L'Univers de Yuimen déménage !


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 Sujet du message: Re: Les Terres autour de Dehant
MessagePosté: Mar 24 Nov 2015 22:16 
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III.8 L'assassin

Depuis qu'il avait accepté la faéra, Jorus se sentait moins seul. Pas seulement ici dans cette forêt, mais aussi intérieurement. Un lien s'était créé entre eux, pas physique, mais Jorus sentait l'état d'esprit de la petite fée. Il lui avait expliqué qu'Ysolde était le nom d'une fille qu'il aimait il y a quelques années et qu’à son retour à Eniod il avait appris sa mort. Elle était d'humeur très joyeuse, avoir un maître semble avoir un impact plus important qu'il ne le pensait pour la faéra. Un point cependant le gênait et sur le chemin du fleuve il lui en fit part.

"Ysolde, il faut que je te parle de quelque chose."

La petite fée se rapprocha, les mains dans le dos et droite comme un soldat. Bien qu'ayant obtenu ce qu'elle voulait, sa voix avait gardé se petit rien de taquin.

"Oui maîîîîîîître ?"

"C'est de ça dont je veux te parler, depuis que je t'ai donné un nom tu ne cesses de m'appeler maître et pour te dire je n'aime pas ça ! Je n'aime pas cette idée que tu obéisses aveuglément à mes ordres. Tu m'as visiblement choisi comme maître, je veux que tu n’aies pas à me considérer comme tel. La liberté a trop de valeur pour ça."

"Mais si tu n'es pas mon maître qu'es-tu ?" Répondit-elle larmoyant.

De par son lien Jorus sentit que derrière cette comédie elle semblait peinée de la remarque.

"Pourquoi pas un ami ?"

Ysolde retrouva son sourire et alla se nicher sur l'épaule comme elle aimait le faire.

"Pourquoi pas. Ca me plaît en tout cas ! Alors, c'est quoi le programme des festivités ? On est à la recherche de quelque chose visiblement. Une herbe médicinale pour un sorcier ? Les vestiges archéologiques d'une époque révolue ? Non je sais on recherche une femme ! Tu as été engagé par un homme qui veut déclarer sa flamme, mais qui n'a pas le courage de le faire à cause de son rang. Ton rôle est de kidnapper la fille d'un homme richissime jusqu'à lui ! Tellement romantique !"

"Heyyyy non ! Je dois me rendre dans un endroit où nul n'a dû mettre le pied depuis très longtemps. Je ne sais pas où il se trouve je sais juste que je dois suivre le fleuve reste encore à le retrouver. Kidnapper une femme pour qu'un homme lui fasse la cour. T'as vraiment des idées tordues toi !"

"Laisse-moi m'en occuper je devrais pas en avoir pour longtemps."

Sans avoir le temps de réagir, la faéra s'envola dans les cieux disparaissant dans le ciel bleuté.

(Le fleuve n'est plus très loin, quelques centaines de mètres devant.)

Jorus regarda autour de lui avant de se rappeler qu'un lien télépathique se créait avec la faéra et son maître, toutefois cela reste étrange à vivre. La petite fée revint rapidement, virevoltant autour du jeune homme.

"Bon et bien allons y dans ce cas."

Quelques minutes plus tard le fleuve apparu aux pieds de la montagne, trouvant sa source grâce à une importante cascade.

"Et donc il y a un lieu ici c'est ça ?"

"Normalement oui. C'est en tout cas ce que j'ai compris. Les indications disent que c'est près du fleuve."

"Que ce soit près du fleuve ou non, si c'est une grotte elle est certainement dans la montagne. Je crois que tu sais ce qu'il te reste à faire !"

"Et je suppose que tu ne peux pas me faire voler. Bien allons y. Attends non je dois d’abord me débarrasser de ça !"

Jorus qui avait gardé les affaires de l'assassin se dirigea vers le fleuve et entrepris de jeter le sac. Une fois cela fait il regarda la montagne. Beaucoup d'accès facile pour monter mais l'essentiel était un escarpement rocheux vertigineux. Pas vraiment de choix ni de chemin alternatif. Il fallait y aller.

Comme prévue le début de la montée était assez facile, puis les choses commencèrent à se corser. Grâce à l'agilité d'éployé durant les trois dernières années sur un bateau marchand, l’ascension se révélait encore possible même lorsque les prises se faisaient aussi rare que fine. Le temps passa et l'ascension aussi. Par de nombreuses reprise Jorus du de reposer sur une saillie rocheuse et lorsque la monté se fit trop dure la faéra était là pour lui faire puiser dans ses forces pour continuer. Durant une halte la petite faéra qui avait pris l'habitude d'explorer en amont revint tout sourire.

"Je l'ai trouvé, la grotte. Enfin j'ai trouvé une grotte un tout p'tit peu plus haut."

"Et ça signifie quoi au juste un tout p'tit peu ?" Demanda Jorus qui sentait l'arnaque à plein nez."

"Ho à peine une centaine de mètres. Un jeu d'enfant pour toi et puis le plus dur est fait !"

Une longue escalade l'attendait, mais effectivement Jorus avait gravit une hauteur impressionnante sachant le sac à dos qu'il transportait depuis Dehant. Après une ascension qui n'en finissait plus il atteignit effectivement une cavité rocheuse près d'une cascade qui nourrissait le fleuve en aval. Tout au long de l'ascension il avait éprouvé la chaleur de l'effort et son dos était trempé de sueur, laissant une sensation désagréable avec ses vêtements collants. La cascade portait l'eau fraîche des sommets de la montagne. Sa présence était aussi rafraîchissante que bienvenue. Après s'être désaltéré, Jorus se dirigea vers l'entrée de la grotte où la petite fée virevoltait sans rentrer.

"Quelque chose m'empêche de rentrer. Un pouvoir est à l'œuvre, mais je suis incapable de le traverser."

"Ha oui ?"

Intrigué de voir un mur invisible, Jorus s'avança en tendant la main. Arrivé au niveau de sa faéra il sentit une sensation froide et résistante. Cependant, contrairement à la petite fée il continua à avancer.

"Hey c'est pas juste ! Pourquoi j'suis pas invité moi ?"

Arrêté au milieu de la barrière de froid, il sentit la différence de température comme si une partie de son corps baignait dans de l'eau, mais à la surface verticale.

"Se doit être la bénédiction. Seul quelqu'un qui soit touché par la bénédiction de Yuia peut rentrer. Ça veut dire qu'il existe un moyen qui t'empêche de rentrer dans un lieu. Faut absolument que je l'apprenne !"

Il afficha un large sourire en regardant sa petite fée.

"Ha ha ha ! J'applaudis néanmoins la tentative d'humour dont tu as fait preuve. C'est déjà un début, mais on y retravaillera plus tard. Pour le moment il est pas question que tu ailles à une petite sauterie sans moi."

Et sans attendre elle fonça sur Jorus, mais au lieu de le traverser comme il l'avait déjà vu faire, elle disparut comme aspirée dans le médaillon du jeune homme.

(Et ne t'attends pas à ce que je ne parle plus !)

Allant de surprise en surprise avec sa petite fée, Jorus se résolut à entrer définitivement pour vite revenir et sauver Jamsine.

Une fois à l'intérieur la sensation de froid devint relativement agréable, presque reposant. Le soleil se couchant de l'autre côté de l'entrée de la montagne, la lumière dans la grotte était très faible. Le peu de clarté présente ne permettait que d'apercevoir des reliefs étranges et au milieu de tout cela, une fleur luisait dans la pénombre. Il n'y avait pas de source lumineuse dans les environs et pourtant elle était visible. Une fine tige blanche et des pétales bleu azur formaient le corps végétal d'un cœur aussi beau qu'un diamant. Un véritable bijou botanique et Jorus eut une pensée pour Elya. Une fleur pareille serait un véritable joyaux et alors qui s'en rapprocha pour la cueillir, il se rappela les mots de l'elfe : la culture d'un végétal quel qu’il soit, doit respecter les mêmes conditions que son milieu naturel, sinon il est destiné à flétrir. N'ayant pas suffisamment de connaissance à ce sujet et ne voulant pas gâcher cette perle florale, il décida de la laisser là où elle se trouvait. Il se chercha un coin dans la pénombre et entreprit de se préparer pour la nuit qui approchait à grands pas.

III.10 la fleur des glaces

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Dernière édition par Jorus Kayne le Mar 24 Nov 2015 22:33, édité 1 fois.

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 Sujet du message: Re: Les Terres autour de Dehant
MessagePosté: Mar 24 Nov 2015 22:32 
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III.9 La grotte

Jamais Jorus n'avait apprécié d'avoir un sac de couchage. Si la fraîcheur de la grotte était agréable, la nuit était glaciale et Jorus se réveilla en frissonnant. Dehors le soleil se levait et les premiers rayons lumineux frappaient l'entrée de la grotte. Après s'être frictionné activement, Jorus entreprit de manger un bout puis ranger ses affaires avant de se mettre à la recherche de son objectif. Tandis qu'il terminait de ranger son attirail, les rayons de lumières commencèrent à se réfléchir sur les parois à l'entrée et atteignirent la fleur. Une étincelante lumière se mit à dégager du cœur de la fleur et une femme fantomatique bleuté apparue, flottant au-dessus de la plante. La femme ou plutôt la créature était une nuance de bleu. Ses cheveux flottant dans l'air malgré l'absence de vent, émettaient des flocons de neiges. Elle portait une fine robe blanche qui dévoilait des épaules gracieuses et un voile tenu par chacune de ses mains passant derrière elle terminait sa tenue. Une volute de brouillard virevoltait autour d'elle comme la fumée d'un souffle chaud en hiver.

"Bonjour jeune homme."

(Ca sent mauvais cette histoire, méfis toi !)

Jorus ne savait pas comment réagir. Qu'elle était cette créature ? Elle avait certainement un lien avec la source tarie du temple de Gaïa, encore fallait-il savoir comment la refaire couler à nouveau.

"Vous êtes Yuia la déesse de la glace ?"

"Non jeune homme, je suis l'esprit de la fleur des glaces. Répondit l'être bleuté avec un petit rire. Tu es dans ma demeure. Je dois te féliciter d'ailleurs, rare sont ceux qui résiste à l'envie de me cueillir."

"Cette fleur c'est vous ?"

"Ce n'est que la représentation physique de mon être, mais oui. Que veux-tu ? Il est peu probable que quelqu'un vienne jusqu'ici pour se perdre."

La femme fantomatique lui faisait peur. Bien qu'elle ne soit pas une déesse, un esprit restait redoutable enfin c'est ce qu'il avait entendu.

"Il y a une source dans le temple de Gaïa à Dehant. Elle s'est asséchée et nous en avons besoin pour soigner une amie."

