elle ne parvenait pas à se soustraire et sa phrase ne put s’achever que dans le monde agité des songes.
Lorsqu’elle réussit à ouvrir les yeux, Lilie découvrit autour d’elle toute l’envergure de l’œuvre Shaakt. La destruction de la forêt d’Eniod n’avait pu être évitée et à perte de vue, s’étendaient la noirceur et le mal. Des arbres, ne restaient plus que des cadavres carbonisés, alors que leurs racines corrompues par une terre viciée ne parvenaient plus à y puiser le moindre souffle de vie.
« NOOONNNN ! », hurla la Taurion, mais sa voix se perdit dans la brume acre qui recouvrait le cimetière végétal. Elle découvrait ce bouleversant spectacle qui lui déchirait les entrailles et jura alors que jamais plus les Shaakts n’auraient de répit tant qu’elle serait en vie.
D’un simple élan de volonté, Lilie s’envola par-delà les airs, tel un oiseau de malheur annonçant la mort pour qui oserait se dresser sur son passage. L'instant d'après, elle en était devenue un, gigantesque.
Survolant à la vitesse de l’éclair ce qui fut autrefois une verdoyante forêt habitée par l'esprit de Yuimen, elle se rendit en un instant aux frontières de Khonfas. Une incroyable ombre dévastatrice passa au-dessus de la fourmilière shaakte. Ces êtres abjectes étaient si petits, si frêles, que Lilie arracha la vie à tous ceux qu'elle croisa, d’un battement d’aile vengeur.
Des airs, s’éleva une sombre menace que nul ne pouvait ignorer. Une voix puissante s’insinuait dans l’esprit du moindre des survivants.
« Vous qui ne vivez que par la terreur et le mal, goûtez aux plus horribles des supplices ! »Repliant ses ailes, Lilie fonça en piquet au pied d’un incommensurable château qu’elle aurait pourtant pu balayer d’un souffle, si elle l’avait voulu. Mais cette Lilie souhaitait jouer avec ce peuple qu’elle haïssait plus que tout au monde. L’onde de choc provoqué par son aterrissage fit trembler la terre et souleva un nuage de poussière sur une centaine de mètres à la ronde. À travers cette masse en suspension, se dessina la silhouette d’une Lilie redevenue Taurion, le regard incendiaire, plus menaçant que jamais.
« Ne vous cachez pas, venez à moi ou vous mourrez ! »Derrière elle, une femelle Shaakt s’était élancée pour tenter de la pourfendre. Instantanément, elle fut pétrifiée dans une position guerrière, sans même que la Taurion n’ait eu à la regarder. Elle sentait chaque battement de cœur, chaque vie qu’elle se devait de prendre autour d’elle, à commencer par celle-ci. Se dirigeant vers sa première victime, elle extirpa de son fourreau la lame qui l’accompagnerait dans ce génocide qu’elle était en train de commettre.
« Ma Bien-Aimée Lame… Je t’offre cette monstruosité engendrée par le vice. »Tranchant lentement le cou de l’elfe noire, un fin filet de sang commença à couler, tandis que les cris enfermés dans la gangue de pierre magique se perdaient dans un gargouilli immonde. Rien n’était plus jouicif pour la Taurion devenue aussi forte qu’une déesse, en cet instant, que de commettre cet acte sanguinaire qui allait venger la nature et la soulager du mal qui lui rongeait les entrailles depuis le jour où le premier Shaakt avait marché sur cette terre.
Au sol, la tête roula et elle ferma les yeux, un sourire sadique posé sur son visage en signe de triomphe. Il disparut pourtant aussi rapidement qu’il était apparu. Ce plaisir artificiel était de bien trop courte durée. Elle devait continuer, lentement, à s’immiscer au cœur de la cité, pour parfaire le tourment qu’elle réservait aux plus hautes instances Shaakts.
Plus personne n’osa se dresser au travers de son chemin et elle arriva l’instant d’après aux portes du château royal. Ne s’attendant pas à ce que les portes lui soient ouvertes, elle les escalada sans difficulté, instinctivement, à l’aide de pattes velues. Elles étaient apparus à l'issue de sa nouvelle transformation, en une redoutable araignée géante. De ses mandibules, dégoulinait à flots un acide virulant rongeant tout sur son passage, en dégageant une odeur de charnier. La Mort était partout.
Arrivée dans la plus haute des tours, l’araignée s’y était infiltrée en toute discrétion, avant de s'insinuer sous les jupes des plus puissantes Shaakts de la cité. Ses crocs se plantèrent dans la chair de ces marionnettistes qui avaient orchestré la fin de la vie, guidées par la voix de leur déesse maudite. Aujourd’hui, c’était elle qui allait ravir la place de cette divinité, maintenant qu’elle avait la vie de ses fidèles entre ses mains.
Une à une, les femelles tombèrent et la rumeur de leur mort ne tarda pas à se répandre comme la peste dans le château, alors que les corps des matriarches reposaient au-dessus du vide en exemples, les jambes en décomposition, dévorées par les corbeaux.
Tapie dans l’ombre et la froideur des murs de Khonfas, Lilie regarda la ville se disloquer de l’intérieur, avant de se décider à révéler son existence au grand jour. Elle avait choisi pour faire son apparition, le temple de la déesse Valshebarath, à l’heure où les prieurs s’y massaient pour tenter de repousser les forces invisibles qui avaient eu raison de leurs suzeraines et qui avaient perturbé à tout jamais le cours de leur méprisable existence.