"Ho la source oui. Je vois que la dague s'est réveillée et cherche un nouveau maître. Je peux effectivement te venir en aide. Qu'as-tu en échange ?"

(J'aimais déjà le début, je le sens de moins en moins là.)

"En échange comment ça ? Et comment la dague peut être responsable de l'état de la source ?"

"Sache que de temps en temps elle réclame un propriétaire. Elle se manifeste en gelant les eaux, c'est le signe de son réveille. Je peux te donner le moyen de la récupérer, mais pour cela il te faudra me donner ce que tu as de plus cher."

"Quoi ? Se demanda Jorus."

L'esprit tendit la main droite et pointa de son index le cou du jeune homme. Il y porta la main et rencontra son médaillon, la seule marque de son passé et de ses parents.

(C'est le médaillon de mon père. C'est le seul objet que je possède, mais s'il faut que je m'en sépare pour sauver Jasmine alors soit. Tu pourras rentrer dans un autre objet Ysolde ?)

(Heu oui je devrais pouvoir, mais... je me sens pas très bien à vrai dire.)

(T'inquiètes pas on en finit vite ici et on sort.)

Jorus tenait toujours la main sur le médaillon.

"Marché conclu ! Prenez ce médaillon qu'on en finisse."

"Le médaillon ? Non ce n'est pas ce qui t'es le plus cher."

L'esprit se tourna sur la droite et tendis le bras opposé. Celui de droite ramené près de son visage donnait une pose étrange, comme si elle s'apprêtait à recevoir quelque chose. La réponse ne se fit pas attendre. Le médaillon si mit à émettre une volute de fumée bleuté qui se dirigeait vers l'incarnation de la fleur des glaces. Alors que le pendentif se mouvait vers la créature comme un objet attiré par un aimant, la faéra se fit aspirer à l'extérieur.

Battant des ailes frénétiquement, Ysolde se faisait aspirer lentement dans un courant de fumée bleutée. La stupéfaction de la scène bloqua Jorus qui se réveilla lorsque la faéra sortit complètement du médaillon, le laissant retomber sur la poitrine du jeune homme. Il tendit les mains pour ramener sa petite fée vers lui, mais elle le traversa comme un fantôme.

(Tu n'y arriveras pas, je résiste mieux lorsque je suis immatérielle !)

Il fallait à Ysolde user de toute sa volonté pour résister à l'esprit, car durant le bref intermède que dura le message télépathique la faéra recula fortement. Ne pouvant retenir sa petite fée Jorus chargea l'esprit. Il traversa la faéra et suivit le courant glacial jusqu'à la créature bleutée toutes dagues dehors. L'esprit ne cilla pas une seconde et alors qu'il allait l'atteindre, un bloc de glace le percuta sur la gauche et l'envoya dans un enfoncement. Ce n'était pas un simple rocher. Il s'animait comme un être humain, possédant bras et jambes. Jorus se retrouvait dans un espace assez grand pour être une pièce dans cette grotte. Devant lui le soldat de glace tendit ses bras sur les côtés et s'agrandit, recouvrant rapidement l'unique sortie. Désormais un mur de glace le séparait de l'esprit et de sa faéra. Cette dernière battait toujours des ailes, mais ses efforts étaient vains face au pouvoir de l'esprit. Elle finit par se faire geler les jambes en atteignant la femme de glace et roula en percutant le sol. Une forme humanoïde commença à se détacher d'une des parois de la grotte, possédant les mêmes caractéristiques que son premier comparse, mais avec une lame de glace dans l'une de ses mains gelées. Jorus le vit se diriger vers Ysolde et compris comment cela allait se terminer. N'ayant pas d'autre choix il chargea le mur de glace qui tint bon.

"Un marché est un marché jeune homme et on ne revient pas sur un accord ! Je suis surprise que tu tiennes tant à elle alors que tu ne sais rien. Sache que les faéras ne choisissent pas n'importe qui comme maître. Elles sont capables de voyager à travers les plans des mondes et du temps. Celle-ci te cache la véritable raison de sa présence. Toi qui n'aimes pas être sous le poids d'une prophétie sache que cette faéra sait tout sans rien te dire. Et oui je sais moi aussi ! Au final tu es le seul ignare, mais je vais rapidement te délester de ce poids."

La petite fée se mit à battre des ailes, mais le bloc de glace dans lequel elle était l'empêcha de voler très loin à chaque fois. En voyant sa petite fée se débattre ainsi il redoubla d'effort et son épaule commença à le faire souffrir. Peu importe la douleur, il avait perdu l'amour de sa vie, il ne voulait pas perdre sa faéra. Sans vraiment le comprendre elle avait déjà sa place dans son cœur malgré le peu de temps passé ensemble. Pas un seul instant elle n'avait perdu sa joie communicative et la voir ainsi lui faisait mal. Il continua dans son entreprise de briser la glace, grimaçant de douleur. Il prenait appuis contre le mur opposé et s'élançait de toutes ses forces fêlant petit à petit la glace. Le mur allait céder. Alors que le serviteur de glace atteignait Ysolde, Jorus mit tout ce qu'il avait en énergie, force et volonté dans une ultime tentative. Il brisa le mur de glace et emporté dans son élan percuta le serviteur qui s'effondra sous le choc. Accroupie au-dessus de sa faéra il la prit dans ses mains et la plaqua contre son cœur.

"J'ai tout perdu ! J'ai perdu celle que j'aimais et mon meilleur ami. J'ai dû fuir ma ville et en y repensant je crois que j'ai fui mon passé ces trois dernières années. Soyez bien certaine que je ferais tout pour la garder elle !"

"Tout tu as dit ?"

Sentant un espoir Jorus se retourna garda toujours sa faéra contre lui.

"Il y a une autre possibilité c'est ça !"

L'esprit envoya une sphère bleuté en l'air illuminant la grotte. Le spectacle qu'elle laissait faisait froid dans le dos. Les formes étranges que Jorus avait vues étaient en réalité des silhouettes des personnes figées dans la glace, arborant l'expression de terreur de celui qui ne peut empêcher sa propre mort.

"D'autre ont essayé, sans succès. Vois-tu nous avons tous des souhaits et je n'en fais pas exception. Je suis rattaché à cette fleur, condamnée à rester dans cette grotte pour l'éternité. Si tu acceptes de m'emmener au dehors, disons jusqu'au temple de Gaïa, je referai couler la source. Cependant, cette fois-ci il n'y aura pas de retour en arrière possible sois en sûr."

(Elle veut utiliser ton corps comme réceptacle n'acceptes pas ! Il est presque impossible de résister à l'accumulation de pouvoir pour un être vivant, tu n'as qu'à regarder autour de toi.)

Après une brève hésitation Jorus se leva, faisant face à l'esprit. Soit il perdait sa faéra, soit il prenait le risque de mourir gelé. L'espace d'un instant il pensa même fuir ce lieu et laisser Jamsine mourir, mais il était incapable de fuir ses responsabilités. Elle avait risqué sa vie pour lui, il devait en faire de même.

"J'accepte !"

Se rapprochant du jeune homme, l'esprit lui sourit.

"Alors ainsi soit-il ! Fou ou courageux nous verrons ce qui te caractérise le plus !"

Dans un tourbillon de glace et de neige, l'esprit s'infiltra dans le corps de Jorus.

III.11 Un chemin pavé de froid

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Dernière édition par Jorus Kayne le Mar 24 Nov 2015 22:39, édité 1 fois.

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 Sujet du message: Re: Les Terres autour de Dehant
MessagePosté: Mar 24 Nov 2015 22:37 
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III.10 la fleur des glaces

"Fffroid. J'ai sssi fffroid"

A l'instant où l'esprit s'était engouffré dans son corps, Jorus sentit tout son être se raidir de froid. Recroquevillé sur lui-même, le moindre mouvement le meurtrissait. Même le lien télépathique éprouvait ses forces, comme si l'esprit se languissait de ses difficultés.

"Viens sortons dehors." Lui dit la faéra se dirigeant vers la lumière du soleil.

"Ccc'est inutttile, j'ai tttrop fffroid pour redessscendre"

Ysolde revint vers lui le forçant à la regarder.

"Tu as combattu un assassin très expérimenté hier et tu en es sorti vivant, alors c'est pas un gros frisson qui va t'arrêter !"

Au travers de ces mots, Jorus sentit l'inquiétude de la petite fée. Néanmoins elle avait raison, il y avait certainement un moyen de sortir encore fallait-il le trouver. Il entreprit donc d'examiner les lieux en quête d'une sortie. Malheureusement il n'y avait rien hormis les statues des êtres figés dans la glace et il allait connaître le même sort. Hormis ceux restés sur place, d'autre avaient cherché à atteindre la chaleur solaire, mais ils furent arrêté comme si le froid y était plus fort. Toutefois, un groupe semblait s'être dirigé vers le fond de la grotte. A défaut de pouvoir redescendre, Jorus pris ce chemin. Courbé sur lui-même et la démarche aléatoire, il dut s'aider des murs pour ne pas tomber dans cette obscurité. Encouragé par sa faéra il suivit un chemin incliné vers le bas jusqu'à entendre un bruit sourd.

"Je vais voir ce que c'est."

Sans attendre de réponse elle fila comme une flèche et revint tout aussi vite.

"C'est la source ! Enfin l'une des sources. Elles partent des neiges éternelles des cols et redescendre jusqu'au pied de la montagne. Avec un peu de chance il suffira de te laisser entraîner par le courant pour rejoindre Dehant."

L'espoir revenait, or cela semblait trop facile. Il marcha lentement pour ne pas chuter. Dans son état actuel, une blessure et s'en était fini de lui.

Il arriva aux bords d'une cascade nourrissant un petit lac. Quelques anfractuosités dans la roche laissaient passer des raies de lumières éclairant le lieu. Un courant entraînait l'eau plus loin, mais impossible de savoir où ni s'il fallait nager sous l'eau pour sortir. Jorus ne l'espérait pas, car si descendre la falaise était impossible, nager n'était absolument pas envisageable. Il fallait maintenant trouver quelque chose pour ne pas couler et il n'y avait rien de présent pouvant flotter hormis son sac à dos. Il remua ses méninges pour trouver un moyen d'en faire une bouée, ce qui l'aida à ne pas penser au froid. Si son sac possédait trop d'ouverture pour garder l'air, emmitouflé dans la tente les chances de flotter étaient plus grandes. Equipé de sa bouée de fortune il entra dans l'eau. Le froid intense se fit rappelé à Jorus et les encouragements d'Ysolde l’empêchèrent de sombrer de nouveau dans l'inconscience. Il se raccrocha à son sac qui suffit pour le maintenir à la surface et se propulsa tant bien que mal dans le sens du courant.

Si au début le courant était faible, il prit de l’ampleur au fur et à mesure de la descente. Jorus se concentra pour tenir bon et ne pas flancher en voyant d'autres silhouettes de glaces. Il n'était pas le seul à avoir tenté sa chance par les eaux et espérait avoir plus de succès. Il repensa à Jasmine, Tyrm et Panaka qui l'attendaient avec un remède. Durant le trajet jusqu'à la grotte il s'était demandé quel but il allait poursuivre. Seule la recherche de ses origines s'étaient imposées à lui. Etrangement ce genre de pensée le revigorait, peut être que l'esprit se nourrissait de la volonté de vivre de son hôte. Toujours est-il que Jorus garda les mêmes pensés en s'agrippant à son sac.

La traversée fut longue et semée de nombreux obstacles rocheux, mais la lumière intense du soleil finit par apparaître. Tandis qu'il émergeait de la montagne en suivant le court d'eau, tendant une main pour recevoir les rayons solaires, une nouvelle vague de froid le saisit. Au lieu de se réchauffer, le soleil provoquait l'effet inverse. Il sortit du court d'eau et atteignit une zone ombrageuse en rampant. Alors qu'il pensait avoir fait le plus dur, les éléments se dressèrent contre lui. Atteindre Dehant en marchant prendrait trop de temps, il lui fallait donc trouver un moyen d'utiliser encore le court d'eau sachant que sa bouée était désormais trop amochée pour servir encore longtemps. Il aperçut au loin un tronc d'arbre bloqué entre des rochers et pour se protéger du soleil il utilisa sa toile de tente. En atteignant le morceau de bois, il le dégagea et y accrocha ses affaires avant de se lancer de nouveau dans l'eau.

III.12 Retour au temple

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Dernière édition par Jorus Kayne le Mar 24 Nov 2015 22:43, édité 2 fois.

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 Sujet du message: Re: Les Terres autour de Dehant
MessagePosté: Ven 21 Oct 2016 10:35 
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Localisation: Dehant - Escarpements dans la forêt
- Que voulez-vous savoir mon ami ?
- Mon futur, ma vie quoi !
- Ah ça, voyez-vous… c’est trop vague.
- Z’êtes devin ou quoi ? Dites-moi ç’que j’veux !
- On n’interroge pas ainsi les dieux mais… Voici ce que je vois des votre avenir : Vous vivrez, mangez, tenterez vainement d’obtenir les faveurs de la belles qui vous obsèdent à chaque fois que l’alcool vous fera poussez hum…des ailes, et finirez sous terre à un âge plus ou moins avancé. Vous voyez ? Pas besoin des dieux pour ça !
- V’ foutez de moi c’est ça ? J’va vous apprendre à lire dans les tripots si vous y mettez pas du votre !
- Je lis très mal dans les entrailles, mais si vous savez y faire, je veux bien apprendre. Par contre, à moins que vous ne vouliez raccourcir ce qu’on pourrait dire de votre vie, je vous conseille de laisser votre épingle au chaud. Je n’aime pas qu’on me brusque.

Les yeux enfoncés de Saha’Nyin brillèrent un instant d’un éclat vif. La lumière de la lampe à huile se reflétait dans son pupille, lui donnant un air de bête sauvage. Le sourire, plus proche du retroussement de babine, qui dévoila son râtelier acheva de convaincre le badaud du bien-fondé de la menace. Il frissonna en se radoucissant, inquiété par aspect peu engageant du diviniateur et la fumée nauséabonde de l’huile brûlée qui enveloppait le divinateur.

- Eh bien, puisqu’il faut une question plus précise… Z’avez parlé de la donzelle, là. J’sais pas c’que z’en savez mais j’aimerai bien y voir plus clair, s’voyez c’que j’veux dire. Et pi j’attends des nouvelles de mon cousin pour une affaire… d’argent quoi.
- Ah ! Voilà des questions intéressantes. Argent, amour, soucis et baumes de l’Homme ! Voyons… Pendant que vous sortez de quoi faire une petite offrande, je me prépare, s’voyez c’que j’veux dire.

Un air d’intelligence passa dans le sourire du chaland. Pendant qu’il plongeait la main dans la poche de son habit un peu miteux, quoique solide, pour en ressortir une petite bourse, Saha’Nyin plongeait la sienne dans sa besace pour en ressortir une bourse un peu plus imposante. Il se mit à fouiller frénétiquement, de petits bruits de roulement accompagnant les mouvements de sa main.

- Plus vous me donnerez de détails, plus je pourrais être précis. Votre damoiselle, elle vient d’où ? votre cousin, vous le connaissez bien ? enfin, tout ce qui pourra être un peu utile. J’ai besoin d’interroger… hum… ah ! la voilà !

Il exhiba d’un air victorieux un petit talisman. Il s’agissait d’un bout d’os taillé, qui se présentait sous la forme de deux lobes arrondis.

- Uz’il ! La déesse de l’amour et des plaisirs ! On ne pourrait s’en passer lorsqu’on parle de femmes.
- Eh ben celle-là, j’veux bien y penser comme ça ! C’est la blanchisseuse du richou qu’a fait son trou dans l’commerce ed’vin. Elle est dans ma rue.
- Ah ! Du vin… le voilà ! Kubi, on le connaît tous. On aura aussi besoin de Selhinae, Yuimen et Zewen.

Il extirpa successivement de sa bourse un osselet dont la forme vague pouvait rappeler une bouteille, une choppe ou un tonneau, selon l’angle et l’imagination, puis un autre en forme d’oursin aux branches parfois arrondies, parfois aigues, un autre rond comme une balle et un dernier, plutôt long et cylindrique, qui se terminait à l’un des bout par une croix, l’autre par une pointe. Il tira en outre une petite bourse de sa grande bourse, puisa du sel et forma un cercle. En secouant ses doigts en direction de la flamme, il fit crépiter quelques escarbilles de sel pour annoncer le début des choses sérieuses. Un petit instant passa, pendant lequel seul Saha’Nyin laissa échapper un faible bourdonnement. Soudain, il commença à scander dans une mélodie simpliste, en se balançant légèrement d’avant en arrière :

- Omm… Dom Zewennn… Omm… Dom Zewennn…

Après trente interminables secondes de ce cirque, il lâcha brusquement les osselets sur la table. La plupart se stabilisèrent rapidement, sauf la boule, qui continua à rouler pendant un instant avant de se stabiliser à la limite du cercle de sel. Le dé étoilé était par ailleurs déjà sorti du cercle, tandis que la flèche pointait vers l’osselet d’Uz’il. Non loin, la cruche s’était posé sur son séant.

- Aha ! C’est clair ! Il y a de l’espoir pour vous. Enfin… tout dépend de ce que vous vouliez. Voyez, c’est bien simple, vous n’en ferez pas votre femme, et elle sortira probablement assez vite de votre vie. Cependant… Est-elle une habituée des tavernes de votre rue ?
- Oh y’en a qu’une dans la rue, alors oui on s’y croise.
- Très bien, c’est là-bas que ça se fera. Oui, oui, vous m’avez bien compris, il y a du jeu dans l’air ! s’voyez c’que j’veux dire.
- Haha oui ! J’vois bien ! ça va pas tarder avec la gosse !

Il baissa soudainement la voix et s’approcha, comme pour parler d’une affaire particulièrement épineuse.

- Et pour… mon autre question ?
- Vous m’avez dit que votre cousin était en affaire ?
- Il revient du désert… On a un arrangement à passer. A propos… enfin ça vous r’garde pas.
- Vous savez, si j’interroge les dieux, j’en saurai forcément quelque chose.
- C’est vrai. Bon ! on doit se retrouver, mais j’sais pas quand, pour qu’il discute avec quelqu’un que connait le frère d’un ami qui a entendu parler d’un refourgueur d’obj… enfin…

Il s’arrêta, conscient d’en dire un peu plus que ce que la prudence recommandait. Après un instant de flottement, le semi-elfe le regarda d’un œil malicieux et commença à ramasser ses osselet, en mis certain de côté, et se mit à fouiller de nouveau sa bourse. Il en extirpa un bout de cervicale polie en galette, une canine de tigre plus grosse qu’une phalange, un dé à huit faces d’un bois étrangement lisse, un chapelet de petits os arrondis, un os en forme de sablier et une petite pierre noire qui semblait briller.

- Au fait, n’oubliez pas mes honoraires. Enfin, mon argent.

Le péquin, obnubilé par le manège de l’augure, se secoua pour reprendre ses esprits et fit tinter quelques piécettes sur le tissu qui servait de table à cette séance nocturne. Happant avec avidité cet or, Saha’Nyin émit un petit grognement accompagné d’un sourire des plus accueillant et se remit à bourdonner. Il avait de nouveau rassemblé ses osselets en main et les secouait avec un peu plus de cœur, les mains en boule pour contenir tous ses talismans. Il les lâcha de nouveau avec conviction et les regarda s’étaler. Au fur et à mesure qu’il analysait le résultat, ses sourcils se fronçaient. Du côté du client, la dent de tigre, le chapelet et le morceau d’obsidienne s’étaient rassemblés tandis que, de l’autre, la flèche pointait le dé, la base tournée vers Saha’Nyin jouxtant le sablier. La boule continuait à rouler en cercle, s’arrêtant loin des autres osselets, tandis que la galette cervicale avait roulé sur la tranche jusqu’à buter sur le cercle, où elle s’était affalée.
Pendant un temps, trop long au goût du client, le fanatique contempla cette scène, l’air ahuri par ce qu’il en comprenait.

- Hè ? Faites pas cette tête et dites-moi !
- Hum… dans pas longtemps… Il hésita un moment, avant de reprendre : "vous le connaissez bien ce cousin ?
- Comment ça ? Oui. Enfin, ça dépend quoi. C’est le frère de la cousine de mon père, mais je le vois de temps en temps chez l’oncle de la sœur de ma mère, enfin, sa demi-sœur par son père, qui tient une échoppe pas très légale dans les faubourgs. On a déjà fait affaire ensemble si vous voulez.
- Eh bien je vous déconseille tout de même d’y aller, ce sera dangereux là où vous vous retrouverez.
- Evidemment, le petit chemin de la source, il est pas vraiment sympathique la nuit, mais on est mieux à l’ombre des arbres pour ça ! J’amènerai quelques bijoux à moi !

Il adjoint un clin d’œil à la parole et ajouta une pièce dans le cercle de sel.

- Merci du conseil, j’ai rien compris au coup de dé mais ça m’avait l’air inquiétant. D’ailleurs…

Il s’approcha et exhala un peu de son haleine de poivrot à la face du semi-elfe, ce qui ne le dérangea pas, puisqu’il sortait de sa bouche un fumet assez comparable.

- S’il arrive des bricoles pas nettes… faites gaffe, je saurai vous retrouver !
- Je serai bien inconscient de me mêler d’affaire comme ça !