Dans un vacarme assourdissant, l’autel sur lequel étaient en train d’être sacrifiés des esclaves fut aspiré dans les méandres de la terre sous l’effet de la puissance de la Taurion. Surgissant alors, l’araignée gigantesque fit à nouveau retentir sa voix dans les esprits.
« Vos Matriarches vous ont abandonnés. Il ne vous reste plus maintenant qu’à vous prosterner devant moi. Ici, la nature reprendra ses droits ! »De partout, de la soie verte proliférera et bientôt, le temple ne ressembla plus qu’à une immense toile végétale impénétrable, dans laquelle étaient prisonniers des dizaines de Shaakts hurlants au désespoir. Les règles du jeu de la Taurion étaient on ne pouvait plus claires.
« Me servirez-vous à présent ? »La question avait été lancée au moment où une horde de Shaakts militaires s’étaient engouffrés dans le temple, bataillant pour sauver leur ville des griffes de la magie. Ils ne parvinrent qu’à s’y empêtrer comme leurs frères retenus à l’intérieur. La soie ne mettrait que quelques heures à prendre possession de l’ensemble de la cité et alors, plus rien ne pourrait lui en ôter le contrôle. Khonfas retournerait à la Nature.
« Personne ? »Elle referma sa paume de main d’un mouvement sec et un épouvantable craquement d’os se répercuta dans toute l’immensité de la salle. La toile avait exécuté les ordres de sa maîtresse. Dorénavant, ils apprendraient à la craindre et à satisfaire le moindre de ses désirs. Ses projets étaient grands, ses nouveaux esclaves devraient reconstruire la forêt d’Eniod et déconstruire, pierre après pierre, sans jamais connaître de repos, la cité de Khonfas.
Beaucoup moururent, de harassement ou de sa propre main et bientôt, Lilie n’eut plus rien à exiger des Shaakts tombés en esclavage. Sa décision fut alors prise, Khonfas serait la première d’une longue série de ville à être rasée, au nom de la Nature. Partout où elle passerait, les terres retrouveraient leur beauté d’antan. La faune et la flore y vivrait en parfaite harmonie sans plus jamais être contrainte par la main d’un humanoïde égoïste. Le rêve de son Dieu serait alors accompli et alors, elle accèderait au rang ultime de Déesse à son tour…
Sur la route de sa première campagne militaire, Lilie se heurta à un groupe d’individus aussi insignifiants que ce qu’elle avait été par le passé. Un Taurion tatoué se détacha du lot et s’avança sereinement dans sa direction. Qui était-il donc, pour oser se mettre en travers du chemin de la nouvelle Déesse incarnée sur les terres de Yuimen ?
« Lilie… »Il connaissait donc son identité. Cela faisait une éternité qu’elle n’avait plus entendu quelqu’un l’appeler par son prénom, elle qui était maintenant habituée à se faire appeler Maîtresse. L’elfe vert poursuivit alors.
« Ta folie est-elle donc sans limite ? Il est encore temps pour toi de renoncer à tes projets, si seulement tu étais encore capable de te rappeler quelle était ta véritable mission. »Dans son esprit, quelque chose venait de se briser. Un voile semblait se lever et le doute reprenait possession de la Taurion. La panique, elle aussi, refaisait surface, alors qu’elle ne comprenait pas ce qui, en elle, avait provoqué cette instabilité.
« Tais-toi ! », ordonna-t-elle. Mais ses mots parvinrent à peine à dépasser la frontière de ses lèvres tressaillantes. Elle ne fut même pas certaine qu’ils arrivèrent jusqu’à l’oreille de l’individu. Il continua alors.
« Tu dois préserver la vie, celle de la nature, des animaux, des humains, des elfes, de toutes les espèces qui existent à la surface de cette planète et peut-être même au-delà. »Lilie ne pouvait faire cesser de le faire parler, tant ses pouvoirs s’étaient, semblait-il, amoindrit face à ce géant qui ne cessait de grandir devant elle. Alors, elle devait fuir cette réalité insupportable. Il disait vrai, elle avait failli à son devoir.
Regardant autour d’elle, elle fut frappée d’horreur. Tout autour s’amassaient les cadavres des milliers de vie qu’elle avait arrachée de ses mains pour les confier aux Dieux de la mort, en allant à l’encontre de toutes les valeurs qu’elle avait toute sa vie durant défendues. Au milieu de ce cimetière, un être semblait encore vivant, alors, Lilie se précipita dans sa direction pour entendre ce qu’il avait à lui dire.
« Ma fille, ma tendre et chère Lilie, qu’es-tu donc devenue ? Toi, si douce. Je n’ai pas mis au monde un monstre, n’est-ce pas ? »Les traits de la Taurion agonisant sous ses yeux ne pouvaient la tromper. Il s’agissait de sa mère, en larme, le visage couvert du sang que la tortionnaire avait fait verser des milliers de fois. De son cou s’échappait un flot de sang intarissable qui se répandit en quelques instants sur le sol, avant de ruisseler sous ses pieds pour venir la submerger de toute part et finalement, la noyer.
« NOOONNNN ! »Pour la seconde fois dans son rêve, Lilie poussa ce cri déchirant qui l’arracha définitivement à son tourment. Elle se redressa alors dans son lit de fortune, trempée de sueur, mais pas de sang. Tout était fini…