Le badaud rit un bon coup, jugeant la répartie sage, et le confortant dans l’estime qu’il avait de sa jugeote et de ses bras. Il gratifia le devin d’un dernier sourire et s’éclipsa, non sans avoir regardé si une ronde se profilait à l’horizon. Lorsqu’il fut partit, Saha’Nyin entreprit de ranger ses affaires d’un air distrait. Un tel présage… La mort, le danger pour eux, mais la connaissance pour lui. Le destin l’avait clairement énoncé, il fallait qu’il se mêle de cette histoire. « C’est sûr qu’il nous retrouvera, et dans pas longtemps, hein ma puce ? »
Il fourra son baluchon sur son épaule et repartit vers la forêt.

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Dernière édition par Saha'Niyn le Jeu 3 Nov 2016 16:23, édité 1 fois.

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 Sujet du message: Re: Les Terres autour de Dehant
MessagePosté: Mer 26 Oct 2016 10:34 
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Cela faisait maintenant plusieurs jours qu’il campait près de la source. Un mignon filet d’eau jaillissait hors d’une pierre blanchie et adoucie par les millions de main qui l’avaient caressé jour après jour depuis des temps immémoriaux pour la remercier de ses bienfaits, de son eau limpide et fraiche comme le baiser d’une pucelle. Un petit bec avait été aménagé dans l’orifice creusé par l’eau pour canaliser le liquide et rendre plus pratique son usage. Le glouglou incessant de l’eau tombant dans la vasque creusée dans la pierre posée en dessous avait quelque chose d’apaisant, mais de terriblement agaçant pour la vessie. Saha’Nyin avait donc passé les derniers jours comme il les aimait, juché sur la plateforme de fortune qu’il avait construit à la hâte en posant quelques branchages dans un arbre à quelques enjambées de la clairière, à contempler les frondaisons le protégeant de l’insupportable lumière du soleil, et à uriner plus souvent qu’à l’accoutumée du haut de son perchoir. C’était un plaisir à chaque fois répété : regarder le liquide jaunâtre jaillir comme une petite sœur impie de la source qu’il surveillait et l’écouter s’écraser plus bas dans un bruissement de feuilles mortes, puis se sentir apaisé d’avoir cédé à l’envie provoqué par le bruit de l’eau coulant sans cesse.

- Hein ? Ils arrivent ? Tu m’as déjà dit ça au moins cinq fois ma puce, je sais bien que tu es inquiète de les louper, mais ça n’arrivera pas.

S’adressant au vide, il se redressa et pointa son regard vers un buisson à quelques coudées de là.

- C’est malin tout de même, tu l’admettras !

Il devinait à travers les branchages épineux la cage dans laquelle il avait enfermé le putois.

- Haha merci ! je sais. Un boucan d’enfer.

Il contemplait en réalité son ingénieux système d’alarme : une série de fils tendu à travers toute la clairière assurait le déclenchement du dispositif dès qu’un intrus s’y aventurera. Tous ces fils se rejoignaient devant la cage, où ils iraient à leur tour déclencher un petit mécanisme tirant sur la corde attaché autour des testicules du rongeur drogué. Aussitôt que les fils se resserreraient sur ses organes génitaux, la bête ne manquerait pas de beugler sa douleur, dans un vacarme à réveiller les morts, si l’expression « crier comme un putois » avait bien un sens.

- Comment ? s’écria-t-il soudain "Tu doutes des dés ? Ils sont pourtant formels, c’est ici !

Il tomba un instant en léthargie.

- Sinon c’est que ce n’était finalement pas pour moi. Dit-il lentement.

Après quoi il se recoucha et se mit de nouveau à contempler insectes et écureuils qui passaient devant ses yeux, et finit par s’endormir.

Une longue plaine d’un vert éclatant s’étalait devant ses yeux. Aucun relief, pas même le moindre tas de taupe, aucun nuage, pas même un filet blanchâtre, rien ne venait perturber cette immensité verte et bleue. Il n’y avait aucun soleil, et pourtant une lumière chaleureuse illuminait ce paysage. Il n’y avait rien. Sauf ces arbres, immenses, au tronc nu sur une bonne cinquantaine de mètres, adjoint d’une plateforme parfaitement ronde, faites de planches lisses comme un pont de bateau, au-dessus desquelles s’étalait un feuillage d’un vert intense. Il se tenait d’ailleurs sur l’une d’elle, et sautait d’un pas léger sur la prochaine, à une bonne centaine de d’enjambées de là.
D’arbre en arbre, il s’approchait d’une ruine El-Abhar, à moitié ensablée, à moitié détruite. L’entrée en était gardée par deux statues de poupées armée de hallebarde de sable. Le simple passage du semi-elfe suffit à faire s’effondrer les armes sur elles même, et les poupées revinrent à la taille d’un jouet. L’intérieur en était sombre comme une nuit de ville. Ce n’était pas le noir total, mais seule une lumière artificielle, venue de l’extérieur, dessinait les contours. Des tuyaux métalliques aux multiples couleurs ternes traçaient un labyrinthe au plafond. Des murs défoncés saillaient des tiges de métal torsadés. Au centre de cette pièce vide se tenait le vieil ogre de la taverne de son enfance, nu et pris au piège dans une cage. Un étrange ballet de lutins aux corps enflammés dansait autour de lui. Lorsqu’ils virent avancer le semi-homme, ils se mirent à rire silencieusement, et, brandissant leurs minuscules fourches, se mirent en devoir de piquer férocement les bourses du vieil homme, offerte aux vents et aux regards. Un long cri inhumain s’échappa alors du supplicié, dont la tête se tordit et se métamorphosa en une gueule de bête.

Se réveillant en sursaut, Saha’Nyin mit la main à sa ceinture et en tira sa dague. Il lui fallut un temps pour se rappeler de l’origine réelle de ce cri qu’il avait entendu dans les ténèbres de ses songes. L’alarme avait fonctionné, quelqu’un approchait.

- Tu vois, ma puce, le destin ne ment pas.

Il scruta dans le noir les mouvements du sous-bois. La bête endolorie avait fini par fuir sa cage par la sortie ménagée à cet effet, pour donner le change aux nouveaux arrivants.

- Bestiole à la con ! il m’a foutu les j’ton s’t’enflure !
- Tais-toi un peu, t’as du lui marcher sur la queue, balourd comme t’es. Pas facile d’être discret avec toi.
- Parce que t’y vois quelque chose dans cette poisse toi ?
- Vous voulez pas vous taire ? Vous faites plus de bruit que cet animal, et si c’était un piège, il avait pas besoin de ça pour nous trouver.
- Un piège ? Avec ce truc ? Il compte nous larguer des putois dessus ?

Les deux acolytes, à la carrure large et à la face abrutie, partirent d’un rire gras et se cognèrent les mains comme deux écoliers. Ils finirent cependant par se taire et avancèrent avec circonspection, suivant les consignes du troisième larron. Ce dernier était plus frêle que les deux autres et n’avait qu’une courte épée à la ceinture, mais portait une besace pansue d’où s’échappait un léger tintement. Dans le noir, les yeux de Saha’Nyin brillèrent d’un éclat de convoitise.

- C’est ça ma puce, ç’en est sûr et certain, susurra-t-il à l’oreille des ombres.

Ils étaient cependant trois, et bien qu’il ne soit pas mauvais combattant, d’autant plus qu’il pouvait compter sur l’effet de surprise, il ne comptait pas se risquer à affronter deux les deux masses qui collaient aux basques du troisième.

- Bien, mon cousin ne devrait pas tarder à arriver. Cet imbécile doit nous ramener l’expert en objets anciens. On va lui proposer une contre-expertise à notre façon. J’en profiterai pour donner une leçon à cette honte familiale, ce dégénéré.
- On se planque pour leur tomber dessus, La Tire ?
- Bonne idée Lardon. Met toi du côté de la route pour la leur couper s’il leur prend l’envie. Toi, Pénelle, tu viens avec moi, on attend leur arrivée à l’ombre, histoire de voir à quoi s’attendre.

Tandis que les deux s’éloignaient en direction de la source, ledit Lardon s’éloigna du groupe et s’assit sur une souche à quelques mètres de l’arbre de Saha’Nyin. Il pouvait désormais le détailler. C’était un de ces rustaud qui portent les sacs de marchandises des entrepôts aux navires et des navires aux entrepôts lorsqu’ils sont honnêtes, derniers remparts contre la solitude des tripots lorsque les bateaux sont au large, ou qui écument les routes de campagne dans une bande dont le chef charismatique n’hésitera pas à s’en faire un bouclier contre les flèches ennemies ou un obstacle à la progression d’un danger lors d’une fuite. Il avait le front bas, lisse de n’avoir jamais eu à réfléchir, les sourcils épais et couturés, le nez tordu et bosselé, le menton carré et proéminent. Il devait bien penser le quintal, autant de muscles que de graisse, d’où provenait très certainement son surnom appétissant. A sa ceinture pendait une courte hache de forestier, qu’il mit à terre devant lui, pour éviter qu’elle ne le gêne.
Pendant un long moment, il ne se passa rien. Le balourd s’était adossé contre un arbre et somnolait, tandis que les deux autres, autant que pouvait en juger Saha’Nyin, s’étaient assis côte à côte et regardaient la fontaine d’un air absent. Le coulis ininterrompu de l’eau provoquait chez eux une sorte d’hypnose, un état de transe à travers lequel, si on écoutait bien, on entendait la vacuité de l’existence. Le fanatique l’avait écouté bien souvent, ce rien. Mais aujourd’hui, la fontaine n’avait pas le temps de délivrer sa leçon. Quelques heures après leur arrivée, un bruit de discussion parvint à l’oreille de Saha’Nyin. De son ascendance elfe, et de sa vie de solitude, il avait gardé une ouïe bien plus fine que celle des humains et entendit les nouveaux arrivants bien avant les autres.

- J’te jure ! Comme j’te l’dis ! En entier ! Pas farouche la gosse ! Et chez l’patron encore !
- Veinard.
- On y a passé la moitié d’la nuitée. Quatre pattes et tout !
- Mais comment ça s’est débrouillé ? Tu la lorgnais encore en bavant y’a pas quatre jours !
- Ah qu’est-ce’tu veux… Jojo la débrouille qu’on m’appelle ! Elles sentent ces choses-là ! Suffit d’y aller sans peur, elles te tombent dans le lit. J’ai réfléchit et je m’suis dit qu’y avait qu’à y faire, j’l’ai vu dans ses yeux.
- N’empêche que je sais pas d’où ça te viens cette paire que tu t’es fait greffé.
- Jaloux va ! Et demain j’y r’met son coup, j’te l’dis.

Ils continuèrent à marcher un instant en silence, chacun ressassant ses pensées. Lorsqu’il arrivèrent en vue du chemin de la source, le badaud reprit :

- Devrait y’avoir mon cousin là-bas. Tu t’rappelles du prix qu’il a mis pour s’te papier le viocque ?
- Ouai c’est bon. Il a aussi parlé des autres breloques, n’oublies pas. Toute cette ferraille ancienne, je vois pas ce qu’on peut bien en faire.
- Eh c’est normal, tant que ça tranche pas d’la viande, toi tu t’en carre hein ?

Un simple marmonnement répondit à la boutade de l’auto-proclamé Jojo. Lorsqu’ils s’engagèrent dans le chemin, Saha’Nyin put enfin les dévisager. Il s’agissait bien du même péquin qui était venu demander conseil quelques jours plus tôt. Apparemment, la première prophétie s’était réalisée. Il avait apparait suivit tous les conseils de l’augure, se munissant d’un large couteau de cuisine, glissé nu à sa ceinture, et d’un compagnon d’arme assez imposant. Jojo avait la carrure alourdie du saisonnier qui emploie tous les muscles de son corps lors des récoltes, et s’empâte le reste du temps. Son surnom semblait indiquer son métier hors de la bonne saison, comme tant d’autres : la débrouille.

Son acolyte, quant à lui, devait bien le dépasser d’une demi-tête. Son large torse et sa masse ventrue étaient surplombée d’une tête imposante et carrée, aux boucles brunes, et malgré des traits grossiers, son visage était empreint d’une vivacité d’esprit qui dénotait avec la stupidité affiché de son ami. Boucher de son état, il avait amené avec lui quelques instruments : tranchoir et croc, le dernier virevoltant dans sa main en d’adroit jets de jongleurs.

Lorsqu’ils arrivèrent en vue de la fontaine, les deux brigands cachés derrière sortirent calmement de l’ombre et virent à eux. Une sympathique embrassade familiale entama les négociations entre les deux parties.

- Cousin ! ça fait bien longtemps, comment va la famille ?
- Ah Cousin ! Bien et toi ? Et la mère, ça va ?

De joyeuses embrassades comme ça, c’est toujours touchant, mais il faut finir par parler affaire dans la vie.

- Bon, tu m’as amené ton expert ? Dit La Tire à Jojo en désignant le garçon boucher.
- Ah non, c’t’un ami qui m’accompagne. A c’qu’on dit, les routes sont pas si sûres ces temps-ci.

Le loubard devint soudainement furibond à cette nouvelle.

- Quoi ? T’as pas amené le viocque ? T’es couillon ou quoi ? Y’a quoi que tu comprends pas dans mes lettres ?
- Bah… j’sais pas lire, t’sais bien, bafouilla l’énergumène. C’est Arah qu’a lu la lettre. Mais j’ai tout dis au vieux, il m’a filé l’allonge pour deux trois bricoles.
- J’aime pas trop qu’on suive pas mes indic’, tu vois, fit le filou s'effaçant de quelques pas.
- Bah on peut négocier hein, j’reviens avec les premiers machins, et on s’arrange pour la suite ?
- Négocier… Négocier… T’as raison, on va s’arranger.

A ces mots, le badaud ne se sent pas de joie. Il ouvre un large bec, et se fait larder le foie. Sans prévenir, le cousin venait de lui planter sa dague dans le flanc.

- Tiens, v’la ton salaire, avorton fini à la pisse !

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 Sujet du message: Re: Les Terres autour de Dehant
MessagePosté: Jeu 3 Nov 2016 16:00 
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En un instant, ce fut la mêlée. Avant que Jojo, passé la surprise, ne se jette au cou de La Tire dans un élan désespéré, le garçon boucher avait saisi la gravité de la situation, et allongeait une avoine de belle facture au docker d’en face. A ce moment, ameuté par le bruit soudain de cet esclandre, le troisième larron s’ébroua et se leva gauchement, se courbant pour saisir sa hachette. Profitant de la position extrêmement vulnérable de sa cible et de son partiel hébétement, tant du à sa sieste qu’à son cerveau lent, Saha’Nyin s’élança de son perchoir et atterrit violemment sur le dos de la brute en plantant sa dague au plus près des cervicales.

Hurlant de douleur en sentant la lame s’enfoncer dans le trapèze qu’il avait charnu, Lardon secoua l’intrus perché sur son dos. Projeté comme un fétus, le semi-elfe ne s’en remis pas moins en un instant sur ses pieds, et s’élança derechef sur son ennemi pour lui décocher un fameux coup de genou dans le sternum en s’agrippant à son arme, toujours plantée dans la chair. La respiration coupée, l’esprit embué de douleur, les réflexes assoupis de bêtise, le balourd n’eut pas le temps de réagir avant que la lame ne fasse un aller-retour dans son cou, découpant tout ce qu’on pouvait y trouver. Ouvrant de grands yeux de bovin comprenant trop tard le but d’un abattoir, il chercha des yeux l’ennemi qui lui avait si facilement retiré le plaisir de vivre. Il ne vit qu’une petite forme bondissante, à peine visible dans le noir épais de cette nuit de forêt. Tenant son cou dans ses deux énormes mains, désormais sans danger, il tenta de crier sa détresse à ses alliés. Il en sortit un meuglement glougloutant de sang et de douleur qui faisait pitié à voir, mais alerta cependant La Tire.

Ce dernier venait de faire la peau à son parent, le trouant à divers endroit de sa carcasse, pendant que les deux brutes s’affrontaient dans une lutte sans merci. Se retournant à l’appel de son compagnon, il discerna dans la pénombre le Lardon au cou lardé, et chercha l’intrus en tenant sa dague fermement. Saha’Nyin s’était réfugié à quelques mètres de la clairière pour le contourner. Le dépassant légèrement, il avisa un moment où le brigand, s’étant tourné vers la bataille entre les deux géants, lui offrait la cible parfaite pour un assassinat. Mais le bruit que firent ses pieds nus sur le tapis de feuille morte, adjoint aux craquements des branches éparses sur le sol, fit se retourner sa cible. Ni une ni deux, le gaillard fit un bond en arrière pour se donner le temps de l’analyse, et aussitôt qu’il avisa la courte lame du semi elfe, d’un blanc brillant dans ce noir, tenta une contre-attaque en estoc. Pris dans son élan, le semi-elfe ne put qu’écarter la lame au dernier instant, la pointe caressant amoureusement sa poitrine.

Ils se faisaient désormais face, les deux lames pointées vers leur partenaire de jeu. L’ambiance sonore était particulièrement fournie. Au doux clapotis de l’eau coulant dans la vasque s’ajoutait le cri noyé du Lardon évincé. A cela venait se superposé les grognements, les jurons, les interjections, les injures et autres joyeuseté qui parsemait la lutte à mains nues de Pénelle avec le boucher, aucun n’ayant eu l’occasion de tirer ses armes. Cependant, rien de ce vacarme ne semblait parvenir jusqu’aux oreilles des duellistes. Ils se jaugeaient à l’aune de l’aisance qu’ils dégageaient. Saha’Nyin, plongé dans le noir, n’était visible qu’à trois choses : ses yeux, deux globes fous roulant dans les airs, ses dents, qu’il découvrait par reflexe en retroussant ses babines à la manière des loups, et sa dague, qui virevoltait, traçant des formes hypnotiques. De l’autre côté se tenait La Tire, ramassé sur lui-même, prêt à bondir, sa lame encore gouttant de sang fermement ancrée dans sa main. C’était une courte lame El-Abhar, épaisse et courbée, faite autant pour l’assassinat que le combat de rue. Il était certes moins impressionnant que ses collègues, mais il émanait de lui une vivacité qui leur faisait cruellement défaut, et faisait de lui leur chef.

Sans crier gare, il s’élança vers la droite, posa fermement son pied, et rebondit dans l’autre sens, échangeant sa lame de main, pour prendre le semi-homme à revers. Malgré l’astuce, ce dernier avait suffisamment de recul pour éviter ce premier assaut, recula lestement pour laisser passer le coup de tranche, et contre-attaqua aussitôt que la lame fut passée. Bien qu’il fut entrainé par son coup, le brigand accueillit le mouvement de Saha’Nyin par un formidable chassé, qui l’atteignit à l’épaule et déséquilibra son mouvement. Il trébucha sur quelques mètres avant de se rétablir. Les positions étaient maintenant inversée, les deux colosses se battant dans le dos du fanatique. Le jeu de lumière permit alors au truand de mieux voir son adversaire. C’était un petit homme à la peau noire comme la terre, aux cheveux noirs comme l’ombre, et au corps asséché. Ses cheveux crasseux étaient rassemblés à l’arrière en une boule informe, découvrant des oreilles légèrement plus grandes que celle d’un homme. Dans sa face intelligente se lisait les traits fins des elfes, bien que sa vie forestière en ait effacé la plupart de la grâce, remplacée par une sauvagerie paisible. Il ressemblait au busard perché sur un gibet qui scrute avec calme sa proie à quelques lieues de là. Il ne portait sur lui qu’une tunique sale, ceinturée d’une corde de lierre et de courtes braies bouffantes serrées en dessous du genou. Ses bras nus découvraient un nombre incalculable de plaies diverses, boursouflures un peu plus claires sur sa peau d’ébène. Seul un bracelet d’or, tintinnabulant de colifichets ornait les branchettes qui lui servait de membre. Le bruit de cet ornement répondait au bruissement des colliers que l’on devinait s’enfoncer sous la tunique.

Sans lui laisser le temps d’en savoir plus, il fondit à son tour sur son ennemi, la lame ramassée contre lui, dansant une gigue mortelle en s’approchant, passant d’un pied à l’autre pour brouiller les pistes, puis lança son bras armé en direction de sa poitrine. L’autre réagit en un instant, passant au-dessous de la lame, et fonçant, tête baissé, vers son adversaire. Dans la violence de l’impact, les deux bellicistes roulèrent à terre, abandonnant leurs armes respectives. Juché sur le semi-elfe, La Tire prit l’avantage en assenant un crochet qui envoya la tête de Saha’Nyin s’écraser dans la boue. Alors qu’il prenait l’élan pour un deuxième coup, le semi-homme rua, le déséquilibrant, et profita d’un flanc découvert pour lui asséner une série de coup vif dans le foie. Déjà douloureux en temps normal, ce coup fut particulièrement réussit en raison de l’habitude que le soudard avait pris de lever le coude un peu plus que ne le voulait la raison. Grognant de douleur, il ne put résister à une dernière ruade, qui permit au fanatique de se dégager en lui lançant un dernier coup dans la mâchoire, mal placé mais suffisant pour finir d’évacuer son opposant. Roulant sur lui-même, il avisa une lame brillant dans le noir, s’en saisit et se retourna, dessinant une demi-lune pour couper court à cette joute.

La Tire avait cependant lui aussi reprit ses esprits, et se tenait ferme, la dague en os dans la main. Les deux lames s’entrechoquèrent avec force, brisant la lame d’os. Choqué par l’impact, sentant la victoire lui échapper, le brigand tenta de s’enfuir avant qu’un autre coup ne lui ôte aussi la vie. Sans prendre le temps de réfléchir plus, Saha’Nyin lui lança la dague, qui l’atteignit en pleine poitrine et le cloua au sol. Salement touché, mais pas mortellement, il se releva péniblement et, titubant, continua sa route vers la forêt. Le fanatique couru vers lui, sauta et lui planta les deux pieds dans le dos, l’un sur la garde de l’arme, l’autre dans la colonne, ce qui fit de nouveau choir le moribond. Toujours sur le dos de son adversaire, il extirpa la lame dans un bruit de succion accompagné du hurlement de l’intéressé qui, se tordant de douleur, se retourna à temps pour voir la lame lui trancher la gorge.

Satisfait, Saha’Nyin se releva, contemplant l’œuvre de sa nouvelle lame, et se prit, à l’endroit même où il avait déjà reçu le premier, ce qui lui parut l’équivalent d’un équicéros lancé à pleine allure concentré en un poing fermé. Le boucher venait d’abattre Pénelle, et, les yeux injectés de rage, venait se jeter sur tout ce qui bougeait encore et n’était pas feu son ami. Se saisissant de la dague que le semi-elfe, projeté à quelques mètres de là, il s’approcha d’un pas lourd et mal assuré vers la forme sombre qui geignait du coup qu’il venait de se prendre.Il était sonné, abimé par son combat. Son nez, tordu, saignait en une rivière rouge qu’il essuyait constamment d’un revers de manche, un œil était pratiquement entièrement mangée par un cocard bleu-noir, ses mains étaient écorchées d’avoir frappé, et son habit était rougi par le sang qui avait jailli lorsqu’il avait fini par éventrer le malabar, après l’avoir assommé de coup quand il avait vu son ami agoniser dans le sang suintant de ses blessures. Sans discnerner quel était ce nouvel ennemi qui venait de tuer le chef de la petite bande, fou de haine, il s’approchait pour l’éviscérer.

Reprenant ses esprits, le fanatique se rendit compte de la bien mauvaise position où il était : sans arme, à terre, sonné, et faisant à peu près la moitié du poids de son adversaire. Il ne lui restait qu’une option, bien qu’elle lui rechigne, lui causant en général une céphalée à terrasser un béhémoth. ( Après tout, vu la migraine que je vais déjà me farcir… ). Il ne lui fallut pas longtemps pour se décider. Juste le temps pour le boucher de se planter fermement devant lui, et pour le fanatique de toucher son bracelet fétiche dans un mouvement pavlovien pour se concentrer.

- Thimoros ! s’écria-t-il, invoquant l’ombre qui l’avait tant protégé dans sa jeunesse cavernicole, avançant sa main dans un dérisoire mouvement de protection.

Une nuée plus noire encore que la nuit qui les entourait sembla sortir de sa bouche ouverte, se précipitant sur son ennemi. L’ombre frappa de plein fouet le visage du colosse, s’insinuant dans tous les orifices, couvrant les yeux, enveloppant la tête. Lorsqu’elle se dissipa, la face du boucher, déformée par la rage, changea petit à petit pour se couvrir du masque de la surprise. Pendant un instant, les deux antagonistes restèrent ainsi, immobiles, l’un, surplombant l’autre, la dague levée, l’autre couché par terre, une main en l’air, attendant avec appréhension l’issue de son sort. Le visage soudain livide, le géant s’écroula sans un son sur Saha’Nyin, l’écrasant de toute sa masse, la dague plantée à quelques centimètres de sa tête.

Soulagé, il se détendit et prêta l’oreille aux alentours. Le boucher exhala son dernier souffle, recrachant une purée noire, Lardon éructait encore des grognements de plus en plus faibles, à présent presque secs du sang qu’il n’avait plus à perdre, et Jojo toussotait du sang, percé de toute part, sifflant comme une vessie de porc qui se dégonfle. Enveloppant tout cela d’une douceur irréelle, la source continuait de couler, crachant sa mélopée liquide. (Quel calme… On est mieux, là, hein ma puce ?) se laissa-t-il l’occasion de penser, avant de s’extraire de sous la masse qui l’enfonçait dans la boue froide.

Le boucher était resté dans une position grotesque, roide comme un i mais le coude levé, la main encore accrochée à la dague plantée dans le sol. La Tire, froid comme l’eau de la source, béait de la bouche et de la gorge, la dague d’os brisée abandonnée à quelques coudées de là. Pénelle offrait un spectacle moins réjouissant, fumant de la chaleur qui s’échappait de ses viscères à l’air, le visage démoli par les poings du boucher. On devinait Lardon couché par terre à plusieurs mètres du massacre, s’agitant en de ridicules soubresaut et glouglou. Il devait lui rester à vivre à peu près autant que Jojo, qui était resté au même endroit depuis le début, couché dans la glaise, les yeux exorbités de surprise, la main posée sur le sac de butin que La Tire avait amené avec lui.

Saha’Nyin s’approcha de lui et se pencha :

- Je vous avais dit que c’était dangereux de venir. Je comprends mieux pourquoi la famille rimait avec la mort. Drôle de cousin que vous aviez là. Enfin, si vous voulez bien me donner ce sac, je suis sûr d’y trouver quelque chose d’intéressant.

Sans répondre, le badaud utilisa ses dernières forces pour tourner la tête vers la besace d’où sortaient quelques breloques brillantes encore ensablées du désert d'où elles provenaient. En fouillant à l’intérieur, Saha’Nyin y découvrit ce qu’il cherchait : un parchemin. Mais s’il avait appris, à force de vivre dans leur entourage, la base du langage écrit des humains, il n’y connaissait rien en elfique, et il fut contraint, contrit, de se rendre compte qu’il n’y comprendrait rien sans aide.

- Et merde ! Je sais ce que tu vas dire, mais je crois que j’aurai du écouter maitre Spin’Taha.

Laissant le charnier aux charognards, il balança la besace sur son épaule,non sans avoir d'abord délesté l'infortuné Jojo de sa bourse, reprit la dague au boucher (si vous me permettez !), alla récupérer les affaires qu’il avait caché dans son arbre, et s’enfonça, cahin-caha, la tête lourde et résonnant de milles cloches, dans la forêt en direction de la montagne.

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 Sujet du message: Re: Les Terres autour de Dehant
MessagePosté: Mar 8 Nov 2016 19:11 
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Obstinément clos, le rideau carmin cachait aux yeux des importuns la scène qui se cachait derrière. Une fine brise de début d’automne l’agitait malgré tout, révélant une partie de campagne en tout point bucolique. A travers les trous dans l’épaisse tenture naturelle, on pouvait deviner une silhouette noire, assise en tailleur sur une natte, un petit bol devant elle et un maigre feu à ses côté. Devant, adossé au tronc, une minuscule forme se laissait aller, paresseusement assise, les jambes étalées devant elle. La maigre silhouette sombre, se leva et s’approcha du paravent parant la vue, et écarta le rideau pour mieux cueillir les feuilles les plus fraiches. Une fois la main remplie de feuillies cuivrée, Saha’Nyin repartit s’assoir devant la poupée qui lui tenait compagnie sous les cheveux de Gaïa.

Sélectionnant les plus abimées de ces feuilles, celles qui ne pourraient sécher d’une bonne façon, il les jeta dans l’eau bouillante de son bol et regarda en souriant sa compagne.

- C’est vraiment dommage que tu ne puisses pas prendre d’infusion. C’est bon les feuilles de Gaïa. Surtout à l’automne.

Il attendit quelque temps, silencieux, en regardant son bol, que l’infusion se fasse, puis en retira les ingrédients, champignons et plantes diverses de la forêt qu’il avait pu récupérer en chemin.

- Où pense tu qu’il puisse être maintenant ? dit-il à l’intention de la poupée. Il reprit après un instant : tu penses vraiment qu’il ne m’aura pas pardonné ? Tu sais, c’est un peu plus compliqué que ce que tu sembles penser, cette histoire. Je te la raconterai en détail un jour. Pour l’instant...

Il se plongea dans une rêverie qui amena le début de la journée et le froid dans son infusion.

- Pourquoi faut-il toujours que j’oublie de boire quand c’est chaud ?

Malgré tout, il se délecta de son breuvage, qui, bien que tiède, était vraiment savoureux. Chargé comme il était d’ingrédient, c’était presque un repas, qu’il compléta en broyant un peu d’écorce de Gaïa dans le fond de son bol en une pâte humectée par le reste de liquide. La forêt était accueillante pour cela. Il pouvait y trouver ce qu’il voulait, petits herbivores, oiseaux, et plantes diverses lui faisait profiter d’un régime riche et goutû. Mais où il allait, il lui fallait maintenant des provisions plus pérennes.

Il entreprit donc de préparer ce qui lui permettrait d’affronter la montagne. Il la connaissait bien, cette chaine de montagne. Il avait passé sa jeunesse à la parcourir, partageant ses cavernes avec les chauves-souris, escaladant ses éboulis à la lueur de la lune, dévalant ses pentes, éblouis par le soleil et poursuivit par une ignoble Arctosa - qu’il savait fort heureusement malhabile à la lumière et sur un terrain meuble -, admirant ses sommets aux glaces éternelles, trop froids pour qu’il s’y aventure, ou surplombant ses vallées majestueuses, résonantes du grondement des torrents à la fonte des neiges.

Voulant profiter de la chaleur de cette journée d’automne, il se dévêtit et se dirigea vers la rivière qui coulait aux pieds des cheveux de Gaïa. Le feuillage rouge de l’arbre éclairait son corps d’un noir miroitant de rouge feu, révélant les creux et les bosses, les courbes et les aspérités de ses muscles saillants sous sa peau tendue. Son corps nu était comme une dague ouvragée, petit, sec et tranchant, mais solide comme l’acier damassé, plein d’une beauté dangereuse et de mystérieuses traces de combats. Il n’avait de charnu que son ventre, qui avait pris un peu d’embonpoint à la suite de la douceur de l’été et des festins qu’il s’était fait de ce qu’il avait trouvé sur son chemin. On sentait chez lui la vigueur du reptile, les gestes tantôt paresseux, tantôt vifs, quoique parfois erratiques, comme si son bras, pris de doute, se décidait à un autre mouvement que celui initialement prévu, puis se ressaisissait et repartait dans le bon sens.

Il entra dans l’eau, nu, les bras hors de l’eau, tendu comme une arbalète le temps que la partie la plus sensible de son anatomie se soit habituée à la fraicheur de la rivière. Ce n’était pas l’eau pure de haute montagne, mais on pouvait tout à fait discerner ses pieds à travers, et les quelques minuscules poissons qui ne se doutaient pas qu’un tel morceau de matière puisse appartenir à un être de chair, fait des mêmes particules qu’eux, simples poussières dans l’univers, éphémères papillons de fluides et de solides, liées par des forces qui dépassaient l’entendement. (La montagne n’est peut-être que le sommet du crâne d’un être qui me dépasse, pensa-t-il).

Tout en contemplant la magnificence des sommets, il se vida les entrailles des déchets qu’elles contenaient, vite attaqués par les mêmes poissons qui ignoraient tout de l’être qui les avaient produits. (Que la montagne est belle, tout juste couvertes de premières neiges.) Elle s’élançait vers le ciel, se drapait les épaules de nuages débordant par les cols, hissait ses sommets au-delà, et écrasait le monde de ses flancs immenses comme ceux de la rombière qui l’avait élevé. En un sens, elle ressemblait bien à ce genre de femmes, fortes et immuables, coiffées d’un coquet bonnet de flanelle dentelée, évoquant leur improbable virginité, et habillée d’une robe de gros lin bruni par le temps et la crasse. Elle nourrissait ses enfants du fluide qui naissait en son sein, et punissait quiconque tentait d’y grimper sans s’y être préparé, et surtout sans son autorisation.

Amusé de sa comparaison, il se plongea dans l’eau et fit quelques brasses à contre-courant, juste assez fort pour rester sur place tout en laissant l’eau couler sur son corps. Il recueillit un peu de sable au fond, avec lequel il se frotta le corps, puis sorti de l’ondée, le corps endormi par le froid. Il profita de sa nudité pour laver ses habits, qu’il portait pratiquement constamment, toujours prêt à bondir, fuir ou combattre, nuit et jour, qu’il soit dans une grotte, un arbre ou un bordel. Une fois toute sa toilette terminée, il regagna le couvert de l’arbre pour se protéger les yeux de la terrible morsure de la lumière et continuer à se préparer.

Cet arbre était d’ailleurs son étape de prédilection. Il adorait y passer la dernière journée avant la rudesse des hauts plateaux, lorsque les arbres se faisaient plus rares, et qu’il fallait trouver une grotte où s’abriter. Là-haut, le vent soufflait un air glacé qui coupait court toute velléité de végétation plus haute que la cheville. Quelques ruminants y paissaient toutefois si on avait de la chance, et on pouvait alors, si nul carnassier ne venait troubler la préparation, festoyer d’un gigot rôti et fumer le reste pour la suite de l’escapade.

A l’occasion, il s’était équipé d’un grand nombre de peaux qu’il avait tiré de ses proies forestières, sauf un hérisson enragé qu’il n’avait pas jugé nécessaire dépecer. Il ne manquait pas à chaque fois de s’étonner de l’étrange pugnacité de cet animal, qui cette fois l’avait attaqué seul, lui plantant au passage quelques épines. C’était toujours perturbant de voir cet animal si petit s’élancer férocement sur la première personne venue, s’enroulant sur lui-même après avoir sauté pour être certain de planter ses poils effilés et drus comme des aiguilles dans la chair de sa victime, jetant une foudre des reflets bleus de ses piquants. Personne n’avait jamais su dire pourquoi ils agissaient comme ça, et se faire assaillir par une bande de ces petites bêtes pouvait à coup sûr faire fuir douloureusement le promeneur non-averti. Cette fois, Saha’Nyin s’en était sorti avec quelques égratignures à la jambe, l’animal n’ayant pu sauter plus haut, et un bon paquet d’épine à se sortir de l’épiderme. Le hérisson avait fini embroché sur la dague, et cuit ainsi quelques dizaines de minutes plus tard.

Ses peaux, principalement de lapins et de marcassins, ayant fini de sécher depuis un moment, il entreprit de s’en coudre un manteau pour affronter le froid d’une fin d’automne en hauteur. Cela lui prendrait certainement la journée, mais après tout, le confort d’un soleil obstrué par le rideau épais du feuillage était particulièrement adapté à ce genre de travaux. Il lui restait de plus à lier ensemble les feuilles de Gaïa ainsi que les quelques papillons de sang qu’il avait pu trouver pour les sécher, réduire en poudre son écorce et la mélanger à la farine de fourmi géante pour s’en faire une galette très nourrissante, se préparer un pesto d’ail des Ours adjoint des diverses noix qui tombaient en cette saison pour tartiner la préparation précédente, bref, toute une cuisine qui lui permettrait de tenir la rudesse de la marche qu’il conservait dans les vessies préalablement purifiées de ses proies.

Tout en s’occupant les mains, il adressait de temps à autre une parole à la poupée, toujours appuyée sur l’arbre, lui racontant quelques souvenir de ses précédents passages dans la montagne, ses nuits à greloter en cherchant de maigres buisson pour faire un feu, s’esclaffant à la pensée du jour où il avait cru voir qu’un animal avait les pattes d’un côté plus courtes que de l’autre, adapté à un seul sens de la pente, et ne pouvant donc faire le tour de la montagne qu’éternellement dans le même sens (Comment se décide le sens, avait-il pensé à l’époque, à la naissance ? Et comment font alors les familles dont les enfants ne vont pas dans le même sens ?). En quelques mots, il profitait dans une joie teintée de nostalgie de la douceur des derniers instants avant le départ.

Son manteau fini, il l’admira : un patchwork de peaux diverses, d’un blanc de neige au brun sombre de l’écorce du chêne, en passant par les indécis tachetés. Le tout était cousu de grossiers fils de végétaux qu’il s’évertuait à fabriquer dès qu’il en avait l’occasion. Il avait par ailleurs aussi souvent que possible une bobine de fil de sa fabrication, ou, lorsqu’il le pouvait, acheté aux marchands du coin. Il profita en outre de ce temps pour réparer ses cache-soleil, une création de son cru : des cercles de bois de rêne taillé, tissé d’un grillage en osier pour obstruer une partie de la lumière. C’était ce qu’il avait trouvé de plus pratique pour pouvoir parcourir le monde à la lumière du jour sans plisser constamment les yeux, ou pire, en les fermant, ce qui l’empêchait bien évidemment de voir le danger arriver, et se fier à son ouïe n’était qu’une solution partielle. Le grillage fini, il fignola sa création en y ajoutant une lanière de cuir assouplie pour l’attacher à sa tête et attacha le tout par-dessous l’écheveau sale qui lui servait de chevelure.

La journée touchait à sa fin, le soleil irradiait d’un jaune qui commençait à se teinter d’orange le versant Ouest de la montagne. En passant à travers le rideau de feuilles rouge, la lumière baignait Saha’Nyin d’une ambiance flamboyante. Une brise annonçant la fraicheur de la nuit vint lui caresser le corps, le rappelant à sa vulnérable nudité. Il frissonna, enfila les habits qu’il avait laissé sécher au soleil et entreprit de rassembler ses affaires.

- Tu vas voir, c’est magnifique ce temple, ma puce. S’il n’y a pas trop de problèmes sur la route, et si elle n’a pas trop changée, on devrait y arriver dans une petite semaine.

Avant de ranger sa natte, il sortit de son sac la petite bourse d’osselet, en choisit quelques-uns, et les jeta dessus.

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Me regarde pas de trop près, ça me gène


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 Sujet du message: Re: Les terres autour de Dehant
MessagePosté: Ven 25 Aoû 2017 20:02 
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C'est une après-midi ensoleillée qui nous souhaite la bienvenue sur ce nouveau territoire, bien différent de ceux que nous avons traversés jusque là. Le paysage est empli de champs soigneusement entretenus et, de ci de là, d'étranges petits êtres dodus et joviaux nous saluent aimablement, quelques humains aussi. Si ces derniers me sont connus, j'observe en revanche avec curiosité ces petites créatures inconnues, remarquant avec un certain amusement qu'ils vont presque toujours pieds nus, petons qu'ils ont par ailleurs fort velus. Nous ne tardons guère à quitter la route principale qui se dirige au sud pour emprunter un chemin plus modeste filant vers de lointaines montagnes se trouvant à l'est de notre position. C'est un puissant massif qui se dresse devant nous, aux pentes recouvertes d'épaisses forêts et aux sommets enneigés. Je ne sais pas trop où Isil nous emmène, en réalité, mais cela m'importe à vrai dire assez peu, à mes yeux tout est découverte sur ce continent et cela me convient parfaitement. Reste que j'espère secrètement qu'elle n'a pas prévu de nous faire grimper jusqu'à ces pics enneigés, je trouve déjà qu'il fait un peu frisquet dans les plaines et je n'ose imaginer la température qui doit régner là-haut...De la neige...j'en ai déjà entendu parler, j'en ai même déjà vu de très loin mais je n'ai qu'une certitude à son propos: c'est froid. Plus froid que les nuits les plus glaciales dans le désert, me suis-je laissé dire, et rien qu'à cette idée je frissonne dans ma pelisse en peau de mouton. Non, décidément je n'ai pas hâte de grelotter et de devenir tout bleu, c'est une teinte que je laisse très volontiers aux Earions.

Les jours passant, nous sous approchons toujours plus des monts et quittons bientôt les paysages champêtres pour nous enfoncer dans les forêts des premiers contreforts, ce qui semble ravir ma compagne pour une raison que je ne cerne pas vraiment. J'imagine qu'elle aime les forêts, d'après ce que je sais de son enfance elle y a grandi et cela lui rappelle peut-être de bons souvenirs. Un jour, alors que nous marchons en silence dans la sylve, nous tombons nez à nez avec un groupe d'êtres qui nous barre le chemin, des êtres si effroyables et terrifiants que j'en perds totalement mon sang-froid et manque de peu choir de ma monture en dégainant mon épée!

Il y a là quatre affreux monstres velus qui se tiennent debout comme des elfes, aux longs museaux canins pourvus de crocs puissants et aux regards si inquiétants que j'en ai des sueurs froides. Anxieux, le visage soudain livide, je jette un coup d'oeil à l'Hinïonne et manque m'étouffer en réalisant qu'elle continue à avancer calmement comme si de rien n'était! Par Zewen, elle n'a donc vraiment peur de rien? Ces bêtes de cauchemar, ces monstres tout droits sortis de contes pour effrayer les enfants récalcitrants vont nous dévorer tout crus! Je saute à bas de ma monture et m'apprête à la rejoindre en courant pour lui prêter main forte avant qu'elle ne se fasse déchiqueter lorsque l'une des quatre horreurs prend soudain la parole d'une voix grave:

"Vous entrez sur les terres des liykors, au-delà de cette route se trouve le village de Jarvron et les Terres Sauvages."

Totalement abasourdi, je me fige net et bégaie pour moi-même en me frottant les yeux dans une vaine tentative de faire disparaître ce que je veux considérer comme un mirage:

"Et en plus ces...choses parlent?! Des...des Liykors? Bons dieux c'est...c'est quoi encore ces bestioles?!"

Je suis sur le point d'appeler Isil pour l'inciter à reculer loin de ces fauves sans doute affamés lorsqu'elle me statufie une nouvelle fois en hochant la tête aussi tranquillement que si elle remerciait Mareg de lui avoir amené une tasse de thé! Pire, elle leur répond paisiblement, comme si c'était normal:

"Jarvron est notre destination."

Bon sang de bon soir, est-elle devenue folle?! Elle ne veut quand même pas nous entraîner dans la tanière de ces monstres? Je...sacrés foutus dieux, mais c'est qu'elle n'a pas l'air de plaisanter! Les monstres s'écartent lentement du passage, à mes yeux ils seraient bien sots de ne pas le faire puisque Isil leur offre bien gentiment d'aller jusque dans leur garde-manger, dégageant dans leurs gestes une impression dérangeante de puissance et de patience. Je manque en avaler ma langue en voyant l'Elfe avancer entre eux, totalement inconsciente du danger, non mais quel scorpion l'a piquée?! Et je fais quoi, juste là, moi?! Je détale à toutes jambes comme mon instinct me hurle de le faire, quitte à la laisser seule dans ce piège mortel? Je déglutis péniblement en jurant tout ce que je sais, je ne peux pas l'abandonner, pas après tout ce qu'elle a fait pour moi. Pâle comme un mort, un noeud douloureux dans le ventre et la gorge serrée, je puise dans mes réserves de courage les plus enfouies et avance d'un pas en sifflant entre mes dents serrées:

"Eh merde, là t'abuses, Isil!"

Le premier pas étant toujours le plus dur, je me glisse anxieusement entre les affreux fauves bipèdes et me presse de rejoindre l'Elfe, prêt à lui asséner sans détour ce que je pense de cette histoire. Mais, à peine arrivé-je à ses côtés qu'elle me lance un regard appuyé d'un petit sourire en coin déstabilisant. Mais c'est qu'elle se moquerait de moi, en plus?! Je lui jette un regard noir et grommelle sombrement:

"Attends un peu qu'on sorte de ce traquenard, toi..."

A peine ai-je prononcé ces mots que j'en réalise l'absurdité, je ferai quoi si on s'en sort vivants? Lui donner la fessée qu'elle mérite? Le désert de Sarnissa se transformera en lac avant que je n'en sois seulement capable, mais imaginer la scène est si cocasse que mon air lugubre vole en éclats et que j'évacue ma nervosité d'un rire si inextinguible que je ne tarde pas à en avoir les larmes aux yeux. Après que j'aie retrouvé un brin de sérieux et essuyé mes yeux, j'adresse un petit sourire de biais à l'Elfe:

"Tâche de ne pas te faire mordre parce que je n'utiliserai pas ta méthode pour te soigner, cette fois..."

Je souligne mes paroles d'un clin d'oeil taquin et tire la langue à Lhyrr qui me lorgne d'un drôle d'air, j'ai eu si peur voilà quelques instants que j'en oublie pour l'heure celle qu'il pourrait m'inspirer en temps normal. Nous poursuivons notre route durant plusieurs heures avant de parvenir en vue d'un petit village entouré d'une palissade, gardée par deux autres de ces créatures inquiétantes, un mâle et une femelle cette fois visiblement. Ils nous observent en penchant la tête de côté, avec un petit air que je n'aime absolument pas, bien qu'en fait ils semblent plus curieux qu'autre chose. Pas plus nerveuse que précédemment, Isil les aborde sans complexe:

"Bonjour. Nous sommes des voyageurs et souhaiterions pénétrer dans votre village. Nous venons armés, mais ces armes resteront dans leurs fourreaux car nous ne vous voulons aucun mal."

Je réprime une petite moue grimaçante à ces mots. J'espère surtout, moi, qu'eux ne nous veulent pas de mal. Parce je vois mal comment nous pourrions leur échapper s'ils décidaient de nous ajouter à leur menu du soir, Isil et Lhyrr sont sans doute de rudes combattants mais c'est loin d'être mon cas et même eux ne pourraient espérer triompher de toute une meute de ces monstres velus. Mais, étrangement, les fauves ne semblent pas vouloir nous grignoter tout de suite et à ma surprise la femelle répond simplement:

"Vos paroles vous lient et vous honorent. Entrez, je vais vous présenter à l’Ancien."

Des images de chef de meute aussi monumental que terrifiant aux crocs ensanglantés me traversent l'esprit, peut-être est-ce comme pour les loups et qu'il doit être le premier à se servir? J'en frémis de la tête aux pieds. Mais comme ma compagne ne paraît pas vouloir revenir à la réalité et filer d'ici pendant que nous le pouvons, elle trouve une fois le plus moyen de me sourire comme si cette idée la réjouissait, force m'est de la suivre jusqu'au lieu de notre sacrifice, la mort dans l'âme.

La femelle nous entraîne à l'intérieur du village et je découvre alors un spectacle stupéfiant, bien loin de l'idée que je m'étais faite de leur tanière que j'imaginais lugubre et parsemée des ossements rongés de nos prédécesseurs. Or c'est un rassemblement de petites huttes tout à fait soignées qui nous accueille, entre lesquelles vaquent du bétail et d'autres prédateurs à deux pattes. Il se dégage de ce spectacle une impression totalement contradictoire avec l'apparence de nos hôtes, une atmosphère incroyablement paisible règne en ce lieu, une normalité si absurde que j'en reste abasourdi et muet durant tout le temps qu'il faut à la femelle pour nous conduire jusqu'à l'une des huttes. Elle frappe trois coups légers contre la porte, qui ne tarde pas à s'ouvrir sur un autre de ces êtres surréalistes. Celui-ci est voûté et un peu décharné, sa fourrure grise a l'aspect d'un vieux manteau de laine mité mais les prunelles jaune pâle qui se posent sur nous sont parmi les plus perçantes que j'aie jamais croisées. Il nous scrute quelques secondes avant de dévoiler ses crocs en un rictus terrifiant qui me fait reculer d'un pas. Ce n'est qu'une seconde plus tard que je réalise que ce doit être un sourire de bienvenue, comme le soulignent ses paroles:

"Par le Père et la Mère, voilà bien longtemps que nous n'avions eu le plaisir d'accueillir des voyageurs! Soyez les bienvenus. Mais entrez, entrez donc, vous devez être épuisés et affamés."

Sur ces mots il s'écarte du passage et nous invite à pénétrer dans sa demeure d'un petit signe de la main, amical par ce que je peux en juger mais comment savoir avec ces êtres si mystérieux? Toujours pas franchement rassuré, je retiens Isil d'une main ferme lorsqu'elle fait mine d'entrer en premier et lui passe devant en murmurant de façon à ce qu'elle seule entende:

"Si un de nous deux doit se faire piéger ce sera moi."

Mais il n'y a aucun piège dans la hutte, juste un petit foyer où crépite une bonne flambée, deux bancs proche du sol joliment sculptés, une petite table ronde tout aussi jolie ainsi qu'un coffre et quelques affaires si banales que je n'en reviens pas. De plus en plus perplexe, doutant de ce que je vois et me demandant obstinément où est le traquenard, je m'écarte et m'installe sur un des bancs lorsque l'Ancien nous y invite. D'un discret signe de la main, j'indique à Isil que je lui laisse la parole, après tout c'est elle qui a voulu venir ici et je ne suis plus vraiment certain d'en comprendre la raison.

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 Sujet du message: Re: Les terres autour de Dehant
MessagePosté: Lun 11 Sep 2017 02:31 
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Il m'entraîne rapidement vers la lisière de la forêt et la désigne d'un geste de la main en me souriant d'un air mystérieux:

"Tu vois cette forêt? Il y a des milliers d'arbres, davantage de buissons encore, alors dis-moi, comment choisirais-tu le bois pour ton arc?"

Perplexe à cette question, j'observe la vaste sylve d'un air dubitatif. Il y a là d'innombrables essences, toutes inconnues en ce qui me concerne, comment saurais-je quel bois employer? Je lui réponds prudemment:

"Je ne sais pas...j'essayerais de trouver une branche bien droite, souple mais solide, je suppose."

"C'est un bon début. Mais il ne suffit pas que le bois soit souple et solide, il faut aussi qu'il dégage de la puissance lorsqu'il se redresse après avoir été courbé. Tiens, essaye de plier cette branche et dis-moi ce que tu en penses."

Le Liykor me désigne une branche d'un diamètre à peine inférieur à celui de mon poignet, se trouvant sur un arbre feuillu dont j'ignore le nom. Je m'emploie à la plier, puis la relâche brusquement.

"C'est...mou. elle se redresse lentement."

Il m'en désigne alors une autre, d'une espèce végétale différente, munie de petites aiguilles, sur laquelle je pratique le même exercice. Contrairement à la première, celle-ci se redresse sèchement, tellement que, surpris par son ressort, je manque de peu me la ramasser en pleine figure:

"Hey! Vous auriez pu me prévenir!"

Géri rit de bon coeur avant de préciser:

"C'est de l'if, l'un des meilleurs bois pour l'archerie. Il existe d'autres essences qui conviennent, mais c'est avec celle-ci que nous allons commencer. Observe bien cet arbre, afin de pouvoir le reconnaître avec certitude, puis choisis une branche et dis-moi pourquoi celle-ci plutôt qu'une autre."

J'examine avec soin le grand arbuste, son écorce, ses aiguilles, la manière dont s'agencent ses branches et l'odeur qui se dégage des aiguilles lorsque je les froisse entre mes doigts. Une fois raisonnablement certain de pouvoir le reconnaître, je cherche la branche qui me semble le plus susceptible de convenir et finis par en désigner une au Bratien:

"J'aime bien celle-ci. Elle est bien droite, assez grosse mais pas trop..."

"Regarde mieux."

Je regarde de tous mes yeux, mais je ne saisis pas le pourquoi de ce conseil, si bien que Géri me désigne une ramification en expliquant:

"Cet embranchement forme ce qu'on appelle un noeud, placé comme il est il se trouvera au centre de l'une des branches de ton arc, là où l'effort sera le plus grand. L'arc se brisera lorsque tu le banderas pour la première fois."

La journée s'écoule au gré des explications de Géri, qui s'avère être un véritable puits de science en matière d'essences végétales. J'apprends à reconnaître à coup sur les principaux bois utiles pour l'archerie et la façon de choisir les morceaux adaptés, ce qui s'avère bien plus complexe que je n'aurais pu l'imaginer. Nous finissons par couper soigneusement une dizaine de branches d'if avant de revenir au village, couverts de résine et de feuilles, de quoi m'exercer pendant quelques jours d'après mon guide.

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Dernière édition par Elladyl le Lun 11 Sep 2017 06:24, édité 3 fois.

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